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Décisions

CA Paris, Pôle 5 ch. 4, 16 novembre 2011, n° 09-11401

PARIS

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Richardets Home (SA), Houplain (ès qual.), Danguy (ès qual.)

Défendeur :

Louvre Hotels (SAS)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Roche

Conseillers :

M. Vert, Mme Luc

Avoués :

SCP Roblin Chaix de Lavarenne, SCP Fisselier Chiloux Boulay

Avocats :

Mes Benoit, Feschet

T. com. Meaux, du 7 avr. 2009

7 avril 2009

LA COUR,

Vu le jugement du 7 avril 2009 par lequel le Tribunal de commerce de Meaux a :

- dit justifiée la résiliation du contrat de franchise par la société Louvre Hotels Group,

- dit et jugé que ladite résiliation est intervenue aux torts exclusifs de la société Richardets Home pour non-paiement de redevances,

- condamné la société Richardets Home à payer à la société Louvre Hotels Group les sommes de :

* 36 571,49 euro TTC au titre des factures impayées,

* 34 354,23 euro au titre de l'indemnité de résiliation,

- condamné la société Richardets Home, par application de l'article 10 du contrat de franchise, à faire disparaître toute la signalétique Kyriad, et le tout sous astreinte de 150 euro par jour de retard à compter du 10e jour suivant la signification du jugement,

- ordonné l'exécution provisoire nonobstant appel et sans caution,

- condamné la société Richardets Home à payer à la société Louvre Hotels Group la somme de 1 000 euro au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ;

Vu l'appel interjeté par la société Richardets Home ;

Vu, enregistrées le 27 septembre 2011, les conclusions présentées par Me Danguy, ès qualités de liquidateur judiciaire de la société Richardets Home ;

Vu, enregistrées le 27 septembre 2001, les conclusions de la société Louvre Hotels Group ;

Sur ce,

Considérant qu'il résulte de l'instruction les faits suivants :

La société Richardets Home a conclu le 19 juin 2001 avec la société Groupe Envergure (ancienne dénomination de la société Louvre Hotels Group) un contrat de franchise relatif à l'exploitation, sous l'enseigne Kyriad, d'un hôtel de 50 chambres sis à Noisy le Grand (93160), 5, eur Ballon - ZI Les Richardets, pour une durée de 10 années à compter du 1er décembre 2001, soit jusqu'au 30 novembre 2011.

Après lui avoir déjà adressé différents courriers à cet effet, la société Louvre Hotels Group a, par lettre recommandée avec accusé de réception du 15 novembre 2006, mis en demeure la société Richardets Home de lui régler la somme de 23 486,61 euro au titre des redevances de franchise et de publicité, lui rappelant qu'à défaut de règlement dans un délai de 30 jours la résiliation du contrat de franchise serait acquise de plein droit.

Par lettre recommandée avec avis de réception en date du 15 janvier 2007, la société Louvre Hotels Group rappelait à la société Richardets Home qu'elle s'était engagée à lui régler la totalité des sommes dues pour le début du mois de janvier 2007 et constatait un solde débiteur de 11 683,98 euro. Elle lui rappelait également que le contrat de franchise était résilié depuis le 22 décembre 2006.

Par lettre recommandée avec avis de réception en date du 28 juin 2007, la société Louvre Hotels Group confirmait une nouvelle fois à la société Richardets Home la résiliation du contrat de franchise, lui rappelait les termes de l'article 10 dudit contrat relatif aux obligations du franchisé en fin de contrat et la mettait en demeure de payer la somme de 70 463,03 euro.

C'est dans ces conditions qu'estimant fautive la résiliation ainsi intervenue la société Richardets Home a, par acte du 19 septembre 2007, assigné en dommages-intérêts et en remboursement de ses pertes cumulées depuis la signature du contrat de franchise la société Louvre Hotels Group devant le Tribunal de commerce de Meaux et qu'est intervenu le jugement susvisé présentement déféré.

Ultérieurement, le Tribunal de commerce de Bobigny devait, par jugement du 16 avril 2009, ouvrir une procédure de redressement judiciaire à l'encontre de la société Richardets Home, laquelle procédure fut convertie en liquidation judiciaire par un nouveau jugement du 9 septembre 2010.

Considérant qu'après l'avoir soutenu à titre subsidiaire la société Richardets Home excipe à titre principal de la violation de l'article L. 442-6.I.5 du Code du commerce et soutient qu'eu égard à l'existence de relations commerciales entre les parties " interrompues [sic] depuis une trentaine d'années ", à la réalisation par ses soins " d'investissements très lourds " et à l'absence de toute faute grave de sa part compte tenu des " efforts fournis pour apurer sa dette ", la rupture sans aucun préavis de son contrat se devait d'être qualifiée de brutale au sens de l'article susmentionné ;

Considérant qu'il convient, toutefois, de rappeler que l'article invoqué énonce également que " les dispositions qui précèdent ne font pas obstacle à la faculté de résiliation sans préavis en cas d'inexécution par l'autre partie de ses obligations ou en cas de force majeure "; qu'en l'espèce il est établi que malgré de multiples mises en demeure et la proposition d'un échéancier, la société Richardets Home s'est abstenue de régler aux dates conventionnellement prévues les redevances de franchise depuis le début de l'année 2004 et avait, lors de la résiliation litigieuse, un solde substantiel de redevances non réglées, outre diverses factures demeurées impayées ; que, par suite, l'intimée s'est bornée à user de la clause résolutoire stipulée à l'article 9-1 du contrat de franchise et prévoyant la résiliation de plein droit du contrat de franchise " en cas de manquement grave dans l'exécution de l'une quelconque des clauses du présent contrat " ;

Considérant que cette résiliation n'a été prononcée qu'après que la société Louvre Hotels Group eût respecté la procédure prévue à cette fin et régulièrement informé la société Richardets Home de sa situation et lui eût expressément et à plusieurs reprises indiqué le risque de résiliation au regard de sa violation de ses engagements de franchise ; que par ailleurs, il sera relevé que le non-paiement de ses redevances, et plus généralement l'existence pérenne d'impayés, constitue pour le franchisé la violation d'une de ses obligations essentielles et justifie la mise en jeu de la clause résolutoire sans qu'un quelconque abus de droit puisse être dans ces conditions imputé à l'intimée dans le prononcé de la décision critiquée ; qu'il sera également rappelé qu'aux termes de l'article 1244 du Code civil : " le débiteur ne peut forcer le créancier à recevoir en partie le paiement d'une dette divisible " ; que l'appelante ne saurait, dès lors, faire utilement état de règlements partiels ou échelonnés de sa dette ;

Considérant enfin qu'une clause résolutoire sanctionnant l'inexécution par une partie de ses obligations n'étant pas une clause pénale au sens de l'article 1152 du Code civil, celle-ci doit être appliquée sans qu'il soit nécessaire de rechercher si cette sanction était proportionnée ou non à la gravité du manquement invoqué ;

Considérant que si, à titre subsidiaire, Me Danguy, ès qualités, soutient que la résiliation serait en tout état de cause fautive au motif du manquement de la société Louvre Hotels à ses " devoirs de conseil et d'assistance à l'origine de ses difficultés financières ", aucune pièce du dossier ne justifie de demandes d'assistance formées par le franchisé et auxquelles il n'eut pas été fait droit ; qu'au demeurant, pendant toute la durée d'inexécution du contrat, la société Richardets Home n'a jamais critiqué la qualité de l'assistance reçue ; que, plus généralement, il sera en tout état de cause observé que le franchisé est un commerçant indépendant et qu'il n'appartient pas au franchiseur de s'immiscer dans sa gestion ;

Considérant, par ailleurs, que la circonstance que la société Richardets Home n'eût pas commis de faute de gestion, est sans influence sur le présent litige dès lors qu'ainsi qu'il a été ci-dessus énoncé en ne payant pas, et ce, non pas de façon ponctuelle mais de façon habituelle, ses redevances selon les échéances prévues, l'intéressée a commis une faute contractuelle dont la gravité justifie la mise en jeu de la clause résolutoire sus rappelée; qu'il y a lieu, en conséquence, de débouter Me Danguy, ès qualités, de l'ensemble de ses prétentions indemnitaires sans qu'il soit besoin de rechercher la réalité du préjudice dont il est excipé à ce titre ;

Considérant, en revanche, qu'eu égard au montant des redevances de franchise demeurées impayées ainsi qu'à celui de l'indemnité de résiliation anticipée, sommes dont le quantum et le mode de calcul ne sont pas contestées en tant que tels, indépendamment de la critique faite aux conditions de la résiliation et à son incidence sur lesdites sommes, il y a lieu, eu égard à la procédure collective dont elle a fait l'objet, la société Richardets Home, non pas de condamner cette dernière à leur paiement mais seulement de fixer la créance correspondante s'élevant à 70 915,72 euro au passif de celle-ci ainsi que les dépens de première instance et celle de 1 000 euro allouée au titre de l'article 700 du Code de procédure civile par les premiers juges ;

Considérant, enfin, que la cour fait siens les motifs retenus par les premiers juges pour prononcer la condamnation de la société Richardets Home à retirer la signalétique " Kyriad " sur le fondement de l'article 10 du contrat de franchise ;

Considérant qu'il y a lieu, en conséquence, de confirmer le jugement sauf à dire qu'eu égard à la procédure collective dont la société Richardets Home a fait l'objet il y a lieu non pas de condamner cette dernière au paiement des sommes dues mais de seulement fixer la créance de la société Louvre Hotels Group à son passif à hauteur de la somme de 70 915,72 euro, outre les dépens de première instance et la somme de 1 000 euro allouée par les premiers juges, Me Danguy, ès qualités, étant débouté de l'ensemble de ses prétentions ;

Par ces motifs, Confirme le jugement sauf à dire qu'eu égard à la procédure collective dont a fait l'objet la société Richardets Home il y a lieu non pas de condamner cette dernière au paiement des sommes dues mais de seulement fixer la créance de la société Louvre Hotels Group à son passif à hauteur de la somme de 70 915,72 euro, outre les dépens de première instance et la somme de 1 000 euro allouée par les premiers juges. Déboute Me Danguy, ès qualités, de l'ensemble de ses prétentions. Ordonne l'emploi des dépens d'appel en frais privilégiés de liquidation judiciaire. Rejette les demandes formées par les parties en cause d'appel sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile.