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Décisions

ADLC, 10 octobre 2011, n° 11-DCC-150

AUTORITÉ DE LA CONCURRENCE

Décision

Relative à la prise de contrôle exclusif de la coopérative Elle-et-Vire par le groupe coopératif Agrial

ADLC n° 11-DCC-150

10 octobre 2011

L'Autorité de la concurrence,

Vu le dossier de notification adressé au service des concentrations le 13 mai 2011 et déclaré complet le 28 juillet 2011, relatif à la prise de contrôle exclusif de la coopérative Elle-et-Vire par le groupe coopératif Agrial, formalisée par un projet de traité de fusion en date du 15 février 2011 ; Vu le livre IV du Code de commerce relatif à la liberté des prix et de la concurrence, et notamment ses articles L. 430-1 à L. 430-7 ; Vu les éléments complémentaires transmis par les parties au cours de l'instruction ; Vu les engagements présentés le 29 août 2011 et modifiés en dernier lieu le 5 octobre 2011 par la partie notifiante ; Vu la demande de suspension des délais d'examen de l'opération de 15 jours ouvrés, conformément à l'article L. 430-5 II, accordée par lettre du 20 septembre 2011. Adopte la décision suivante :

I. Les entreprises concernées et l'opération

1. Agrial est une société coopérative agricole qui compte environ 10 000 agriculteurs coopérateurs implantés sur les départements de la Manche, du Calvados, de l'Orne, de l'Ille-et-Vilaine, de la Mayenne, de la Sarthe, de l'Indre-et-Loire, de l'Eure et de la Seine-Maritime. Tête d'un groupe coopératif comportant une soixantaine de sociétés, Agrial intervient dans de nombreux secteurs agricoles et agro-alimentaires, notamment dans les légumes (27,4 % de son chiffre d'affaires total), les volailles (7,6 % de son chiffre d'affaires total), les céréales (11,2 % de son chiffre d'affaires total), le lait (7,3 % de son chiffre d'affaires total), les bovins (6,9 % de son chiffre d'affaires total), les porcs (5,6 % de son chiffre d'affaires total), l'agrofourniture (16,2 % de son chiffre d'affaires total), la distribution rurale (7,1 % de son chiffre d'affaires total) et les boissons (6,1 % de son chiffre d'affaires total).

2. Elle-et-Vire est une société coopérative agricole qui compte [Confidentiel] agriculteurs coopérateurs implantés sur les départements de la Manche, du Calvados, de l'Orne et de l'Eure. Elle est spécialisée dans le secteur de la production laitière ([...] % de son chiffre d'affaires total) et, précisément, dans l'animation technique, le conseil technico-économique, la gestion de la production et l'organisation de la collecte de lait auprès des agriculteurs. Elle est également active dans le secteur de l'agrofourniture, notamment dans la vente d'aliments pour bétail et de produits d'agrofourniture pour cultures ([...] %). Par ailleurs, elle disposait, jusqu'en 2009, d'une activité de collecte de pommes à cidre et de production et commercialisation de cidre à destination des commerces à dominante alimentaire et des acteurs de la restauration hors foyer, l'ensemble de cette activité ayant été cédé à Agrial.

3. La présente opération, formalisée par un traité de fusion en date du 15 février 2011, porte sur la fusion par absorption de la coopérative Elle-et-Vire par la coopérative Agrial. En ce qu'elle se traduit par la prise de contrôle exclusif de la première coopérative par la seconde, l'opération notifiée constitue une concentration au sens de l'article L. 430-1 du Code de commerce. En outre, en vertu d'un accord de cession d'actions intervenu le 30 juin 2009, la coopérative Elle-et-Vire a cédé, le 1er juillet 2009, à la coopérative Agrial, son activité cidricole consistant en la fabrication et la commercialisation de cidre auprès des grandes et moyennes surfaces et auprès des acteurs de la restauration hors foyer. Cette activité représentant seulement un chiffre d'affaires annuel de [...] millions d'euro en 2008, sa cession n'était pas soumise, au moment de sa réalisation, à l'obligation préalable de notification auprès des autorités de concurrence compétentes. Toutefois, conformément à l'article 5, paragraphe 2, deuxième alinéa, du Règlement n° 139-2004 auquel renvoie l'article L. 430-2 du Code de commerce, "[...] deux ou plusieurs opérations au sens du premier alinéa qui ont eu lieu au cours d'une période de deux années entre les mêmes personnes ou entreprises sont à considérer comme une seule concentration intervenant à la date de la dernière opération". Dans ces conditions, compte tenu d'un délai de moins de deux ans entre cette première cession et la signature du traité de fusion en date du 15 février 2011, il y a lieu d'inclure cette première cession dans le périmètre de l'opération à examiner au cas d'espèce.

4. Les entreprises concernées réalisent ensemble un chiffre d'affaires total sur le plan mondial de plus de 150 millions d'euro (groupe Agrial : [...] milliards d'euro pour l'exercice clos le 31 décembre 2009 ; Elle-et-Vire : [...] millions d'euro pour la même période (1)). Deux au moins de ces entreprises réalisent en France un chiffre d'affaires supérieur à 50 millions d'euro (groupe Agrial : [...] milliard d'euro pour l'exercice clos le 31 décembre 2009 ; Elle-et-Vire: [...] millions d'euro pour la même période). Compte tenu de ces chiffres d'affaires, l'opération ne revêt pas une dimension communautaire. En revanche, les seuils de contrôle mentionnés au I de l'article L. 430-2 du Code de commerce sont franchis. Cette opération est donc soumise aux dispositions des articles L. 430-3 et suivants du Code de commerce relatifs à la concentration économique.

II. Délimitation des marchés pertinents

5. Les activités des parties se chevauchent sur les cinq marchés suivants :

- le marché de la collecte de lait qui met en présence, d'une part, les coopératives ou les laiteries, en qualité d'acheteurs et, d'autre part, les agriculteurs qui produisent du lait (A) ;

- le marché de la nutrition animale qui met en présence, d'une part, les fabricants et les distributeurs, en qualité de vendeurs et, d'autre part, les éleveurs d'animaux (B) ;

- le marché de la distribution de produits d'agrofourniture pour cultures par les coopératives ou les négociants privés auprès des cultivateurs (C) ;

- le marché de la collecte de pommes mettant en présence les coopératives ou les industries transformatrices, en qualité d'acheteurs, et les agriculteurs qui détiennent des plantations de pommiers et vendent des pommes (D).

- enfin, le marché de la commercialisation du cidre qui met en présence les entreprises de transformation de pommes et fabrication de cidre et les acheteurs (enseignes de la grande distribution et acteurs de la restauration hors foyer) (E) ;

A. LES MARCHÉS DE LA COLLECTE DE LAIT

1. LES MARCHES DE PRODUITS

6. La pratique décisionnelle communautaire (2) et nationale (3) considère que les marchés de la collecte de lait doivent être distingués selon le type de lait concerné (lait de vache, lait de brebis, etc.). Il a également été envisagé d'autres segmentations plus fines, notamment en distinguant le lait issu de l'agriculture biologique (4) ou le lait destiné à la fabrication de produits sous Appellation d'Origine Contrôlée (5) (ci-après "AOC").

7. Les activités d'Agrial et Elle-et-Vire se chevauchent uniquement au niveau de la collecte de lait de vache conventionnel. Au cas d'espèce, la question de la délimitation précise de ces marchés peut être laissée ouverte, dans la mesure où les conclusions de l'analyse concurrentielle demeureront inchangées, quelles que soient les délimitations retenues.

2. LES MARCHES GÉOGRAPHIQUES

8. La commission européenne a estimé, à plusieurs reprises, que les marchés de la collecte de lait avaient une dimension nationale. Les décisions concernaient les marchés néerlandais (6), britannique (7) et français (8). Toutefois, l'enquête de marché effectuée par la commission européenne dans le cadre de sa décision n° COMP-M.5046 relative aux marchés néerlandais, avait démontré que "si le lait cru classique peut théoriquement être transporté sur de longues distances, la distance moyenne entre les exploitations et les unités de transformation est d'approximativement 40 à 50 km" (9).

9. Dans sa pratique, le ministre a traditionnellement retenu des marchés de la collecte de lait de dimension locale (10). Une analyse des tournées de collecte de lait, effectuée dans le cadre de la décision du 28 octobre 2005 (11), avait révélé que "lesdites tournées ne peuvent s'effectuer que dans un rayon de 50 kilomètres en moyenne autour de chaque laiterie". Le test de marché réalisé dans le cadre de la décision du 2 août 2007 (12) avait suggéré que la région pouvait constituer une délimitation pertinente, tout en soulignant qu'en fonction de la topographie des lieux et des infrastructures routières, l'hypothèse de zones de collecte plus restreintes ne devait pas être écartée. En tout état de cause, l'analyse concurrentielle avait été menée à un échelon régional, départemental et infra-départemental, ce dernier échelon correspondant à une aire de 50 kilomètres environ de rayon autour des laiteries.

10. En l'espèce, les parties ont présenté leurs parts de marché à un niveau national et local, leurs activités se chevauchant uniquement sur les départements de la Manche et de l'Orne.

11. En tout état de cause, il n'est pas nécessaire de définir précisément la dimension géographique du marché de la collecte de lait dans la mesure où les conclusions de l'analyse concurrentielle demeureront inchangées, quelles que soient les délimitations retenues.

B. LES MARCHÉS DE LA NUTRITION ANIMALE

1. LES MARCHES DE PRODUITS

12. La pratique décisionnelle (13) distingue, en matière de nutrition animale, les marchés amonts (produits servant à l'élaboration d'aliments pour animaux) des marchés avals (aliments résultant de cette élaboration). Elle opère également une distinction entre animaux d'élevage et animaux de compagnie.

13. En amont, les matières premières utilisées pour fabriquer les aliments sont globalement les mêmes (tourteaux, céréales, pré-mélanges) selon les espèces. Il n'est donc pas nécessaire de distinguer des marchés propres à chaque type d'animal. En revanche, les pré-mélanges, mélanges concentrés de vitamines, d'oligo-éléments et d'additifs techniques, sont distingués des matières premières végétales, céréales et tourteaux (résidus obtenus après extraction de l'huile des graines ou des fruits oléagineux) qu'ils sont destinés à compléter pour l'obtention d'aliments complets.

14. En aval, la pratique décisionnelle nationale (14) opère une distinction entre les aliments complets et les aliments composés minéraux et nutritionnels, aliments complémentaires composés d'oligo-éléments, de macroéléments et de vitamines, destinés à corriger les carences des rations d'aliments complets journalières pour le bétail. En ce qui concerne les aliments complets, la pratique décisionnelle nationale (15) a envisagé une segmentation de ce marché en fonction de chaque espèce animale, la question ayant toutefois été laissée ouverte.

15. Au cas d'espèce, Agrial fabrique et commercialise, grâce à cinq usines situées dans l'Ouest de la France, tant des matières premières sur les marchés amont que des aliments complets et des aliments composés minéraux et nutritionnels. Ne disposant pas d'usine de fabrication, Elle-et-Vire n'assure qu'une activité de distribution de matières premières sur les marchés amont, de distribution d'aliments composés minéraux et nutritionnels et de distribution d'aliments complets pour bovins.

2. LES MARCHES GÉOGRAPHIQUES

16. La pratique décisionnelle (16) a envisagé une délimitation au moins nationale pour les marchés amont de la production et de la commercialisation de céréales, tourteaux et pré-mélanges, ainsi que le marché aval de la commercialisation des composés minéraux et nutritionnels, tout en laissant la question ouverte. Au cas d'espèce, ces marchés seront étudiés à l'échelle nationale.

17. La pratique décisionnelle nationale a considéré que le marché des aliments complets pouvait revêtir une dimension locale, correspondant à une zone de livraison de 100 à 150 kilomètres autour du site de production, en raison du caractère volumineux et pondéreux des aliments concernés. Il n'y a pas lieu de remettre en cause cette délimitation à l'occasion de l'examen de la présente opération, les parties étant simultanément présentes sur la seule région de Basse-Normandie.

C. LES MARCHÉS DE LA DISTRIBUTION DE PRODUITS D'AGROFOURNITURE

1. LES MARCHES DE PRODUITS

18. En matière d'agrofourniture, la pratique décisionnelle nationale (17) distingue la distribution de semences, la distribution d'engrais, la distribution de produits phytosanitaires et la distribution d'autres matériels agricoles. En effet, la culture professionnelle de terres agricoles (céréales, oléagineux, protéagineux, etc.) requiert aujourd'hui l'achat par l'agriculteur de trois catégories de produits qui répondent à des besoins différents :

- des semences, dont les variétés peuvent être différentes d'un bassin de production à un autre en fonction notamment du climat et des besoins de l'agriculteur ;

- des fertilisants : d'une part des engrais, c'est-à-dire des apports qui contribuent à la nutrition des plantes en leur procurant des éléments nutritifs dont elles ont besoin pour se développer et demeurer saines (surtout azote, phosphore et potassium) ; d'autre part des amendements, c'est-à-dire des matières fertilisantes principalement destinées à améliorer les propriétés des sols ;

- des produits phytosanitaires, c'est-à-dire des substances actives ou des associations de plusieurs substances destinées à protéger les plantes et à améliorer les rendements ; il peut s'agir de fongicides (pour lutter contre le développement des champignons), d'herbicides (pour détruire les plantes indésirables), ou d'insecticides (pour prévenir le développement d'insectes).

19. Les autorités de concurrence nationales ont également envisagé, pour chaque famille de produits, une segmentation en fonction du type de cultures (maraîchage, polyculture). En outre, s'agissant de la distribution de semences, les autorités de concurrence nationales (18) ont considéré l'existence d'un segment particulier constitué des semences destinées à l'agriculture biologique. Une segmentation par canal de distribution (canal des coopératives, canal des négociants) a enfin été envisagée par le ministre (19).

20. S'agissant de la segmentation par type de produit, tout en approuvant l'essentiel de cette segmentation de marché, la partie notifiante considère toutefois qu'un marché de la distribution d'amendements pourrait être distingué. Le test de marché effectué dans le cadre de l'instruction de la présente opération tend quant à lui à démontrer l'existence d'une forte substituabilité du côté de l'offre dans la mesure où la très grande majorité des distributeurs sont en mesure de proposer aux agriculteurs les différentes catégories de produits d'agrofourniture (semences, engrais, produits phytosanitaires, amendements). Seules quelques entreprises peuvent être plus ou moins spécialisées sur un type de produits. Toutefois, les conclusions de l'analyse concurrentielle demeurant au cas d'espèce inchangées, quelle que soit l'hypothèse retenue, la question de cette délimitation peut être laissée ouverte.

21. S'agissant de l'éventuelle segmentation par type de cultures, le test de marché en a confirmé la pertinence. En effet, le conseil technique en cultures ne fait pas appel aux mêmes techniciens selon qu'il s'agisse de maraîchage ou de polyculture. Ainsi, sur les 120 techniciens que compte la coopérative Agrial, trois d'entre eux sont spécifiquement chargés du suivi et du conseil des cultures légumières, avec un portefeuille de clients moins important et des visites dans les exploitations agricoles plus fréquentes. De même les produits utilisés par les agriculteurs ne sont pas forcément identiques.

22. S'agissant de l'éventuelle segmentation par canal de distribution, la vente de produits d'agrofourniture pour cultures, fait intervenir deux types d'acteurs : des coopératives agricoles et des négociants. Ces deux types de distributeurs s'approvisionnent eux-mêmes auprès de fournisseurs, souvent très concentrés et d'envergure internationale, tels que les semenciers Limagrain, Pioneer, Syngenta, ou les firmes agro-pharmaceutiques Bayer Cropscience ou Basf Agro. Tant les coopératives agricoles que les négociants ont mis en place des centrales d'achats ou de référencement afin de mutualiser leurs achats auprès de ces fournisseurs. Il ressort des différentes réponses au test de marché que les négociants et les coopératives agricoles fournissent aux agriculteurs une offre similaire tant dans la qualité du conseil technique que dans la gamme, la diversité et le prix des produits. Même si des différences importantes entre ces deux types d'acteurs (statuts, fiscalité, nature des relations contractuelles avec l'agriculteur) peuvent subsister, celles-ci ne suffisent pas à retenir l'existence de deux marchés de produits distincts. Ces différences pourront toutefois servir à mieux mesurer la pression concurrentielle exercée par chacun des concurrents demeurant sur un marché donné.

23. Au cas d'espèce, les deux parties à l'opération sont simultanément actives sur les seuls marchés des semences, des amendements, des engrais et produits phytosanitaires pour polyculture.

2. LES MARCHES GÉOGRAPHIQUES

24. S'agissant des marchés de la commercialisation de semences, d'engrais et de produits phytosanitaires à destination des agriculteurs, la pratique décisionnelle (20) retient généralement une dimension locale, l'analyse étant effectuée à un niveau départemental.

25. A l'occasion de décisions récentes (21), la question de l'élargissement de ces marchés s'est posée au motif que les distributeurs chercheraient de plus en plus à rationaliser la livraison des marchandises à partir de plateformes et lieux de stockage moins nombreux et que la distance moyenne séparant les exploitations agricoles et les sites d'approvisionnement tendrait à s'accroitre. Toutefois, à l'exception d'une seule décision relative à la distribution de produits d'agrofourniture dans une région spécifique (région montagnarde de l'Auvergne) (22), l'analyse concurrentielle a toujours été menée à un niveau départemental.

26. En l'espèce, le test de marché a confirmé que les distributeurs cherchent de plus en plus à rationaliser la logistique et à centraliser le stockage des marchandises destinées à la livraison auprès des agriculteurs sur seulement quelques sites. Ainsi, pour l'ensemble de sa zone d'activité, couvrant environ neuf départements, Agrial se fait livrer les produits par les fournisseurs au niveau de trois plateformes à partir desquelles sont assurées les livraisons auprès des exploitations agricoles. Présente sur trois départements, Elle-et-Vire gère ses livraisons à partir d'une seule plateforme de stockage située sur la commune de son siège social.

27. Toutefois, selon les données fournies par les parties notifiantes, confirmées par le test de marché, les agriculteurs ne se font livrer que 60 à 80 % de leurs besoins en produits d'agrofourniture, le reste étant acheté directement par eux auprès des magasins ou des dépôts du distributeur. La possession par le distributeur d'un réseau de proximité, constitué de magasins ou entrepôts, est ainsi essentielle pour permettre aux agriculteurs de s'approvisionner eux-mêmes auprès de ses sites. La coopérative Agrial dispose par exemple de [...] magasins ou dépôts dans le département de la Manche et [...] dans le département du Calvados. Les concurrents des parties possèdent également, en fonction de la taille de leur entreprise, des réseaux de proximité. Alors que les 2/3 des agriculteurs contactés dans le cadre du test de marché ont présenté la proximité comme un critère important dans le choix du distributeur, la moitié d'entre eux s'approvisionnent auprès d'une entreprise située à moins de 10 km et la totalité d'entre eux auprès d'une entreprise située à moins de 50 kilomètres. De même, tant les concurrents des parties que les instances représentatives du secteur ont souligné, dans leur grande majorité, l'importance de maintenir un service de proximité.

28. De plus, les produits commercialisés par les distributeurs peuvent être adaptés à la demande locale, en fonction du climat ou des objectifs de culture de l'exploitant agricole type. Par exemple, les variétés de semences de céréales commercialisées peuvent varier d'un bassin de production à un autre. A ce titre, Agrial, comme d'autres gros distributeurs, dispose en interne d'un service agronomique et de protection des cultures, regroupant notamment des ingénieurs agronomes, dont l'une des missions est de tester et d'adapter les semences aux particularités locales d'un territoire (température, pluviométrie, typicité des sols). Selon les catégories, les distributeurs présents sur une région limitrophe ne proposent pas ainsi systématiquement les mêmes produits.

29. En outre, compte tenu de la complexité croissante tant des produits que de leur réglementation, les agriculteurs ont systématiquement recours aujourd'hui à un service de conseil technique en cultures. Matérialisé par le déplacement d'un technicien au sein de l'exploitation agricole, il a pour but d'apporter à l'agriculteur un diagnostic sur ses cultures et de le conseiller dans le choix des semences et l'utilisation des fertilisants ou des produits phytosanitaires. Dans le cadre du test de marché, la quasi-totalité des agriculteurs ont décrit ce service comme étant indispensable. Au sein de la coopérative Agrial, [...] techniciens se rendent ainsi dans les exploitations agricoles, à un rythme moyen de [...] visites par an. Chacun d'entre eux gère en moyenne un portefeuille d'une centaine d'agriculteurs répartis sur un territoire donné, d'une dimension équivalente à un ou deux cantons. Ces données correspondent également aux situations rencontrées chez les concurrents. Or, avec une zone d'activité équivalent à un ou deux cantons, le technicien peut difficilement parcourir plus de 30/40 kilomètres pour aller conseiller un exploitant agricole. Dans la mesure où le coût de ce service est intégré dans le prix des produits achetés, l'agriculteur ne peut faire appel qu'à un distributeur situé à proximité de son exploitation.

30. Dès lors, compte tenu de l'ensemble de ces éléments, la distribution de produits d'agrofourniture auprès des agriculteurs demeure un marché local. En tout état de cause, compte tenu du fait que les parties sont présentes sur trois départements de la Basse-Normandie limitrophes (l'Orne, la Manche et le Calvados) dont deux sont côtiers, les conclusions de l'analyse concurrentielle demeureraient inchangées quelle que soit la délimitation locale retenue. Au vu des données disponibles pour le calcul des parts de marché, l'analyse concurrentielle sera menée à l'échelon du département, même si le périmètre d'activité des entreprises du secteur ne tient pas forcément compte de cette délimitation administrative.

D. LES MARCHÉS DE LA COLLECTE DE POMMES

1. LES MARCHÉS DE PRODUITS

31. La collecte de pommes, met en présence les producteurs de pommes en qualité de vendeurs et les coopératives collectrices et les entreprises transformatrices en qualité d'acheteurs.

32. Ce marché peut être segmenté dans la mesure où la production de pommes en France regroupe deux catégories distinctes de fruits suivant leur destination : la pomme destinée à une consommation en l'état, comme produit frais (appelé aussi pomme de table, pomme à couteau, ou encore pomme de bouche) et la pomme destinée être transformée en compotes, purées, pommes au sirop, confitures, jus ou encore boissons alcoolisées (cidre, pommeau, calvados). En effet, le test de marché a montré que le processus de production, de cueillette, de transport, de conditionnement et de conservation est très différent entre ces deux catégories de pommes. Outre une procédure de traitement et de suivi particulière en fin de culture, avant la récolte, notamment en vue de mieux contrôler le calibre du fruit et lutter contre les risques de tavelure (utilisation de traitements phytosanitaires spécifiques), la pomme de table est cueillie à la main, conditionnée avec précaution dans des caisses, et conservée en chambre froide jusqu'à sa consommation finale, pouvant intervenir plusieurs mois après sa cueillette. A l'inverse, la pomme destinée à la transformation subit un contrôle moins lourd avant la récolte, est ramassée mécaniquement, chargée dans des remorques et livrée très rapidement à l'usine de transformation dans les jours suivant la récolte. Une faible partie de la récolte de pommes de table peut néanmoins être destinée à la transformation si le calibre du fruit ou ses conditions de conservation ne permettent pas d'en faire un produit consommable en l'état. La différence de prix entre ces deux catégories de fruits est considérable, la pomme de table pouvant être vendu à un prix 8 à 10 fois supérieur à celui de la pomme destinée à la transformation.

33. Par ailleurs, au sein du segment de la pomme destinée à la transformation, l'existence d'un marché spécifique de la collecte de pommes à cidre peut être envisagée. En effet, du point de vue de la demande, même si la réglementation propre au cidre n'impose pas une liste précise de variétés de pommes à utiliser, les fabricants utilisent en très grande majorité des pommes à cidre qui se distinguent notamment des autres variétés par leur richesse en polyphénols (tanins). Elles peuvent être classées en plusieurs catégories selon la saveur de leur jus (les pommes douces, les pommes aigres, les pommes douces amères). Du point de vue de l'offre, alors que la France est seulement le 6ème pays producteur européen de pommes destinées à la transformation, elle est le premier producteur de fruits à cidre au monde. Sur le territoire national, il est possible de distinguer les zones de production de pommes à cidre, concentrées essentiellement en Normandie (51 % de la production nationale totale de pommes à cidre), en Bretagne (20 % ) et dans les Pays-de-Loire (18 %), des zones de production de pommes destinées aux autres industries transformatrices, situées principalement en région Provence-Alpes-Côte d'Azur (21,5 % des volumes nationaux de production de pommes transformées hors pommes à cidre), en région Midi-Pyrénées (21 %) et en région Pays-de-Loire (18,5 %). En outre, plus de 85 % de la production de pommes à cidre est destinée à la fabrication de produits cidricoles (cidre, calvados, pommeau).

34. En tout état de cause, la question de cette segmentation peut être, au cas d'espèce, laissée ouverte dans la mesure où, quel que soit le marché considéré, les conclusions de l'analyse concurrentielle demeureront inchangées.

2. LES MARCHÉS GÉOGRAPHIQUES

35. La partie notifiante estime que le marché de la collecte de pommes à cidre est de dimension nationale, voire européenne dans la mesure où les producteurs de pommes vendraient leur production sur l'ensemble du territoire national, voire même à l'étranger et qu'en cas de sous-production française, les acheteurs se tourneraient facilement vers l'offre de pommes étrangère.

36. Cependant, la totalité des fabricants français de produits cidricoles ayant répondu au test de marché ont indiqué qu'ils s'approvisionnaient uniquement sur le territoire national, les exportations représentant par ailleurs seulement 6 % du volume total de la production de pommes à cidre commercialisée.

37. De plus, les trois quarts des livraisons s'effectuent par l'intermédiaire d'un tracteur agricole équipé d'une remorque. En tout état de cause, le test de marché a montré que l'ensemble des producteurs de pommes livrait des entreprises ou des usines de transformation situées à moins de 200 kilomètres de leurs plantations.

38. En outre, compte tenu du fait que les cidres commercialisés sous les deux labels Indication géographique Protégée (ci-après "IGP") "Cidre de Normandie" et "Cidre de Bretagne" représentent plus de 50 % de la production nationale, la provenance géographique des fruits revêt une importance notable qui limite la dimension géographique du marché.

39. Dès lors, compte tenu de ces éléments, une dimension régionale du marché de la collecte de pommes à cidre peut être retenue, correspondant à des zones de collecte de 200 kilomètres autour des sites de transformation.

40. Au cas d'espèce, comme les deux usines de la cible sont situées à une vingtaine de kilomètres l'une de l'autre en Basse-Normandie (une à Condé-sur-Vire dans le département de la Manche et une à Cahagnes dans le département du Calvados), l'analyse concurrentielle sera menée sur une zone comprenant les départements de la Basse-Normandie et de la Haute-Normandie.

E. LES MARCHÉS DE LA COMMERCIALISATION DU CIDRE

1. LES MARCHES DE PRODUITS

41. La pratique décisionnelle tant communautaire (23) que nationale (24) a considéré de façon constante que le cidre constituait un marché de produits distinct des autres boissons.

42. Les réponses au test de marché ont confirmé la pertinence de cette distinction. Tout d'abord, le cidre présente des caractéristiques de consommation très spécifiques. Avec des pics de consommation à l'Epiphanie, la Chandeleur et pendant l'été qui représentent ensemble près de 40 % des ventes annuelles de cidre auprès de la grande distribution (25), la saisonnalité de la demande est particulièrement marquée. Ensuite, le test de marché a indiqué que dans l'hypothèse d'une augmentation légère mais permanente des prix, le consommateur final ne se tournerait pas directement vers d'autres boissons, la demande correspondant à un besoin spécifique lié à un évènement, à un plat principal ou à une habitude alimentaire. Du point de vue de l'offre, compte tenu de la spécialisation de tous les fabricants dans les activités cidricoles et de leur absence sur d'autres marchés de boissons (à l'exception de la fabrication de jus de pommes et de boissons alcoolisées à base de pommes), aucun élément ne permet de remettre en cause la définition d'un marché du cidre distinct.

43. Plusieurs segmentations du marché du cidre peuvent ensuite être envisagées, en fonction notamment du canal de distribution, du type de produits ou de leur positionnement commercial.

a) Distinction en fonction du type de produits

44. Dans la mesure où il existe différents types de cidre, selon le procédé de fabrication (brut/demi-sec/doux), le conditionnement (cidre de table/cidre bouché), ou l'appellation (AOC/AOP/IGP/Bio/STG), il pourrait être envisagé une segmentation du marché en plusieurs catégories.

45. En effet, lors de l'élaboration du cidre, la fermentation alcoolique peut être bloquée à différents niveaux de sorte que, selon la teneur en sucres résiduels, le cidre sera "brut" "demi-sec" ou "doux". En France, les cidres bruts et les cidres doux représentent respectivement 41,5 % et 37,2 % des volumes commercialisés chaque année. Le cidre est ensuite principalement commercialisé sous deux formes différentes : le "cidre de table" qui est un cidre bon marché destiné à la consommation quotidienne, qui est généralement commercialisé en bouteille avec un bouchon à vis, et le "cidre bouché" souvent conditionné en bouteille champenoise de 75 cl, fermée par un bouchon du type champignon, tenu par un muselet. Développant plus d'arômes que le cidre de table, le cidre bouché est généralement plus alcoolisé et de meilleure qualité. Il représente environ 75 % des volumes de cidre commercialisés en France26. Enfin, le cidre peut bénéficier, conformément aux dispositions générales fixées par la loi d'orientation agricole du 5 janvier 2006, d'appellations, garanties par l'Etat et contrôlées, relatives à une qualité spécifique, qu'elle soit supérieure (label rouge), liée à l'origine (AOC, AOP et IGP), à la tradition (spécialité traditionnelle garantie-STG) ou à l'environnement (agriculture biologique).

46. Du point de vue de la demande, le mode et le moment de consommation peuvent en effet différer d'une catégorie à une autre. Alors que le cidre de table est plutôt destiné à une consommation quotidienne par une clientèle plus rurale et âgée, le cidre bouché est un produit de plus grande consommation, avec une plus forte saisonnalité de la demande. De légères différences de mode de consommation sont aussi relevées entre le cidre brut et le cidre doux. Toutefois, du point de vue de l'offre, l'ensemble des fabricants de cidre sont en mesure de produire tous types de cidre, la spécialisation de certains acteurs sur une catégorie relevant seulement d'un choix commercial.

47. En tout état de cause, au cas d'espèce, les conclusions de l'analyse concurrentielle demeurant identiques, quelle que soit l'hypothèse retenue, la question de la définition précise de ces marchés peut être laissée ouverte.

b) Distinction en fonction du canal de distribution

48. Les parties commercialisent leur cidre sur les marchés amont, tant auprès des grandes et moyennes surfaces et des commerces de proximité que des acteurs de la restauration hors foyer, tels que les crêperies et, dans une moindre mesure, les bars et les restaurants. Ces opérateurs vendent par la suite le cidre au consommateur final. Les parties ne sont donc pas en contact direct avec ce dernier.

49. En matière de boissons, la pratique décisionnelle communautaire et nationale (27) opère généralement une distinction entre la distribution de boissons destinées à la consommation hors domicile, circuit RHF (boissons vendues dans les cafés, hôtels, restaurants et autres collectivités) et la distribution de boissons destinées à la consommation à domicile, circuit GMS (boissons achetées dans les magasins alimentaires). Des différences en termes de volumes, de produits, de conditionnements, de conditions de négociation, de taille des clients justifient de retenir cette segmentation. Dans la mesure où la partie notifiante et les réponses au test de marché confirment la pertinence de cette distinction, il n'y a pas lieu de la remettre en cause. Les parties à l'opération vendant du cidre à la fois auprès des GMS et de la RHF, ces deux marchés feront l'objet d'une analyse concurrentielle.

c) Pour les produits destinés aux GMS, distinction en fonction du positionnement commercial du cidre

50. Sur les marchés amont, s'agissant du circuit GMS, les parties vendent aux différentes enseignes du cidre sous leurs propres marques (ci-après "MDF") et du cidre sous la marque de distributeur (ci-après "MDD", catégorie incluant les produits vendus sous marque de distributeur, mais aussi ceux vendus sous marque de hard discount et sous marque de premier prix). Conformément à la pratique décisionnelle relative à d'autres marchés de produits alimentaires (28), il convient de s'interroger sur une éventuelle segmentation du marché de la vente de cidre aux GMS selon le positionnement commercial des produits, en distinguant ceux vendus sous MDF et ceux vendus sous MDD.

51. En l'espèce, comme les modalités d'approvisionnement du circuit GMS sont différentes entres les produits vendus sous MDD et les produits vendus sous MDF, deux marchés distincts pourraient être définis. En effet, le cidre vendu sous MDD est produit à partir d'un cahier des charges défini par l'acheteur (la GMS) détaillant les caractéristiques attendues du produit. Dans ce cadre, le fournisseur n'intervient qu'en application du cahier des charges et n'a aucun rôle dans la définition des stratégies commerciales de ces marques (décisions de lancement de nouveaux produits, politique de communication, etc.), contrairement aux fournisseurs des MDF. De même, à la différence des MDF, l'identité de l'opérateur qui approvisionne une enseigne en cidre vendu sous MDD reste inconnue du consommateur final. De plus, les produits vendus sous MDD font très généralement l'objet d'appels d'offres aboutissant à la signature de contrats, soit pour une durée courte (très souvent d'un an), soit pour une durée indéterminée avec possibilité d'y mettre un terme, sous réserve de préavis, à tout moment. Le cidre vendu sous MDF fait, en revanche, l'objet d'un contrat de référencement dans le cadre de négociations de gré à gré où la marque et les efforts promotionnels liés à celle-ci jouent un rôle important.

52. Cependant, l'appartenance commune des marques de distributeur et des marques de producteur à un même marché de produits en amont dépend également de facteurs autres que le processus d'approvisionnement. Il convient d'abord de noter que du côté de l'offre, les principaux opérateurs, dont les parties à l'opération, fournissent les deux catégories de produit. Il convient aussi de rappeler que, même si l'analyse de l'opération concerne exclusivement le marché amont de l'approvisionnement, la pression concurrentielle que peuvent éventuellement exercer les uns sur les autres, les producteurs de MDF et de MDD est étroitement influencée par le comportement des consommateurs sur les marchés aval mettant en relation les GMS avec les clients, et donc la substituabilité, du point de vue des consommateurs, entre les différents produits. Les négociations entre les GMS et leurs fournisseurs prennent donc place dans un contexte concurrentiel différent selon le degré de différenciation des produits en termes de goût, de qualité ou d'emballage et selon la notoriété des marques de fabricants.

53. En l'espèce, le test de marché a montré que le cidre vendu sous MDD exerce une réelle pression concurrentielle sur les produits MDF sur le marché de détail compte tenu d'un faible degré de différenciation des produits et d'une notoriété des marques de fabricants peu développée. En effet, les réponses au test de marché indiquent qu'il n'existe pas de différences significatives tant en termes de goût, de qualité ou encore d'emballage entre le cidre vendu sous MDF et le cidre vendu sous MDD, la différence de prix entre ces deux catégories de produits s'expliquant essentiellement par le fait que les seconds ne supportent pas de coûts de marketing et de communication. En outre, il apparaît que la marque revêt peu d'importance dans le choix du consommateur final, la part des MDD dans le total des ventes étant de l'ordre de 60 %.

54. En tout état de cause, au cas d'espèce, les conclusions de l'analyse concurrentielle demeurant identiques quelle que soit l'hypothèse retenue, la question de la définition précise de ces marchés peut être laissée ouverte.

2. LES MARCHES GÉOGRAPHIQUES

55. Dans le secteur de la commercialisation de produits alimentaires, les autorités de la concurrence considèrent traditionnellement les marchés comme de dimension nationale (29). Les préférences, les goûts et les habitudes des consommateurs, les différences de prix, des variations de parts de marché des opérateurs dans les différents pays, et la forte présence de marques nationales justifient cette délimitation. Dans le secteur du cidre, la commission européenne (30) a relevé que le marché avait un caractère national.

56. Le test de marché effectué dans le cadre de l'examen de la présente opération a confirmé cette délimitation, le cidre revêtant un caractère traditionnel et régional encore plus fort que pour d'autres produits. Des différences en termes de goût et de mode de consommation ont, par exemple, été relevées entre le cidre français et le cidre belge ou anglais.

57. Ainsi, obtenu à partir de jus de pommes fermenté, le cidre doit, pour correspondre à la réglementation française (31), avoir un titre alcoométrique volumique total supérieur à 5 % et un titre alcoométrique volumique acquis supérieur à 1,5 %. Cette réglementation impose aussi que le volume des moûts concentrés employés pour l'élaboration des cidres exprimé en moûts reconstitués n'excède pas 50 % du volume total des moûts mis en œuvre. Une telle exigence demeure spécifique à la France, les cidriers étrangers pouvant avoir recours de façon plus massive aux moûts concentrés. De même, le cidre revêt une image régionale particulièrement marquée, le cidre breton et le cidre normand représentant 69 % des ventes en volume et en valeur auprès de la grande distribution (32). En conséquence, l'analyse concurrentielle sera menée à un niveau national.

III. L'analyse concurrentielle

A. ANALYSE DES EFFETS HORIZONTAUX DE L'OPÉRATION

1. LES MARCHES DE LA COLLECTE DE LAIT

a) La position des acteurs

58. Sur un marché total français de la collecte de lait de l'ordre de 22,7 millions de tonnes, les parts de marché d'Agrial et d'Elle-et-Vire sont respectivement de [0-5] % et [0-5] %, soit une part de marché cumulée de [0-5] %. Les parties seront confrontées à d'importants concurrents, tels que Lactalis (part de marché de [20-30] %), Sodiaal ([10-20] %), Laïta ([5-10] %).

59. Au niveau régional les activités d'Agrial et Elle-et-Vire se chevauchent uniquement en Basse-Normandie, au niveau du seul lait de vache conventionnel. Pour un volume de lait de vache collecté dans cette région de l'ordre de 2,4 millions de tonnes, Agrial et Elle-et-Vire ont respectivement collecté dans cette région [...] tonnes (part de marché de [10-20] %) et [...] tonnes de lait ([10-20] %), soit une part de marché cumulée de [20-30] %.

60. Au niveau départemental, les activités des parties se chevauchent uniquement sur les départements de la Manche et de l'Orne, dans la mesure où Agrial ne collecte pas de lait dans le Calvados. Dans l'Orne, pour un volume de lait collecté de l'ordre de 606 500 tonnes, Agrial et Elle-et-Vire ont respectivement collecté [...] tonnes (parts de marché de [10-20] %) et [...] tonnes de lait ([0-5] %), soit une part de marché cumulée de [10-20] %. Dans la Manche, pour un volume total collecté d'environ [...] million de tonnes de lait, Agrial et Elle-et-Vire ont respectivement collecté [...] tonnes ([10-20] %) et [...] tonnes de lait ([10-20] %), soit une part de marché cumulée de [30-40] %.

61. Compte tenu de la localisation respective des laiteries auprès desquelles le lait collecté des parties est livré, il n'y a pas lieu de mener l'analyse concurrentielle à un niveau infra-départemental, les parts de marché des parties demeurant identiques à celles calculées à un niveau régional.

62. Les parties resteront confrontées à la concurrence de Lactalis (part de marché d'environ [40-50] % au niveau régional), de la coopérative Les Maîtres Laitiers du Cotentin (environ [10-20] %), la coopérative Isigny-Sainte-Mère (environ [5-10] %), Bongrain (environ [5-10] %), Danone (environ [0-5] %) ainsi que quelques autres petits collecteurs. Grâce à cette opération, Agrial se positionne comme le premier concurrent du leader Lactalis, premier collecteur tant au niveau national que régional.

b) Analyse des risques éventuels de création ou de renforcement d'une puissance d'achat

63. Dans son avis du 2 octobre 2009 relatif au fonctionnement du secteur laitier (33), l'Autorité de la concurrence avait souligné le mauvais fonctionnement concurrentiel du marché de la collecte de lait en France, du fait notamment de la répartition très inégale du pouvoir de marché entre les producteurs et transformateurs : "en effet, alors que certains éleveurs ont des relations commerciales pouvant sembler équilibrées avec un collecteur, 70 % d'entre eux se trouvent dans des situations où leur acheteur compte en moyenne au moins 500 autres producteurs. Le rapport de force devient donc très déséquilibré".

64. Le constat est confirmé pour la région de Basse-Normandie puisqu'après l'opération notifiée, six principaux collecteurs (Lactalis, Agrial/Elle-et-Vire, Les Maîtres Laitiers du Cotentin, la coopérative Isigny-Sainte-Mère, Bongrain et Danone) feront face à plus de 8 000 exploitations agricoles professionnelles productrices de lait (34).

65. Le test de marché a également confirmé que les producteurs laitiers ne disposent pas de la pleine liberté de choisir leur collecteur et surtout d'en changer lorsqu'ils n'en sont pas satisfaits. Plusieurs facteurs peuvent expliquer cette situation. En premier lieu, depuis la chute brutale et importante des prix du lait en 2009, la conjoncture est marquée en France par une surproduction de lait. Les principaux collecteurs de la région de Basse-Normandie ont confirmé, dans le cadre du test de marché, ne pas être en demande de volumes de lait supplémentaires. Ils ont par ailleurs précisé que les exploitations agricoles de Basse-Normandie disposaient en moyenne d'une capacité de production annuelle supplémentaire de lait de l'ordre de 20 %, capacité bloquée par l'existence des quotas laitiers. Toutefois, compte tenu de leur suppression programmée pour 2015, les collecteurs seront en mesure à moyen terme d'augmenter, en cas de besoin, leurs achats sans devoir chercher de nouveaux producteurs. En second lieu, comme dans d'autres régions, une rationalisation de la collecte de lait a été mise en place en Basse-Normandie. Certains collecteurs ont expliqué qu'en vertu d'accords, chaque industriel collecte l'essentiel du lait produit autour de sa laiterie, y compris celui d'agriculteurs dont le lait est payé par un autre industriel. Ce système qui permet de réduire les coûts de transport conduit également à bloquer davantage les possibilités de changement d'acheteur pour les agriculteurs.

66. Dès lors, compte tenu de ces éléments, la très grande majorité des producteurs laitiers vendant actuellement leur lait à Elle-et-Vire n'auront pas d'autre choix, dans le cadre de cette opération, que d'adhérer à la coopérative Agrial pour assurer leurs débouchés.

67. Toutefois, la puissance d'achat d'Agrial sera limitée du fait de son statut de coopérative en vertu duquel elle ne maîtrise pas son approvisionnement, les adhérents bénéficiant d'une sécurisation de leurs débouchés. En effet, le statut d'Agrial prévoit que :

- la coopérative est tenue, indépendamment des conditions du marché, de collecter la totalité du lait produit par ses adhérents (clause d'exclusivité) ;

- la coopérative n'a pas la liberté de choisir l'implantation de ses ressources laitières, par exemple en fonction de coûts de collecte plus faibles, la zone géographique d'activité étant déterminée par les statuts ;

- les producteurs adhérents, dont les conditions d'exclusion sont limitées, ont un droit au renouvellement de leur adhésion, ce qui restreint la possibilité d'étendre ou de réduire les zones de collecte.

68. La clause d'exclusivité de son statut de coopérative garantira dès lors à l'ensemble des producteurs laitiers d'Elle-et-Vire une sécurisation de leurs débouchés, d'autant plus appréciable que l'opération prend précisément place dans une conjoncture marquée par une surproduction de lait en France.

69. En conséquence, l'opération n'est pas de nature à porter atteinte à la concurrence sur les marchés de la collecte de lait.

2. LES MARCHES DE L'ALIMENTATION ANIMALE

70. Sur le marché en amont de vente de produits servant à l'élaboration d'aliments pour animaux de dimension nationale, les parties auront une part de marché cumulée de [0-5] %.

71. Sur le marché en aval de distribution d'aliments composés minéraux et nutritionnels de dimension nationale, la part de marché cumulée des parties à l'opération sera de [0-5] %.

72. Sur le marché en aval de distribution d'aliments complets pour bovins, de dimension régionale, les parties ne sont présentes qu'en Basse-Normandie. En l'absence de données précises et fiables, la partie notifiante a indiqué avoir estimé la taille du marché à partir de la consommation théorique moyenne par tête de bovin et par an. Précisément, elle a multiplié l'effectif de chaque catégorie du cheptel bovin en Basse-Normandie (vaches laitières, génisses, mâles de type laitier ou de type viande de plus d'un an, de moins d'un an, etc) par une consommation moyenne d'aliments complets évaluée par ses soins (par exemple consommation de 420 kilogrammes par tête et par an pour les bovins de moins d'un an, 697 kilogrammes par tête et par an pour les vaches laitières, etc). Cependant, l'instruction et le test de marché ont montré que les estimations des parties tendent à surestimer la taille du marché régional dans la mesure où elles se fondent, non pas sur le volume des produits réellement commercialisés, mais sur un modèle de consommation optimale et performante qui ne se retrouve pas systématiquement au sein de chaque exploitation agricole et incluent la production d'aliments à la ferme non commercialisés.

73. Sur la base d'une estimation plus restrictive de la taille du marché, la part de marché cumulée des parties à l'opération en Basse-Normandie s'élève à [30-40] %. Déjà leader régional dans la vente d'aliments complets pour bovins avec [30-40] % de part de marché, Agrial va renforcer sa position d'environ [5-10] %. Même si leur part de marché respective est plus faible que celle de la future entité, de nombreux opérateurs concurrents demeurent toutefois sur la région, tels que notamment D2N, la coopérative de Creully, Approxial, la société Goutière, Etablissements Leriche, Agri-demeter, Lemardelé, la coopérative des Agriculteurs de Mayenne, Etablissements Piednoir, la coopérative du Bellême.

74. En outre, compte tenu des caractéristiques du marché de distribution des aliments complets pour bétail, les concurrents de la nouvelle entité, actifs principalement sur les régions limitrophes, pourront facilement se développer sur le marché de la Basse-Normandie. En particulier, les acteurs bretons très puissants, comme Le Gouessant, la Cooperl, Garun-La Paysanne, le groupe Glon-sanders, Triskalia, ou les acteurs situés dans les Pays-de-Loire, comme Terrena, déjà tous plus ou moins présents sur la Basse-Normandie, pourront concurrencer fortement la future entité.

75. De surcroît, il convient de rappeler qu'Elle-et-Vire ne disposait pas d'usine de fabrication d'aliments, son activité dans ce secteur consistant seulement à se fournir auprès de fabricants d'aliments, tels que [Confidentiel], pour ensuite les redistribuer à ses adhérents.

76. Dès lors, compte tenu de l'ensemble de ces éléments, la présente opération ne porte pas atteinte à la concurrence sur les marchés de l'alimentation animale.

3. LES MARCHES DE LA DISTRIBUTION DE PRODUITS D'AGROFOURNITURE POUR CULTURES

a) La position respective des acteurs

77. Dans le Calvados, les parts de marché des parties et de leurs concurrents sont les suivantes (35) :

<EMPLACEMENT TABLEAU 1>

78. Il ressort de ces données qu'Agrial a déjà, avant l'opération, des parts de marché de plus de [50-60] % quel que soit le marché considéré. Avec des parts de marché de moins de [0-5] %, Elle-et-Vire est un acteur très modeste dans le département du Calvados.

79. Sur le segment du marché des semences, les activités des parties se chevauchent pour seulement trois types de produits : les céréales, les fourrages et les légumes secs et protéagineux. Les parts de marché des parties sur chacun de ces trois produits sont globalement équivalentes à leurs parts de marché sur l'ensemble du segment des semences.

80. Dans l'Orne, les parts de marché des parties et de leurs concurrents sont les suivantes (36) :

<EMPLACEMENT TABLEAU 2>

81. Il ressort de ces données qu'Agrial a déjà, avant l'opération, des parts de marché de plus de [50-60] % quel que soit le marché considéré. Avec des parts de marché de moins de [0-5] %, Elle-et-Vire est quasiment absent dans le département de l'Orne.

82. Sur le segment du marché des semences, les activités des parties se chevauchent pour seulement deux types de produits, à savoir les céréales et les fourrages. Leur chiffre d'affaire en semences de fourrages étant largement plus important, leur part de marché cumulée est donc plus élevée sur ce segment.

83. Dans la Manche, les parts de marché des parties et de leurs concurrents sont les suivantes (37) :

<EMPLACEMENT TABLEAU 3>

84. Il ressort de ces données qu'Agrial a déjà, avant l'opération, des parts de marché de plus de [40-50] % quel que soit le marché considéré. Avec des parts de marché de moins de [0-5] %, Elle-et-Vire est un acteur modeste dans le département de la Manche.

85. Sur le segment du marché des semences, les activités des parties se chevauchent pour seulement deux types de produits, à savoir les céréales et les fourrages. Leur activité étant plus orientée sur les semences de fourrage, leur part de marché cumulée est de fait plus importante sur ce segment.

b) Des effets horizontaux limités : une position très forte d'Agrial renforcée marginalement par l'opération

- Un déséquilibre concurrentiel important entre Agrial et ses concurrents sur les trois départements concernés

Agrial, une structure puissante sur les marchés de la distribution des produits d'agrofourniture

86. A la suite de plusieurs concentrations, Agrial se classe au sixième rang des coopératives agricoles en France (38) en termes de chiffres d'affaires, celui-ci dépassant les deux milliards d'euro. Présent dans de nombreux secteurs de l'agriculture et de l'industrie agro-alimentaire, la coopérative s'est également développée dans la branche légumes en France et dans plusieurs pays européens (Royaume-Uni, Espagne, Portugal, Suisse, Italie) de nature à lui conférer une dimension européenne. Dans le secteur de la distribution de produits d'agrofourniture pour cultures auprès des agriculteurs, Agrial a réalisé en 2009 un chiffre d'affaires de [...] millions d'euro dont [...] % sur les départements du Calvados, de l'Orne et de la Manche. Le groupe dispose, dans ce secteur, d'une structure très puissante de nature à lui permettre à la fois d'être présent sur l'intégralité de son territoire et de proposer une qualité de service et de distribution optimale. Ainsi, le groupe a assuré la distribution de ces produits grâce à un réseau de [plus de 100] techniciens en cultures ([plus de 15] techniciens sur le département de la Manche, [plus de 15] sur le département du Calvados et [plus de 15] sur le département de l'Orne) et à un réseau composé de très nombreux points de vente ([plus de 40] points de vente pour le département de l'Orne, [plus de 50] pour le Calvados et [plus de 40] pour la Manche).

Des concurrents disposant de réseaux de distribution et de conseil modestes, n'assurant généralement pas une présence sur la totalité du département concerné :

87. Dans le Calvados, le premier concurrent des parties a des parts de marché trois fois moins élevées que celles de la nouvelle entité et le deuxième concurrent, des parts de marché inférieures de près de 5 fois. Quant aux trois autres concurrents, avec des parts de marché de moins de 5 %, ceux-ci apparaissent comme des acteurs marginaux. La coopérative de Creully, premier concurrent des parties, est un acteur local, implanté uniquement sur la partie nord ouest du département, disposant de moins de 15 sites de stockage ou de vente et de moins de 15 techniciens en cultures. Au-delà de son activité de distribution de produits d'agrofourniture pour cultures, la coopérative est aussi active dans la distribution de nutrition animale et dans la collecte de céréales. Le négociant D2N, deuxième concurrent des parties, est un acteur régional présent sur tout le département du Calvados, disposant toutefois de moins de 5 sites de vente ou de stockage pour l'ensemble du département et de moins de 20 techniciens pour la totalité de sa zone d'activité (Orne, Manche, Calvados, Ille-et-Vilaine). Actif également dans la collecte de céréales et la distribution de nutrition animale. Les trois autres concurrents des parties sur le département (Sarl Approxial, Etablissement Berghman, Etablissement Lepicard-Agriculture) sont des négociants. L'entreprise Sarl Approxial est une petite société implantée uniquement dans le sud du Calvados (dans un rayon de 30 kilomètres autour de la commune de Vire) et comprenant moins de 5 sites de vente-stockage et techniciens en cultures. L'entreprise Berghman est également un acteur local présent sur une partie seulement du Calvados et de l'Orne, disposant de moins de 5 sites de vente et techniciens. Enfin, l'entreprise Lepicard Agriculture, qui se présente comme un acteur régional plus important, implanté notamment sur les départements de l'Orne, de l'Eure et de la Seine-Maritime, n'est présent que partiellement sur le Calvados (environ 60 % du département). Actif également dans la collecte de céréales et l'alimentation animale, l'entreprise dispose de moins de 10 sites de stockage et de vente sur le Calvados et compte moins de 20 techniciens pour l'ensemble de sa zone d'activité (4 départements au total).

88. Dans l'Orne, l'essentiel de la concurrence est assurée par trois entreprises de taille équivalente qui ont des parts de marché quatre fois moins élevées que celles de la nouvelle entité. Les établissements Piednoir et la société Appro-Vert, deux entreprises de négoce, ont un chiffre d'affaires réalisé en très grande majorité sur le seul département de l'Orne (39). Chacune d'entre elles dispose d'un réseau de distribution et de techniciens très limité. La coopérative du Bellême, assurant à la fois une activité dans la collecte de céréales et dans l'agrofourniture (alimentation animale et intrants pour cultures) est une entreprise locale implantée seulement dans l'extrême sud du département, avec un chiffre d'affaires total en baisse ces dernières années.

La coopérative dispose de moins de 10 sites de stockage ou de vente et de moins de 5 techniciens de conseil en cultures. Interface Céréales est une coopérative importante mais qui réalise l'essentiel de son activité dans le département de l'Eure. Elle ne compte ainsi que moins de 5 sites sur le département de l'Orne, à la frontière de l'Eure. Le négociant Prevost est une entreprise locale ayant un périmètre d'activité de 30 kilomètres autour de la commune de Ferté-Macé, sur laquelle est situé le site unique de l'entreprise. L'entreprise compte moins de 5 techniciens en mesure de conseiller les cultivateurs.

89. Dans la Manche, le premier concurrent des parties a des parts de marché trois fois moins élevées que celles de la nouvelle entité. Le négociant Leriche, qui a récemment acquis les établissements Agri-Saire est un acteur local implanté uniquement dans la partie nord du département, disposant de moins de 10 sites de stockage ou de vente et de moins de 15 techniciens en cultures. Il est aussi actif dans la distribution de nutrition animale et dans la collecte de céréales. Le négociant D2N, deuxième concurrent des parties, est un acteur régional présent seulement dans le centre et le sud du département de la Manche. Il dispose de moins de 15 sites de vente ou de stockage sur la Manche et de moins de 20 techniciens pour la totalité de sa zone d'activité (Orne, Manche, Calvados, Ille-et-Vilaine). La SA Goutière est un négociant local spécialisé dans l'alimentation animale (plus des deux-tiers de son chiffre d'affaires) et disposant de moins de 5 sites de stockage et/ou de vente et de moins de 10 techniciens en cultures. La SA Agridemeter est également un négociant local implanté seulement dans le centre du département qui dispose de moins de 15 sites et techniciens de conseil en cultures. Enfin, l'entreprise Lemardelé, présente uniquement dans la Manche, est active dans le secteur de la collecte de céréales et de l'agrofourniture (aliments pour bétail et intrants pour cultures).

Des concurrents affiliés à des centrales de référencement ou d'achats plus modestes :

90. Compte tenu de la concentration existante en amont, sur les marchés de l'approvisionnement en produits d'agrofourniture mettant en présence les distributeurs, en qualité d'acheteurs, et les fournisseurs, tels que des semenciers ou des firmes agro-pharmaceutiques, tant les coopératives que les négociants ont organisé leurs approvisionnements dans le cadre de centrales de référencement ou d'achats. Ce type de structure présente en effet le double avantage de permettre la rationalisation des services d'achats et une diminution de leurs coûts (facturation unique, centralisation des commandes, meilleur gestion des stocks) et d'obtenir des réductions significatives de prix sur les marchandises par la massification des commandes. Le recours à ce type de structure s'est généralisé dans le secteur, un des représentants régionaux du négoce agricole sur la région de la Normandie indiquant que 80 à 90 % des négociants sont membres d'une organisation de ce type.

91. Or, Agrial est affiliée, depuis 2009, à l'Union Terres de France (ci-après "UTDF"), une union de coopératives regroupant 12 coopératives implantées en Picardie, dans le Bassin parisien, en Haute et Basse Normandie, dans les Pays-de-Loire et en Bretagne (40). Cette union réalise un chiffre d'affaires annuel d'un peu moins de [...] millions d'euro. Dans le cadre du test de marché auprès des fournisseurs, UTDF a été présentée, à plusieurs reprises, comme la deuxième plus importante centrale d'achats agricole au plan national.

92. En revanche, s'agissant des concurrents d'Agrial sur les trois départements concernés, si la quasi-totalité d'entre eux sont organisés en centrales d'achats ou de référencement, ces dernières n'apparaissent pas aussi puissantes qu'UTDF, leurs volumes d'achats étant globalement plus faibles. Ainsi, sur le département du Calvados, la coopérative de Creully, premier concurrent d'Agrial, adhère à l'union de coopératives Agro-coop qui regroupe 9 acteurs de l'Ouest de la France. Classée au-delà du dixième rang sur un plan national, cette union se positionne plutôt comme un acheteur de dimension régionale, disposant d'une puissance d'achat inférieure à UTDF. Plus précisément, la comparaison des prix facturés par les plus importants fournisseurs, au cours de la dernière saison, démontre qu'UTDF a systématiquement bénéficié de prix plus intéressants qu'Agro-coop (41).

Une différence de régime fiscal entre coopératives et négociants :

93. Contrairement aux négociants qui sont soumis au régime général des sociétés commerciales, les coopératives agricoles bénéficient d'un régime fiscal spécifique. En effet, comme le rappelle un document de travail de la commission des finances du Sénat (42), les coopératives agricoles bénéficient, en contrepartie d'obligations statutaires particulières, de nombreux avantages fiscaux, tels que des exonérations totales ou partielles d'impôt sur les sociétés, de taxe foncière sur les propriétés bâties, des impôts issus de la suppression de la taxe professionnelle (la contribution économique territoriale), d'impôt forfaitaire annuel, de taxe d'apprentissage, de droit d'enregistrement sur les mutations immobilières. Ces exonérations s'appliquent différemment selon l'objet ou la taille de la coopérative. Les coopératives bénéficient en outre d'avantages non fiscaux, comme une garantie publique, à savoir une garantie d'aval de premier rang par France AgriMer dans le cadre des emprunts qu'elles contractent auprès d'institutions bancaires. Cette situation contraste avec celle des sociétés de négoce, qui, pour bénéficier de la même garantie, ont dû créer une société de caution mutuelle.

94. Agrial bénéficie ainsi d'un avantage concurrentiel sur ses principaux concurrents puisque, dans la région de la Basse Normandie, la concurrence est principalement assurée par des négociants alors qu'Agrial et Elle-et-Vire bénéficient du statut de coopérative. Précisément, sur le département de la Manche, il n'y aura, après opération, aucun autre concurrent disposant du statut coopératif. Sur le département du Calvados, quatre des cinq concurrents seront des entreprises de négoce. En ce qui concerne le département de l'Orne, la situation sera toutefois différente puisqu'il demeurera trois coopératives actives sur le département.

- Elle-et-Vire : un acteur trop modeste pour aggraver significativement le déséquilibre concurrentiel

95. Spécialisée dans la collecte de lait, Elle-et-Vire est une coopérative régionale qui a réalisé un chiffre d'affaires annuel total de [...] millions d'euro en 2009. Dans la distribution de produits d'agrofourniture pour cultures, elle a réalisé un chiffre d'affaires annuel de [...] millions d'euro, soit moins de [...] % de son chiffre d'affaires total, et est peu équipée en termes d'infrastructures et de réseau de distribution.

96. Ses parts de marché sur chacun des trois départements sont très faibles : moins de [0-5] % dans le Calvados, moins de [0-5] % dans la Manche et moins de [0-5] % dans l'Orne. Au vu des parts de marché beaucoup plus significatives de la coopérative sur le marché de la collecte de lait (respectivement [10-20] % sur la Manche et [20-30] % sur le Calvados), il en ressort que l'essentiel des producteurs laitiers qui vendent leur lait à Elle-et-Vire s'approvisionnent déjà en produits d'agrofourniture pour cultures auprès d'autres distributeurs.

97. Dès lors, compte tenu d'un incrément de part de marché très faible, d'un réseau de distribution très peu développé et d'un impact limité sur la centrale d'achat Agro-coop, l'opération n'est pas de nature à porter atteinte à la concurrence par le biais d'effets horizontaux sur les marchés de la distribution de produits d'agrofourniture pour cultures. En effet, la forte position d'Agrial sur ces marchés est préexistante à la présente opération. En revanche, celle-ci sera prise au compte, au titre des effets congloméraux développés au paragraphe 135 et suivants.

4. LE MARCHÉ DE LA COLLECTE DE POMMES

98. Sur un marché national de la commercialisation de la pomme à cidre, évalué à environ 250 000 tonnes chaque année (43), Agrial et Val-de-Vire représentent respectivement [60-70] % et [5-10] % du marché, soit une part cumulée de [60-70] %.

99. Sur un marché normand de la commercialisation de la pomme à cidre44, Agrial et Val-de-Vire représentent respectivement [60-70] % et [5-10] % du marché, soit une part cumulée de [70-80] %. Le reste des achats de pommes à cidre sur la région est assuré par les principaux concurrents des parties sur le marché du cidre ainsi que par quelques autres acteurs spécialisés dans la fabrication d'autres alcools cidricoles (calvados, pommeau) : la distillerie Préaux (environ [10-15] % de parts de marché), Château du Breuil ([0-5] %), Maeyaert SA ([0-5] %), cidrerie La Brique ([0-5] %).

100. En Bretagne, si les activités des parties ne se chevauchent pas, la cible n'étant pas présente dans cette région, la part de marché d'Agrial sera d'environ [70-80] %.

101. Dès lors, Agrial, déjà leader en matière d'achat de pommes à cidre tant sur un plan national que sur la région de la Normandie, renforce, grâce à cette opération, sa puissance d'achat vis-à-vis des producteurs. L'opération de concentration notifiée est ainsi de nature à soulever des doutes d'atteinte à la concurrence. Ces doutes sont par ailleurs renforcés par la forte position de la nouvelle entité sur les marchés aval de commercialisation du cidre auprès des GMS (cf paragraphes 107 et suivants) et par le caractère peu probable de l'entrée de nouveaux acteurs sur le marché (cf paragraphes 119 et suivants).

102. Toutefois, pour éliminer tout risque d'atteinte à la concurrence, la partie notifiante a proposé des engagements qui seront détaillés aux paragraphes 179 et suivants de cette décision).

5. LES MARCHÉS DE LA COMMERCIALISATION DU CIDRE

a) Sur le canal de la restauration hors foyer ("RHF")

103. Sur le marché national du cidre vendu auprès du circuit RHF, les parts de marché des parties et de leurs concurrents sont les suivantes (en hectolitre) (45) :

<EMPLACEMENT TABLEAU>

104. Il ressort de ces données qu'Agrial et Val de Vire réalisent respectivement [40-50] % et [0-5] % du marché, soit une part cumulée de [50-60] %. Déjà largement leader sur le marché avant opération, Agrial a, grâce à la présente opération, pris le contrôle d'un acteur très modeste, classé au sixième rang des concurrents. Après opération, Agrial demeurera confronté à la concurrence de six acteurs, dont les Celliers Associés ([15-20] % du marché), l'entreprise Bosser ([5-10] %) et l'entreprise Fournier ([0-5] %).

105. Contrairement aux enseignes de la grande distribution, les acteurs de la restauration hors foyer, regroupant essentiellement des crêperies et des restaurants situés dans des zones à forte consommation de cidre, se présentent comme des clients de taille plus modeste dont les volumes d'approvisionnement en cidre sont moins élevés. Dans ces conditions, les concurrents d'Agrial se présentent comme des fournisseurs crédibles à même de constituer une source d'approvisionnement alternative.

106. En conséquence, compte tenu d'un faible incrément de part de marché et des caractéristiques propres à la clientèle, tout risque d'atteinte à la concurrence sur ce marché peut être écarté.

b) Sur le canal des grandes et moyennes surfaces ("GMS")

- La position des acteurs

107. Pour le cidre vendu auprès des GMS, les parts de marché des parties à l'opération et de leurs concurrents ont été estimées sur la base des volumes annuels de cidre réellement vendus, tels que communiqués par les différents acteurs concernés dans le cadre du test de marché.

108. Sur le marché aval de la vente de cidre par les GMS auprès du consommateur final, dont les produits MDD représentent [50-60] % des volumes, Agrial et Val de Vire réalisent, à travers leurs produits de marque, respectivement [30-40] % et [0-5] % du marché, soit une part cumulée de [30-40] %. Les Celliers Associés et l'entreprise Le Brun, avec des parts de marché respectives de [0-5] % et [0-5] %, demeureront des acteurs marginaux.

109. Sur les marchés amont du cidre vendu auprès du circuit GMS (MDD/MDF), les parts de marché des parties et de leurs concurrents sont les suivantes (en hectolitre) (46) :

<EMPLACEMENT TABLEAU 5>

110. Il ressort de ces données qu'Agrial et Val de Vire réalisent respectivement [70-80] % et [5-10] % des ventes sur le marché amont MDF, [80-90] % et [5-10] % des ventes sur le marché amont MDD et [70-80] % et [5-10] % des ventes sur le marché amont global, soit une part de marché cumulée respective de plus de [80-90] %, quelque soit le marché retenu. Détenant déjà, avant opération, plus des trois quarts des marchés concernés, Agrial prend le contrôle, à l'occasion de la présente opération, de son premier concurrent tant sur le marché des MDF que sur le marché des MDD. Le reste du marché est essentiellement assuré par deux concurrents, les Celliers Associés et l'entreprise Le Brun, qui réalisent respectivement [5-10] % et [0-5] % sur le marché MDF, [5-10] % et [0-5] % sur le marché MDD et [5-10] % et [0-5] % sur le marché amont global.

- L'élimination du principal concurrent

111. Dans un contexte marqué par un recul structurel de la consommation de cidre en France47, le secteur s'est progressivement organisé autour d'un acteur dominant. Avec une part de marché de seulement 30 % il y a vingt ans, le premier acteur du marché de l'époque, le groupe Pernod Ricard, a acquis, au cours des années 1990, plusieurs entreprises significatives du secteur (la société Mignard, la société Cidreries et Vergers du Duché de Longueville) pour ensuite céder, en 2003, l'ensemble de son pôle cidricole au groupe Cidrerie du Calvados La Fermière (ci-après "CCLF"). En 2004, le groupe coopératif Agrial a pris le contrôle de ce dernier, devenant ainsi le leader du marché du cidre en France (avec une part de marché de l'ordre de 60 %). Celui-ci a poursuivi sa croissance externe en rachetant notamment, en 2005, la Cidrerie de Savoie, en 2007, l'usine de Bellot et enfin, en 2009, les activités cidricoles de la coopérative Elle-et-Vire (Val de Vire). Agrial est ainsi le principal acteur du cidre en France avec douze sites de fabrication (situés en Bretagne, en Normandie, en Champagne-Ardenne et en Savoie) et de nombreuses marques, telles que Loïc-Raison, Ecusson ou Kérisac.

112. Val de Vire détient deux sites de production à Condé-sur-Vire (Manche) et à Cahagnes (Calvados) et plusieurs marques (Cidrerie Dujardin, Mont-Saint-Michel, Dan-Armor et Kerlobret). Avant l'opération notifiée, elle était le premier concurrent d'Agrial et a cherché à développer le volume de ses ventes en proposant des prix particulièrement compétitifs. N'étant pas titulaire de marques notoires, elle s'est avant tout positionnée sur les produits MDD, la vente de ceux-ci représentant les deux tiers de son chiffre d'affaires. Dans ces conditions, sa stratégie a d'autant plus conduit à exercer une contrainte concurrentielle sur Agrial que le degré de substituabilité entre les produits MDD et les produits MDF est élevé aux yeux des consommateurs finaux.

113. Ainsi, en acquérant Val de Vire, Agrial a permis de diminuer la pression concurrentielle assurée par son principal concurrent.

- Une faible concurrence résiduelle

114. Tant au niveau des produits MDD que des produits MDF, l'essentiel de la concurrence sera assuré, après opération, par deux entreprises : les Celliers Associés et l'Entreprise Le Brun.

115. La première est une coopérative implantée en Bretagne et comptant environ 300 adhérents. Avec un chiffre d'affaires total annuel de plus de 10 millions d'euro en 2010, et disposant de la marque Val de Rance, elle commercialise du cidre auprès des circuits RHF (environ un-tiers de son chiffre d'affaires) et GMS (plus de 50 %), le solde correspondant à des ventes à l'étranger. Plus de 50 % de ses volumes vendus auprès des GMS correspondent à des produits MDD. La seconde est une entreprise bretonne, au chiffre d'affaires total annuel inférieur à 10 millions d'euro, qui vend la majorité de sa production auprès de la grande distribution, soit sous sa propre marque (plus des deux tiers de sa production) soit sous des marques de distributeur.

116. En comparaison à la cible, les Celliers Associés et l'entreprise Le Brun sont des concurrents moins proches d'Agrial, en particulier le second qui se positionne sur la catégorie du cidre fermier ou artisanal, haut de gamme, avec des prix plus élevés que la majorité du cidre vendu par Agrial (48).

117. Si, depuis plusieurs années, ces deux concurrents connaissent un développement significatif de leur chiffre d'affaires (49), celui-ci peut s'expliquer en partie par le fait que la grande distribution a tenté, dans la mesure du possible, après la prise de contrôle de Val de Vire, de diversifier ses sources d'approvisionnement en cidre. Toutefois, les deux concurrents indiquent ne disposer désormais que de faibles capacités de production excédentaires (moins de 5 % du total des volumes de cidre actuellement vendus à la grande distribution). Dès lors, les concurrents actuels ne disposent pas, en tous cas à court terme, des moyens de renforcer significativement leur position dans le secteur.

118. Enfin, il ressort du test de marché qu'au cours de ces dernières années, Agrial a acquis, à plusieurs reprises, outre la cible, des sites de production cidricole, tels que la Cidrerie de Savoie et l'usine de Bellot, et manifeste encore son intention de poursuivre dans cette voie. Précisément, [Confidentiel]. Il convient au surplus de relever qu'au vu des chiffres d'affaires des acteurs concernés, ces opérations de concentration ne feraient pas l'objet d'un contrôle des autorités publiques.

- Des entrées sur le marché peu probables

119. Tout d'abord, il est difficilement envisageable pour fabricants de cidre français présents sur le seul canal de la RHF d'entrer de façon significative sur le canal des GMS, compte tenu de la taille de leur activité. En effet, répondre à la demande de la grande distribution nécessite non seulement des outils industriels d'une certaine taille en mesure de fournir les gros volumes de cidre commandés par les centrales d'achats, mais aussi un chiffre d'affaire suffisamment diversifié et donc significatif afin d'éviter une dépendance vis-à-vis d'une enseigne donnée. Or l'ensemble des acteurs présents sur le seul canal de la RHF se présente comme des entreprises de taille modeste, à dimension familiale. Ils ne disposent ainsi pas des moyens d'entrer rapidement et efficacement sur le canal des GMS, sinon pour de faibles volumes commercialisés en vente directe auprès des supermarchés.

120. S'agissant de l'éventuelle entrée de concurrents étrangers, la partie notifiante a précisé que les brasseurs et cidriers étrangers particulièrement puissants auraient la volonté de pénétrer le marché français et citent deux exemples à l'appui de son argument (50). Toutefois, en dépit de l'existence de plusieurs groupes d'envergure internationale commercialisant du cidre (51), il convient de relever, comme l'explique l'Union Nationale Interprofessionnelle Cidricole (ci-après "UNICID"), que "si d'autres cidres sont produits en Europe, notamment le sidra espagnol, le cidre britannique, l'Apfelwein allemand ou le cidre belge, ils n'ont qu'un lointain degré de parenté avec le cidre à la française aussi bien en termes de goût que d'élaboration" (52). Dans ces conditions, l'arrivée en France de cidriers étrangers correspondrait au lancement de nouveaux produits peu substituables au cidre acheté aujourd'hui par le consommateur. Le fait qu'aucune enseigne de la grande distribution ayant répondu au test de marché ne s'approvisionne en cidre à l'étranger (tant pour ses produits MDF que MDD), malgré la très forte position d'Agrial, en est une illustration.

121. La possibilité pour les concurrents étrangers de contrecarrer efficacement l'hégémonie de la nouvelle entité issue de l'opération n'apparaît en définitive possible qu'à travers la détention d'un outil de production en France avec une source d'approvisionnement en pommes à cidre françaises durable.

122. Or, il convient de relever à ce titre l'existence d'importantes barrières à l'entrée. En effet, premièrement, la détention par Agrial d'une très forte puissance d'achat sur le marché de la collecte de pommes à cidre (voir les paragraphes 98 et suivants) constitue une forte barrière à l'entrée pour les concurrents étrangers. Dans la mesure où toute nouvelle plantation de pommiers ne peut commencer à produire une récolte significative qu'à partir de sa cinquième année et où les producteurs de pommes actuels sont liés à Agrial par des contrats d'une durée minimale de 5 ans, celui-ci dispose des moyens de bloquer toute installation de nouveaux cidriers. De surcroît, Agrial est déjà le fournisseur de pommes ou de concentrés de jus de plusieurs fabricants cidricoles étrangers, [Confidentiel]. Deuxièmement, la structure actuelle du marché, caractérisé par un déclin durable de la consommation de cidre et la prépondérance d'un acteur réalisant plus de 80 % des ventes, hypothèque fortement les chances d'un nouvel acteur de pouvoir entrer rapidement sur le marché français.

Troisièmement, la concurrence étrangère a souligné, à plusieurs reprises, dans le cadre du test de marché, que l'existence de marges moins importantes sur le cidre français en comparaison à celles pratiquées dans leur pays représente également un frein supplémentaire à toute installation.

- La puissance d'achat des clients

123. Pour écarter tout risque d'atteinte à la concurrence, la partie notifiante met en avant l'argument selon lequel les enseignes de la grande distribution disposeraient d'une puissance d'achat telle qu'elle empêcherait la nouvelle entité d'exercer un quelconque pouvoir sur les marchés affectés. Elle ajoute qu'en cas de sources d'approvisionnement alternatives insuffisantes, la grande distribution conserverait au final, comme contre-pouvoir, la possibilité de se dispenser de cidre dans ses rayons, cette boisson représentant moins de 1 % du rayon "liquides".

124. S'il est vrai que les autorités de concurrence soulignent régulièrement le fort pouvoir de négociation des enseignes de la grande distribution vis-à-vis des fournisseurs, notamment en MDD, celui-ci ne perdure que pour autant que ces enseignes conservent une possibilité réelle d'approvisionnement alternatif. Or, au cas d'espèce, comme il a été démontré ci-dessus, ni la concurrence actuelle ni la concurrence potentielle ne sont en mesure de répondre à la demande de la grande distribution en cidre français si celle-ci voulait diversifier ses approvisionnements. En particulier, au sujet des produits vendus sous MDD, la très grande majorité des enseignes ont indiqué qu'elles ne pouvaient envisager de se dispenser des capacités de production d'Agrial compte tenu des volumes nécessaires.

125. De plus, contrairement aux allégations des parties, l'ensemble des enseignes de grande distribution a répondu que même en cas d'augmentation significative du prix du cidre et malgré le fait que celui-ci soit une boisson moins consommée que d'autres (comme le vin ou la bière), il demeurait un produit incontournable. La demande de ce dernier correspondant à un besoin spécifique lié à un évènement (l'épiphanie, la chandeleur), à un plat principal (les galettes ou les crêpes) ou à une habitude alimentaire (en particulier pour une population âgée et rurale en Normandie et Bretagne), l'élasticité-prix du cidre apparaît en effet assez faible.

- Les effets anticoncurrentiels

126. S'agissant d'une opération réalisée depuis environ 18 mois, il est possible de constater l'évolution des prix sur les marchés depuis la date de l'opération, même si ce délai apparaît insuffisamment long pour apprécier l'intégralité des effets possibles de la concentration.

127. Selon une étude Xerfi publiée en septembre 2010 et relative au marché du cidre, alors que le prix moyen à la consommation du cidre a augmenté de 15,6 % entre 2002 et 2010, les prix de vente industriels ont progressé, sur la même période, de 38,1 %, soit un taux de croissance annuel moyen de 4,1 %. Par ailleurs, au vu des données de prix communiquées par l'INSEE, le cidre se présente, toutes catégories confondues, comme le 2ème produit alimentaire ayant connu la plus forte hausse de prix à la consommation en 2009 (+5,9 %) (53).

128. Selon les propres données de la partie notifiante, le prix moyen de vente du cidre d'Agrial a évolué comme indiqué dans le tableau ci-dessous :

<EMPLACEMENT TABLEAU 6>

129. Ainsi, en 2009, année de la cession des activités cidricoles de la cible, le prix moyen du cidre vendu par Agrial a progressé de l'ordre de [...] %. Au cours des trois dernières années, l'augmentation totale a atteint plus de [...] %. Plus précisément, l'analyse de l'évolution des tarifs par catégorie de produits démontre que l'augmentation a surtout affecté les produits [Confidentiel]. Alors que ces derniers ont très souvent connu une hausse [Confidentiel], notamment [Confidentiel], l'évolution du prix des produits [Confidentiel] a été moindre, par exemple [Confidentiel].

130. La partie notifiante a justifié ces hausses par l'accroissement du coût des intrants, tels que le verre et le carton avec une augmentation respective de 15 % et 7 % en 2008. Toutefois, ces chiffres n'ont pas été confirmés par le test de marché, la majorité des concurrents ayant indiqué avoir subi des hausses moins élevées sur la période. En outre, même en tenant compte de ces chiffres, ceux-ci ne permettent ni d'expliquer la totalité de la hausse constatée ni de justifier la différence entre produits MDF et produits MDD.

131. Dès lors l'ensemble de ces données tendent à démontrer que l'acquisition des activités cidricoles de la cible, dont les deux tiers du chiffre d'affaires sont représentés par des ventes de produits MDD, a permis à Agrial de réduire les écarts de prix existant entre ses marques et les marques de distributeurs.

132. Outre des avantages en termes de prix, la concurrence effective génère, pour le consommateur, d'autres avantages, tels que des produits de qualité et une offre plus diversifiée et innovante.

133. Au cas d'espèce, le marché du cidre est caractérisé, depuis plusieurs années, par un recul durable du volume des ventes, les français ayant réduit leur consommation de l'ordre de 17 % entre 2002 et 2010 (54). Si cette évolution peut s'expliquer par un contexte plus général de baisse tendancielle de la consommation d'alcool, le test de marché tend aussi à démontrer que le cidre souffre d'une image vieillissante résultant à la fois d'un manque d'innovation et d'un déficit de communication. En particulier plusieurs acteurs du secteur ont souligné, dans le cadre du test de marché, qu'Agrial n'avait pas rempli son rôle de leader du marché, ses innovations en termes de produits et ses campagnes de promotion étant jugées largement insuffisantes. Le manque de dynamisme concurrentiel du secteur, marqué par de fortes parts de marché d'Agrial depuis plusieurs années, a très certainement eu ainsi un impact négatif sur la qualité des produits cidricoles et leur innovation.

134. En conséquence, de l'ensemble de ces éléments il ressort que la présente opération soulève des doutes sérieux quant aux effets de l'opération sur la concurrence sur le marché du cidre. Toutefois, pour lever ces doutes, la partie notifiante a proposé des engagements qui seront détaillés aux paragraphes 179 et suivants.

B. ANALYSE DES EFFETS CONGLOMÉRAUX DE L'OPÉRATION

135. Une concentration a des effets congloméraux lorsque la nouvelle entité étend ou renforce sa présence sur plusieurs marchés dont la connexité peut lui permettre d'accroitre son pouvoir de marché. Si les concentrations conglomérales peuvent susciter des synergies pro-concurrentielles, certaines peuvent néanmoins produire des effets restrictifs de concurrence lorsqu'elles permettent de lier, techniquement ou commercialement, les ventes ou les achats des éléments constitutifs du regroupement de façon à verrouiller le marché et à en évincer les concurrents.

136. Les lignes directrices de la Commission européenne (55) expliquent que "pour pouvoir évincer des concurrents, la nouvelle entité doit bénéficier d'un degré de pouvoir de marché significatif, qui ne se traduit pas nécessairement par la détention d'une position dominante sur un des marchés concernés. Les ventes groupées ou liées ne devraient produire des effets importants que lorsqu'au moins un des produits des parties à la concentration est considéré par de nombreux clients comme particulièrement important et lorsqu'il y a peu d'alternatives acceptables à ce produit en raison, par exemple de la différenciation des produits ou des contraintes de capacité auxquelles sont soumis les concurrents".

137. Au cas d'espèce, le marché de la collecte de lait est caractérisé par un contexte global de surproduction, accentué par la fin programmée en 2015 des quotas laitiers (cf paragraphes 63 et suivants de la décision). Dans ces conditions, les producteurs de lait d'Elle-et-Vire, pour qui la sécurisation des débouchés est cruciale, n'ont pas d'autre choix, dans le cadre de la présente opération, que d'adhérer à Agrial et de lui vendre leur lait. Si ce dernier n'aura pas, pour les raisons déjà évoquées, la possibilité d'exploiter cette puissance d'achat sur le marché même de la collecte de lait, il pourrait en revanche en user sur le marché de la distribution de produits d'agrofourniture pour cultures ou sur le marché de l'approvisionnement en alimentation animale, en conditionnant la collecte de lait à une obligation préalable d'approvisionnement des agriculteurs en semences, engrais, produits phytosanitaires ou aliments pour bovins auprès de son réseau de distribution et ce, au détriment des concurrents.

138. Dès lors, en vue d'évaluer la probabilité d'un tel scénario de verrouillage, il convient, conformément aux lignes directrices de la Commission européenne et de l'Autorité (56), d'examiner si l'entité issue de la fusion aura la possibilité de verrouiller le marché, en évinçant ses concurrents (1), si elle aura un intérêt économique à le faire (2) et si, enfin, une telle stratégie de verrouillage aura une incidence négative significative sur la concurrence (3).

1. LA CAPACITÉ POUR LA NOUVELLE ENTITÉ DE RENFORCER SIGNIFICATIVEMENT, PAR UN EFFET DE LEVIER, SA POSITION SUR LES MARCHÉS DE LA DISTRIBUTION DE PRODUITS D'AGROFOURNITURE ET D'ALIMENTS POUR BÉTAIL

a) Les obligations statutaires des associés coopérateurs de la coopérative Agrial

139. Les statuts d'Agrial prévoient que l'adhésion à la coopérative entraîne pour l'associé coopérateur :

- l'engagement de livrer la totalité des produits de son exploitation sous réserve des quantités nécessaires aux besoins familiaux et de l'exploitation (alinéa a1 des statuts) ;

- l'engagement de se procurer auprès de celle-ci ou par son intermédiaire au moins 80 % des produits ou objets nécessaires à son exploitation et qu'elle est en mesure de lui fournir, et au minimum pour une valeur de 500 euro par exercice (alinéa a2 des statuts) ;

- l'engagement d'utiliser, en ce qui concerne son exploitation et dans toute la mesure de ses besoins, les services que la coopérative est en mesure de lui procurer (alinéa a3 des statuts).

140. En cas d'inexécution totale ou partielle par un associé coopérateur de ces engagements, une pénalité égale à 5 % de la valeur des quantités non livrées ou non achetées ou des services non demandés, ainsi que l'exclusion de la coopérative, peuvent être décidées par le conseil d'administration.

141. Les statuts d'Agrial reprennent ainsi les recommandations établies par les arrêtés du 23 avril 2008 et du 25 mars 2009 portant homologation des statuts types des sociétés coopératives agricoles en France. Toutefois, au regard de ces derniers, Agrial a ajouté une clause supplémentaire : "ces engagements peuvent être souscrits indépendamment les uns des autres. Toutefois nul ne peut prendre l'engagement visé à l'alinéa a1 ci-dessus [à savoir l'engagement de livrer la totalité de sa production] s'il n'a auparavant souscrit les engagements d'approvisionnement et de services prévus aux alinéas a2 et a3 ci-dessus".

142. Ainsi tout nouvel adhérent a l'obligation de s'engager à acheter 80 % de ses besoins en produits nécessaires à son exploitation auprès d'Agrial, avant de pouvoir prétendre lui vendre sa production.

143. [Confidentiel].

144. En tout état de cause, quel que soit aujourd'hui le degré de respect de cette clause d'exclusivité, Agrial sera en mesure de l'imposer à ses adhérents.

b) La contractualisation en cours dans le secteur de la collecte de lait

145. Suite à la crise que connait actuellement la filière laitière, notamment caractérisée par une chute brutale des prix à la production au cours de l'année 2009, et conformément aux préconisations de l'Autorité de la concurrence57, le législateur a rendu obligatoire, par une loi du 27 juillet 201058, la conclusion de contrats de vente écrits entre les producteurs laitiers et leurs acheteurs. D'une durée de cinq ans, ces contrats ont pour objectif de protéger les agriculteurs en leur donnant de la visibilité sur leurs débouchés sur de longues périodes, mais également en donnant de la visibilité aux transformateurs et aux distributeurs sur leurs approvisionnements. Ils doivent comporter notamment des engagements sur les volumes de lait et sur des modalités précises de détermination du prix tout au long du contrat.

146. Alors que les industriels avaient l'obligation de proposer, avant le 1er avril 2011, un contrat aux agriculteurs, les collecteurs à statut coopératif, tels qu'Agrial, étaient tenus d'adapter, avant le 1er juillet 2011, leurs statuts ou règlements intérieurs afin d'intégrer les clauses obligatoires.

147. Or, des réponses faites dans le cadre du test de marché, il ressort que de nombreux acteurs se sont inquiétés du fait qu'Agrial pourrait prendre prétexte de cette révision du règlement intérieur de la filière pour exiger de ses producteurs de lait, grâce au rajout d'une clause, un approvisionnement exclusif auprès de son réseau de distribution, tant pour leurs besoins en alimentation bovine qu'en produits pour cultures.

148. Interrogée à ce sujet, la partie notifiante a présenté, au stade de la notification, un premier projet de règlement intérieur de sa filière lait qui prévoyait justement, en son article 3, une obligation, pour les associés coopérateurs, de "s'approvisionner, auprès de la coopérative ou de fournisseurs agréés par elle, pour les fournitures nécessaires à la production laitière". Suite aux premières remarques et questions de l'Autorité de la concurrence, Agrial a finalement fait adopter, le 1er juillet 2011, un règlement ne comportant aucune clause relative à une telle obligation. Toutefois, elle sera en mesure de faire modifier ce point.

149. En conséquence, compte tenu de l'obligation de fait pour les adhérents d'Elle-et-Vire d'adhérer, après opération, à la coopérative Agrial, et des deux instruments statutaires dont dispose celle-ci, il y a lieu de considérer qu'elle possède les moyens d'exploiter, par un effet de levier, la situation existante sur le marché de la collecte de lait en vue d'évincer des concurrents sur les marchés de l'approvisionnement en produits d'alimentation bovine et en produits pour cultures. Outre les moyens de le faire, elle aura un intérêt économique à s'engager dans un tel scénario.

2. L'INCITATION POUR LA NOUVELLE ENTITÉ À EXPLOITER CET EFFET DE LEVIER SUR LES MARCHÉS DE L'APPROVISIONNEMENT

150. Selon les lignes directrices de la Commission, "l'incitation à évincer les concurrents par le biais de ventes groupées ou liées dépend du degré de rentabilité de la stratégie mise en œuvre" (59).

151. Sur les marchés de la collecte de lait, la partie notifiante a précisé ne réaliser qu'une très faible marge dans la mesure où sa plus value se limite à un simple service de collecte et de livraison auprès des laiteries de son principal client, la Compagnie Laitière Européenne (ci-après "CLE").

152. En revanche, sur les marchés de la distribution de produits d'agrofourniture pour cultures, Agrial réalise des marges beaucoup plus importantes. Précisément, la marge moyenne brute pour l'année 2010 s'est respectivement élevée à [...] % pour les semences, [...] % pour les produits phytosanitaires, [...] % pour les amendements et [...] % pour les engrais. Pour obtenir la marge nette, il convient de déduire l'ensemble des charges supportées par la coopérative, telles que les frais commerciaux (techniciens en cultures), les coûts logistiques propres à chaque produit et les charges de structure. Pour l'année 2010, Agrial a estimé sa marge nette à [...] % pour les semences, [...] % pour les produits phytosanitaires, [...] % pour les amendements et -[...] % pour les engrais (60).

153. De plus, la distribution de produits d'agrofourniture pour cultures et la distribution d'alimentation animale constituent les premier et second secteurs qui permettent de dégager le plus important résultat de la coopérative. Précisément, le résultat s'est élevé à [...] millions d'euro en 2008 et [...] millions d'euro en 2010 pour la distribution de produits pour cultures et à [...] millions d'euro en 2008 et [...] millions d'euro en 2010 pour la distribution d'alimentation animale sur un résultat courant total de [...] millions d'euro en 2008 (soit respectivement [40-50] % et [30-40] % du résultat total) et [...] millions d'euro en 2010 (soit respectivement [30-40] % et [20-30] % du résultat total) (61).

Alors que ces activités ne pèsent respectivement en moyenne que 15 % dans le chiffre d'affaires total en 2010, elles participent au résultat à hauteur de [30-40]% et [20-30] %.

154. Dès lors, en comparaison à l'ensemble de ses autres activités, la distribution de produits d'agrofourniture pour cultures et d'alimentation animale présente, pour la partie notifiante, un haut degré de rentabilité et elle aura tout intérêt, dans le cadre de sa stratégie de développement, à favoriser celles-ci. L'existence d'une capacité à augmenter, par un effet de levier, ses parts de marché dans ces deux secteurs représente ainsi une véritable opportunité. Elle sera d'autant plus incitée à le faire que l'accroissement de ses parts de marché lui permettra, dans le même temps, de massifier davantage ses achats de nature à obtenir, auprès des fournisseurs, de meilleurs prix, constitutifs de plus larges profits.

155. En ce qui concerne les coûts possibles inhérents à l'exploitation de cet effet de levier, ceux-ci semblent très limités. Premièrement, comme il a déjà été précisé, les producteurs laitiers d'Elle-et-Vire n'auront pas la possibilité de livrer leur lait ailleurs qu'auprès d'Agrial. Deuxièmement, dans la mesure où les services de conseil en cultures, les produits d'agrofourniture et l'alimentation animale revêtent aujourd'hui un caractère indispensable pour les agriculteurs, il peut être exclu que ces derniers se dispensent de telles prestations, même si, de façon très marginale, quelques uns pourront chercher à limiter le recours aux fertilisants ou à produire eux-mêmes leurs semences ou aliments. La partie notifiante n'a pas dès lors à craindre, corrélativement à l'exploitation de l'effet de levier, une perte significative de clients. De plus, répondre à la demande supplémentaire ne nécessitera pas, de la part d'Agrial, d'investissements importants puisque les nouveaux clients concernés, à savoir les adhérents actuels de la coopérative Elle-et-Vire, sont tous implantés sur les trois départements de la Basse-Normandie, région au sein de laquelle Agrial dispose déjà d'un réseau de distribution et de techniciens particulièrement développé. Au contraire, l'accroissement de ses parts de marché lui permettra de rentabiliser l'ensemble de ses infrastructures.

156. En conséquence, Agrial aura un intérêt économique à exploiter sa capacité d'évincer les concurrents et à accroître ses parts de marché en matière de distribution de produits d'approvisionnement.

3. L'EFFET ANTICONCURRENTIEL SIGNIFICATIF DE CETTE STRATÉGIE POTENTIELLE

157. Selon les lignes directrices de la Commission précitées, "les ventes groupées ou liées peuvent déboucher sur une réduction importante des perspectives de vente pour les concurrents produisant un seul composant sur le marché. La réduction des ventes des concurrents ne constitue pas en soi un problème. Dans certains secteurs, toutefois, si cette réduction atteint un certain niveau, elle peut entraîner une diminution de la capacité ou de la motivation des entreprises rivales à faire face à la concurrence. L'entité issue de la concentration peut ainsi acquérir un pouvoir de marché (sur le marché où est commercialisé le bien lié ou groupé) et/ou maintenir ce pouvoir (sur le marché propre au bien liant ou exerçant un effet de levier). [...] C'est seulement lorsqu'une partie suffisante de la production du marché est affectée par le verrouillage résultant de l'opération de concentration que celle-ci peut entraver de manière significative la concurrence effective". Il est également précisé que "l'impact sur la concurrence doit être apprécié à la lumière des facteurs de nature à contrer cet impact, tels que la puissance d'achat compensatrice, ou la probabilité que l'entrée de nouveaux concurrents maintienne la concurrence effective".

a) L'impact négatif sur la concurrence

158. Spécialisée dans le seul secteur de la collecte de lait (avec notamment des parts de marché respectives de [20-30] % dans le Calvados et [10-20] % dans la Manche), Elle-et-Vire dispose d'un portefeuille d'exploitations agricoles équivalent à [10-20] % du total des exploitations agricoles professionnelles sur les départements du Calvados et de la Manche. Or, comme il a été précédemment indiqué (cf. paragraphe 96 de la décision), la grande majorité des producteurs laitiers qui vendent leur lait à Elle-et-Vire ne s'approvisionnent pas, en tous cas pour leurs intrants en cultures (62), auprès de celle-ci mais auprès d'autres distributeurs. Même si une petite partie de ceux-ci peut déjà être client d'Agrial, la présente opération permettra toutefois à celui-ci de récupérer un portefeuille significatif d'exploitations agricoles s'approvisionnant chez les concurrents, auprès desquels il pourra actionner ce mécanisme d'effet de levier. Absent notamment du secteur de la collecte de lait dans le Calvados, il va ainsi pouvoir recueillir une part importante de nouveaux adhérents, à hauteur d'environ 20 % de l'ensemble des producteurs laitiers.

159. Dès lors, en liant la collecte de lait à l'approvisionnement en produits d'agrofourniture et d'aliments pour bétail, la partie notifiante pourra accroitre, sans véritable coût, ses parts de marché sur ces derniers produits, sachant que ces dernières sont déjà particulièrement élevées sur les marchés de la distribution de produits d'agrofourniture pour culture (cf. paragraphe 77 et suivants de la décision) dans le Calvados et dans la Manche.

160. Un tel scénario pourrait se produire dans un délai court, dans la mesure où il n'est pas conditionné par le développement préalable d'infrastructures ou d'investissements mais réside, notamment, dans la seule application stricte des statuts de la coopérative. Il pourrait aussi s'accompagner d'une politique tarifaire agressive à titre provisoire.

161. Or, ce scénario engendrerait trois effets néfastes pour les concurrents : premièrement, une perte brutale de parts de marché ; deuxièmement, une diminution subséquente de leur puissance d'achat en amont, du fait de la réduction de leurs volumes de commandes ; troisièmement, une perte de compétitivité en termes de prix au regard de ceux pratiqués par Agrial. Ce scénario serait d'autant plus redoutable pour les concurrents que les rapports de force sont déjà déséquilibrés sur les marchés de la distribution de produits d'agrofourniture pour culture (cf. paragraphe 86 et suivants de la décision).

162. A l'issue de ce scénario, après avoir supprimé toute possibilité, pour les exploitations agricoles, d'approvisionnement alternatif, cette stratégie pourrait également avoir, à moyen terme, des effets néfastes sur les prix. En l'absence de concurrents sérieux, Agrial pourrait en effet être largement incité à augmenter ses tarifs, sur les trois départements concernés, au détriment des agriculteurs. Reste la question de savoir si des facteurs existent afin de contrer cet impact anticoncurrentiel.

b) L'examen des facteurs pouvant contrer cet impact anticoncurrentiel

- La question de l'existence ou non d'une concurrence potentielle

163. Apprécier la probabilité que l'entrée de nouveaux concurrents vienne faire échec au scénario décrit ci-dessus revient à examiner s'il existe ou non des barrières à l'entrée.

164. Tout d'abord, il convient de relever que la probabilité évoquée ci-dessus dépend étroitement de la possibilité préalable pour une entreprise d'être présente à la fois sur le marché de la collecte de lait et sur les marchés de la distribution d'agrofourniture (pour culture et alimentation animale).

165. S'agissant de concurrents déjà présents dans l'activité agrofourniture, leur entrée sur le marché de la collecte de lait apparaît très difficile compte tenu de la nécessité parallèle, dans un contexte de surproduction de lait, de disposer d'un outil performant de transformation du lait, d'une présence en aval sur les marchés de la fabrication de produits laitiers ou d'un partenariat avec un acteur présent sur ces marchés. A ce titre, Agrial a pu envisager de reprendre l'activité de collecte d'Elle-et-Vire que parce qu'il avait la garantie, grâce à un contrat d'une durée de [Confidentiel], de pouvoir livrer sa collecte auprès de son principal client, La Compagnie Laitière Européenne.

166. De même, l'entrée de concurrents, déjà présents dans le secteur laitier, sur le marché de la distribution de produits d'agrofourniture apparaît peu probable pour plusieurs raisons. D'une part, plusieurs concurrents, tels que les Maîtres Laitiers du Cotentin ou la coopérative Isigny-Sainte-Mère, ont exclu la possibilité d'entrer à moyen terme sur ces marchés. D'autre part, pour les autres acteurs, et en ce qui concerne plus spécifiquement la distribution d'agrofourniture pour cultures, il existe d'importantes barrières à l'entrée de formes diverses :

- des barrières de nature statutaire pour les coopératives dans la mesure où le territoire d'activité est fixé par les statuts, ce qui limite fortement la liberté de choisir l'implantation de son réseau de distribution ; à l'inverse, l'essentiel du marché sur les trois départements concernés étant réalisé par Agrial, à savoir un distributeur à statut coopératif dont les clients sont engagés pour une durée déterminée, il sera plus difficile pour les négociants de capter cette clientèle (63) ;

- des barrières liées aux caractéristiques de la clientèle : la relation de confiance entre les agriculteurs et leur distributeur étant primordiale, il existe une très grande fidélité des premiers vis-à-vis des seconds ; dans le cadre du test de marché, 75 % des agriculteurs ont répondu qu'ils avaient, au cours de ces 15 dernières années, changer au maximum une seule fois de distributeur (environ 50 % n'ayant jamais changé de fournisseur en 15 ans) ; la sensibilité des clients au profil du distributeur rend donc plus difficile une entrée rapide sur le marché ;

- des barrières liées aux caractéristiques du marché : dans la mesure où le nombre d'exploitations agricoles en activité diminue de façon importante chaque année64, il est beaucoup plus difficile pour un nouvel entrant de gagner des parts de marché dans un tel contexte ;

- des barrières de nature technique : réussir l'entrée sur un marché de distribution de produits d'agrofourniture impose le développement préalable d'un important réseau de proximité et d'un portefeuille de techniciens présents dans chaque canton.

167. En ce qui concerne la distribution d'alimentation animale, l'entrée sur le marché apparait moins difficile dans la mesure où notamment les barrières liées au développement d'un réseau préalable de proximité et aux caractéristiques de la clientèle sont beaucoup moins fortes. Toutefois d'autres difficultés d'accès demeurent, telles que celles relatives au statut d'Agrial et à l'évolution structurelle du nombre d'exploitations agricoles.

168. Dès lors, l'entrée de nouveaux concurrents dans un délai raisonnable apparaît peu probable, en tous cas insuffisante pour être de nature à empêcher la partie notifiante de mettre en place un scénario de verrouillage des marchés.

- La question d'une éventuelle redistribution des bénéfices par l'intermédiaire du principe coopératif

169. Selon le principe même du fonctionnement d'une coopérative, les bénéfices dégagés au cours d'une année peuvent être redistribués auprès des associés coopérateurs. Précisément, selon les statuts types des sociétés coopératives tels qu'homologués par l'arrêté du 23 avril 2008, l'assemblée générale délibère, après imputation du report à nouveau déficitaire et dotation des réserves obligatoires, sur la proposition motivée d'affectation des excédents répartissables présentée par le conseil d'administration. Dans ce cadre, la décision d'une redistribution du résultat peut principalement prendre deux formes :

- une rémunération du capital social : les coopératives peuvent verser à leurs adhérents un intérêt dit "intérêt servi sur le montant libéré des parts sociales", dont le taux est plafonné légalement ; les adhérents coopérateurs peuvent en outre recevoir d'autres rémunérations au titre de leur capital social ; par exemple, la loi du 3 janvier 1991 a autorisé la redistribution des dividendes reçus des filiales de la coopérative, cette rémunération présentant un avantage dans la mesure où elle n'est pas plafonnée ;

- une rémunération de l'activité réalisée par les associés avec la coopérative (appelée ristourne) : la coopérative peut en effet décider de répartir à chaque adhérent une partie des excédents disponibles, sous forme de "ristournes", qui est calculée proportionnellement au montant des opérations réalisées par cet adhérent avec la coopérative (65).

170. Dès lors, le risque d'augmentation sensible des prix des intrants par Agrial, selon le scénario décrit ci-dessus, pourrait être neutralisé par l'existence au final de ce mécanisme de redistribution des excédents. A ce titre, dans sa décision du 9 mars 1999 relative à une opération impliquant des coopératives danoises, la Commission européenne relevait que "les craintes qu'elle [la Commission européenne] a exprimées concernant la création de cette position dominante ne reposent pas sur la possibilité qu'ont les parties de réaliser des bénéfices monopsonistiques aux dépens de leurs fournisseurs [les exploitants agricoles], dans la mesure où ces bénéfices seraient ensuite répartis entre les éleveurs-membres sous forme de "paiement résiduel" ou de "prime" (66). Toutefois, ce raisonnement ne demeure valable que dans la mesure où la politique de redistribution habituelle de la coopérative en cause est bien de nature à permettre la redistribution d'une part suffisamment significative des excédents dégagés à partir de la hausse des prix.

171. Au cas d'espèce, Agrial redistribue en partie le résultat de la coopérative, sous forme de ristournes et d'une rémunération du capital social, cette dernière correspondant uniquement à des dividendes provenant des filiales de la coopérative (67). Le tableau ci-dessous présente, pour les années 2005 à 2010, le résultat net du groupe Agrial (coopérative + filiales), le résultat net de la coopérative, le résultat distribué aux adhérents et les pourcentages respectifs :

<EMPLACEMENT TABLEAU 6>

172. D'après ces données, il apparaît qu'en 2010, seulement [...] du résultat net de la coopérative et [...] % du résultat net du groupe sont redistribués aux associés coopérateurs. Dès lors, les bénéfices tirés d'une augmentation des prix ne serait qu'en partie redistribués aux associés coopérateurs.

173. Surtout, le scénario selon lequel la partie notifiante pourrait augmenter de façon significative les prix sur les intrants pour cultures ou sur l'alimentation animale ne pourrait s'appliquer qu'en Basse-Normandie (Manche, Orne, Calvados) où se chevauchent les activités d'Agrial et d'Elle-et-Vire.

174. Pour faire face à la concurrence sur ses autres zones d'activité, Agrial pourrait, grâce à l'augmentation significative de ses prix en Basse-Normandie, améliorer sa compétitivité sur d'autres départements. Dans ces conditions, l'augmentation des prix sur les marchés affectés serait contre balancée par une diminution de ceux des zones à forte concurrence, sans engendrer en fin d'année des bénéfices supplémentaires. Il s'agirait alors d'une perte sèche pour les agriculteurs des trois départements de la Basse-Normandie.

175. Une telle stratégie concurrentielle induirait toutefois, de la part d'Agrial, une politique tarifaire discriminatoire entre ses différents territoires qui pourrait le cas échéant, sous réserve d'un certain nombre de critères, relever du droit relatif aux pratiques anticoncurrentielles. A ce sujet, comme le rappellent les lignes directrices de l'Autorité de la concurrence (68), il convient de prendre en compte l'effet dissuasif que pourrait avoir l'éventuel caractère clairement ou très probablement illicite, au regard du droit tant communautaire que national, des pratiques mises en œuvre par l'entreprise en question. Au cas d'espèce, compte tenu du caractère peu transparent des prix, en tous cas pour les produits d'agrofourniture pour cultures, vendus aux agriculteurs (69), de nature à rendre difficile la détection d'une politique tarifaire discriminatoire, Agrial pourrait être tenté de s'engager dans la voie d'un tel scénario, d'autant plus que l'activité dans ce secteur comporte un haut degré de rentabilité.

176. En conséquence, aucun facteur possible ne semble en mesure de contrer l'impact anticoncurrentiel de ce scénario de verrouillage du marché de la distribution de produits d'agrofourniture sur les trois départements de la Basse-Normandie.

177. Toutefois, pour lever les doutes sérieux d'atteinte à la concurrence, la partie notifiante a proposé des engagements qui seront détaillés aux paragraphes 187 et suivants.

IV. Les remèdes proposés

178. Afin de lever les doutes sérieux quant aux effets de l'opération sur la concurrence, la partie notifiante a déposé, le 29 août 2011, une proposition d'engagements qui a été modifiée à plusieurs reprises et en dernier lieu le 5 octobre 2011. Le texte intégral de ces engagements, joint en annexe, fait partie intégrante de la présente décision.

A. LES REMÈDES RELATIFS AUX ACTIVITÉS CIDRICOLES

179. Afin de répondre aux préoccupations de concurrence sur les marchés du cidre et de la collecte de pommes, la partie notifiante a proposé de céder les deux sites de production cidricole acquis en 2009, à savoir les cidreries situées sur les communes de Condé-sur-Vire (50) et Cahagnes (14), ainsi que l'ensemble des immobilisations corporelles et incorporelles liées à ces deux cidreries, notamment la marque Dujardin, les autorisations accordées par les entités administratives et l'ensemble du personnel actif actuellement dans chacune des deux cidreries, notamment les directeurs d'usine respectifs. Agrial s'interdit, pendant une durée de 10 ans, à compter de la présente décision, d'acquérir à nouveau le contrôle de ces deux sites de production.

180. De plus, Agrial s'est engagée à nommer, sous le contrôle de l'Autorité de la concurrence, un mandataire indépendant qui aura pour mission de s'assurer de l'exécution satisfaisante par Agrial de ses obligations et un mandataire indépendant chargé de la cession, ce dernier ayant pour mission, après une première période de négociation libre accordée à Agrial, de procéder à la vente des actifs concernés. Les acquéreurs devront être indépendants des parties à l'opération, et sans aucun lien avec elles. Ils devront posséder les ressources financières et les compétences pour pouvoir préserver et développer de manière viable la capacité des activités cédées à animer la concurrence sur les marchés concernés.

181. Dans la mesure où la partie notifiante s'est engagée à céder les actifs précisément acquis en 2009, ces engagements sont en mesure de remédier aux problèmes concurrentiels soulevés. Le test de marché a ainsi pu confirmer que le périmètre des actifs à céder n'avait pas connu d'évolution significative depuis son acquisition par Agrial en 2009. En effet, les deux sites ont non seulement conservé, comparativement à la situation antérieure à la prise de contrôle en 2009, les mêmes volumes de production de cidre ([Confidentiel]) mais également continué à produire, dans les mêmes proportions, tant du cidre MDF, sous la marque Dujardin, que du cidre MDD. Dès lors les engagements proposés sont de nature à réduire la part de marché d'Agrial sur les marchés du cidre à la hauteur de ce qu'elle était avant son acquisition de 2009 et de remédier aux problèmes concurrentiels soulevés à la fois sur le marché amont MDD et sur le marché amont MDF.

182. Cependant, les modalités relatives aux approvisionnements et aux débouchés des cidreries prévues dans la première proposition d'engagements ne permettaient pas de garantir la viabilité et l'autonomie des actifs cédés ni de résoudre les problèmes de concurrence soulevés sur les marchés de la collecte de pomme. En effet, la partie notifiante s'engageait à notifier aux producteurs de pommes livrant les deux cidreries et aux clients dont les contrats sont en cours, le changement de contrôle des deux sites et à les informer de l'identité de l'acquéreur, à charge pour ce dernier de leur faire connaître ses conditions commerciales et de renégocier avec eux des contrats. En cas de refus des producteurs de pomme, Agrial s'engageait à fournir à l'acquéreur les volumes de pommes nécessaires à l'exploitation des actifs cédés pendant la première campagne de pommes intervenant après la cession.

183. Or, le simple engagement d'informer les cocontractants des cidreries du changement de contrôle et de l'identité de l'acquéreur ou celui de fournir lui-même les besoins en pommes des deux sites à céder apparaissent inadaptés. En effet, les réponses au test de marché ont souligné unanimement l'importance de prévoir un transfert des contrats d'approvisionnement en pommes en vue de garantir durablement à l'acquéreur une source pérenne en pommes. La longue durée des contrats d'approvisionnement, le fait que toute nouvelle plantation de pommiers n'est en mesure de produire une première récolte qu'à compter de sa cinquième année, l'importance des Indications Géographiques Protégées (IGP) dans le secteur du cidre et enfin la position très forte de la partie notifiante sur les marchés d'approvisionnement en pommes à cidre imposent de prendre toutes garanties afin d'assurer à l'acquéreur une indépendance vis à vis d'Agrial quant à ses besoins en pommes. De même, en ce qui concerne les contrats de vente à la grande distribution, le test de marché a confirmé la nécessité de garantir au repreneur des débouchés et d'éviter que, pendant la période de cession, la partie notifiante ne tente de récupérer les contrats en cours.

184. Pour répondre à ces critiques, la partie notifiante a amélioré ses engagements. S'agissant des contrats d'approvisionnement, elle a expliqué qu'elle ne pouvait envisager un transfert des contrats signés avec les producteurs livrant jusqu'à présent les deux cidreries concernées dans la mesure où l'ensemble de ces derniers sont par ailleurs adhérents de sa coopérative. En revanche, elle s'engage à transférer un ensemble de contrats d'approvisionnement de pommes en cours avec un ou plusieurs producteurs indépendants, non adhérents de la coopérative, dont les plantations sont situées à une distance maximale de 200 kilomètres de l'un ou l'autre des sites à céder, l'ensemble de ces contrats devant représenter, sur la base des chiffres de la récolte de 2010, un volume annuel de pommes d'au moins [...] tonnes. S'agissant des contrats de vente à la grande distribution, la partie notifiante s'engage à transférer, au plus tard à la date de la cession, l'ensemble des contrats en cours avec les clients. Elle s'interdit aussi, à compter de la date de la décision de l'Autorité de la concurrence et jusqu'à la date de cession, de répondre aux appels d'offres ou de contracter avec les enseignes de la grande distribution avec lesquelles les actifs à céder ont signé des contrats, pour les produits cidricoles concernés.

185. Les modifications ainsi apportées permettent de garantir la viabilité et l'autonomie des actifs cédés et de diminuer la part de marché d'Agrial sur le marché normand de la collecte de pommes. En effet, s'agissant de l'approvisionnement en pommes à cidre, et face à l'impossibilité d'imposer à des adhérents de quitter une structure coopérative, le transfert prévu de contrats avec des producteurs indépendants, non adhérents de la coopérative Agrial, tous situés, en Normandie, dans une zone de chalandise de 200 kilomètres autour des deux usines de transformation, est de nature à octroyer au repreneur les moyens suffisants pour produire du cidre à hauteur des volumes actuellement commercialisés par ces sites. En outre, rien n'empêchera, comme c'est le cas aujourd'hui pour les cidreries concernées, de compléter ses besoins en pommes par des achats supplémentaires sur le marché auprès de producteurs non liés par un contrat ou l'adhésion à une coopérative. De même, le transfert des contrats de vente auprès de la grande distribution permettra à celui-ci d'avoir des débouchés garantis dans les premiers mois de la reprise.

186. En conséquence, l'Autorité considère que les engagements proposés par la partie notifiante sont suffisants pour éliminer tous doutes sérieux quant aux effets de l'opération sur la concurrence sur les marchés du cidre et de la collecte de pommes.

B. LES REMÈDES RELATIFS AUX EFFETS CONGLOMÉRAUX

187. Afin de lever les doutes sérieux quant aux effets congloméraux de l'opération, identifiés aux paragraphes 135 et suivants de la décision, la partie notifiante s'est engagée à procéder à la modification de ses statuts, en particulier son article huit, de manière à réduire, pour les adhérents de la coopérative, la part d'approvisionnement obligatoire en produits d'agrofourniture par le biais de la coopérative. Précisément elle propose, d'une part, d'abaisser le niveau d'approvisionnement obligatoire pour l'agrofourniture de 80 % à 50 % et, d'autre part, de supprimer la clause selon laquelle l'achat par la coopérative de la production laitière de l'agriculteur était conditionné à l'obligation préalable pour ce dernier d'acheter ses intrants en agrofourniture auprès du réseau de distribution de la coopérative.

188. Par ailleurs, Agrial s'interdit, d'une façon plus générale, de réintroduire une quelconque clause ou d'imposer, d'une quelconque façon, une obligation à ses adhérents revenant à contourner le sens du présent engagement.

189. Du fait de ces engagements la partie notifiante perdra le moyen statutaire de lier la collecte de lait à une obligation préalable, pour l'éleveur, d'acheter son alimentation animale ou ses produits d'agrofourniture pour cultures auprès du réseau de la coopérative. L'exploitant agricole pourra donc choisir entre différentes possibilités d'adhésion à la coopérative Agrial selon ses propres intérêts : soit y adhérer pour ses seuls besoins en agrofourniture, soit y adhérer pour sa seule collecte de lait, soit encore y adhérer à la fois pour ses besoins en agrofourniture et pour sa collecte de lait. En pratique, le producteur laitier, adhérent jusqu'à présent à la coopérative Elle-et-Vire, et qui sera désormais collecté par Agrial, pourra continuer à acheter ses produits d'agrofourniture ou son alimentation animale auprès d'un négociant ou d'une autre coopérative.

190. Dans l'hypothèse où il choisirait d'adhérer à Agrial pour ses besoins en agrofourniture, il aura désormais la possibilité de continuer, à hauteur de 50 % et non plus seulement 20 %, de s'approvisionner auprès d'autres distributeurs. Il disposera ainsi des moyens de continuer à mettre en concurrence l'ensemble des vendeurs de produits d'agrofourniture dans la perspective de pouvoir bénéficier des meilleurs prix.

191. Par ailleurs, l'engagement général de ne pas lier, sous une quelconque forme, la collecte de produits à une obligation préalable d'approvisionnement par l'exploitant agricole est une garantie contre tout risque, de modification du règlement intérieur de la filière laitière en ce sens.

192. Outre le fait que la partie notifiante perdra ainsi son pouvoir d'exploiter, par un effet de levier, la situation particulière existant sur le marché de la collecte de lait, cet engagement est de nature à dynamiser la concurrence dans l'intérêt des agriculteurs et de l'ensemble des acteurs du secteur.

193. En conséquence, l'Autorité considère que les engagements proposés par la partie notifiante sont suffisants pour éliminer tous doutes sérieux quant aux effets congloméraux de l'opération sur la concurrence.

DECIDE

Article unique : L'opération notifiée sous le numéro 11-0055 est autorisée sous réserve des engagements décrits ci-dessus et annexés à la présente décision.

Notes :

1 Le chiffre d'affaires de la coopérative Elle-et-Vire était de [...] millions d'euro au 31 décembre 2009 auquel il convient d'ajouter le chiffre d'affaires de l'activité cidricole de [...] millions d'euro cédée le 1er juillet 2009

2 Décision de la Commission européenne n° COMP-M.4344 - Lactalis/Nestlé/JV.

3 Lettre du ministre n° C2007-73 du 2 août 2007 aux conseils de la société Orlait ; décision de l'Autorité de la concurrence n°10-DCC-110 du 1er septembre 2010 relative à la prise de contrôle exclusif du groupe Entremont par le groupe Sodiaal.

4 Lettre du ministre n°C2007-73 précitée, décision de la Commission européenne n° COMP-M.5046 - Friesland Foods/Campina du 17 décembre 2008.

5 Lettre du ministre n°C2005-78 du 28 octobre 2005 aux conseils des sociétés Finance et Management, Entremont, Unicopa.

6 Décision de la Commission européenne n° COMP-M.5046 précitée.

7 Décision de la Commission européenne COMP-M.3130 - Arla Foods/Express Dairies du 10 juin 2003.

8 Décision n°COMP-M.4344-Lactalis/Nestlé/JV précitée.

9 Décision n°COMP-M.5046 précitée, page 17 de la décision.

10 Lettre du ministre n°C2005-78 précitée, Lettre du ministre n° C2006-102 du 11 décembre 2006 aux conseils du groupe Lactalis, Lettre du ministre C2007-73 précité.

11 Lettre du ministre n°C2005-78 précitée.

12 Lettre du ministre n°C2007-73 précitée.

13 Voir par exemple la lettre du ministre n°C2008-29 du 4 juin 2008 aux conseils de la société coopérative Agrial et de la société coopérative Union Set, les décisions de l'Autorité de la concurrence n° 09-DCC-91 du 24 décembre 2009 et n° 10-DCC-34 du 22 avril 2010.

14 Voir les décisions de l'Autorité de la concurrence citées ci-dessus.

15 Voir par exemple la lettre du ministre n°C2008-29 précitée.

16 Voir notamment la décision de l'Autorité de la concurrence n° 09-DCC-91 précitée.

17 Voir notamment les décisions de l'Autorité de la concurrence n° 10-DCC-66 du 28 juin 2010, n°10-DCC-41 du 10 mai 2010, la lettre du ministre n° C2008-112 du 5 décembre 2008 au conseil des coopératives Audecoop, La Toulousaine de Céréales, Groupe coopératif Occitan.

18 Voir les décisions de l'Autorité de la concurrence n° 09-DCC-37 et n° 09-DCC-38 précitées, ainsi que la lettre du ministre de l'économie n°C2008-94 du 2 janvier 2009.

19 Voir la lettre du ministre n°C2008-52 du 30 juin 2008 au conseil de la société coopérative agricole Interface Céréales.

20 Voir notamment la lettre du ministre de l'économie n°C2008-112 du 5 décembre 2008 précitée, les décisions de l'Autorité de la concurrence n° 10-DCC-41 du 10 mai 2010 et n° 10-DCC-66 du 28 juin 2010

21 Voir notamment les décisions de l'Autorité de la concurrence n°09-DCC-38 du 4 septembre 2009 et n°10-DCC-107 du 9 septembre 2010

22 Voir la décision de l'Autorité de la concurrence n°09-DCC-38 précitée relative à la région de l'Auvergne.

23 Voir la décision de la Commission européenne n°COMP-M. 3182 du 30 juin 2003 Scottish & Newcastle/HP Bulmer

24 Voir notamment l'avis du Conseil de la concurrence n°92-A-08 du 20 octobre 1992 relatif à l'acquisition des sociétés Mignard et Cidreries et vergers du duché de Longueville par les sociétés Cidreries et Sopagly Réunies ; la lettre du ministre n°C2004-76 du 6 juillet 2004 à la directrice du département législatif et réglementaire de la coopérative agricole Agrial ; la décision du Conseil de la concurrence n°07-D-18 du 16 mai 2007.

25 Données extraites de Viniflhor-Infos, n°147 d'octobre 2007 sur " le cidre : les ventes en grande distribution et les achats des ménages ".

26 D'autres formats de conditionnement moins répandus, tels que des bouteilles de 25 cl, existent également.

27 Concernant plus spécifiquement les spiritueux, voir notamment les décisions de la Commission européenne IV-M.938 Guinness/Gran Metropolitan du 15 octobre 1997, COMP-M.2268 Pernod Ricard/Diageo/Seagram Spirits du 20 mars 2001, COMP-M.3779 Pernod Ricard/Allied Domecq du 24 juin 2005 et COMP-M.5114 Pernod Ricard/V&S du 17 juillet 2008 ; la décision du ministre C2008-76 du 29 décembre 2008.

28 Voir par exemple les décisions de l'Autorité de la concurrence n°10-DCC-110 du 1er septembre 2010 relative aux fromages et n° 10-DCC-60 du 14 juin 2010 relative aux crèmes glacées, la lettre du ministre n° C2004-1 du 5 février 2004 relative au champagne.

29 Voir les décisions de l'Autorité de la concurrence n°09-DCC-48 dans le secteur des produits Traiteur, n°10-DCC-21 dans le secteur des légumes et champignons, n°10-DCC-60 dans le secteur des crèmes glacées.

30 Voir la décision de la Commission européenne n°COMP-M.3182 précitée.

31 Voir notamment le décret n°87-600 du 29 juillet 1987 modifiant le décret n°53-978 du 30 septembre 1953.

32 Donnée extraite de Viniflhor-Infos, n°147 d'octobre 2007 sur "le cidre : les ventes en grande distribution et les achats des ménages".

33 Voir l'avis n°09-A-48 du 2 octobre 2009 de l'Autorité de la concurrence dans le cadre d'une saisine de la commission des affaires économiques du Sénat.

34 D'après les données de la Chambre d'agriculture de la Manche, la Basse-Normandie comptait, en 2007, près de 14 000 exploitations professionnelles dont environ les deux tiers possèdent un troupeau de vaches laitières.

35 (NOTE DE TABLEAU 1) Ce tableau présente les parts de marché de l'ensemble des concurrents sur le département du Calvados, même s'il ne peut être exclu qu'il puisse exister quelques acteurs marginaux, tels que des entrepreneurs individuels actifs sur un canton ou deux du département. Précisément, la liste des concurrents du tableau reprend celle qui a été établie par la partie notifiante dans le cadre de la notification de la présente opération, à l'exception de la coopérative Capseine dans la mesure où cette dernière a indiqué ne pas être active sur ce département. Le test de marché n'a pas permis de révéler l'existence d'autres acteurs significatifs sur ce département.

36 (NOTE DE TABLEAU 2) Ce tableau présente les parts de marché de l'ensemble des concurrents significatifs sur le département de l'Orne, dont la liste, établie par les parties, a été corrigée en fonction des réponses au test de marché. Ainsi, la coopérative Capseine, la coopérative des Agriculteurs de la Mayenne (ci-après "CAM") et les établissements Lepicard ont été retirés de la liste du fait de leur absence de la zone ou du caractère complètement marginal de leur chiffre d'affaires sur le département. De même, compte tenu de l'absence de réponse au test de marché malgré des contacts répétés, l'entreprise Ets Guilloux ne figure pas non plus dans le tableau.

37 (NOTE DE TABLEAU 3) Ce tableau présente les parts de marché de l'ensemble des concurrents significatifs sur le département de la Manche, dont la liste a été établie par les parties. Les parties avaient mentionné l'existence d'un concurrent supplémentaire (Etablisements Agri Saire) mais, dans la mesure où celui-ci a récemment été racheté par les établissements Leriche, son activité a été comptabilisée dans la part de marché de son acquéreur. Il n'est pas exclu qu'il puisse exister quelques autres concurrents marginaux, tels que des petites entreprises familiales ou des entrepreneurs individuels.

38 Voir le classement "Top 100 des entreprises coopératives et panorama sectoriel" établi par le Groupement National de la Coopération.

39 Seul, l'entreprise Piednoir assure marginalement une activité sur les deux départements limitrophes (Calvados et Orne).

40 Les coopératives membres d'UTDF sont les suivantes : Cap seine (Chiffre d'affaires annuel total de 573 millions d'euro, Noriap (CA de 371 millions d'euro), Valfrance (CA de 148 millions d'euro), Sévépi (CA de 119 millions d'euro), Coopérative de Bonneval (CA de 76 millions d'euro), coopérative de Broons (CA de 163 millions d'euro), Coopérative de vermandois (CA de 11 millions d'euro), Ucac (CA de 45 millions d'euro), Scael (CA de 589 millions d'euro), Capsom (CA de 45 millions d'euro), Cecab (CA de 1 300 millions d'euro).Aucune de ces coopératives n'est active sur les départements de la région Basse-Normandie.

41 Grâce aux réponses recueillies dans le cadre du test de marché, il a été possible de comparer les prix à l'unité facturés respectivement à UTDF et Agro-coop par quatre grands fournisseurs de produits d'agrofourniture : Basf Agro (qui commercialise des produits phytosanitaires), Syngenta Agro (produits phytosanitaires), Bayer (produits phytosanitaires) et Limagrain Europe (semences).

42 Voir l'annexe 1 de la note de présentation des crédits 2010 Mission "Agriculture, pêche, alimentation, forêts et affaires rurales" et compte d'affectation spéciale "Développement agricole et rural" du rapporteur spécial Joël Bourdin de la Commission des finances du Sénat.

43 Sources de la Chambre d'agriculture de Normandie relatives à la filière cidricole et confirmées par les données de l'UNICID.

44 Selon les données de la Chambre d'agriculture de Normandie, la Normandie (Basse-Normandie et Haute-Normandie) représente environ 51 % de la production nationale de la pomme à cidre commercialisée.

45 (NOTE DE TABLEAU 4) Ce tableau présente les parts de marché de l'ensemble des concurrents significatifs, dont la liste, établie par la partie notifiante, a été corrigée en fonction des réponses au test de marché.

46 (NOTE DE TABLEAU 5) Le tableau ci-dessus présente les parts de marché de l'ensemble des concurrents significatifs, dont la liste, établie par la partie notifiante, a été corrigée en fonction des réponses au test de marché.

47 Alors que la consommation annuelle de cidre sur le marché national s'élevait à 4 millions d'hectolitres vers 1950, le conseil de la concurrence relevait, dans son avis n°92-A-08 du 20 octobre 1992, que celle-ci avait connu une forte diminution pour se stabiliser à environ 1,1 million d'hectolitres à partir des années 1980. Au vu des données recueillies dans le cadre du présent test de marché, la consommation annuelle de cidre s'élèverait aujourd'hui à un peu moins de 1 million d'hectolitres.

48 Alors que le prix au détail de la bouteille de cidre vendu sous une marque d'Agrial s'élève en moyenne entre 2,2 et 2,4 euro, le prix au détail du cidre Le Brun est de l'ordre de 2,9 euro la bouteille.

49 Croissance de chiffre d'affaires de l'ordre de [...] % entre 2008 et 2010 pour Les Celliers Associés qui vient d'engager 3 millions d'euro d'investissements, notamment l'agrandissement de l'entrepôt de stockage, la révision de la fin de ligne d'embouteillage et l'achat de nouvelles presses à cidre pour une meilleure extraction et qualité du jus ; Croissance de chiffre d'affaires de l'ordre de [...] % entre 2008 et 2010 pour l'entreprise Le Brun.

50 Le site de vente en ligne Télémarket et les magasins Nicolas proposeraient déjà à la vente du cidre étranger, sous les marques respectives Bulmer et Magner.

51 le groupe C&C (avec un chiffre d'affaires de l'ordre de 800 millions d'euro), vendant ses produits sous la marque Magner en Angleterre, en Irlande mais aussi aux Etats-Unis et en Australie ; le groupe Heineken (avec un chiffre d'affaires de l'ordre de 16 milliards d'euro) qui, avec sa marque Bulmer, est un des premiers opérateurs cidricoles ; le groupe belge Anheuser-Busch InBev (avec un chiffre d'affaires de plus de 30 milliards d'euro) qui vient de lancer un nouveau cidre, sous la marque Stella Artois, pour conquérir le marché anglais.

52 Voir le site internet de l'UNICID : http://www.info-cidre.com/

53 Voir le bulletin Informations Rapides-conjoncture n°18 du 21 janvier 2010 de l'INSEE. Classement des dix produits ayant connu la plus forte hausse en 2009 : les formalités administratives (+51,4 %), le chauffage urbain (+23,8 %), les cours par correspondance (+10,6 %), la bijouterie (+7,1 %), établissements pour adultes handicapés (+6,6 %), autres servies aux ménages (+6,3 %), le riz (+6,1%), le cidre (+5,9 %), la verrerie (+5,4 %), les eaux de vie (+5,3 %).

54 Voir l'étude Xerfi précitée sur le marché du cidre.

55 Voir les lignes directrices de la Commission européenne sur l'appréciation des concentrations non horizontales au regard du règlement du Conseil relatif au contrôle des concentrations entre entreprises.

56 Voir les lignes directrices de la Commission européenne précitées et celles de l'Autorité de la concurrence (paragraphes 422 et suivants).

57 Voir l'avis de l'Autorité de la concurrence n°09-A-48 du 2 octobre 2009 précité.

58 Loi n°2010-874 du 27 juillet 2010 dite loi de modernisation de l'agriculture et de la pêche (LMAP)

59 Voir les lignes directrices de la Commission précitées, relatives à l'appréciation des concentrations non horizontales (paragraphe 105).

60 [Confidentiel].

61 En 2010, l'activité de production de semences a dégagé un résultat de [...] millions d'euro et l'activité financière un résultat de [Confidentiel].

62 Au vu des parts de marché d'Elle-et-Vire dans la distribution d'aliments bovins, cette proportion est sans doute moins élevée pour ce secteur.

63 En effet, les statuts d'Agrial prévoient une durée d'engagement de 5 ans auprès de la coopérative ; en cas de retrait de l'adhérent au terme de ce délai, la partie notifiante indique que le remboursement des parts sociales intervient dans un délai maximal de 6 mois.

64 Selon les données du ministère de l'agriculture, le nombre total d'exploitations agricoles en France qui s'élevait à 1,6 million en 1970, était de moins de 600 000 en 2003. Cette diminution qui se poursuit toujours aujourd'hui s'explique tant par la moindre part qu'occupe le secteur agricole dans l'économie française que par la concentration croissante des exploitations agricoles.

65 Par exemple, le conseil d'administration d'Agrial va proposer, pour la prochaine assemblée générale qui se tiendra courant juin 2011, de redistribuer, [Confidentiel].

66 Voir la décision de la Commission européenne n°IV-M.1313 du 9 mars 1999 Danish Crown/ Vestjyske Slagterier.

67 Agrial a en effet précisé que depuis 5 ans, la coopérative a fait le choix de ne plus verser d'intérêts servis sur le montant libéré des parts sociales, mais uniquement des dividendes provenant des filiales de la coopérative. Elle explique ce choix par l'existence d'un double avantage pour les adhérents : d'une part le montant de cette rémunération n'est pas, contrairement à la première, plafonné ; d'autre part, ces dividendes bénéficient d'un abattement de 40 % lorsque les associés coopérateurs les déclarent dans leurs revenus.

68 Voir les paragraphes 420 et 439

69 Dans le cadre du test de marché, 80 % des agriculteurs ont répondu qu'il était difficile de comparer les prix des intrants pour cultures, notamment du fait qu'il existe, pour le même besoin, une multitude de produits, de marques, de conditionnements différents. De même, aucun des distributeurs sur la région ne distribue, à un moment ou à un autre, de catalogues de prix aux agriculteurs, alors que ceux-ci ne se rendent pas forcément auprès de leur magasin pour passer commande. Le directeur approvisionnement de la partie notifiante précisait d'ailleurs, à l'occasion de son audition, que la remise d'un devis écrit était une pratique rare, le prix étant communiqué oralement par le technicien à l'occasion de son passage dans l'exploitation de l'agriculteur.