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Décisions

TUE, 3e ch., 30 novembre 2011, n° T-107/08

TRIBUNAL DE L'UNION EUROPÉENNE

Arrêt

PARTIES

Demandeur :

Transnational Company " Kazchrome " AO, ENRC Marketing AG

Défendeur :

Conseil de l'Union européenne, Commission européenne, Euroalliages

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Czúcz (rapporteur)

Juges :

Mme Labucka, M. Gratsias

Avocats :

Mes Ruessmann, Willems, De Knop, Berrisch, Wolf, Bourgeois, van Gerven, McNelis

TUE n° T-107/08

30 novembre 2011

LE TRIBUNAL (troisième chambre),

Arrêt

Antécédents du litige

1. Le 24 juillet 2006, Euroalliages a présenté à la Commission des Communautés européennes une plainte dirigée contre les importations de silicomanganèse (ci-après le " SiMn ") originaires de la République populaire de Chine, du Kazakhstan et d'Ukraine.

2. Le 6 septembre 2006, la Commission a publié l'avis d'ouverture d'une procédure antidumping concernant les importations de [SiMn] originaire de la République populaire de Chine, du Kazakhstan et d'Ukraine (JO C 214, p. 14).

3. Les requérantes, Transnational Company " Kazchrome " AO (ci-après " Kazchrome ") et ENRC Marketing AG (ci-après " ENRC ") - respectivement, une société de droit kazakh productrice notamment de ferrosilicomanganèse et une société de droit suisse, active dans la commercialisation et la vente de ce produit, toutes deux parties du groupe contrôlé par Eurasian Natural Resources Corporation plc - ont critiqué, par lettre du 14 septembre 2006, l'ouverture de l'enquête au motif notamment que, selon elles, la plainte ne contenait pas des éléments de preuve suffisants de l'existence du dumping dont faisait l'objet le SiMn originaire du Kazakhstan et du préjudice important en résultant pour l'industrie communautaire.

4. Le 25 juillet 2007, la Commission a communiqué aux requérantes ses conclusions provisoires. Il a été imparti aux parties intéressées un délai expirant le 8 août 2007 pour présenter leurs commentaires sur ce document. Les requérantes ont présenté leurs observations le 14 août 2007.

5. Le 5 octobre 2007, la Commission a établi le document d'information finale. Il a été imparti aux parties intéressées un délai expirant le 15 octobre 2007 pour présenter leurs commentaires sur ce document. Les requérantes ont présenté leurs commentaires le 15 octobre 2007.

6. Par lettre du 31 octobre 2007, la Commission a envoyé le document d'information finale révisé aux requérantes. Un délai expirant le 12 novembre 2007 à 12 heures a été imparti aux requérantes et aux autres parties intéressées pour présenter leurs observations. Les requérantes ont présenté leurs observations initiales le 7 novembre 2007. Le 12 novembre 2007, les requérantes ont présenté leurs observations complémentaires sur le document d'information finale révisé.

7. Le 4 décembre 2007, le Conseil de l'Union européenne a adopté le règlement (CE) n° 1420-2007, instituant un droit antidumping définitif sur les importations de [SiMn] originaires de la République populaire de Chine et du Kazakhstan et clôturant la procédure concernant les importations de [SiMn] originaires d'Ukraine (JO L 317, p. 5, ci-après le " règlement attaqué ").

8. Au paragraphe 1 de son article 1er, le règlement attaqué dispose :

" Un droit antidumping définitif est institué sur les importations de [SiMn] (y compris de ferrosilicomanganèse) relevant des codes NC 7202 30 00 et ex 8111 00 11 (code TARIC 8111 00 11 10) originaires de la République populaire de Chine et du Kazakhstan. "

9. Conformément au deuxième paragraphe de l'article 1er du règlement attaqué, le taux du droit antidumping applicable au prix net franco frontière communautaire, avant dédouanement, pour les importations originaires du Kazakhstan est de 6,5 %.

10. Par la décision 2007/789/CE de la Commission, du 4 décembre 2007, suspendant le droit antidumping définitif institué par le [règlement attaqué] sur les importations de [SiMn] originaires de la République populaire de Chine et du Kazakhstan (JO L 317, p. 79), le droit antidumping a été suspendu pour une période de neuf mois.

11. Par lettre du 5 décembre 2007, la Commission a répondu aux observations des requérantes des 7 et 12 novembre 2007.

12. La suspension découlant de la décision 2007/789 a été prorogée jusqu'au 6 septembre 2009 par le règlement (CE) n° 865/2008 du Conseil, du 27 août 2008, prorogeant la suspension des droits antidumping définitifs institués par le [règlement attaqué] aux importations de [SiMn] originaire de la République populaire de Chine et du Kazakhstan (JO L 237, p. 1).

Procédure et conclusions des parties

13. Par requête déposée au greffe du Tribunal le 29 février 2008, les requérantes ont introduit le présent recours.

14. Par acte déposé au greffe du Tribunal le 23 juin 2008, Euroalliages a demandé à intervenir dans la présente procédure au soutien des conclusions du Conseil et de la Commission.

15. Par ordonnance du 19 janvier 2009, le président de la quatrième chambre du Tribunal a admis cette intervention en ce qui concerne la demande en annulation et l'a rejetée en ce qui concerne la demande en indemnité.

16. La composition des chambres du Tribunal ayant été modifiée, le juge rapporteur a été affecté à la troisième chambre, à laquelle la présente affaire a, par conséquent, été attribuée.

17. Sur rapport du juge rapporteur, le Tribunal (troisième chambre) a décidé d'ouvrir la procédure orale. Les parties ont été entendues en leurs plaidoiries et en leurs réponses aux questions posées par le Tribunal à l'audience du 18 mai 2011.

18. Les requérantes concluent, en substance, à ce qu'il plaise au Tribunal :

- annuler le règlement attaqué, dans la mesure où il institue un droit antidumping sur les importations de SiMn qui est produit et/ou vendu par elles ;

- condamner solidairement le Conseil et la Commission à leur payer des dommages et intérêts augmentés des intérêts pour le préjudice qui résulterait notamment de l'ouverture de l'enquête et de l'adoption du règlement attaqué ;

- condamner le Conseil et la Commission aux dépens.

19. Le Conseil conclut, en substance, à ce qu'il plaise au Tribunal :

- rejeter le recours ;

- condamner les requérantes aux dépens.

20. La Commission conclut, en substance, à ce qu'il plaise au Tribunal :

- rejeter tant la demande en annulation que la demande en indemnité comme irrecevables ;

- à titre subsidiaire, rejeter les deux demandes comme non fondées ;

- condamner les requérantes aux dépens.

21. Euroalliages conclut, en substance, à ce qu'il plaise au Tribunal :

- rejeter la demande en annulation ;

- condamner les requérantes aux dépens.

22. À l'audience, en réponse aux questions du Tribunal, les requérantes ont indiqué, d'une part, que leur demande en annulation visait à l'annulation du règlement attaqué uniquement en ce qu'il concerne les importations de SiMn produit par Kazchrome et, d'autre part, que la demande en indemnité était dirigée uniquement contre le Conseil.

23. Par ailleurs, en réponse également à une question du Tribunal, les requérantes ont précisé que leur demande de traitement confidentiel à l'égard d'Euroalliages devait être comprise, en ce qui concerne la demande en indemnité, comme couvrant les éléments factuels de cette demande et non l'argumentation juridique.

En droit

Sur la demande en annulation

24. La Commission conteste la recevabilité de la demande en annulation en ce qu'elle est dirigée contre elle au motif que le règlement attaqué a été adopté par le Conseil.

25. Les requérantes n'ont pas avancé d'arguments à cet égard.

26. Force est de constater que la demande visant à l'annulation du règlement attaqué est irrecevable en ce qu'elle est dirigée contre la Commission, dès lors que ledit règlement a été adopté uniquement par le Conseil. En effet, conformément à la jurisprudence, le rôle de la Commission dans les procédures antidumping s'intègre dans le cadre du processus de décision du Conseil. Elle est chargée de mener les enquêtes et de décider, sur la base de celles-ci, de clôturer la procédure ou au contraire de la poursuivre en adoptant des mesures provisoires et en proposant au Conseil l'adoption de mesures définitives telles que le règlement attaqué. Le pouvoir de décision revient cependant au Conseil, qui peut s'abstenir de toute décision s'il est en désaccord avec la Commission ou, au contraire, prendre une décision sur la base des propositions de celle-ci (voir ordonnance de la Cour du 11 novembre 1987, Nashua e.a./Conseil et Commission, 150/87, Rec. p. 4421, points 6 et 7, et la jurisprudence citée).

27. À l'appui de leur demande, les requérantes invoquent douze moyens ou groupes de moyens.

28. Il convient d'examiner d'emblée le quatrième groupe de moyens, concernant la comparaison entre la valeur normale et le prix à l'exportation, ainsi que le cinquième groupe de moyens, concernant le calcul de la sous-cotation des prix.

Sur le quatrième groupe de moyens, concernant la comparaison du prix à l'exportation avec la valeur normale

29. Les requérantes font valoir notamment que le Conseil a manqué à son devoir de motivation et violé le règlement (CE) n° 384-96 du Conseil, du 22 décembre 1995, relatif à la défense contre les importations qui font l'objet d'un dumping de la part de pays non membres de la Communauté européenne (JO 1996, L 56, p. 1), tel que modifié (ci-après le " règlement de base ") [remplacé par le règlement (CE) n° 1225-2009 du Conseil, du 30 novembre 2009, relatif à la défense contre les importations qui font l'objet d'un dumping de la part de pays non membres de la Communauté européenne (JO L 343, p. 51, rectificatif JO 2010, L 7, p. 22)], en son article 2, paragraphe 10, sous i) [devenu article 2, paragraphe 10, sous i), du règlement n° 1225-2009], en effectuant un ajustement à la baisse du prix à l'exportation de Kazchrome au titre des prétendues commissions d'ENRC au motif que celle-ci aurait des fonctions assimilables à celles d'un agent travaillant sur la base de commissions.

30. Le Conseil fait valoir que la motivation fournie dans le règlement attaqué était suffisante, notamment eu égard aux faits et aux échanges ayant eu lieu entre la Commission et les requérantes au cours de la procédure antidumping et que celles-ci ne démontrent pas qu'il a commis une erreur manifeste d'appréciation en réalisant l'ajustement contesté et donc violé l'article 2, paragraphe 10, sous i), du règlement de base.

31. À cet égard, il y a lieu de rappeler que, selon une jurisprudence constante, la motivation exigée par l'article 253 CE doit être adaptée à la nature de l'acte en cause et doit faire apparaître de façon claire et non équivoque le raisonnement de l'institution, auteur de l'acte, de manière à permettre aux intéressés de connaître les justifications de la mesure prise et à la juridiction compétente d'exercer son contrôle. L'exigence de motivation doit être appréciée en fonction des circonstances de l'espèce, notamment du contenu de l'acte, de la nature des motifs invoqués et de l'intérêt que les destinataires ou d'autres personnes concernées directement et individuellement par l'acte peuvent avoir à recevoir des explications. Il n'est pas exigé que la motivation spécifie tous les éléments de fait et de droit pertinents, dans la mesure où la question de savoir si la motivation d'un acte satisfait aux exigences dudit article 253 CE doit être appréciée au regard non seulement de son libellé, mais aussi de son contexte ainsi que de l'ensemble des règles juridiques régissant la matière concernée (voir arrêt de la Cour du 30 septembre 2003, Eurocoton e.a./Conseil, C-76-01 P, Rec. p. I-10091, point 88, et la jurisprudence citée).

32. L'article 2, paragraphe 10, du règlement de base prévoit :

" Il est procédé à une comparaison équitable entre le prix à l'exportation et la valeur normale. Cette comparaison est faite, au même stade commercial, pour des ventes effectuées à des dates aussi proches que possible et en tenant dûment compte d'autres différences qui affectent la comparabilité des prix. [...]

Lorsque les conditions spécifiées sont réunies, les facteurs au titre desquels des ajustements peuvent être opérés sont les suivants.

[...]

i) Commissions

Un ajustement est opéré au titre des différences dans les commissions versées pour les ventes considérées.

Le terme 'commissions' couvre aussi la marge perçue par un opérateur commercial du produit ou du produit similaire si les fonctions de cet opérateur sont assimilables à celles d'un agent travaillant sur la base de commissions.

[...] "

33. En l'espèce, il ressort du considérant 67 du règlement attaqué que, Kazchrome ayant exporté le produit concerné vers la Communauté par l'intermédiaire d'ENRC, définie comme une société de négoce liée établie dans un pays tiers, le prix à l'exportation a été établi sur la base du prix de revente payé à ENRC par le premier client indépendant dans la Communauté.

34. Aux considérants 73 à 75 du règlement attaqué, le Conseil a considéré que, afin de réaliser une comparaison équitable entre la valeur normale et le prix à l'exportation, il convenait d'effectuer des ajustements du prix à l'exportation tel qu'établi au considérant 67, notamment au titre des commissions. À cet égard, il a affirmé que, dans le circuit des ventes de Kazchrome vers la Communauté, ENRC avait des fonctions assimilables à celles d'un agent travaillant sur la base de commissions et qu'ENRC n'intervenait pas dans le circuit de vente intérieur de Kazchrome.

35. En réponse à une question du Tribunal lors de l'audience, le Conseil a confirmé que, tel qu'il semble ressortir du libellé du considérant 74 du règlement attaqué, la référence y figurant au fait qu'ENRC n'intervenait pas dans le circuit de vente intérieur de Kazchrome ne visait qu'à indiquer la raison pour laquelle il a été considéré qu'il y avait une différence entre les ventes intérieures et les ventes à l'exportation justifiant l'ajustement et non à fonder la qualification des rapports entre les requérantes comme étant assimilables à ceux existant entre un commettant et un commissionnaire et, par conséquent, à motiver l'existence de " commissions " incluses dans le prix à l'exportation. Cet élément concernait donc ainsi l'incidence sur la comparabilité des prix du facteur au titre duquel l'ajustement est opéré et non son existence même.

36. Il y a donc lieu de relever que la conclusion du règlement attaqué selon laquelle ENRC avait des fonctions assimilables à celles d'un agent travaillant sur la base de commissions repose sur deux éléments mentionnés au considérant 74 du règlement attaqué : le fait que les requérantes sont des entités juridiques distinctes et le fait qu'elles travailleraient sur la base d'une relation acheteur/vendeur.

37. Par ailleurs, il ressort du règlement attaqué ainsi que des précisions fournies par le Conseil devant le Tribunal que, par ces motifs, le Conseil visait à indiquer que les requérantes entretenaient une relation commerciale établie dans des conditions de concurrence normales et que, dans ces circonstances, ENRC ne pouvait pas être considérée comme agissant comme un département interne de ventes.

38. Force est toutefois de constater qu'en se bornant à mentionner ces deux éléments, le libellé du règlement attaqué ne permet pas de connaître les considérations de fait et de droit qui ont fondé la conclusion à laquelle le Conseil est parvenu.

39. En effet, d'une part, s'il est évident que les requérantes sont des entités juridiques distinctes et donc qu'ENRC n'est pas un département interne de ventes, cette considération ne suffit pas à étayer la conclusion selon laquelle les fonctions d'ENRC n'étaient pas celles d'un département interne de ventes, mais celles d'un agent agissant sur la base de commissions.

40. D'autre part, la simple affirmation selon laquelle les requérantes " fonctionnaient sur la base d'une relation acheteur/vendeur " ne permet pas de comprendre les raisons pour lesquelles le Conseil a considéré, en dépit des éléments avancés par les requérantes, que la relation commerciale entre celles-ci était établie dans des conditions de concurrence normales et que, par conséquent, les fonctions d'ENRC n'étaient pas celles d'un département interne de ventes mais celles d'un agent agissant sur la base de commissions. Il y a lieu de relever, en effet, que, tout au long de l'enquête, les requérantes avançaient des éléments visant à démontrer qu'ENRC n'agissait pas comme un vendeur lié mais comme un département interne de ventes pour les usines de Kazchrome.

41. En outre, si c'est certes à juste titre que le Conseil soutient que la question de savoir si la motivation du règlement attaquée satisfait aux exigences de l'article 253 CE doit être appréciée au regard non seulement de son libellé (voir point 31 ci-dessus), mais aussi à la lumière des échanges ayant eu lieu entre la Commission et les requérantes au cours de la procédure antidumping, cette considération ne permet pas de constater que l'obligation de motivation a été respectée en l'espèce.

42. En effet, il convient de relever que le Conseil n'a pas fourni dans ses mémoires écrits, ni à l'audience, de précisions quant aux pièces du dossier où les échanges pertinents se trouveraient. Par ailleurs, des précisions supplémentaires quant aux raisons pour lesquelles la Commission a proposé au Conseil de considérer que les requérantes entretenaient une relation acheteur/vendeur ne figurent ni dans le document d'information finale du 5 octobre 2007 (considérant 72) ni dans le document d'information finale révisé du 31 octobre 2007 (considérant 74). Ces deux documents sont rédigés, en effet, de manière identique au règlement attaqué et ne donnent pas plus de précisions. Des informations supplémentaires ne figurent pas non plus dans les documents concernant spécifiquement les requérantes et envoyés en même temps que les deux documents mentionnés ci-dessus ou postérieurement, telle la lettre de la Commission du 5 décembre 2007 envoyée en réponse aux réactions des requérantes au document d'information finale révisé.

43. Force est donc de constater que l'appréciation du Conseil selon laquelle ENRC avait, dans le circuit des ventes de Kazchrome vers la Communauté, des fonctions assimilables à celles d'un agent travaillant sur la base de commissions est entachée d'un défaut de motivation.

44. Les autres arguments soulevés par le Conseil au cours de l'instance ne sont pas de nature à changer cette appréciation.

45. Celui-ci fait valoir que le bien-fondé de son appréciation résulte, d'une part, d'un prétendu degré élevé de formalisme du contrat d'achat-vente liant les requérantes [confidentiel] (1) et, d'autre part, de certains éléments avancés par celles-ci dans leur recours pour démontrer qu'ENRC ne fonctionnerait pas comme un agent travaillant sur la base de commissions. Il soutient ainsi que les fonctions d'ENRC ne pouvaient pas être perçues comme étant complémentaires à celles de Kazchrome [confidentiel] et que la structure du groupe auquel appartiennent les requérantes confirme que la relation existant entre elles ne pouvaient être considérées que comme étant équivalente à une relation entre un mandant et un mandataire travaillant sur la base de commissions. Or, selon le Conseil, le fait que le contrat régissant les relations entre les requérantes soit, de son avis, particulièrement formaliste était un fait manifeste qui n'avait pas besoin d'être mentionné explicitement.

46. Toutefois, même s'il était admis que le prétendu degré élevé de formalisme du contrat était manifeste, il convient de relever que les requérantes avaient avancé au cours de la procédure antidumping toute une série d'éléments relatifs à la relation entre elles et aux fonctions d'ENRC qui, selon elles, démontraient que cette dernière avait des fonctions propres d'un département interne de ventes d'un producteur. Or, force est de constater que, à la lecture du règlement attaqué et des documents figurant au dossier, il n'est pas possible pour les requérantes - et pour le Tribunal - de comprendre que l'appréciation selon laquelle celles-ci entretenaient une relation acheteur/vendeur établie dans des conditions normales de concurrence reposait sur le prétendu formalisme du contrat les liant ni, a fortiori, quelles étaient les raisons pour lesquelles ce formalisme justifiait à lui seul l'appréciation contestée en dépit des autres circonstances invoquées. Il convient ainsi notamment d'observer que, en réponse à la référence faite par le Conseil au contrat dans le mémoire en défense, les requérantes soutiennent, dans le mémoire en réplique, que cet éventuel formalisme répond à des contraintes extérieures qui n'ont pas de rapport avec la nature de la relation qu'elles entretiennent.

47. Dans ces circonstances, la référence par le Conseil au formalisme du contrat liant les requérantes doit être considérée comme une motivation nouvelle avancée au stade du recours contentieux qui n'est pas de nature à remédier au défaut de motivation constaté ci-dessus.

48. Il en est de même s'agissant de la référence par le Conseil à d'autres éléments mentionnés par les requérantes dans leur recours, lesquels, selon le Conseil, confirmeraient le bien-fondé de son appréciation (voir point 45 ci-dessus), mais n'ont été mentionnés ni dans le règlement attaquée, ni dans les écrits de la Commission pendant la procédure administrative. Par ailleurs, le Conseil n'avance aucun élément permettant de constater que les requérantes devaient nécessairement comprendre que ce sont ces éléments qui l'ont conduit à adopter sa position.

49. Il convient dès lors d'accueillir le grief tiré d'un défaut de motivation soulevé par les requérantes dans le cadre de leur quatrième groupe de moyens.

Sur le cinquième groupe de moyens, concernant le calcul de la sous-cotation

50. Le règlement attaqué a conclu que, en ce qui concerne le produit originaire du Kazakhstan, il existait une sous-cotation globale de 4,5 % sur une base moyenne pondérée, c'est-à-dire que les prix auxquels il était vendu dans la Communauté étaient de 4,5 % inférieurs aux prix de l'industrie communautaire (considérant 104).

51. Aux termes du règlement attaqué, la marge de sous-cotation a été calculée, pour tous les pays, en comparant les prix " départ usine " de l'industrie communautaire avec les prix des marchandises importées au moment de leur entrée sur le territoire physique de la Communauté, dûment ajustés pour tenir compte des frais de déchargement et de dédouanement (considérant 105).

52. Certains des produits des requérantes ayant été transportés par train du Kazakhstan aux ports de Klaïpeda (Lituanie) ou Kaliningrad (Russie), ils ont traversé la Lituanie sous le régime douanier du " transit externe ", avant d'être embarqués et transportés, via les eaux internationales, jusqu'au port de destination, généralement Rotterdam (Pays-Bas). Dès lors, conformément à la méthodologie mentionnée au point 51 ci-dessus, les prix de ces produits des requérantes, aux fins de la comparaison avec les prix de l'industrie communautaire, ont été calculés en déduisant des prix à l'exportation " franco dédouanés " les coûts correspondant au transport entre le point de la frontière entre la Biélorussie et la Lituanie par lequel les produits sont entrés dans ce dernier État et le port de destination.

53. Les requérantes font valoir que, en calculant la marge de sous-cotation par référence aux prix de leurs produits lors de leur première entrée sur le territoire terrestre communautaire alors qu'ils sont dédouanés ailleurs, le Conseil a violé notamment l'article 3, paragraphe 2, du règlement de base (devenu article 3, paragraphe 2, du règlement n° 1225-2009) et commis une erreur manifeste d'appréciation. Elles rappellent que l'article 3, paragraphe 2, du règlement de base exige un examen objectif de l'effet des importations sur les prix sur le marché communautaire et soutiennent que le Conseil a violé cette disposition dès lors que l'ajustement effectué serait manifestement inéquitable et discriminatoire.

54. Le Conseil fait valoir que le règlement de base n'indique pas en détail comment l'analyse de la sous-cotation doit être effectuée et affirme qu'il dispose, par conséquent, d'une large marge d'appréciation à cet égard. Il considère que la méthode utilisée pour le calcul des prix à l'importation aux fins du calcul de la sous-cotation n'est pas manifestement inéquitable et discriminatoire et respecte, par conséquent, l'article 3, paragraphe 2, du règlement de base.

55. Il convient d'observer qu'il ressort des arguments des parties que la manière la plus précise de calculer la sous-cotation des prix serait de comparer les prix des importations et ceux des produits de l'industrie communautaire en incluant tous les coûts jusqu'aux installations des clients. Cette démarche n'étant pas praticable en raison du grand nombre de calculs qu'elle entraînerait, les parties s'accordent pour considérer qu'une comparaison équitable peut être effectuée en comparant les prix " départ usine ", sans coûts de transport, des produits de l'industrie communautaire avec les prix des importations incluant une partie desdits coûts afin de tenir compte du fait que les importations ne font pas concurrence aux produits communautaires à leur prix " départ usine " et qu'ils doivent être transportés sur de plus longues distances pour arriver aux installations des clients communautaires.

56. Les parties sont cependant en désaccord en ce qui concerne la question de savoir si le point de référence à partir duquel les coûts de transport des importations ne doivent pas être inclus dans les prix des importations, afin d'assurer le caractère équitable de la comparaison avec les produits de l'industrie communautaire, est le point de dédouanement, comme le soutiennent les requérantes, ou l'endroit par lequel les importations entrent pour la première fois sur le territoire terrestre de la Communauté, comme défendu par le Conseil.

57. Or, il importe d'observer que, aux fins de la présente affaire, il n'est pas nécessaire de prendre position sur le point de référence qui serait le plus approprié de manière générale et il suffit d'examiner si, dans les circonstances de l'espèce, le choix retenu par le Conseil n'était pas manifestement inapproprié.

58. À titre liminaire, il convient de relever que l'article 1er, paragraphe 1, du règlement de base (devenu article 1er, paragraphe 1, du règlement n° 1225-2009) prévoit que " [p]eut être soumis à un droit antidumping tout produit faisant l'objet d'un dumping lorsque sa mise en libre pratique dans la Communauté cause un préjudice ". Cette disposition, tirée de l'article 1er intitulé " Principes ", pose la règle essentielle pour l'imposition des droits antidumping selon laquelle il ne suffit pas que les marchandises importées fassent l'objet d'un dumping, il faut encore que leur mise en libre pratique cause un préjudice. C'est précisément aux fins de la détermination de l'existence d'un préjudice que le règlement de base prévoit à son article 3, paragraphes 2 et 3 (devenu article 3, paragraphes 2 et 3, du règlement n° 1225-2009), qu'un examen objectif de l'effet des importations sur les prix des produits similaires sur le marché de la Communauté doit être effectué et que, à ces fins, sera examiné s'il y a, pour les importations faisant l'objet d'un dumping, une sous-cotation notable du prix par rapport au prix d'un produit similaire ou si ces importations ont, d'une autre manière, pour effet de déprimer sensiblement les prix ou d'empêcher dans une mesure notable des hausses de prix qui, sans cela, se seraient produites.

59. Il en résulte que c'est notamment par référence à la possibilité qu'un préjudice soit causé par les importations objet d'un dumping qu'il convient d'examiner la question de savoir si le Conseil a commis une erreur manifeste d'appréciation en déterminant le point de référence par rapport auquel il convenait, en l'espèce, de calculer les prix des produits des requérantes devant être comparés avec les prix de l'industrie communautaire. Le Conseil lui-même reconnaît, par ailleurs, le rapport existant entre la sous-cotation et le lien de causalité lorsqu'il affirme que " le calcul de la sous-cotation revêt une importance particulière dans le cadre de l'examen des prix des importations afin d'apprécier le lien de causalité entre les importations objet du dumping et le préjudice constaté " et que le présent groupe de moyens " concerne un aspect technique qui est pertinent à la fois pour déterminer le préjudice et le lien de causalité ".

60. Les requérantes soutiennent que les prix des importations auraient dû être calculés en partant des prix à l'exportation " franco dédouanés ", et donc au port de dédouanement et non au point d'entrée dans le territoire physique de la Communauté. Elles font notamment valoir que le choix de ce dernier point est inéquitable en ce qu'il implique que des marchandises pour lesquelles le client paye un prix identique et qui lui sont livrées au même endroit portent ou non préjudice à l'industrie communautaire selon que la route suivie pour leur transport jusqu'au port de dédouanement inclut ou non un premier passage par le territoire communautaire, et ce même si celui-ci a lieu sous le régime douanier du " transit externe " et n'implique pas l'importation des marchandises.

61. Le Conseil rétorque que les importations arrivent sur le marché communautaire lorsqu'elles entrent pour la première fois sur le territoire de la Communauté, alors que les produits de l'industrie communautaire le font lorsqu'ils quittent l'usine et que c'est donc à ces deux endroits qu'il peut être supposé que les produits sont en concurrence directe les uns avec les autres, permettant ainsi une comparaison équitable.

62. Il convient d'observer que, comme le soutiennent les requérantes, les prix utilisés par le Conseil ne reflètent pas les prix négociés avec les clients dans la Communauté, à savoir généralement les prix caf (coût, assurance et fret) au port de dédouanement, et ne représentent qu'une valeur construite par lui. S'il est vrai que toute procédure antidumping implique des calculs compliqués et, souvent, la prise en compte de valeurs construites, il n'en reste pas moins que, la valeur utilisée par le Conseil aux fins de l'examen de la sous-cotation ayant été calculée au cours de l'enquête avec les informations fournies par les requérantes, elle n'a pu être prise en compte par les clients afin de décider s'ils achetaient auprès de l'industrie communautaire ou auprès des requérantes. Cette valeur ne pouvait même pas être estimée par lesdits clients, dès lors que rien ne permet de considérer qu'ils connaissaient le trajet exact suivi par les marchandises avant d'arriver au point de dédouanement et qu'ils savaient, par conséquent, que les produits avaient, pour une partie de leur trajet, déjà transité par le territoire communautaire. Le Conseil a ainsi admis, en réponse à une question du Tribunal lors de l'audience, qu'il ne savait pas si les clients connaissaient le parcours des marchandises, mais que, en tout état de cause, ce parcours ne les intéressait pas, la seule chose importante pour eux étant le prix final du produit lorsqu'il rentre dans leur usine.

63. Il en résulte que ce sont les prix négociés entre les requérantes et les clients et non les prix à un stade intermédiaire du transport, fût-ce sur le territoire communautaire, qui ont pu déterminer la décision des clients d'acquérir les produits des requérantes et non ceux de l'industrie communautaire. En effet, même si, comme le soutient le Conseil, ce qui intéresse les clients est le prix final du produit lorsqu'il arrive dans leur usine, il n'en reste pas moins que, comme l'ont souligné les requérantes en réponse à une question du Tribunal lors de l'audience, les clients connaissent bien les coûts de transport à partir du port de dédouanement jusqu'à leurs usines et pouvaient donc facilement calculer le prix final à partir des prix caf au port de dédouanement négociés avec elles.

64. Il en résulte également que, comme l'affirment les requérantes, tous les produits qu'elles ou d'autres producteurs d'autres pays exportateurs ont vendu aux clients communautaires ont causé le même préjudice, quel que soit le trajet suivi pour leur transport, s'ils ont été vendus aux clients au même endroit et à un prix identique ou très similaire.

65. Il convient, en outre, de relever que dans le cas des marchandises des requérantes ou d'autres exportateurs qui sont entrées dans le territoire communautaire au port de dédouanement, le Conseil a considéré que les coûts du transport entre les ports et les installations du client étaient équivalents à ceux du transport entre l'usine du producteur communautaire et ces mêmes installations. Or, le Conseil n'établit pas que la déduction supplémentaire d'une partie significative des coûts de transport encourus avant l'arrivée au port de dédouanement était indispensable afin d'assurer une comparaison équitable, à savoir, afin de ne pas inclure dans le prix des importations des coûts non inclus dans le prix de l'industrie communautaire, lorsque les marchandises ont traversé la Lituanie, en transit externe, pendant quelques centaines de kilomètres avant d'être embarquées et transportées dans des eaux internationales.

66. Cette considération peut être illustrée par référence à l'exemple proposé par le Conseil lui-même dans le mémoire en duplique. Celui-ci se demande, en effet, pour quelle raison les prix d'une partie des marchandises des requérantes ne devraient pas être calculés par rapport à leur passage à la frontière entre la Lituanie et la Biélorussie alors que les produits des producteurs polonais doivent aussi être transportés à partir de leurs usines en Pologne. Toutefois, les coûts à partir de l'usine en Pologne ayant été considérés comme équivalents aux coûts à partir du port de Rotterdam pour les importations qui sont arrivées directement et ont été dédouanées audit point, il n'est nullement établi que la déduction en l'espèce des coûts importants liés au transport entre la frontière entre la Lituanie et la Biélorussie et le port de Rotterdam était indispensable pour assurer une comparaison équitable entre les prix des marchandises des requérantes et les prix de celles d'un producteur polonais.

67. Dans ces circonstances, il convient de considérer que le Conseil a commis en l'espèce une erreur manifeste d'appréciation en considérant que la comparaison objective entre les prix des importations et ceux de l'industrie communautaire en l'espèce exigeait que le point de référence pour la détermination des prix des premières soit la frontière entre la Biélorussie et la Lituanie pour les produits des requérantes ayant été acheminés via les ports de Klaïpeda et Kaliningrad.

68. Enfin, s'agissant de l'argument du Conseil selon lequel considérer que le point de référence pour la détermination des prix des importations était le port de dédouanement fausserait le système en encourageant les exportateurs à s'accorder avec leurs clients sur un dédouanement le plus proche de leurs usines, il convient de rappeler que la conclusion résultant de l'examen ci-dessus ne concerne que la présente affaire et que la Commission et le Conseil doivent prendre en compte, dans le cadre de leur marge d'appréciation, tous les éléments pertinents de chaque espèce, y compris des indices permettant de considérer que, à la différence de la présente affaire, le choix des voies de transport et des points de dédouanement vise à fausser la comparaison des prix des importations et des produits communautaires.

69. Il convient dès lors d'accueillir le grief tiré d'une erreur manifeste d'appréciation soulevé par les requérantes dans le cadre de leur cinquième groupe de moyens.

70. Il convient d'observer que, sans l'ajustement appliqué au prix à l'exportation de Kazchrome tel qu'établi au considérant 67 du règlement attaqué, les produits des requérantes n'auraient pas été considérés comme faisant l'objet d'un dumping ou, à tout le moins, la marge de dumping établie aurait été inférieure à celle calculée dans le règlement attaqué et ayant servi pour déterminer le droit antidumping imposé (considérant 170). Par ailleurs, il ressort du dossier que le calcul des prix des exportations des requérantes à destination de la Communauté lors de leur passage par la frontière entre la Biélorussie et la Lituanie a eu pour effet une sous-cotation des prix par rapport à ceux de l'industrie communautaire qui est à la base de la conclusion selon laquelle l'importation des produits des requérantes était à l'origine du préjudice subi par l'industrie communautaire (considérant 145 du règlement attaqué). Il en résulte que les deux griefs accueillis par le Tribunal portent sur des appréciations qui constituent le fondement nécessaire pour l'imposition d'un droit antidumping sur les importations de SiMn produit par Kazchrome.

71. Au vu de ce qui précède, il y a lieu d'annuler le règlement attaqué en ce qu'il concerne les importations de SiMn produit par Kazchrome, sans qu'il soit nécessaire de se prononcer sur les autres moyens et arguments soulevés par les requérantes.

Sur la demande en indemnité

72. Par cette demande, les requérantes visent à obtenir la réparation de trois types de dommages consistant en une perte de bénéfices, en les dépenses engagées aux fins de la procédure et en les pertes encourues dans le cours de l'action de leur société mère le 7 décembre 2007.

73. Conformément à une jurisprudence constante, l'engagement de la responsabilité non contractuelle de la Communauté pour comportement illicite de ses organes est subordonné à la réunion d'un ensemble de conditions, à savoir l'illégalité du comportement reproché aux institutions, la réalité du dommage et l'existence d'un lien de causalité entre le comportement allégué et le préjudice invoqué (arrêts de la Cour du 29 septembre 1982, Oleifici Mediterranei/CEE, 26/81, Rec. p. 3057, point 16, et du Tribunal du 16 juillet 1998, Bergaderm et Goupil/Commission, T-199-96, Rec. p. II-2805, point 48). Dès lors que l'une des conditions d'engagement de la responsabilité non contractuelle de la Communauté n'est pas remplie, le recours doit être rejeté sans qu'il soit nécessaire d'examiner les autres conditions (voir arrêt du Tribunal du 20 février 2002, Förde-Reederei/Conseil et Commission, T-170-00, Rec. p. II-515, point 37, et la jurisprudence citée).

74. En l'espèce, il convient de commencer l'examen par la condition tenant à l'existence d'un lien de causalité entre les illégalités alléguées et le dommage invoqué.

75. En ce qui concerne, en premier lieu, le lien de causalité entre la perte de bénéfices et les illégalités invoquées, les requérantes soutiennent que, s'il n'y avait pas eu la conduite illégitime de la Commission en ouvrant la procédure contre le Kazakhstan, en menant la procédure et en proposant des mesures, ni l'adoption illégitime du règlement attaqué par le Conseil, elles auraient réalisé des bénéfices bien plus importants que ceux qu'elles ont réellement réalisés sur le marché communautaire. Elles soutiennent à cet égard que les ventes d'ENRC à la Communauté montrent, depuis l'ouverture de la procédure antidumping et jusqu'à l'introduction du recours, une réduction appréciable dans la valeur totale [confidentiel].

76. Force est de constater qu'une simple référence à la diminution du volume des ventes ne saurait être suffisante pour démontrer le lien de causalité exigé par la jurisprudence pour engager la responsabilité extracontractuelle de la Communauté. En effet, il convient de constater qu'il ressort du dossier que les volumes d'importations et de ventes de l'industrie communautaire varient fortement d'une année à l'autre. Ainsi, notamment, alors que les requérantes prétendent que la différence entre le volume des ventes en 2006 et celui en 2007 suffit à démontrer le lien de causalité, il ressort des arguments qu'elles avancent dans le cadre de leur demande en annulation, en particulier du moyen concernant le cumul entre leurs importations et celles de la République populaire de Chine, que leurs exportations vers la Communauté en 2004 [confidentiel] ont été inférieures à celles de 2007 [confidentiel], alors qu'aucune enquête les concernant n'était en cours à l'époque. De même, la comparaison des chiffres des exportations de 2006 [confidentiel] à ceux de 2007 [confidentiel] et des chiffres des exportations de 2002 et de 2003 [confidentiel] à ceux de 2004 [confidentiel] montre que de fortes diminutions des importations originaires du Kazakhstan ne sont pas uniquement la conséquence de l'ouverture d'une procédure antidumping ou de l'imposition de droits antidumping.

77. La comparaison des volumes de ventes indiqués dans le règlement attaqué pour d'autres pays confirme la variabilité desdits volumes selon les années sur le marché en cause. Ainsi, le tableau figurant au considérant 137 du règlement attaqué et concernant les importations dans la Communauté originaires d'Afrique du Sud indique une augmentation de 70 % en 2003 (81 330 tonnes) par rapport à 2002 (47 808 tonnes), suivie d'une diminution de 27,76 % en 2004 (58 753 tonnes) par rapport à 2003. Le tableau figurant au considérant 138 du règlement attaqué et concernant les importations dans la Communauté originaires de pays tiers autres que la Norvège, l'Inde, l'Afrique du Sud et les pays concernés par l'enquête indique une augmentation de 28 % en 2003 (108 539 tonnes) par rapport à 2002 (84 904 tonnes), suivie d'une nouvelle augmentation de 15,05 % en 2004 (124 872 tonnes) par rapport à 2003, alors que la comparaison des chiffres des années 2004 et 2005 (63 178 tonnes) montre une diminution de 49,41 %.

78. En ce qui concerne, en deuxième lieu, le lien de causalité entre les dépenses engagées aux fins de leur participation à la procédure administrative et les illégalités invoquées, les requérantes soutiennent que, si la Commission n'avait pas, à tort, inclus le Kazakhstan dans l'enquête, elles n'auraient pas exposé ces dépenses et que, si, une fois la procédure ouverte, la Commission n'avait pas agi en méconnaissant gravement et manifestement son pouvoir d'appréciation et/ou en détournant son pouvoir, leur coopération et les dépenses liées leur auraient évité l'imposition d'un droit antidumping.

79. Premièrement, il y a lieu d'observer que, comme le soutient le Conseil, les dépenses engagées aux fins de la participation dans la procédure administrative ne pourraient tout au plus découler que de l'ouverture de l'enquête et de son déroulement et non de l'adoption du règlement attaqué lui-même.

80. Deuxièmement, il convient de rappeler que, conformément à la jurisprudence, le dommage doit résulter directement de l'illégalité invoquée et non d'un choix du requérant quant à la manière de réagir à l'acte prétendument illégal. Il a été ainsi considéré que le simple fait que le comportement illégal ait constitué une condition nécessaire (conditio sine qua non) de la survenance du dommage, en ce sens que celui-ci ne se serait pas produit en l'absence de ce comportement, ne suffit pas à établir un lien de causalité (voir, en ce sens, ordonnance du Tribunal du 12 décembre 2007, Atlantic Container Line e.a./Commission, T-113-04, non publiée au Recueil, points 31 à 40).

81. Or, la participation à une procédure antidumping n'est pas exigée des producteurs-exportateurs (ou d'aucune autre partie intéressée) (ordonnance du Tribunal du 14 mars 1996, Dysan Magnetics et Review Magnetics/Commission, T-134-95, Rec. p. II-181, point 27) et ceux-ci sont libres d'apprécier l'opportunité et l'intérêt de participer ainsi que l'intensité de leur participation et les coûts engagés à cette fin. Ils sont, par ailleurs, libres notamment de choisir de participer uniquement en demandant à leur personnel de recueillir les affirmations pertinentes et de se faire représenter par le personnel de leur service juridique ou d'engager les services d'un cabinet d'avocats.

82. En tout état de cause, comme le fait valoir le Conseil, les dépenses invoquées correspondant au travail du personnel des requérantes ne sauraient être considérées comme présentant un lien direct avec l'enquête dès lors que le salaire de leur personnel devait être versé indépendamment de l'existence d'une procédure antidumping en cours. De surcroît, les requérantes ne font même pas valoir que les personnes ayant participé à la procédure ont été engagées pour suivre celle-ci ou qu'elles auraient été licenciées en l'absence d'une charge de travail supplémentaire découlant du suivi de l'enquête.

83. Pour ce qui est des honoraires des avocats, il suffit de relever que les requérantes se bornent à invoquer ces dépenses sans même tenter de démontrer qu'elles étaient indispensables et ne résultaient pas de leur choix quant à la manière de réagir à l'ouverture de l'enquête.

84. Dans ces circonstances, il y a lieu de considérer que les requérantes ne démontrent pas l'existence d'un lien de causalité entre les illégalités qu'elles allèguent et les deux premiers types de préjudices qu'elles invoquent. La demande en indemnité doit, par conséquent, être rejetée en ce qui concerne ces prétendus dommages sans qu'il soit nécessaire d'examiner l'existence d'une violation suffisamment caractérisée ou la réalité des préjudices invoqués.

85. En ce qui concerne, en troisième lieu, le préjudice consistant en les pertes encourues du fait de la baisse du cours de l'action de la société mère des requérantes le 7 décembre 2007, force est de constater qu'il n'est aucunement mentionné dans le cadre de leurs arguments sur le lien de causalité. Or, en vertu de l'article 21, premier alinéa, du statut de la Cour de justice de l'Union européenne, applicable à la procédure devant le Tribunal conformément à l'article 53, premier alinéa, du même statut, et de l'article 44, paragraphe 1, sous c), du règlement de procédure du Tribunal, la requête doit, notamment, contenir l'objet du litige et un exposé sommaire des moyens invoqués. Ces éléments doivent être suffisamment clairs et précis pour permettre à la partie défenderesse de préparer sa défense et au Tribunal de statuer sur le recours, le cas échéant, sans autres informations (ordonnances du Tribunal du 28 avril 1993, De Hoe/Commission, T-85-92, Rec. p. II-523, point 20 ; du 21 mai 1999, Asia Motor France e.a./Commission, T-154-98, Rec. p. II-1703, point 49, et arrêt du Tribunal du 15 juin 1999, Ismeri Europa/Cour des comptes, T-277-97, Rec. p. II-1825, point 29). Il convient dès lors de rejeter la demande en indemnité comme étant irrecevable en ce qui concerne ce dernier préjudice invoqué.

86. Au vu de ce qui précède, il y a lieu de rejeter la demande en indemnité dans son intégralité.

Sur la demande de mesures d'organisation de la procédure et d'instruction

87. Les requérantes ont prié le Tribunal de demander au Conseil et à la Commission de produire toute une série de documents relatifs à certains des griefs qu'elles soulèvent ainsi que d'ordonner la désignation d'un expert économique indépendant chargé d'établir un rapport sur plusieurs aspects du litige.

88. À la lumière de ce qui précède, il n'y a pas lieu de demander la production des documents mentionnés par les requérantes, ni de désigner un expert économique indépendant.

Sur les dépens

89. Aux termes de l'article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s'il est conclu en ce sens. Les requérantes ayant succombé dans la mesure où leur recours était dirigé contre la Commission, il y a lieu de les condamner à supporter les dépens de celle-ci.

90. Par ailleurs, aux termes de l'article 87, paragraphe 3, du règlement de procédure, le Tribunal peut répartir les dépens ou décider que chaque partie supporte ses propres dépens si les parties succombent respectivement sur un ou plusieurs chefs. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de décider que les requérantes supporteront la moitié de leurs dépens et que le Conseil supportera l'autre moitié de leurs dépens ainsi que ses propres dépens.

91. Conformément à l'article 87, paragraphe 4, troisième alinéa, du règlement de procédure, le Tribunal peut ordonner qu'une partie intervenante autre que celles mentionnées aux premier et deuxième alinéas de cette disposition supportera ses propres dépens. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de décider qu'Euroalliages supportera ses propres dépens.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (troisième chambre)

déclare et arrête :

1) L'article 1er du règlement (CE) n° 1420-2007 du Conseil, du 4 décembre 2007, instituant un droit antidumping définitif sur les importations de silicomanganèse originaires de la République populaire de Chine et du Kazakhstan et clôturant la procédure concernant les importations de silicomanganèse originaires d'Ukraine, est annulé dans la mesure où il s'applique aux importations de silicomanganèse produit par Transnational Company " Kazchrome " AO.

2) Le recours est rejeté pour le surplus.

3) Transnational Company " Kazchrome " et ENRC Marketing AG supporteront la moitié de leurs propres dépens ainsi que les dépens de la Commission européenne.

4) Le Conseil de l'Union européenne supportera la moitié des dépens de Transnational Company " Kazchrome " et d'ENRC Marketing ainsi que ses propres dépens.

5) Euroalliages supportera ses propres dépens.