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Décisions

CA Paris, Pôle 5 ch. 8, 25 octobre 2011, n° 10-24023

PARIS

Arrêt

PARTIES

Demandeur :

Berty

Défendeur :

Crédit Industriel et Commercial (SA), Fruits et Passion Europe Inc. (Sté)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Delbes

Conseillers :

MM. Boyer, Picque

Avoués :

SCP Ribaut, SCP Grappotte Benetreau, Pelit Jumel, Me Teytaud

Avocats :

Mes Nevot, Constant, Boulbin

TGI Paris, 9e ch., du 20 oct. 2010

20 octobre 2010

La SARL Fruits & Passion France, créée le 8 juillet 2008 par Mme Catherine Bonsch, fille de M. Paul Berty, a conclu le 11 juillet suivant un contrat dit de " master franchise " avec la société de droit canadien Fruits & Passions Europe Inc., aux termes duquel elle s'engageait à distribuer en France, au travers d'un réseau de sous-franchisés à créer, des produits du donneur de licence.

Le contrat de " master franchise " comportait, notamment, l'obligation pour Fruits & Passion France de payer un droit d'entrée non remboursable de 500 000 euro.

La banque SNVB, aux droits de laquelle vient désormais la société Crédit Industriel et Commercial (le CIC dans la suite de la décision), a accordé divers concours à la société Fruits & Passion France, Paul Berty s'étant porté caution solidaire pour certains d'entre eux.

La SARL a été placée en liquidation judiciaire par jugement en date du 18 décembre 2007 et le CIC a déclaré sa créance entre les mains de la Selafa MJA, mandataires judiciaires, par lettre recommandée avec avis de réception du 24 janvier 2008 pour des montants de :

- 417 235,89 euro à titre chirographaire,

- 33 266 euro à titre privilégié.

Le CIC a reçu des paiements partiels à la suite de la mise en œuvre de garanties extérieures, notamment des nantissements de contrats d'assurances vie souscrits par Mme Bonsch, décédée le 28 décembre 2007, et a finalement mis en demeure M. Berty, par courrier du 28 janvier 2008, de lui régler la somme de 264 712,43 euro, dont la plus grande part correspond au solde impayé (218 290,06 euro) d'une lettre de crédit stand-by n°2003-299 accordée au bénéfice de Fruits & Passion Europe pour un montant de 300 000 euro.

Après discussions entre les parties et demande de précisions formulées par M. Berty sur la nature des engagements de caution qui lui étaient opposés, le CIC a ramené sa réclamation à la somme de 200 000 euro et invoqué un engagement de caution au profit de la banque SNVB suivant acte sous seing privé du 12 août 2003 ainsi libellé " Cautionnement solidaire à la garantie de l'ensemble des engagements du client cautionné ", d'un montant de 200 000 euro.

M. Berty a refusé de payer cette somme.

C'est dans ces conditions que le CIC a fait assigner devant le Tribunal de grande instance de Paris par acte en date du 26 mai 2008 M. Paul Berty afin de le voir condamner au paiement de cette somme, outre les intérêts au taux légal à compter du 28 janvier 2008, et celle de 2 500 euro sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile.

Par assignation en intervention forcée du 2 mars 2009, M. Paul Berty a fait assigner la société Fruits & Passion Europe Inc. en garantie.

Par jugement du 20 octobre 2010, la 9e chambre du Tribunal de grande instance de Paris a condamné Paul Berty à payer au CIC la somme de 200 000 euro, avec intérêts aux taux légal à compter du 26 janvier 2008, l'a débouté de ses demandes dirigées contre la société Fruits & Passions Europe Inc., a ordonné l'exécution provisoire et condamné le défendeur principal à payer la somme de 2 000 euro à chacune des autres parties.

Par déclaration du 29 novembre 2010, M. Paul Berty a interjeté appel de cette décision.

Dans ses dernières écritures du 1er septembre 2011, Paul Berty demande à la cour de dire et juger :

- que l'engagement de caution souscrit le 12 août 2003 avait pour seul objet de garantir un prêt de 200 000 euro consenti par la SNVB à la société Fruits & Passion France, lequel a été remboursé par le biais d'une assurance-vie souscrite par sa fille, de sorte que l'action engagée au titre de ce cautionnement est mal fondée,

- en tout état de cause et subsidiairement, que la lettre de crédit stand-by du 1er janvier 2005 était caduque au 31 décembre 2005, et ne peut dès lors fonder une demande en paiement au titre du cautionnement,

- que la lettre d'information à la caution ne faisant aucune référence à cette lettre de crédit, le CIC qui a engagé sa responsabilité envers la caution se trouve privé de recours contre elle,

- que l'établissement financier a en outre engagé sa responsabilité en ayant émis une lettre de crédit en 2007, soit à une date à laquelle la société cautionnée se trouvait déjà en cessation des paiements,

- et, dans l'hypothèse où il serait fait droit à la demande du CIC, de retenir la responsabilité délictuelle de la société Fruits & Passion Inc. à raison de graves manquements dans l'exécution du contrat qui la liait à la société cautionnée, et de la condamner, par conséquent, à le garantir de toute condamnation prononcée à son encontre.

M. Berty sollicite enfin la condamnation du CIC et de la société Fruits & passion Inc. à lui payer, chacun, une somme de 10 000 euro sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile.

Dans ses conclusions signifiées le 7 septembre 2011, le CIC demande à la cour de débouter M. Betty de ses demandes et de confirmer le jugement entrepris, y ajoutant, de prononcer la capitalisation des intérêts conformément aux dispositions de l'article 1154 du Code civil, et de condamner l'appelant au paiement d'une somme de 10 000 euro au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.

Dans ses dernières écritures du 3 mai 2011, la société Fruits & Passion Inc. demande à la cour, de déclarer irrecevable la demande de M. Berty, tiers au contrat, en ce qu'elle serait fondée sur un vice du consentement, fait valoir à titre subsidiaire, que la loi applicable au contrat est la loi de la Province du Québec, et conteste tout manquement à ses obligations d'information pré-contractuelle. Elle conteste, par ailleurs, tout manquement à son obligation d'exécution du contrat de bonne foi et sollicite la confirmation du jugement entrepris et la condamnation de M. Berty à lui payer la somme de 10 000 euro sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile.

Sur ce

Sur l'engagement de caution souscrit le 12 août 2003

M. Berty invoque, pour contester la portée de l'engagement souscrit le 12 août 2003, une offre de prêt faite le 4 juillet précédent par la SNVB à la société Fruits & Passion France, laquelle prévoyait alors un concours de 500 000 euro avec des déblocages de fonds échelonnés sur quatre ans, le premier d'un montant de 200 000 " début août 2003 ", garanti par un cautionnement solidaire à hauteur du montant total du prêt et une délégation de police d'assurance-vie sur la tête de Mme Bonsch à hauteur de la même somme, et soutient qu'il était porté à croire que l' engagement de caution signé le 12 août 2003 n'était destiné qu'à garantir ce prêt de 200 000 euro.

Il ne conteste plus cependant, en dépit de diverses observations sans incidence sur les termes du litige relativement à certaines incohérences de date ayant pu affecter les références des créances déclarées par le CIC au passif de la société Fruits & Passion France, que quatre prêts ont été en définitive consentis par la banque SNVB à la SARL, ainsi garantis :

- le 13 août 2003, un prêt d'un montant de 35 000 euro, à ce jour entièrement remboursé à la suite de la mise en jeu de l'assurance groupe souscrite par Mme Bonsh,

- le 2 septembre 2003, un prêt d'un montant de 200 000 euro, garanti à cette hauteur par une délégation d'assurance- vie au nom de Mme Bonsch, à ce jour entièrement remboursé,

- le 10 décembre 2004, un prêt d'un montant de 50 000 euro, accompagné d'une délégation d'assurance-vie consentie par Mme Bonsch à concurrence de cette somme, et du nantissement d'un contrat d'assurance-vie Socapi souscrit par M. Berty, ultérieurement complété par un engagement de caution de ce dernier, ce prêt étant à ce jour remboursé,

- le 22 novembre 2005, un prêt de 100 000 euro, assorti d'un engagement de cautionnement solidaire de M. Berty, mais entièrement remboursé par la mise en œuvre de l'assurance emprunteur souscrite lors de sa conclusion.

Le CIC verse par ailleurs aux débats l'acte en litige, libellé " Cautionnement solidaire à la garantie de l'ensemble des engagements du client cautionné ", d'un montant en principal de 200 000 euro, signé par M. Paul Berty le 12 août 2003, qui précise, s'agissant des obligations garanties, qu'il s'applique " au paiement ou au remboursement de toutes sommes que le Cautionné peut à ce jour ou pourra devoir à l'avenir à la Banque, en toute monnaie, chez l'un quelconque de ses sièges, en principal, intérêts, commissions, frais et accessoires, à raison de tous engagements, de toutes opérations et, d'une façon générale, de toutes obligations nées directement ou indirectement pour quelque cause que ce soit ", citant ensuite, parmi d'autres, " toutes obligations résultant de tous crédits par caisse ou par signature, du solde exigible en faveur de la Banque de tout compte courant ouvert au nom du cautionné, des opérations de Bourse traitées par lui, de tous chèques, billets ou effets comportant sa signature à quelque titre que ce soit ".

C'est à juste titre que les premiers juges ont rappelé que, par application de l'article 1156 du Code civil, les clauses claires et précises des conventions ne s'interprètent pas, étant de surcroît relevé que ce cautionnement ne fait référence à aucun contrat de prêt, de sorte que sa teneur ne laisse place à aucune équivoque.

C'est en vain que M. Berty invoque à cet égard l'avenant que la banque lui a fait souscrire à la même date " de mise en gage d'un contrat d'assurance vie " en soulignant qu'il y était fait référence à un " n° du contrat de prêt ou de l'ouverture de crédit ", suivi de la mention " contracté le 12 08 2003 ", alors qu'il résulte des pièces versées aux débats que le numéro porté en référence (071888143U) ne renvoie nullement au prêt de 200 000 euro, qui ne sera au demeurant consenti, et avec d'autres garanties, que le 2 septembre suivant, mais au numéro de compte bancaire professionnel de la SARL cautionnée, ce qui ne pouvait que confirmer de plus fort que le cautionnement souscrit était " toutes dettes ", comme cela résultait des termes mêmes de l'acte signé.

Il en résulte que M. Berty s'est engagé, à hauteur de la somme de 200 000 euro, à raison de toutes sommes que la SARL Fruits & Passions devrait à la banque.

Sur la lettre de crédit stand-by

M. Berty conteste la validité de la lettre de crédit stand-by sur la foi de laquelle le déblocage des fonds est intervenu pour conclure à l'inopposabilité de son engagement de caution.

La créance déclarée au passif de la SARL Fruits & Passion France par le CIC le 24 janvier 2008, à hauteur d'une somme de 218 290,06 euro à titre chirographaire, correspondant au solde débiteur d'un compte à raison d'une lettre de crédit stand-by 2003/299.

Il est constant qu'une demande d'émission de lettre de crédit stand-by, qui correspond à une modalité particulière de crédit documentaire, habituellement destinée à garantir le paiement de marchandises à première demande, a été signée par la gérante de Fruits & Passion France au bénéfice de la SARL Fruits & Passion Europe le 3 janvier 2005, à hauteur d'une somme de 300 000 euro, et que cette garantie a été mise en œuvre, à l'initiative de son bénéficiaire, le 22 novembre 2007, comme cela résulte du relevé de compte bancaire de la SARL Fruits &Passion France versé aux débats.

M. Berty tire cependant argument de la date de validité mentionnée sur la demande initiale, soit le 31 décembre 2005, pour soutenir qu'à sa date de réalisation le crédit documentaire serait devenu caduc, et que faute pour le CIC de rapporter la preuve qu'il aurait été renouvelé, le paiement effectué le 22 novembre 2007 ne saurait lui être régulièrement rattaché.

Il est vrai, comme l'observe l'appelant, que figure en marge du document interne produit par le CIC, daté du 13 décembre 2006, faisant état d'une modification " conforme aux instructions " reçues de la SARL Fruits & Passion France, la mention " Inoperative Coppy " pour " copie non officielle ", de sorte que cette pièce ne suffirait pas, à elle seule, à établir le renouvellement du crédit documentaire. Mais la société Fruits & Passion Europe Inc. verse aux débats la copie du courrier qui a été adressé le lendemain, 14 décembre 2006, par le CIC à la SARL Fruits & Passion France, ayant pour objet la lettre de crédit stand-by, identifiant le donneur d'ordre, le bénéficiaire, la banque notificatrice et le montant garanti - la même somme de 300 000 euro -, accompagné d'un message destiné à l'établissement teneur de compte, comportant une date de prise d'effet au 5 janvier 2006 sans indiquer d'autre date que celle du 6 décembre 2013, de sorte qu'il en résulte que la lettre de crédit stand-by avait bien été renouvelée et que la garantie de paiement courait sur toute cette période.

Est également versé aux débats le courrier du CIC notifiant à la SARL Fruits & Passion France, le 22 novembre 2007, la réalisation du crédit documentaire, lequel ne paraît avoir suscité aucune réserve ni observation de sa gérante, ou, compte tenu de l'état de santé de cette dernière à cette date, de toute autre personne alors chargée de la suppléer.

C'est dès lors à bon droit que les premiers juges ont relevé que la créance du CIC sur M. Berty au titre de son engagement de caution du 12 août 2008 n'était contestable ni en nature ni en montant, à hauteur de la somme garantie, les observations de M. Berty sur les pourparlers qui ont pu avoir lieu entre Mme Bosch et la société Fruits & Passions Europe Inc. au mois de novembre 2007 vue de la régularisation d'un protocole transactionnel, lequel évoquait " l'engagement " de la première " à faciliter et permettre la réalisation et l'encaissement par le Fournisseur du Crédit documentaire ", n'étant pas de nature à remettre en cause l'existence ou la validité de la lettre de crédit stand-by qui a déterminé le déblocage des fonds garantis.

C'est vainement que l'appelant recherche la responsabilité de la banque en lui faisant reproche d'avoir mis en œuvre la lettre de crédit stand-by à une date à laquelle la SARL Fruits & Passion France n'était plus en mesure de faire face à ses échéances, alors que cette dernière a été souscrite le 3 janvier 2005 - soit près de trois ans avant le prononcé de la liquidation judiciaire -, qu'elle faisait manifestement partie des garanties exigées par le fournisseur eu égard à l'économie générale de la master-franchise, comme l'atteste un précédent crédit documentaire d'un moindre montant souscrit dès le 13 avril 2004, et qu'il ne démontre nullement que la banque aurait eu connaissance, le 3 janvier 2005 ou à la date à laquelle cette lettre de crédit stand-by a été renouvelée, d'une situation irrémédiablement compromise du donneur d'ordre, étant de surcroît relevé que l'engagement du banquier envers le bénéficiaire du crédit documentaire était irrévocable.

Enfin, M. Paul Berty ne saurait tirer argument du caractère, selon lui, incomplet de la lettre d'information annuelle à la caution, laquelle faisait apparaître, en 2006, un solde créditeur du compte bancaire sur lequel la lettre de crédit stand-by était susceptible d'être tirée, et ne comportait en 2007 aucune information spécifique à cette dernière, le CIC faisant justement valoir qu'aucun débit ne pouvait apparaître en compte avant que la lettre stand-by ne soit appelée et mise en œuvre, étant observé de surcroît que le cautionnement souscrit par l'appelant n'était pas spécifiquement attaché à la lettre de crédit stand-by mais était " toutes dettes ", le non-respect des dispositions de l'article L. 313-22 du Code monétaire et financier n'étant, au demeurant, pas autrement sanctionné que par la déchéance du droit aux intérêts.

Aussi, les prétentions de M. Berty seront-elles rejetées et le jugement confirmé en ce qu'il a condamné M. Berty à payer au CIC la somme de 200 000 euro, avec intérêts aux taux légal à compter de la date de mise en demeure, soit le 26 janvier 2008.

C'est à juste titre en revanche que M. Berty, qui a exécuté cette condamnation, relève que la demande de capitalisation des intérêts n'a été présentée par le CIC que par conclusions signifiées le 19 mai 2011, soit après paiement, de sorte que l'article 1154 du Code civil ne trouve pas à s'appliquer, le point de départ de la capitalisation des intérêts ne pouvant être antérieur à la demande de capitalisation.

Sur la demande en garantie dirigée contre la société Fruits & Passion Europe Inc.

M. Berty recherche la responsabilité délictuelle de la société Fruits & Passions Europe Inc. en invoquant le préjudice résultant pour lui, d'une part, des manquements du franchiseur canadien à l'obligation d'information pré-contractuelle de son partenaire, d'autre part, d'un manquement à son obligation d'exécuter le contrat de bonne foi.

Sur le manquement à l'obligation d'information précontractuelle

M. Berty invoque les dispositions de l'article 330-3 du Code du commerce, issues de la loi du 31 décembre 1989, dite " loi Doubin ", en soutenant, d'une part, que le délai de communication du document d'information pré-contractuelle fixé par ce texte à un minimum de vingt jours avant la signature du contrat n'a pas été respecté, d'autre part, que le contenu du document d'information communiqué ne satisfaisait pas aux exigences légales.

C'est vainement que la société Fruits & Passion Europe Inc. soutient, à titre principal, que l'appelant serait irrecevable à invoquer un vice du consentement de sa fille, résultant d'un éventuel manquement à l'obligation d'information précontractuelle, au motif que cette exception purement personnelle ne peut être invoquée que par celui qui a été partie au contrat, alors qu'un tiers au contrat peut invoquer, sur le fondement de la responsabilité délictuelle, un manquement contractuel dès lors que ce dernier, qui peut résulter, le cas échéant, d'une méconnaissance des obligations légales qui régissent l'information préalable à la formation du contrat, lui a causé un dommage.

La société Fruits & Passion Europe Inc. oppose encore à M. Berty la loi désignée au contrat de licence, en son article 20.2, à savoir " les lois de la Province du Québec " pour écarter l'application de la disposition invoquée, tandis que ce dernier soutient que l'article 330-3 du Code du commerce constitue une loi de police économique qui s'impose à tout franchiseur souhaitant développer un réseau de franchise en France.

Il sera relevé sur ce point :

- que la disposition litigieuse a pour vocation de protéger les opérateurs économiques qui souscrivent un engagement d'exclusivité ou de quasi-exclusivité à l'égard de celui qui met à leur disposition un nom commercial, une marque ou une enseigne, dans des conditions de concurrence égale pour tous et non faussée,

- que sa méconnaissance est pénalement sanctionnée d'une amende contraventionnelle de la cinquième classe prévue par l'article R. 330-2 du Code de commerce, de sorte que par application de l'article 113-2 du Code pénal cette disposition pénale serait applicable à un franchiseur donneur de licence établi à l'étranger dès lors qu'un des éléments constitutifs de l'infraction serait commis sur le territoire français,

- que la nature pénale de la sanction que les pouvoirs publics ont souhaité attacher à la méconnaissance de l'article 330-3 du Code du commerce atteste que le respect de cette disposition est jugé crucial pour la sauvegarde des intérêts publics, et en tout cas de l'intérêt public économique,

- qu'au sein de l'Union européenne, la loi belge relative à l'information précontractuelle dans le cadre d'accords de partenariat commercial du 19 décembre 2005 a explicitement conféré le caractère de loi de police aux dispositions qu'elle comporte, très proches à cet égard, de celles de l'article 330-3 du Code de commerce,

- qu'au demeurant l'annexe 9 du contrat de licence fait explicitement référence au délai " des 20 jours minimum prescrits par la loi Doubin ".

Il résulte, dès lors, des objectifs de la loi, du droit comparé et de la pratique même de Fruits & Passion Europe Inc., que les dispositions de l'article 330-3 du Code de commerce ne caractérisent pas seulement une loi de protection, mais que, procédant de l'ordre public économique de direction, elles constituent une loi de police applicable au contrat conclu avec une société française en vue de la création et du développement en France d'un réseau de franchise, sous licence étrangère, nonobstant la désignation par les parties de la loi québecquoise comme loi du contrat.

Les moyens tirés du non-respect du délai minimun de 20 jours prévu par l'article 330-3 du Code de commerce et du caractère incomplet du document d'information précontractuelle seront cependant rejetés en l'état de la clause signée par Mme Bosch qui figure à l'annexe 9 du contrat de licence et qui stipule " Ces documents ayant été remis au Candidat-Titulaire de Licence maîtresse bien avant les 20 jours minimum prescrits par la loi Doubin, le Candidat-Titulaire de Licence maîtresse et son dirigeant affirment et reconnaissent avoir eu recours à des conseillers financiers et légaux indépendants et compétents afin de s'assurer qu'ils ont bien compris toutes et chacune de leurs obligations stipulées à l'ensemble desdits documents ; ils déclarent de plus qu'ils ont eu l'opportunité de négocier et de discuter avec Fruits & Passion des stipulations qui y sont incluses et qu'ils ont reçu toutes les explications raisonnablement requises sur le teneur de leurs obligations ".

C'est à tort que M. Berty soutient, en l'état d'une telle clause, que la société Fruits & Passion Europe Inc. aurait dû faire signer spécialement un accusé de réception lors de la communication à Mme Bonsch des documents d'information pré-contractuelle, seul de nature à faire foi, alors qu'un tel formalisme n'est pas exigé par l'article L. 330-3 du Code de commerce, que le contrat de franchise a été conclu entre deux professionnels et que sa fille était nécessairement, à la date du contrat, un professionnel averti, comme l'ont relevé les premiers juges en soulignant qu'elle avait créé en 2002 le premier réseau de franchise de commerce de parfumerie et avait été présentée par un organe de la presse spécialisée (le magazine Franchise Manager) comme ayant connu une brillante réussite dans ce secteur.

Enfin, s'agissant du contenu des documents d'information précontactuelle, le dossier communiqué à Mme Catherine Bonsch, de plus de 200 pages, comportait une information détaillée sur plus de 73 pages relativement à l'état du marché national et ses perspectives de développement, et des informations financières accompagnées des comptes annuels au 31 août 2002, sans que M. Berty puisse se faire un grief de ce que ces derniers aient été communiqués sans attendre leur approbation par les commissaires aux comptes dès lors qu'aucune équivoque n'était entretenue sur ce point. Enfin, contrairement aux allégations de M. Berty, le franchiseur n'a nullement dissimulé que la marque manquait encore de notoriété en France et qu'un de ses franchisés établis sur le territoire national avait cessé son activité en décembre 2002.

En cet état, et faute de manquement caractérisé à l'obligation d'information pré-contractuelle, telle qu'elle résulte des article 330-3, pris ensemble l'article R. 330-1 du Code de commerce, de nature à vicier le consentement de la société cautionnée, titulaire de la licence, laquelle était dirigée de surcroît par une professionnelle avertie, M. Berty ne saurait rechercher la responsabilité du donneur de licence à ce titre.

Sur le manquement à l'obligation d'exécution de bonne foi

Dans ses dernières conclusions d'appel, M. Berty invoque, à ce titre, les dispositions de l'article 1375 du Code civil du Québec qui dispose que " la bonne foi doit gouverner la conduite des parties, tant au moment de l'obligation que de celui de son exécution ou de son extinction " et articule quatre griefs distincts.

Le premier qui concerne le droit d'entrée, à hauteur d'une somme de 500 000 euro, trop élevé au regard de la faible notoriété de la marque en France et de l'économie générale du contrat de franchise sera rejeté, Mme Catherine Bonsch ayant été mise en mesure d'apprécier, en sa qualité de professionnelle avertie, nécessairement entourée de conseils avant de s'engager dans une opération commerciale de cette nature, le risque pris. Il n'est pas contesté au demeurant que ce droit d'entrée correspondait à un potentiel de 50 boutiques à hauteur d'une somme de 10 000 euro par boutique, Mme Bonsch, qui avait fixé un droit d'entrée de 15 000 euro pour chacun des sous-franchisés ayant précisé, dans un article de presse, qu'elle escomptait atteindre cet objectif en 2010. Le seul fait que ce dernier n'ait pas été atteint ne caractérise pas à lui seul un déséquilibre du contrat d'où résulterait un manquement à l'obligation d'exécution de bonne foi.

Le deuxième grief tient au refus allégué du franchiseur de renégocier les termes du contrat alors que la situation du titulaire de licence était très compromise, compte tenu notamment de la fixation des prix pratiqués et de la faible marge dégagée.

La société Fruits & Passion fait valoir sur ce point, sans être contredite, que le prix de vente des produits ont été fixés avec un positionnement de prix inférieur de 10 % à ceux pratiqués par la concurrence, qu'elle a, à deux reprises, augmenté à la demande du titulaire de licence, et à prix d'achat constant, les prix de vente au détail de 5 %, de sorte que la marge de ce dernier s'en est trouvée augmentée, et que, s'agissant des nouveaux produits ou nouvelles gammes de produits lancés en France, elle communiquait à la société Fruits & Passion France une proposition de prix, cette dernière disposant alors d'un droit de veto lui permettant de fixer elle-même son prix de vente.

La cour relève encore que si les documents versés aux débats attestent les difficultés rencontrées par le titulaire de licence, en particulier à partir de l'année 2006, date à laquelle la société française avait envisagé une cession, le document interne élaboré à cette occasion n'évoque, au titre des " points faibles ", " les marges concédées délicates pour des emplacements n° 1 " que comme un élément parmi trente-sept autres, et que les discussions commerciales entre partenaires n'ont jamais cessé jusqu'à la finalisation d'un protocole d'accord le 26 novembre 2007.

Aussi, M. Berty, qui manque à établir un abus dans la fixation des prix, ou le caractère non-concurrentiel ou discriminatoire à l'égard de la société Fruits & Passion France des prix déterminés à l'avance, ne saurait-il reprocher à faute à la société Fruits & Passion Europe Inc. un manquement à son obligation de bonne foi pour ne pas avoir renégocié l'économie générale du contrat.

S'agissant des troisième et quatrième griefs, relatifs au blocage des livraisons pour non-paiement des factures et à la mise en œuvre de la lettre de crédit stand-by, la société Fruits & Passion Europe Inc. justifie, par la productions de courriers électroniques, des démarches entreprises auprès de la société Fruit & Passion France afin de connaître les intentions des dirigeants français avant de suspendre les livraisons, ces dernières ayant été suspendues de manière non fautive au titre de l'exception d'inexécution. Dans ce contexte, il ne saurait pas plus lui être reproché à faute d'avoir mis en œuvre la lettre de crédit stand-by, qui constitue précisément une garantie de paiement des marchandises livrées, sa créance à ce titre s'élevant, en novembre 2007, à la somme non contestée de 1 186 032 euro, peu important à cet égard que la lettre de crédit stand-by qui avait été émise le 3 janvier 2005, puis renouvelée le 5 janvier 2006 avec une date de validité jusqu'en 2013, ait été appelée moins d'un mois avant le prononcé de la liquidation judiciaire de la société Fruits & Passion France.

Compte tenu des observations qui précèdent, M. Paul Berty sera débouté de son appel en garantie dirigé contre la société Fruits & Passion Inc., et le jugement déféré sera confirmé en toutes ses dispositions.

Les considérations d'équité conduiront à ne pas faire d'application, en cause d'appel, des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile au profit de quiconque.

Par ces motifs, Confirme en toutes ses dispositions le jugement déféré, Déboute la société Crédit Industriel et Commercial de sa demande de capitalisation des intérêts sur le fondement de l'article 1154 du Code civil, Dit n'y avoir lieu, en cause d'appel, de faire application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile au profit de quiconque, Condamne M. Paul Berty aux dépens d'appel, qui pourront être directement recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile.