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Décisions

Cass. com., 20 septembre 2011, n° 10-20.664

COUR DE CASSATION

Arrêt

Rejet

PARTIES

Demandeur :

Kofty Co (Sté)

Défendeur :

Sweet (Sté), La Terrasse (Sté)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Favre

Avocats :

SCP Célice, Blancpain, Soltner, SCP Delaporte, Briard, Trichet

Douai, du 21 avr. 2010

21 avril 2010

LA COUR : - Donne acte à la société Le Kof'ty Co de ce qu'elle se désiste de son pourvoi dirigé à l'encontre de la société Sweet ; - Statuant tant sur le pourvoi principal formé par la société Kof'ty Co que sur le pourvoi incident relevé par la société La Terrasse et M. et Mme X... ; - Sur le moyen unique du pourvoi principal : - Attendu, selon l'arrêt attaqué (Douai, 21 avril 2010), que la société Le Kof'ty Co a acquis, par acte du 30 mars 2005, un fonds de commerce de café, bar, restaurant, salon de thé, vente à emporter, sis 3 et 4 Digue des Alliés à Dunkerque ; que les cédants, M. et Mme X... ont, à compter du 10 mai 2007, confié l'exploitation d'une salle de réception aménagée au premier étage du même immeuble à la société La Terrasse dont ils sont les seuls associés ; que la société Le Kof'ty Co faisant valoir que cette activité avait été créée en violation de la clause de non-concurrence stipulée à l'acte de cession du fonds, et qu'elle subissait des nuisances du fait de l'exploitation de cette salle, a assigné M. et Mme X... ainsi que la société La Terrasse en paiement de dommages-intérêts et aux fins de fermeture de l'établissement ;

Attendu que la société Le Kof'ty Co fait grief à l'arrêt de l'avoir déboutée de sa demande de condamnation de la société La Terrasse, solidairement avec les époux X..., à lui payer des dommages-intérêts pour concurrence déloyale et de sa demande de fermeture du fonds exploité par la société La Terrasse alors, selon le moyen : 1°) que si l'obligation est de ne pas faire, celui qui y contrevient doit des dommages-intérêts par le seul fait de la contravention et la clause de non-concurrence figurant dans l'acte de vente d'un fonds de commerce met à la charge du cédant une obligation de non-concurrence qui est une obligation de résultat ; que les conventions doivent être exécutées de bonne foi ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a constaté que la société La Terrasse avait déclaré une activité de location de salle, traiteur, brasserie et ne l'avait réduite à la location de salle que le 9 septembre 2008, postérieurement à l'assignation délivrée par la société Kof'ti Co cessionnaire d'un fonds de café, brasserie, bar, salon de thé, vente à emporter de crêpes, gaufres et friterie qui se plaignait de la violation de la clause de l'acte de cession du fonds de commerce interdisant aux cédants "d'exploiter, diriger, directement ou indirectement, aucun fonds de commerce similaire en tout ou en partie à celui vendu" ; d'où il suit qu'en déboutant la société Kof'ty Co de son action indemnitaire lorsqu'il résultait de ses propres constatations que les cédants avaient déclaré exploiter une activité de brasserie prohibée par la clause de non-concurrence et n'avaient mis fin, en apparence, à cette situation que sur l'assignation du cessionnaire, manquant ainsi à la bonne foi, la cour d'appel n'a pas tiré de ses propres constatations les conséquences légales qui en découlaient, en violation des articles 1134, 1145 et 1147 du Code civil ; 2°) que la cour d'appel, qui constate que les cédants avaient exercé une activité prohibée par la clause de non-concurrence à laquelle ils n'avaient mis fin qu'en septembre 2008, soit trois ans après la vente, et qui s'abstient de se prononcer sur ces faits de concurrence illicite et sur le préjudice en ayant résulté, prive sa décision de base légale au regard des articles 1134, 1145 et 1147 du Code civil ; 3°) que si l'obligation est de ne pas faire, celui qui y contrevient doit des dommages-intérêts par le seul fait de la contravention ; que, en l'état d'une clause de non-concurrence stipulée dans l'acte de vente de fonds de commerce, la cour d'appel qui, pour rejeter l'action indemnitaire du cessionnaire contre le cédant ayant repris une activité directement concurrente (brasserie-traiteur, location de salle) à celle exercée dans le fonds cédé, retient que le cessionnaire n'établit pas que sa clientèle l'aurait délaissé ou qu'il aurait subi une perte d'activité, a violé l'article 1145 du Code civil ; 4°) que la clause de non concurrence stipulée dans l'acte de vente de fonds de commerce de café, brasserie, bar, salon de thé, vente à emporter de crêpes, gaufres et friterie interdisait aux cédants "d'exploiter, diriger, directement ou indirectement, aucun fonds de commerce similaire en tout ou en partie à celui vendu" ; que la cour d'appel, pour rejeter l'action fondée sur la méconnaissance de la clause de non-concurrence, relève que le cessionnaire ne démontre pas que l'activité de location de salle exercée par les cédants n'offre pas à la clientèle les mêmes services que le fonds cédé et que le fait que la clientèle visé par les cédants soit potentiellement la même est impropre à caractériser la concurrence déloyale, la société Le Kof'ty Co ne démontrant pas qu'elle organisait elle-même des repas de famille ou d'affaires dans les mêmes conditions que celles offertes par la société La Terrasse ; qu'en rejetant l'action, faute par le cessionnaire d'établir qu'il existait une identité entre les activités du cédant et du cessionnaire lorsque la clause interdisait aux cédants d'exploiter, pendant cinq ans, un fonds de commerce similaire en tout ou partie aux fonds cédé, la cour d'appel, qui a relevé que le fait que la clientèle des deux fonds soit potentiellement la même était inopérant pour caractériser la concurrence déloyale, sans rechercher si l'activité reprise par les cédants à l'étage au-dessus de celui où était situé le fonds cédé ne constituait pas l'exploitation d'un fonds de commerce similaire en violation de la clause de non-concurrence, a privé de base légale sa décision au regard des articles 1145 et 1134 du Code civil ;

Mais attendu, en premier lieu, que la violation d'une clause de non-concurrence devant s'apprécier au regard de l'activité effectivement exercée, la cour d'appel qui a seulement constaté que lors de son inscription le 10 mai 1987 au registre du commerce, la société La Terrasse avait déclaré qu'elle exerçait une activité de " location de salle, traiteur, brasserie " et qu'elle l'avait modifiée le 9 septembre 2008 pour la réduire à celle de " location de salle ", a pu statuer comme elle a fait ;

Attendu, en second lieu, que l'arrêt relève que la société La Terrasse louait, à l'avance, la salle du premier étage de l'immeuble sis 3 et 4 Digue des alliés à des particuliers ou à des entreprises qui faisaient leur affaire personnelle de la fourniture des repas et des boissons dans le cadre de fêtes, réunions ou soirées de caractère privé ; qu'il retient encore que la société Le Kof'ty Co, qui exploite un débit de boissons, salon de thé, restaurant permettant au public de consommer sur place, ne démontre pas qu'elle organisait elle-même des repas de famille ou d'affaires dans les mêmes conditions ; que la cour d'appel qui ne s'est pas déterminée au regard de l'absence de preuve d'un préjudice pour le cessionnaire, a pu déduire de ces constatations et appréciations que la société Le Kof'ty Co ne justifiait pas de ce que les activités exercées par la société La Terrasse contrevenaient à l'obligation de non-concurrence souscrite par les cédants du fonds de commerce ; qu'ainsi elle a légalement justifié sa décision ; D'où il suit que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches ;

Et attendu que le moyen unique du pourvoi incident n'est pas de nature à permettre l'admission du pourvoi ;

Par ces motifs : Rejette les pourvois principal et incident.