Commission, 24 mai 2011, n° 2011-747
COMMISSION EUROPÉENNE
Décision
Concernant l'aide d'État C 88-97 mise à exécution par la République française en faveur du Crédit mutuel
LA COMMISSION EUROPÉENNE, Vu le traité sur le fonctionnement de l'Union européenne, et notamment son article 108, paragraphe 2, premier alinéa, vu l'accord sur l'Espace économique européen, et notamment son article 62, paragraphe 1, point a), après avoir invité les intéressés à présenter leurs observations conformément audit article (1) et vu ces observations, considérant ce qui suit :
1. PROCÉDURE
(1) Le 25 janvier 1991, l'association française des banques (ci-après "l'AFB"), la chambre syndicale des banques populaires et le Crédit agricole ont déposé une plainte alléguant que des aides d'État avaient été accordées par la France au Crédit mutuel.
(2) La première demande d'information de la Commission sur le Livret bleu a été formulée par courrier du 27 mai 1991.
(3) Par lettre du 6 février 1998, la Commission a informé les autorités françaises de sa décision d'ouvrir la procédure prévue par l'article 88, paragraphe 2, du traité CE (maintenant article 108, paragraphe 2, du TFUE) concernant les mesures d'aides potentielles contenues dans le mécanisme d'épargne du "Livret bleu" (2).
(4) Le 8 avril 1998, les autorités françaises ont répondu aux questions posées par la Commission dans sa décision d'ouverture.
(5) Le 18 juin 1998, le Crédit mutuel a adressé à la Commission un courrier présentant des arguments visant à rejeter la qualification d'aide d'État pour les mesures visées par la décision d'ouverture de la procédure, ainsi qu'un dossier de comptabilité analytique relatif au Livret bleu. De nombreuses parties intéressées ont également fait parvenir leurs observations à la Commission (voir sections 3 et 4, considérants 48 à 59), qui les a transmises aux autorités françaises le 3 septembre 1998.
(6) Les plaignants ont adressé à la Commission quatre mémoires ampliatifs par correspondances des 29 octobre 1999, 16 mai 2000, 16 octobre 2000 et 19 janvier 2001, que la Commission a transmis aux autorités françaises les 21 février 2000 et 3 novembre 2000.
(7) Le 5 février 2001, la Commission a transmis aux autorités françaises les documents reçus de l'AFB.
(8) De novembre 1998 à décembre 1999, à la demande de la Commission, un consultant (3) (ci-après dénommé "le consultant de la Commission") a procédé à un audit de la comptabilité analytique du Livret bleu. Le rapport du consultant a été soumis pour examen aux autorités françaises et au Crédit mutuel le 10 janvier 2000. Le 7 février 2000, une réunion technique de concertation sur ce rapport a été organisée entre les services de la Commission assistés de leur consultant, les autorités françaises et le Crédit mutuel.
(9) Par lettre du 14 septembre 1999, les services de la Commission ont demandé aux autorités françaises de préciser les missions d'intérêt général dont est chargé le Crédit mutuel. Les 21 février 2000, 3 novembre 2000 et 5 février 2001, les services de la Commission ont transmis pour observations aux autorités françaises diverses pièces (4) versées au dossier par les plaignants concernant l'éventuel "effet d'appel" du Livret bleu (voir la sous-section 7.2.3, considérants 110 à 118). Les autorités françaises ont présenté leurs observations le 1er février 2001.
(10) Le 11 avril 2000, la Commission a été saisie d'une plainte de la Fédération bancaire de l'Union européenne (FBE) relative aux aides accordées par l'État français au Crédit mutuel sous la forme de l'exclusivité de distribution du Livret bleu.
(11) En mai 2000, la Confédération nationale du Crédit mutuel a mandaté le cabinet d'audit Arthur Andersen d'une mission comprenant la revue de la méthodologie des travaux de comptabilité analytique du Crédit mutuel et l'établissement du compte d'exploitation du Livret bleu. Cette mission s'est conclue en septembre 2000 par la remise d'un rapport détaillé sur le compte d'exploitation du Livret bleu, qui a évalué le résultat de comptabilité analytique du Livret bleu à une perte avant impôt de 498 millions FRF. Cette conclusion reposait sur la prise en compte de "correctifs". Une réunion sur ce rapport a été organisée le 2 février 2001 entre la Commission et le Crédit mutuel. Suite aux observations formulées par la Commission, le Crédit mutuel a demandé à Arthur Andersen de transmettre une note du 8 février 2001 justifiant la méthode employée dite "de correction de la surpondération de l'activité IARD [activité d'assurance dommage (5) du Crédit mutuel]", qui avait notamment fait l'objet de critiques des services de la Commission.
(12) En avril 2001 la Commission a demandé à son consultant d'identifier les écarts entre son rapport et celui d'Arthur Andersen et de déterminer les modifications de données ou de méthodologie qui pourraient, le cas échéant, être intégrées à son précédent rapport. Un nouveau rapport final du consultant de la Commission a été remis le 23 juillet 2001. Il évalue le résultat de comptabilité analytique du Livret bleu à un bénéfice cumulé non capitalisé de 1,074 milliard de FRF (163,7 millions d'euro). Ce rapport a été transmis le jour même aux autorités françaises. Lors d'une réunion du 26 juillet 2001 entre la Commission, les autorités françaises, le Crédit mutuel et Arthur Andersen, le Crédit mutuel et Arthur Andersen ont fait part de leur désaccord avec les conclusions finales du consultant de la Commission. Arthur Andersen a maintenu ses conclusions antérieures dans un document du 13 septembre 2001 transmis en annexe d'une note des autorités françaises du 15 septembre 2001. Les autorités françaises ont adressé à la Commission une nouvelle note d'analyse juridique du Livret bleu au regard du droit communautaire de la concurrence le 26 octobre 2001, ainsi qu'une note du 7 janvier 2002 relative aux coûts de la mission de service public qui rappelle, sans nouvel élément, les données chiffrées déjà présentées par le Crédit mutuel.
(13) La note envoyée le 26 octobre 2001 par les autorités françaises à la Commission expliquait pourquoi, selon elles, i) le régime du Livret bleu ne constituait pas une aide, ii) à supposer que la Commission retienne la qualification d'aide, il ne pourrait s'agir que d'une aide existante, et iii) il s'agirait en tout état de cause d'une aide compatible.
(14) Par décision du 15 janvier 2002 (6) (ci-après "la décision annulée"), la Commission a déclaré incompatible avec le marché intérieur l'aide d'État mise à exécution par la République française en faveur du Crédit mutuel.
(15) La décision du 15 janvier 2002 a été annulée par un arrêt du Tribunal du 18 janvier 2005 (7).
(16) La Commission n'a pas interjeté appel de l'arrêt du Tribunal. Conformément à l'article 266, paragraphe 1, du TFUE, la Commission est tenue de prendre les mesures que comporte l'exécution de cet arrêt. En matière d'aide d'État, cela signifie que, à la suite de l'annulation de la décision, la procédure est renvoyée au stade de l'enquête formelle.
(17) Par décision du 7 juin 2006 (8) (ci-après "la décision d'extension"), la Commission a étendu la procédure formelle d'examen et clarifié l'objet de son appréciation d'une aide éventuelle.
(18) La France a communiqué à la Commission ses observations sur la décision d'extension par lettres du 1er septembre 2006 et du 7 septembre 2006.
(19) Le 19 septembre 2006, la Commission européenne a reçu une plainte de l'Association des victimes du Crédit mutuel.
(20) La Commission a reçu les observations du Crédit mutuel par courrier du 13 octobre 2006.
(21) La Commission a transmis les observations du Crédit mutuel aux autorités françaises par courrier du 31 octobre 2006.
(22) À la suite de deux demandes d'informations complémentaires de la Commission du 22 septembre 2006 et du 28 novembre 2006, la France a présenté des observations supplémentaires par courriers du 8 novembre 2006 et du 28 février 2007.
(23) La Commission a rencontré les autorités françaises le 19 décembre 2006 et le Crédit mutuel le 15 janvier 2007.
(24) Le 10 mai 2007, la Commission a adopté une décision au titre de l'article 86, paragraphe 3, du traité CE (maintenant article 106, paragraphe 3, du TFUE) en liaison avec les articles 43 et 49 du traité CE (maintenant articles 49 et 56 du TFUE), en vertu de laquelle la France devait mettre fin aux droits spéciaux (9) du Crédit mutuel, des Caisses d'épargne et de la Banque populaire de distribuer le Livret bleu (s'agissant du Crédit mutuel) et le Livret A (s'agissant des Caisses d'épargne et de La Poste) (10).
(25) La France n'ayant pas mis fin aux droits spéciaux de distribution des Livrets A et bleus dans le délai de 9 mois prescrit par la décision du 10 mai 2007, la Commission a ouvert la procédure d'infraction prévue à l'article 226 du traité CE (maintenant article 258 du TFUE) en lui adressant, le 5 juin 2008, une lettre de mise en demeure pour non respect de la décision.
(26) Le 19 septembre 2009, la Commission a demandé de nouvelles informations à la France, auxquelles celle-ci a répondu le 13 octobre 2009.
(27) Le 8 octobre 2009, la Commission a mis fin à la procédure d'infraction, la France s'étant conformé, par l'adoption de la réforme du 1er janvier 2009 libéralisant la distribution des Livrets A et bleus (11), à son obligation de mettre fin aux droits spéciaux de distribution de ces livrets (12).
(28) Durant l'année 2010, la Commission a posé plusieurs questions au Crédit mutuel par courriers électroniques, auxquelles celui-ci a répondu, également par courriers électroniques.
(29) La présente décision clôt, conformément à l'article 13 du règlement (CE) n o 659-1999 du Conseil du 22 mars 1999 portant modalités d'application de l'article 93 du traité (13), la procédure relative aux éléments d'aide potentiels contenus dans le mécanisme du Livret bleu.
2. DESCRIPTION DU MÉCANISME DU LIVRET BLEU
2.1. Description du Crédit mutuel
(30) Le Crédit mutuel est un groupe bancaire et d'assurance décentralisé constitué d'un réseau national de caisses ayant le statut de sociétés coopératives à capital variable. Le Crédit mutuel est régi par la loi du 10 septembre 1947 qui a posé les principes de la coopération. Il est organisé en trois degrés: local, régional et national.
(31) Le groupe Crédit mutuel, sous les deux enseignes du groupe [Crédit mutuel et Crédit industriel et commercial (ci-après "CIC")], comporte près de 6 000 points de vente et plus de 72 000 salariés. Les caisses locales du Crédit mutuel sont rattachées aux 18 fédérations régionales adhérentes à la confédération nationale du Crédit mutuel, organe central du réseau. Le CIC fédère 6 banques régionales et des filiales spécialisées, en France comme à l'international.
(32) Le Crédit mutuel est par ailleurs un groupe doté d'une direction unique poursuivant une politique globale. Il maintient une solidarité financière interne au niveau de la confédération qui assure la liquidité des fédérations régionales. Le groupe présente les caractéristiques d'une entreprise unique au regard du droit de la concurrence puisqu'il présente un centre de décision unique au niveau central.
2.2. Description du Livret bleu
(33) Le Livret bleu était un produit d'épargne réglementé par l'État, distribué exclusivement par le Crédit mutuel.
(34) Ce produit était doté d'une défiscalisation partielle aux termes de la loi de finances rectificative pour 1975 (14). Les intérêts versés aux épargnants sur les sommes déposées bénéficiaient d'une exemption fiscale à hauteur des deux tiers. L'État fixait le taux de rémunération brut du Livret bleu pour les épargnants de telle manière qu'après prélèvement de l'impôt (15) le taux net fût identique à celui du Livret A, entièrement exempté d'impôt.
(35) L'État fixait le taux de rémunération du Livret bleu à un niveau supérieur à l'inflation, indexé sur le marché monétaire. Le dernier taux de rémunération net du Livret bleu, avant qu'il ne soit mis fin à ce produit d'épargne avec la réforme du 1er janvier 2009 (voir le considérant 41), était de 4 % (16). Le montant maximum pouvant être versé par les épargnants sur leur Livret bleu était de 15 300 d'euro. L'encours du Livret bleu est passé de 13 milliards d'euro (85 milliards de FRF) en 1991 à 22 milliards d'euro en 2008.
(36) Les caractéristiques du Livret bleu - mise à disposition immédiate des fonds, versements autorisés à partir de 15 euro, absence de frais (notamment à l'ouverture), etc. - induisaient une grande liquidité. Il était en outre possible de mettre en place sur le Livret bleu des prélèvements automatiques au profit du Trésor public ou d'entreprises publiques telles qu'EDF ou France Télécom. Le Livret bleu, produit d'épargne destiné aux particuliers, se rapprochait donc, par certains aspects, d'un compte courant.
(37) Les obligations liées à l'emploi des ressources collectées au moyen du Livret bleu ont évolué au fil du temps.
(38) Dans un premier temps, le Crédit mutuel avait l'obligation d'affecter 50 % des ressources [part relevée en 1983 (17) à 65 % des ressources et 80 % de la collecte nouvelle] à des emplois dits "d'intérêt général" (notamment le financement des collectivités locales et d'autres organismes publics), le solde étant à la libre disposition de la banque (ci-après "les emplois libres").
(39) Ce système a été profondément réformé par un arrêté du 27 septembre 1991 (18) opérant un alignement du Livret bleu sur le système du Livret A. En effet, à compter de cet arrêté, l'intégralité des encours nouveaux (19) a été centralisée auprès de la Caisse des dépôts et consignations (ci-après "la CDC") qui, en contrepartie, rémunérait le Crédit mutuel par une commission d'intermédiation. Cette commission, fixée initialement à 1,3 % de l'encours du Livret bleu affecté en compte à la CDC, a été ramenée à 1,2 % le 1er janvier 2005, puis à 1,1 % le 1er novembre 2005. La CDC utilise principalement les ressources collectées par le Crédit mutuel pour financer le logement social.
(40) En outre, cette profonde réforme du système s'est traduite par une réaffectation progressive du stock d'encours existant (20). Depuis l'arrêté du 27 septembre 1991 jusqu'à la fin du premier semestre 1999, la part des "emplois d'intérêt général" et des "emplois libres" existants a diminué jusqu'à ce que la totalité de l'encours soit affectée en compte à la CDC.
<EMPLACEMENT TABLEAU 1>
(41) Le 1er janvier 2009, une réforme des Livrets A et bleu est entrée en vigueur permettant à toutes les banques de distribuer le Livret A et mettant fin à la distinction entre Livrets A et Livrets bleus. Depuis le 1er janvier 2009, le "Livret bleu" du Crédit mutuel n'est autre qu'un Livret A commercialisé sous un autre nom. L'existence du Livret bleu, et par conséquent le droit exclusif de distribution du Crédit mutuel, a pris fin à cette date.
2.3. Description des raisons ayant conduit à l'ouverture/extension de la procédure
(42) Ainsi qu'il est exposé dans la décision d'extension (21), la Commission a estimé possible qu'une aide ait été accordée par la France au Crédit mutuel au moyen de la commission d'intermédiation.
(43) Il résulte de la jurisprudence Altmark de la Cour de justice que les compensations de service public ne constituent pas des aides d'État au sens de l'article 107 du TFUE si elles remplissent certaines conditions cumulatives mentionnées dans l'arrêt Altmark du 24 juillet 2003 (22).
(44) La Commission a estimé dans sa décision d'extension que la quatrième condition de la jurisprudence Altmark pourrait ne pas être satisfaite dans la mesure où l'État n'a pas assigné la mission de service public de collecte de dépôts destinés au logement locatif social au mieux disant par une procédure de marché public, mais directement par négociation avec le Crédit mutuel, ce qui ne donne a priori aucune garantie que la rémunération accordée au Crédit mutuel ne soit pas supérieure au niveau demandé par une entreprise bien gérée. Elle a considéré en outre que les autorités françaises n'avaient pas démontré que le niveau de compensation a été déterminé par référence aux coûts d'une entreprise moyenne bien gérée dans le secteur bancaire. En effet, il ne suffit pas aux autorités françaises de souligner que le Crédit mutuel est une entreprise bien gérée pour établir que le niveau de compensation a été déterminé sur la base d'une analyse des coûts que supporterait une entreprise bien gérée au sens de la jurisprudence Altmark.
(45) Selon la Commission, la commission d'intermédiation était une ressource d'État pouvant constituer un avantage sélectif de nature à fausser la concurrence et affecter le commerce entre États membres, qui ne lui a pas été notifiée. La commission d'intermédiation pouvait donc contenir des éléments d'aide illégale.
(46) Dans sa décision d'extension, la Commission a estimé possible que cette mesure ne soit pas compatible avec l'article 86, paragraphe 2, du traité CE (maintenant article 106, paragraphe 2, du TFUE) et considéré qu'aucune des dérogations mentionnées aux paragraphes 2 et 3 de l'article 87 du traité CE (maintenant article 107, paragraphes 2 et 3, du TFUE) ne semblait applicable.
(47) En effet, il lui a semblé possible, sur la base des calculs de son consultant, que le montant de la compensation ait dépassé ce qui était nécessaire pour couvrir les coûts occasionnés par l'exécution de l'obligation de service public (la collecte de dépôts destinés au logement locatif social) en tenant compte des recettes y relatives ainsi que d'un bénéfice raisonnable pour l'exécution de cette obligation. La Commission ayant rappelé que le montant de la compensation devait comprendre tous les avantages accordés par l'État ou au moyen de ressources d'État sous quelque forme que ce soit, elle a tenu compte dans le calcul de la compensation non seulement du coût net de la collecte des dépôts centralisés à la CDC, mais également du résultat (coût ou bénéfice) net des emplois d'intérêt général et des emplois libres. Le rapport du consultant de la Commission a fait apparaître une surcompensation du Crédit mutuel pour les années 1991, 1992, 1993 et 1998.
3. ARGUMENTS DES PLAIGNANTS
(48) Les arguments des plaignants ont été présentés par la Commission dans sa décision du 6 février 1998 relative à l'ouverture de la procédure au titre de l'article 88, paragraphe 2, du traité CE (maintenant article 108, paragraphe 2, du TFUE). Les mémoires ampliatifs transmis depuis lors présentent les nouveaux arguments suivants.
(49) Une note de l'AFB (actualisée fin février 1999 et communiquée à la Commission en octobre 1999) sur l'effet d'appel du Livret bleu a évalué le produit net bancaire généré par l'effet d'appel du livret bleu à 17 milliards de FRF (2,6 milliards d'euro), en supposant que l'accroissement des parts de marché du Crédit mutuel sur tous les segments pendant la période 1986-1997 provienne exclusivement de la distribution du Livret bleu.
(50) Une étude réalisée par la Caisse nationale du Crédit agricole, communiquée en mai 2000, a analysé l'évolution du nombre de guichets du Crédit mutuel. Il apparaît que le nombre global de guichets permanents a décru de 1991 à 1994, puis augmenté progressivement pour retrouver en 1998 le niveau de 1990. L'évolution a été différente selon les régions: le nombre des guichets permanents, puis non permanents, a diminué dans les régions de forte implantation historique du Crédit mutuel (Pays de la Loire, Bretagne, Alsace), alors qu'il a progressé dans les autres régions. Il est donc probable que le Crédit mutuel a réduit son implantation dans les zones rurales pour renforcer sa présence en zone urbaine. Ces données semblent démentir les allégations du Crédit mutuel selon lesquelles il a été contraint de maintenir une forte implantation en zone rurale au cours des années 90. Elles tendent aussi à montrer que le Crédit mutuel est en mesure de maintenir un réseau exceptionnellement dense même après la levée de tout contrôle des pouvoirs publics.
(51) L'AFB a adressé à la Commission un courrier du 4 juin 1998 affirmant que la rémunération de 1,3 % de l'encours des fonds du Livret bleu centralisé à la CDC était excessive étant donné que les Caisses d'épargne et la Poste percevaient à la même époque de la CDC respectivement 1,20 % et 1,50 % des fonds du Livret A, également centralisés à la CDC. L'AFB y indiquait qu'elle avait proposé en 1997 aux autorités françaises d'assurer la collecte des dépôts du Livret bleu moyennant une rémunération de 1 % seulement, mais que le gouvernement n'avait pas répondu à cette offre. L'AFB a notamment souligné que le rapport d'avril 1998 de M. Douyère, député, sur la modernisation des Caisses d'épargne indiquait que le coût de collecte d'une Caisse d'épargne moyenne comme celle de Bourgogne est de 0,96 % de ses encours et qu'il n'y avait pas de raison que le Crédit mutuel ait des coûts de gestion plus élevés.
(52) Un mémoire du cabinet Glais d'août 2000, soumis à la demande de l'AFB, a apporté des éléments statistiques sur l'avantage concurrentiel que le droit exclusif de distribution du Livret bleu aurait conféré au Crédit mutuel. L'examen des séries temporelles montre que les encours de dépôts sur Livret bleu ainsi que les encours des autres dépôts ont enregistré une forte croissance jusqu'au tournant des années 1985-1987. La croissance des crédits aux ménages se poursuit au-delà de cette date et demeure plus forte pour le Crédit mutuel que pour ses principaux concurrents. L'expert du cabinet Glais en a déduit que "l'effet Livret bleu semble donc avoir joué par attrait de clientèle et à partir du milieu des années 80, l'effet positif semble s'être perpétué sans croissance des dépôts. C'est la clientèle initialement fidélisée qui paraît donc avoir alimenté la stratégie expansionniste du Crédit mutuel à partir de cette période". Sur la base notamment d'un indicateur de persistance des chocs économiques aléatoires sur les variables d'activité et de la modélisation d'une équation simple de demande de crédits, l'expert a conclu que l'activité du Crédit mutuel (essentiellement de crédit) semblait avoir été déconnectée de l'évolution moyenne du marché bancaire, L'expert explique ce phénomène par le fait que la clientèle du Crédit mutuel serait plus fortement fidélisée, par exemple par l'intermédiaire du Livret bleu, que celle des autres réseaux bancaires.
(53) Dans un second mémoire (décembre 2000), le cabinet Glais a proposé une nouvelle analyse économétrique du degré de captivité de la clientèle de chaque réseau bancaire. Ses résultats corroborent, selon l'expert, l'hypothèse selon laquelle le Crédit mutuel et les Caisses d'épargne disposent de moyens leur permettant de fidéliser leur clientèle beaucoup mieux que ne le font les autres banques. Mais il est impossible de déterminer si c'est la distribution d'un livret d'épargne défiscalisé ou l'utilisation d'un réseau dense de succursales dans des régions différentes (deux instruments communs dont disposent ces réseaux) qui sont à l'origine de cette fidélisation plus forte de la clientèle.
(54) En marge de la présente procédure, la Commission a également reçu un mémoire complémentaire présenté par les plaignants, selon lequel l'achat par le Crédit mutuel, en avril 1997, du CIC, lors de la privatisation de cet établissement bancaire précédemment détenu par le groupe public d'assurances GAN, avait été possible grâce aux aides dont il a bénéficié au titre du Livret bleu, qui ont porté sa part de marché des dépôts de 2 % en 1969 à environ 6,9 % en 1997. Les fonds propres de l'entreprise ont connu selon les plaignants une croissance rapide grâce aux aides en question, passant de 650 millions de FRF (99 millions d'euro) en 1974 à 47,3 milliards de FRF (7,2 milliards d'euro) en 1997.
(55) Enfin, la plainte de l'Association des victimes du Crédit mutuel du 19 septembre 2006 contient une simple allégation de "détournement de l'épargne publique à des fins privées et commerciales [...] au détriment des épargnants et de l'économie française", dépourvue de véritable argumentation ou d'éléments de preuve relatifs à une éventuelle aide d'État illégale.
4. OBSERVATIONS DES TIERS INTÉRESSÉS
(56) À la suite de la publication de la décision d'ouverture du 6 février 1998, la Commission a reçu les commentaires de nombreuses tierces parties intéressées.
(57) Certains concurrents du Crédit mutuel ont fait part du préjudice qu'ils estiment avoir subi du fait de l'octroi au Crédit mutuel du droit exclusif de distribution du Livret bleu. Ces banques ont pour la plupart allégué l'existence d'un effet d'appel du Livret bleu leur faisant perdre des clients au profit du Crédit mutuel et ont souhaité la disparition de ce droit exclusif. De tels commentaires ont été adressés à la Commission par les établissements suivants :
<EMPLACEMENT TABLEAU 2>
(58) Par ailleurs, outre les observations en défense du Crédit mutuel, présentées à la section 4, la Commission a reçu les observations des tiers suivants en faveur du mécanisme du Livret bleu :
<EMPLACEMENT TABLEAU 3>
(59) La très grande majorité des tiers a souligné le rôle joué, notamment au niveau régional, par le Crédit mutuel dans le financement de l'économie sociale, et en particulier des associations sans but lucratif. Ils ont également souligné le rôle d'accompagnement du Crédit mutuel auprès des classes populaires dont émane une partie importante de sa clientèle. Plusieurs élus locaux ont souligné le rôle du Crédit mutuel dans la création d'entreprises et d'emplois, et le développement des initiatives locales, en liaison avec les collectivités locales. D'autres ont considéré que le Crédit mutuel, par ses structures décentralisées, répondait mieux que les établissements centralisés aux besoins locaux et à la nécessité d'un développement équilibré du territoire.
5. OBSERVATIONS DU CRÉDIT MUTUEL
(60) Le Crédit mutuel reproche à la Commission le traitement particulièrement long de l'affaire.
(61) En outre, selon Crédit mutuel, l'arrêt du Tribunal ne portait pas seulement sur un défaut de motivation mais comportait également des critiques sur le raisonnement de la Commission qui n'auraient pas été prises en compte dans la décision d'extension, particulièrement en ce qui concerne le calcul de l'éventuelle surcompensation. À cet égard, le Crédit mutuel reproche à la Commission d'additionner les soldes annuels positifs sans en retrancher les soldes des années négatives contrairement à la méthode préconisée par l'encadrement communautaire des aides d'État sous forme de compensations de service public (ci-après "l'encadrement communautaire de 2005") (23).
(62) Selon la banque, la commission d'intermédiation satisfait les quatre conditions de la jurisprudence Altmark :
a) en ce qui concerne la première condition, le Crédit mutuel serait investi de deux services d'intérêt économique général consistant l'un dans le maintien d'une présence significative de guichets en milieu rural pour des objectifs d'aménagement du territoire et l'autre en la collecte de dépôts destinés au financement du logement social. En ce qui concerne le maintien de guichets en milieu rural, il conteste la conclusion de la Commission selon laquelle les textes législatifs et réglementaires français restent beaucoup trop vagues pour conférer au Crédit mutuel une telle mission et donc pour que la première condition de la jurisprudence Altmark soit satisfaite. Selon le Crédit mutuel, la Commission tirerait cette conclusion du fait que ces textes n'ont pas imposé de contraintes spécifiques au Crédit mutuel en ce qu'ils s'appliquaient au secteur bancaire dans son ensemble. Le Crédit mutuel estime également que la Commission tente de lui imposer la charge de la preuve que la première condition de la jurisprudence Altmark est satisfaite, ce que ne prévoirait pas la jurisprudence en question;
b) en ce qui concerne la seconde condition, le Crédit mutuel souligne que la commission d'intermédiation a été instaurée simultanément à l'obligation de centralisation des fonds auprès de la CDC et que les modalités de calcul de cette commission ont été fixées de manière objective et transparente ;
c) quant à la troisième condition, la banque estime que la rémunération ne suffit pas à couvrir les coûts de collecte puisque l'activité afférente aux emplois centralisés auprès de la CDC ferait apparaître un solde négatif sur l'ensemble de la période 1991-2005 ;
d) le Crédit mutuel estime que la quatrième condition est également satisfaite. Le montant de la commission d'intermédiation aurait été déterminé en fonction des coûts effectivement encourus par le Crédit mutuel pour la distribution du Livret bleu. Le Crédit mutuel serait une entreprise bien gérée au sens de la jurisprudence Altmark parce que ses coûts de gestion seraient parmi les plus faibles. La Commission l'aurait du reste reconnu dans sa décision d'extension (24). Il estime que la Commission n'a pas suffisamment étayé les raisons pour lesquelles elle estime que cette condition n'était pas remplie.
(63) En tout état de cause, le Crédit mutuel estime que la mesure est compatible avec le marché intérieur sur la base de l'article 106, paragraphe 2, du TFUE. Le Crédit mutuel critique notamment la méthode de calcul de la surcompensation dont il est fait état dans la décision d'extension. Selon lui, la Commission aurait tout d'abord commis des erreurs de calcul dans son évaluation du résultat global du compte d'exploitation du Livret bleu en reprenant les conclusions erronées de son consultant, en dépit des points de désaccord non résolus entre le consultant de la Commission et celui du Crédit mutuel (25).
(64) Le Crédit mutuel conteste ensuite l'approche annuelle retenue par la Commission (à savoir le fait de ne retenir que les montants afférents aux années de surcompensation, sans les compenser avec les montants des années de sous compensation), qui irait à l'encontre d'un certain nombre de précédents, de la décision annulée et, selon lui, de l'encadrement communautaire de 2005 (26). La Commission devrait suivre une approche globale (c'est-à-dire compenser la totalité des montants afférents aux années de surcompensation avec ceux des années de sous compensation) pour l'ensemble de la période 1991-1998, d'une part, et pour l'ensemble de la période débutant en 1999.
(65) De surcroît, dans sa décision d'extension, la Commission n'a pas tenu correctement compte du bénéfice raisonnable. Elle a fondé son appréciation du bénéfice raisonnable sur les coûts des fonds propres réglementaires, estimés à 6 %, alors que ces coûts constituent une charge de comptabilité analytique et non une marge. La Commission aurait dû prendre en considération le taux de retour sur fonds propres préconisé par Arthur Andersen (27). De plus, elle a ainsi assis le calcul du bénéfice raisonnable sur une assiette évanescente qui devient nulle à compter de la centralisation totale des encours auprès de la CDC puisque ces encours n'ont aucun coût en fonds propres réglementaires. Le Crédit mutuel souligne que l'indicateur retenu par la Commission aboutit à le priver de toute marge normale sur le Livret bleu. Selon lui, toute banque, même sur un emploi centralisé n'ayant aucun coût de fonds propres au sens réglementaire étroit du ratio de solvabilité, doit pouvoir réaliser une marge normale.
(66) La Commission n'a pas non plus tenu correctement compte des coûts induits par l'autre mission d'intérêt général que le Crédit mutuel estime remplir, à savoir le maintien des guichets en zone rurale, visant à inciter à l'épargne populaire sur l'ensemble du territoire en favorisant l'accès bancaire au plus grand nombre.
(67) Enfin, le Crédit mutuel réfute l'existence d'un éventuel effet d'appel. Il rappelle que la Commission avait reconnu dans sa décision annulée que cet effet d'appel n'avait pu être formellement démontré et considère qu'aucun nouvel élément n'est intervenu depuis lors.
(68) En ce qui concerne la procédure, le Crédit mutuel invoque plusieurs principes généraux du droit communautaire pour contester toute récupération d'une aide potentielle et notamment le principe de confiance légitime et du respect d'un délai raisonnable.
6. OBSERVATIONS DE LA FRANCE
(69) La France considère que les conditions de la jurisprudence Altmark sont remplies:
a) en ce qui concerne la première condition, elle souligne que la Commission a reconnu que le Crédit mutuel était chargé d'une mission de service d'intérêt économique général de collecte des dépôts destiné au financement du logement social. Elle rappelle que la Commission a indiqué dans sa décision d'extension que le maintien de guichets en zone rurale pour des objectifs d'aménagement du territoire peut également être considéré comme un service d'intérêt économique général (28), mais ne répond pas aux arguments exposés par la Commission dans sa décision d'extension selon lesquels la première condition de la jurisprudence Altmark n'est pas satisfaite parce qu'il n'existe pas de législation ou de règlementation nationale imposant de façon suffisamment claire une mission au sens de l'article 106, paragraphe 2, du TFUE (29) ;
b) en ce qui concerne la seconde condition, la France estime que les paramètres de compensation ont été préalablement établis de manière objective et transparente ;
c) quant à la troisième condition, elle fait valoir que le montant de la compensation (la commission d'intermédiation) ne dépassait pas ce qui était nécessaire pour couvrir les coûts du système, en renvoyant au compte de résultat analytique du Livret bleu du Crédit mutuel pour les années 1999 à 2005 ;
d) la quatrième condition serait également remplie, la France alléguant que la gestion du Crédit mutuel satisferait aux critères d'efficacité requis (30).
(70) En ce qui concerne les conditions relatives à l'existence d'une aide, la France renvoie aux arguments développés avant l'annulation de la décision de 2002 :
a) La condition de ressources d'État n'est pas remplie parce que les bénéfices tirés par le Crédit mutuel des encours non centralisés à la CDC (emplois libres et emplois d'intérêt général) provenaient de ressources d'origine privée (les fonds déposés par les épargnants) et n'étaient pas à la disposition des autorités publiques ;
b) les échanges entre États membres n'ont pas pu être affectés avant l'achèvement du marché unique des activités bancaires et financières le 1er janvier 1993, consécutif à l'adoption de la seconde directive 89-646-CEE du Conseil du 15 décembre 1989 visant à la coordination des dispositions législatives, réglementaires et administratives concernant l'accès à l'activité des établissements de crédit et son exercice, et modifiant la directive 77-780-CEE (ci-après "la deuxième directive bancaire") (31). À compter de cette date, les autorités françaises ont considéré qu'en raison de l'absence de statut européen de la société coopérative et des limitations que cette situation entraînait pour l'expansion transfrontalière des sociétés à statut coopératif comme le Crédit mutuel, les caisses du Crédit mutuel n'avaient pas d'activité au- delà des frontières nationales. Les comptes du Livret bleu ouverts à des non-résidents représentaient, qui plus est, moins de 0,1 % de l'encours. Les autorités françaises ont également considéré que les établissements bancaires étrangers en France visaient un marché très différent de celui du Crédit mutuel ;
c) la commission d'intermédiation versée par la CDC au Crédit mutuel sur les encours du Livret bleu centralisés ne peut avoir constitué une aide, mais uniquement la rémunération d'une prestation effectuée par la banque, dont le prix avait été fixé contractuellement en 1991 à 1,3 %. Les autorités françaises ont insisté sur l'importance des coûts de gestion du Livret bleu en raison du nombre de livrets dont l'encours est inférieur à 5 000 FRF (762 euro). Elles se sont référées aux travaux de comptabilité analytique réalisés par le Crédit mutuel (après l'institution de la mesure en cause) pour conclure que ce montant de rémunération était pleinement justifié. Elles ont fait valoir que tout avantage que comporterait le Livret bleu pour le Crédit mutuel devrait être examiné en contrepartie de charges liées à un objectif d'intérêt économique général. À cet égard, elles ont porté à l'attention de la Commission l'affectation croissante de l'encours du livret à des emplois financiers d'intérêt général dont la proportion est passée de 50 % de l'encours du Livret bleu de 1975 à 1983, à 65 % de 1983 à 1991 et à 100 % des encours centralisés à la CDC en 1998;
d) à supposer qu'il y eût effectivement une aide, celle-ci eût été en tous les cas existante puisque le régime du Livret bleu a été institué avant la libéralisation du marché bancaire le 1er janvier 1993 (échéance du délai de transposition de la deuxième directive bancaire).
(71) Dans leur note du 26 octobre 2001, les autorités françaises indiquent la raison pour laquelle, si la Commission retenait la qualification d'aide, il s'agirait en tout état de cause d'une aide compatible avec le marché intérieur en vertu de l'article 106, paragraphe 3, du TFUE. Elles reprochent à la Commission d'avoir commis des erreurs dans le calcul du résultat global du compte d'exploitation du Livret bleu en ne suivant pas la méthode préconisée par le consultant du Crédit mutuel (32). Elles font également valoir que la Commission doit tenir compte d'un bénéfice raisonnable, qu'elles estiment à [...] (*).
(72) Dans leurs observations concernant la décision d'extension, les autorités françaises reprochent en outre à la Commission d'avoir suivi un "raisonnement asymétrique" en ne compensant pas les montants des années où apparaît une surcompensation (1991, 1992, 1993 et 1998) par ceux des années présentant une sous-compensation (1994 à 1997) et d'avoir repris intégralement dans l'annexe 1 de la décision d'extension les conclusions de son consultant sur les trois points de divergence entre la France et la Commission. La France a précisé que, sur l'ensemble de la période 1999-2005, le système lié au Livret bleu a été sous-compensé par l'État. Ainsi, le montant de la commission d'intermédiation n'a pas dépassé ce qui était nécessaire à la couverture des coûts de distribution du Livret tels que reflétés dans la comptabilité analytique du Livret bleu, laquelle a été élaborée conjointement avec la Commission [sous réserve de deux adaptations (33)] et satisfait aux exigences de la directive 80-723-CEE de la Commission du 25 juin 1980 relative à la transparence des relations financières entre les États membres et les entreprises publiques ainsi qu'à la transparence financière dans certaines entreprises (34). La France a également expliqué que les baisses récentes de la commission d'intermédiation répondaient principalement aux besoins des acteurs du financement du logement social (35).
(73) Les autorités françaises précisent qu'un mécanisme de remboursement d'une éventuelle surcompensation existe depuis 1999.
(74) La France a également expliqué que le risque d'illiquidité à un mois était supporté par le Crédit mutuel et que le risque d'illiquidité au-delà d'un mois était supporté par la CDC. Elle a précisé que, s'agissant des sommes collectées au titre du Livret bleu, le pourcentage de pondération des risques pour le calcul des besoins en fonds propres nécessaires à la marge de solvabilité était de zéro. Elle a exposé que la pondération du risque pour les besoins en fonds propres du Crédit mutuel pour les autres produits d'épargne et autres ressources que le Livret bleu variait de [...] à [...] % de 1999 à 2005. Les autorités françaises ont précisé que compte tenu de l'absence de pertinence de l'application du ratio de solvabilité européen à compter de la centralisation intégrale des encours à la CDC en 1999, le Crédit mutuel a intégré, pour calculer le bénéfice raisonnable correspondant au Livret bleu, un coût de fonds propres obtenu en référence à celui des autres produits d'épargne et autres ressources, tout en le limitant ([...] à [...] % entre 1999 à 2005). À la demande de la Commission, la France a également donné des précisions sur la marge de compensation afférente à la constitution d'une réserve obligatoire auprès de la Banque de France.
7. ÉVALUATION
7.1. Existence de l'aide
(75) Dans la décision d'extension, la Commission a estimé que la seule mesure en cause susceptible de contenir des éléments d'aide était la commission d'intermédiation versée au Crédit mutuel par la CDC (36).
(76) L'aide éventuelle que recèle la commission d'intermédiation a été instituée le 27 septembre 1991 par l'arrêté du même jour et, dans la présente décision, est analysée jusqu'à la libéralisation de la distribution du Livret A et l'harmonisation du Livret bleu avec celui-ci le 1er janvier 2009 (37).
7.1.1. Les conditions de la jurisprudence Altmark ne sont pas satisfaites
(77) Il convient de relever qu'en vertu de la jurisprudence Altmark (38), les compensations versées en contrepartie de missions de service public ne constituent pas des aides d'État au sens de l'article 107, paragraphe 1, du TFUE si quatre conditions cumulatives sont remplies.
(78) Dans leurs observations en réponse à la décision d'extension, les autorités françaises et le Crédit mutuel invoquent l'existence de deux services d'intérêt économique général, à savoir le maintien d'une présence significative de guichets en milieu rural pour des objectifs d'aménagement du territoire et la collecte de dépôts destinés au financement du logement social.
(79) Or, avant même l'institution de la mesure en cause le Crédit mutuel n'avait plus aucune obligation de maintien de guichets en zone rurale, la loi relative à l'ouverture et à la fermeture des agences bancaires ayant été abrogée en 1987 et le régime de contrôle (qui aurait été maintenu pour le Crédit mutuel de 1987 à 1991) ayant été supprimé le 1er juillet 1991 (39). Les autorités françaises et le Crédit mutuel n'ont par ailleurs pas contesté la conclusion de la décision d'extension selon laquelle "postérieurement à 1991 [c'est-à-dire au 1er juillet 1991], aucun acte n'existe sur la base duquel le Crédit mutuel aurait été investi, au sens de l'article 86 CE [maintenant article 106 du TFUE], de la mission mentionnée au point 24 sous iii) ci-dessus [maintien de guichets en zone rurale pour des objectifs d'aménagement du territoire]" (40).
(80) C'est donc au regard de la seule mission de collecte de dépôts en vue du financement du logement social, qu'il convient de vérifier si la jurisprudence Altmark s'applique.
(81) La Commission rappelle que les États membres disposent d'un large pouvoir d'appréciation quant à la nature des services susceptibles d'être qualifiés d'intérêt économique général. Elle considère que les décrets d'application des dispositions de l'article 9 de la loi de finance rectificative pour 1975 (41) et de l'article 24 de la loi de finance rectificative pour 1982 (42), notamment l'arrêté du 27 septembre 1991, confient clairement au Crédit mutuel la mission (telle que définie aux articles R323- 10 et R 331-14 du code de la construction et de l'habitation) de collecter des fonds à transférer à la CDC permettant à cette dernière de financer le logement social. La Commission estime qu'en qualifiant cette mission de service d'intérêt économique général la France n'a pas commis d'erreur manifeste d'appréciation.
(82) En vertu de la quatrième condition de la jurisprudence Altmark, "lorsque le choix de l'entreprise à charger de l'exécution d'obligations de service public, dans un cas concret, n'est pas effectué dans le cadre d'une procédure de marché public permettant de sélectionner le candidat capable de fournir ces services au moindre coût pour la collectivité, le niveau de la compensation nécessaire doit être déterminé sur la base d'une analyse des coûts qu'une entreprise moyenne, bien gérée [...] afin de pouvoir satisfaire aux exigences de service public requises, aurait encourus pour exécuter ces obligations, en tenant compte des recettes y relatives ainsi que d'un bénéfice raisonnable pour l'exécution de ces obligations" (43).
(83) La Commission estime que la quatrième condition n'est pas remplie en ce qui concerne la mission de collecte de dépôts centralisés auprès de la CDC pour le financement du logement social. Il y a lieu de noter que l'État n'a pas assigné cette mission au mieux disant par une procédure de marché public d'offres, mais directement par négociation avec le Crédit mutuel. Le niveau de la commission d'intermédiation n'a pas été déterminé par référence aux coûts liés à l'exécution du service d'intérêt économique général encourus par une entreprise moyenne, bien gérée. En effet, le niveau de la commission d'intermédiation de 1,3 % n'a pu être basé sur les coûts réels encourus par le Crédit mutuel pour l'exécution du service d'intérêt économique général puisqu'il n'existait pas de comptabilité séparée du Livret bleu en septembre 1991 permettant de retracer les coûts liés spécifiquement au Livret bleu dans la comptabilité de la banque. La comptabilité séparée du Livret bleu a été construite plusieurs années après et reconstruite rétroactivement pour les années antérieures jusqu'à 1991. Il n'existe donc pas d'indication que le niveau de la commission d'intermédiation a été déterminé par référence aux coûts d'une entreprise moyenne bien gérée exécutant la mission d'intérêt général en cause. Les autorités françaises font valoir que le Crédit mutuel serait, d'une manière générale, bien géré. Cependant, elles ne démontrent pas véritablement cette allégation, renvoyant principalement au considérant 13 de la décision d'extension où la Commission mentionne simplement les résultats financiers globaux (taille de bilan, résultat net, coefficient d'exploitation, fond propres et coefficient de solvabilité) du Crédit mutuel en 2004. En tout état de cause, si un État membre a déterminé le niveau de la compensation sur la base d'une analyse des coûts d'une entreprise moyenne bien gérée, il ne devrait avoir aucune difficulté à le démontrer à la Commission et à lui exposer la méthodologie suivie, ce que la France n'a pas fait en l'espèce. Finalement, le fait que, dès que la distribution des Livrets A et bleus a été libéralisée le 1er janvier 2009, la commission d'intermédiation du Crédit mutuel est passée de 1,1 % à 0,6 % semble indiquer que le niveau de cette commission était supérieure à celle qui aurait été déterminée sur la base des coûts d'une entreprise moyenne bien gérée exécutant la même mission d'intérêt général.
(84) Dans la mesure où les conditions de la jurisprudence Altmark sont cumulatives, il suffit que l'une des conditions ne soit pas remplie pour que la jurisprudence ne s'applique pas et que la mesure en cause puisse éventuellement constituer une aide d'État. Il résulte de ce qui précède que la mesure en cause ne satisfait pas la quatrième condition de la jurisprudence Altmark. La jurisprudence Altmark ne s'applique donc pas et il convient d'examiner si la mesure constitue effectivement une aide d'État (44) (45).
7.1.2. Les conditions relatives à l'existence d'une aide sont satisfaites
(85) L'article 107, paragraphe 1, du TFUE prévoit que sont incompatibles avec le marché intérieur, dans la mesure où elles affectent le commerce entre États membres, les aides accordées par les États ou au moyen de ressources d'État sous quelque forme que ce soit qui faussent ou qui menacent de fausser la concurrence en favorisant certaines entreprises ou certaines productions.
7.1.2.1. Imputabilité à l'État et ressources d'État
(86) La commission d'intermédiation était versée annuellement (46) au Crédit mutuel par la CDC en vertu d'une convention entre l'État et le Crédit mutuel fixant les modalités de mise en œuvre de l'arrêté du 27 septembre 1991. Le montant de la commission d'intermédiation est fixé par l'État pour compenser des obligations de service public. De plus, la CDC est une entreprise publique dont le comportement est imputable à l'État (47). La condition relative à l'imputabilité à l'État et aux ressources d'État est donc remplie.
7.1.2.2. Sélectivité
(87) La commission d'intermédiation était octroyée exclusivement au Crédit mutuel, en contrepartie de la collecte de l'épargne centralisée auprès de la CDC pour le financement du logement social, au moyen du Livret bleu dont le Crédit mutuel détenait un droit exclusif de distribution. Cette mesure revêtait donc un caractère sélectif.
7.1.2.3. Les conditions de la jurisprudence Altmark ne s'appliquant pas, examen de l'existence d' un avantage faussant la concurrence
(88) Étant donné qu'elle constituait un transfert de ressources d'État en faveur du seul Crédit mutuel, la commission d'intermédiation a amélioré la position concurrentielle de cette banque par rapport à ses concurrents. En effet, conformément à la jurisprudence de la Cour, une amélioration de la position concurrentielle d'une entreprise à la suite d'une aide d'État constitue généralement la preuve que la concurrence est faussée avec les autres entreprises qui n'ont pas bénéficié d'une aide semblable (48).
7.1.2.4. Affectation du commerce entre États membres
(89) En outre, selon une jurisprudence constante, il y a affectation des échanges entre États membres dès lors que l'entreprise bénéficiaire de l'aide exerce ses activités dans un domaine ouvert à la concurrence et qui fait l'objet d'échanges entre États membres (49). Or, dès 1979, la part de marché des banques étrangères atteignait 8 % pour les activités de crédit (4 % pour les succursales sans personnalité juridique, 4 % pour les sociétés filiales en forme juridique française), 4,5 % pour les activités de dépôt (2 % et 2,5 % respectivement). La part des banques européennes non françaises par rapport à l'ensemble des banques étrangères était de 50 % pour les crédits, 70 % pour les dépôts. Le Crédit mutuel a donc été confronté dès les années 70 à la concurrence des réseaux étrangers sur le territoire français. En outre, le marché de l'épargne bancaire liquide auquel appartenait le Livret bleu, qui inclut également le Codevi, le LEP, le livret jeune, les comptes sur livrets ordinaires et le CEL (50), était déjà ouvert à la concurrence lors de la période considérée.
(90) La Commission conclut donc que les quatre conditions nécessaires à l'existence d'une aide sont remplies.
7.1.2.5. Illégalité de la mesure d'aide
(91) Enfin, la mesure d'aide est illégale car elle n'a pas été notifiée à la Commission conformément à l'article 108, paragraphe 3, du TFUE et a été mise en œuvre après l'entrée en vigueur en France du traité instituant la Communauté économique européenne.
(92) En réponse à l'argument des autorités françaises selon lequel l'aide serait existante parce qu'adoptée avant l'échéance du délai de transposition, le 1er janvier 1993, de la deuxième directive bancaire, la Commission souligne que cette directive visait à réaliser le marché intérieur dans le secteur des établissements de crédit sous l'aspect de la liberté d'établissement et de la libre prestation des services. Elle n'implique pas que le marché en cause était fermé à la concurrence avant l'adoption de la commission d'intermédiation, mais simplement qu'il existait encore certains obstacles au libre établissement et à la libre prestation des services dans le secteur bancaire. La décision du 10 mai 2007 relève que le Livret bleu appartient à un "marché" de l'épargne bancaire liquide, ce qui implique une ouverture de l'activité concernée à la concurrence, et ne confirme en aucun point l'argument des autorités françaises selon lequel l'activité en cause n'aurait été ouverte à la concurrence qu'en 1993. La décision fait au contraire référence à l'existence d'un marché "mature" (51).
7.2. Compatibilité de l'aide avec le marché intérieur
(93) Puisque la mesure en cause contient des éléments d'aide d'État, la Commission doit analyser la compatibilité de ladite mesure avec le marché intérieur.
(94) Conformément à l'article 106, paragraphe 2, du TFUE: "les entreprises chargées de la gestion de services d'intérêt économique général [...] sont soumises aux règles du présent traité, notamment aux règles de concurrence, dans les limites où l'application de ces règles ne fait pas échec à l'accomplissement en droit ou en fait de la mission particulière qui leur a été impartie. Le développement des échanges ne doit pas être affecté dans une mesure contraire à l'intérêt de la Communauté".
(95) Conformément à la jurisprudence de la Cour, à la pratique de la Commission et à l'encadrement communautaire de 2005, l'article 106, paragraphe 2, du TFUE signifie qu'une aide d'État à une entreprise chargée de la gestion d'un service d'intérêt économique général peut être déclarée compatible avec le marché intérieur si la mesure d'aide remplit les conditions suivantes:
a) le service fourni revêt les caractéristiques d'un service d'intérêt économique général;
b) l'entreprise a effectivement été chargée de l'exécution de ce service d'intérêt économique général par l'État au moyen d'un ou de plusieurs actes officiels ;
c) les principes de nécessité et proportionnalité sont respectés ; et
d) le développement des échanges n'est pas affecté dans une mesure contraire à l'intérêt de l'Union.
(96) Les conditions a) et b) sont remplies pour les raisons exposées au considérant 81.
(97) S'agissant de la condition d), la Commission ne dispose d'aucune indication selon laquelle les échanges intracommunautaires ont été affectés de manière si importante que l'aide ne satisferait pas à cette condition. En particulier, la décision du 10 mai 2007 demandait la fin de l'exclusivité du droit de distribution du Livret bleu puisque les droits spéciaux liés à la distribution du Livret bleu constituaient une restriction à la libre prestation des services à l'intérieur de la Communauté (52). Néanmoins, la commission d'intermédiation, pour autant qu'elle n'ait pas surcompensé la mission de service d'intérêt général confiée au Crédit mutuel, ne saurait être considérée comme affectant le développement des échanges dans une mesure contraire à l'intérêt de l'Union.
(98) La Commission examine donc ci-après si les principes de nécessité et proportionnalité ont bien été respectés, c'est- à-dire si le montant de la compensation que constitue la commission d'intermédiation n'a pas dépassé ce qui est nécessaire pour couvrir les coûts occasionnés par l'exécution des obligations de service public, en tenant compte des recettes y relatives ainsi que d'un bénéfice raisonnable pour l'exécution de ces obligations (53).
(99) Dans sa vérification de l'absence d'une éventuelle surcompensation (voir la sous-section 7.2.5), la Commission suit - pour la période du 27 septembre 1991 (voir la sous- section 7.2.1) au 31 décembre 2005 - une approche globale (voir la sous-section 7.2.2). Elle tient compte de tous les avantages liés au Livret bleu, sans toutefois inclure un éventuel effet d'appel dont l'ampleur n'a pu être établie (voir la sous-section 7.2.3). Un bénéfice raisonnable est pris en compte (voir la sous-section 7.2.4), y compris pour les encours centralisés auprès de la CDC.
7.2.1. Début de la période considérée le 27 septembre 1991
(100) Dans la décision d'extension, le calcul des résultats nets du Livret bleu aux fins d'apprécier l'existence d'une éventuelle surcompensation incluait les résultats de l'ensemble de l'année 1991 (54). En d'autres termes, les revenus nets provenant des emplois libres et des emplois d'intérêt général étaient pris en compte à partir du 1er janvier 1991.
(101) Ainsi qu'il a été exposé aux considérants 75 et 76, la seule mesure en cause dans la présente affaire est la commission d'intermédiation, dont le principe a été institué le 27 septembre 1991, en même temps que le Crédit mutuel a été chargé de centraliser ses encours auprès de la CDC afin de financer le logement social. Avant cette date, ni la commission d'intermédiation ni la centralisation auprès de la CDC n'existaient. En conséquent, la Commission doit commencer son appréciation de la proportionnalité de l'aide à partir de cette date.
(102) Les coûts et recettes relatifs à l'exécution du service d'intérêt économique général ne peuvent donc être antérieurs au 27 septembre 1991. En d'autres termes, ce n'est qu'à partir de la création de la mesure d'aide en question (la commission d'intermédiation) que l'on peut prendre en compte les coûts et recettes relatifs à l'exécution du service d'intérêt économique général financé par cette aide. La Commission considère en conclusion que sa décision d'extension contenait une incohérence en limitant la mesure d'aide à la seule commission d'intermédiation créée le 27 septembre 1991, mais en continuant à prendre en compte les revenus nets des Livrets bleus pour la période du 1er janvier au 27 septembre 1991.
(103) Dès lors que le Crédit mutuel n'est en mesure de communiquer les résultats nets des emplois d'intérêt général et des emplois libres que sur une base annuelle, la Commission estime que, pour l'année 1991, il convient de ne tenir compte que des seuls résultats nets correspondant à la période allant du 27 septembre 1991 au 31 décembre 1991, en rapportant les résultats nets pour l'ensemble de l'année 1991 au prorata du nombre de jours pertinents, soit 96-365. Les résultats nets des encours centralisés auprès de la CDC pour l'année 1991 peuvent être pris en compte dans leur entièreté puisque, comme il a été exposé au considérant 101, cette centralisation a précisément été introduite après le 27 septembre 1991, de sorte que, par définition, aucune partie de ces résultats ne se rapporte à la période du 1er janvier au 27 septembre 1991.
7.2.2. Approche globale jusqu'à fin 2005 et annuelle par la suite
(104) Dans sa décision d'extension, la Commission a préconisé l'adoption d'une approche annuelle pour apprécier l'existence d'une éventuelle surcompensation. Cette approche résulte de l'encadrement communautaire de 2005 et constitue un changement par rapport à sa pratique passée. En effet, lorsqu'avant l'adoption de l'encadrement communautaire de 2005 la Commission devait apprécier l'existence d'une éventuelle surcompensation, elle suivait une approche pouvant être qualifiée de "globale" selon laquelle les montants afférents aux années de surcompensation pouvaient, sans limite, être compensés avec les montants des années de sous compensation (55).
(105) En vertu du point 26 de l'encadrement communautaire de 2005, la Commission appliquera aux aides non notifiées les dispositions dudit encadrement si l'aide a été octroyée après la publication de l'encadrement au Journal officiel de l'Union européenne et les dispositions en vigueur au moment de l'octroi de l'aide dans les autres cas. L'aide en cause est octroyée annuellement (56) et n'a pas été notifiée. La publication de l'encadrement communautaire de 2005 au Journal officiel de l'Union européenne a eu lieu le 29 novembre 2005. Il convient par conséquent d'appliquer les règles en vigueur au moment de l'octroi de l'aide pour la période antérieure à 2006 et l'encadrement communautaire de 2005 pour la période allant du 1er janvier 2006 à la fin de la mesure le 31 décembre 2008.
(106) L'encadrement communautaire de 2005 préconise une approche "annuelle" dans la mesure où le calcul d'une éventuelle surcompensation doit être fait annuellement sans que le montant d'une surcompensation annuelle puisse être reporté sur l'année suivante, sauf lorsque ce montant ne dépasse pas 10 % du montant de la compensation annuelle (57).
(107) En revanche, avant l'adoption de l'encadrement communautaire de 2005, lorsque la Commission vérifiait que l'entreprise n'avait pas été surcompensée au titre de l'exécution de la mission de service public, elle suivait une approche "globale" (voir le considérant 104) (58).
(108) Dans l'approche globale, les résultats nets de chaque année, cumulés année après année, sont actualisés en appliquant le taux de référence pour la France au 1er janvier de chaque année (59).
7.2.3. Avantages pris en compte
(109) Aux termes du point 17, première phrase, de l'encadrement communautaire de 2005, "les recettes à prendre en considération doivent au moins inclure toutes les recettes tirées du service d'intérêt économique général". Lors de la vérification de l'absence d'une éventuelle surcompensation, il convient donc de tenir compte du résultat net des emplois d'intérêt général et des emplois libres pendant la période d'enquête. La Commission considère en effet que ces résultats sont des recettes instaurées par la France à partir du 27 septembre 1991 en faveur du Crédit mutuel dans le cadre de l'exécution par celui-ci du service d'intérêt général de financement du logement social à travers la CDC. Ces emplois sont, en comptabilité analytique, adossés à une ressource spécifique, les dépôts collectés grâce à la distribution du Livret bleu. Dans des conditions de marché concurrentielles (sans le droit spécial de distribuer un produit d'épargne défiscalisé), le Crédit mutuel n'aurait peut-être pas été en mesure de se procurer cette ressource au même coût, de sorte que les emplois et ressources correspondants doivent être pris en compte dans l'économie globale du système du Livret bleu. Par ailleurs, la France a elle même confirmé l'existence d'un lien entre ces emplois, le Livret bleu et la mission de financement du logement social en réaffectant les encours relatifs à ces emplois à la CDC à partir de 1991 (60). En d'autres termes, lorsqu'elle attribue au Crédit mutuel le 27 septembre 1991 le service d'intérêt économique général de collecte de dépôts centralisés auprès de la CDC et destinés au financement du logement social, la France confirme l'attribution au Crédit mutuel de la distribution du Livret bleu. Le profit résultant de l'utilisation de fonds déposés sur ce dernier doit donc être considéré à partir de cette date comme un revenu octroyé au Crédit mutuel pour la fourniture du service d'intérêt économique général.
(110) Le plaignant et d'autres autorités ou organismes [le Conseil de la concurrence et des rapports de parlementaires ou d'organismes de recherche (61)] considèrent que le droit exclusif de distribution du Livret bleu a produit un "effet d'appel" en permettant au Crédit mutuel d'attirer et de fidéliser une clientèle à laquelle il a vendu d'autres produits bancaires que le seul Livret bleu. Dans la décision d'extension, la Commission n'a pas exclu que le Livret bleu ait pu engendrer des revenus indirects par l'effet d'appel (62), mais a rappelé que de tels revenus n'ont pas jusqu'alors pu être quantifiés (63).
(111) Au terme de l'instruction de la présente affaire, la Commission constate que, si l'existence d'un effet d'appel ne peut être exclue, les données qu'elle a récoltées ne lui permettent pas en l'espèce de quantifier l'éventuel effet d'appel de manière suffisamment solide.
(112) Les documents soumis par les plaignants présument l'existence d'effets d'appel, mais n'en démontrent pas formellement l'existence et parviennent encore moins à évaluer précisément l'incidence financière de ces effets.
(113) S'agissant des études du cabinet Glais (voir considérants 52 et 53), la Commission observe que le Crédit mutuel peut à bon droit affirmer que ces analyses statistiques n'apportent aucune preuve certaine quant à un effet d'appel quantifiable.
(114) Trois évaluations subjectives ont été proposées dans les observations des plaignants. Tout d'abord, compte tenu du fait que les autres banques avaient offert de distribuer le Livret bleu moyennant une commission de 1 %, les plaignants ont proposé un ordre de grandeur approximatif de l'effet d'appel en calculant la différence entre le niveau de la commission perçue par le Crédit mutuel et ce taux de 1 %, soit 0,3 %, ce qui correspond à environ 300 millions de FRF par an. Toutefois, rien ne permet de prouver que les concurrents du Crédit mutuel auraient pu, durant la période considérée, accomplir cette mission dans les mêmes conditions à ce niveau de rémunération de 1 %. En outre, ce premier argument ne démontre pas l'effet d'appel mais semble revenir à alléguer que le Crédit mutuel a été surcompensé, ce qui, comme il sera démontré, n'est pas le cas. Rien ne permet de démontrer que l'effet d'appel correspond à la différence entre la commission d'intermédiation et la moindre commission hypothétique que les concurrents du Crédit mutuel proposaient de percevoir en contrepartie de la distribution par eux du Livret bleu.
(115) Selon la deuxième méthode proposée par les plaignants, l'effet d'appel serait mesuré en fonction de la croissance des parts de marché du Crédit mutuel. Une telle méthode d'évaluation ne peut être retenue car elle se fonde sur le postulat que les gains de parts de marché sont uniquement dus au Livret bleu, ce postulat n'étant étayé par aucun élément objectif.
(116) La troisième évaluation du droit exclusif de distribution se fonde sur le manque à gagner fiscal induit par la défiscalisation du Livret bleu. Si le Crédit mutuel avait souhaité distribuer sans défiscalisation un livret d'épargne en offrant, quelle que soit la situation fiscale des épargnants, le même rendement net que le Livret bleu, il aurait effectivement assumé un coût d'opportunité égal au montant de l'impôt notionnel (potentiellement) acquitté par les épargnants. Selon les plaignants, l'avantage fiscal cumulé de l'ordre de 4,5 milliards de FRF sur la période 1991-1997 doit être considéré comme ayant apporté au Crédit mutuel des avantages induits du même montant. Ce raisonnement ne peut être retenu car le Crédit mutuel n'aurait très vraisemblablement pas distribué le Livret bleu dans les mêmes conditions s'il avait dû assumer intégralement le coût de la défiscalisation, qui bénéficie du reste directement aux sociétaires.
(117) Les éventuels avantages en question sont difficiles à démonter et à quantifier. L'avantage économique direct retiré de l'exploitation du Livret bleu est directement mesurable à partir de la comptabilité du Livret bleu. En revanche, l'avantage économique induit par la vente d'autres produits ou services aux clients fidélisés par le Livret bleu serait observable dans la comptabilité analytique de ces autres produits s'il était immédiatement possible de distinguer ce qui est vendu aux clients fidélisés ou attirés au Crédit mutuel par le Livret bleu et ce qui est vendu aux clients venus au Crédit mutuel pour d'autres motifs, ce qui n'est pas le cas. Pour ces raisons, le consultant de la Commission n'a pu évaluer l'éventuel effet appel en suivant la méthode comptable appliquée pour évaluer l'ensemble des avantages économiques directs tirés du Livret bleu.
(118) Les tentatives d'évaluation plus sophistiquées de l'effet d'appel par le consultant de la Commission n'ont pas été couronnées de succès. Par conséquent, la Commission considère qu'elle ne peut pas prendre en compte l'éventuel avantage dû à l'effet d'appel dans le calcul de vérification de l'absence d'une éventuelle surcompensation.
7.2.4. Calcul du bénéfice raisonnable
(119) Lors de la vérification de l'absence de surcompensation de l'entreprise chargée d'un service d'intérêt économique général, il convient de tenir compte d'un bénéfice raisonnable (64). L'encadrement communautaire de 2005 précise que par "bénéfice raisonnable", il convient d'entendre un taux de rémunération du capital propre qui doit prendre en compte le risque, ou l'absence de risque, encouru par l'entreprise [...]. Normalement, ce taux ne doit pas dépasser le taux moyen constaté dans le secteur concerné au cours des années récentes" (65).
(120) La Commission a considéré dans la décision d'extension (66) qu'il y avait lieu d'appliquer aux emplois d'intérêt général et aux emplois libres un bénéfice raisonnable s'élevant en moyenne à 6 % des fonds propres pour ces emplois. Ce taux, variant d'année en année et s'élevant en moyenne à 6 %, correspond au taux de rentabilité initialement préconisé par le Crédit mutuel : le Crédit mutuel avait retenu comme coût des fonds propres le montant des dividendes effectivement distribués durant l'année en question. Dans la présente décision, en ce qui concerne la prise en compte d'un profit raisonnable dans le cadre de la vérification de l'absence d'une éventuelle surcompensation, la Commission ne s'écarte pas, en ce qui concerne les emplois libres et les emplois d'intérêt général, de l'approche déjà suivie dans la décision d'extension, décrite à la section 7.2.5.
(121) Dans sa décision d'extension (67), la Commission estimait cependant de ne pas devoir appliquer ce bénéfice raisonnable aux dépôts centralisés à la CDC dans la mesure où ceux-ci n'ont aucun coût en fonds propres du point de vue de la réglementation prudentielle, ces dépôts n'étant pas investis par le Crédit mutuel mais simplement affectés à la CDC. Or, d'un point de vue prudentiel, le risque de crédit lié aux encours centralisés auprès de la CDC est considéré comme égal à l'exposition vis-à-vis de l'État (République française), soit une pondération de risque égale à zéro, et comme ne requérant donc pas de fonds propres.
(122) Ne retenir aucun bénéfice raisonnable concernant l'encours centralisé auprès de la CDC impliquerait que le bénéfice raisonnable total (d'une part celui relatif aux emplois d'intérêt général et aux emplois libres et d'autre part celui relatif à l'encours centralisé auprès de la CDC) décroît de 1991 à 1999 pour disparaître totalement à compter de 2000 à la suite de la centralisation à la CDC de la totalité du stock d'encours en 1999 (68).
(123) Dans leur lettre du 1er septembre 2006 présentant leurs observations en réponse à la décision d'extension, les autorités françaises ont confirmé que les fonds centralisés à la CDC ne consommaient pas de fonds propres réglementaires. Néanmoins, selon les autorités françaises "compte tenu de l'absence de pertinence de l'application du ratio de solvabilité européen à compter de la centralisation intégrale à la CDC en 1999, le Crédit mutuel [propose d'] intégre[r] pour calculer le bénéfice raisonnable au Livret bleu un coût des fonds propres obtenus en référence à celui des autres produits d'épargne et autres ressources". La Commission ne considère pas une telle approche comme satisfaisante puisqu'elle aboutit à appliquer artificiellement aux ressources centralisées à la CDC un besoin en capital réglementaire dépendant du besoin moyen en capital des autres actifs du Crédit mutuel, lesquels sont complètement indépendants du Livret bleu.
(124) En effet, l'absence de besoin en fonds propres réglementaires illustre l'absence de risque de perte de crédit, ce qui est le cas des encours centralisés à la CDC. L'activité de collecte des dépôts pour le compte de la CDC ne présente pas non plus de risque de liquidité (à l'exception du risque intra mensuel), ni de transformation de la maturité, puisque le montant affecté à la CDC est ajusté chaque mois en fonction de l'évolution des dépôts et le taux d'intérêt payé par la CDC est immédiatement transféré aux déposants. Il est donc certain que ce service d'intérêt économique général présente un faible niveau de risque pour le Crédit mutuel. Cependant, certains autres types de risques tels que le risque opérationnel, économique (risque que le niveau de la rémunération ne couvre pas les coûts encourus), juridique et de réputation existent. Par ailleurs, d'autres activités bancaires telles que la distribution des fonds mutualisés, la gestion de patrimoine ou la vente de produits financiers (tels que actions et obligations) ne consomment pas de fonds propres réglementaires, mais n'en sont pas moins très profitables. Il n'existe donc pas de lien direct entre la consommation de fonds propres réglementaires - calculée sur la base de règles prudentielles dont le but spécifique n'est aucunement d'évaluer la profitabilité d'une activité - et le bénéfice attendu d'une activité.
(125) Force est néanmoins de constater que dans le cas d'espèce, si la Commission autorise le Crédit mutuel à dégager un bénéfice raisonnable pour la partie des encours centralisée à la CDC, elle reconnaît que la détermination du niveau adéquat de ce bénéfice est un exercice qui comporte une appréciation économique complexe. En effet, le Livret bleu est un produit bancaire atypique avec des caractéristiques mixtes de produit d'épargne et de comptes courants et dont les encours collectés sont centralisés auprès d'une autorité publique. Il n'existe donc pas en tant que tel de produits directement comparables et qui pourraient donner une indication d'un bénéfice raisonnable pour une activité similaire.
(126) À défaut de produit suffisamment comparable au Livret bleu, la Commission estime qu'elle peut en l'espèce utiliser deux indicateurs permettant d'évaluer si, pour l'encours centralisé à la CDC, un bénéfice donné peut être considéré comme raisonnable. Ces deux indicateurs sont les suivants:
a) la marge de profit du secteur bancaire français, c'est-à- dire le résultat avant impôt divisé par le chiffre d'affaires (en l'espèce, le chiffre d'affaires des banques est représenté par leurs résultats opérationnels). En utilisant les chiffres du secteur bancaire français pour la période considérée (du 27 septembre 1991 à la fin 2008), la marge de profit est en moyenne de 23 % par an;
b) le taux de rendement du secteur bancaire français c'est-à-dire le résultat avant impôt divisé par le montant d'actifs. Le taux de rendement annuel moyen sur l'ensemble de la période considérée est de 45 points de base (0,45 %).
(127) Le tableau suivant (69) présente la marge de profit et le taux de rendement du secteur bancaire français pour la période 1993-2008 (des données antérieures à 1993 ne sont pas disponibles) :
<EMPLACEMENT TABLEAU 4>
(128) Pour calculer la marge de profit et le taux de rendement du Crédit mutuel en ce qui concerne l'activité de collecte de dépôts centralisés auprès de la CDC, la Commission utilise les valeurs suivantes :
a) pour le dénominateur de la marge de profit, les revenus perçus pour l'activité de collecte de dépôts centralisés à la CDC, c'est-à-dire le montant annuel de la commission d'intermédiation ;
b) pour le dénominateur du taux de rendement, les dépôts transférés à la CDC ;
c) pour le numérateur, c'est-à-dire le résultat avant impôt, la Commission estime qu'en prenant en compte comme profit raisonnable une marge de 4,2 % sur l'activité de collecte de dépôts auprès de la CDC, c'est-à-dire un résultat avant impôt représentant 4,2 % de la commission d'intermédiation reçue de la CDC, le Crédit mutuel ne bénéficie pas de surcompensation (voir le tableau du considérant 132).
(129) En ce qui concerne le second indicateur (le taux de rendement), la Commission observe que si un taux de rendement de 5 points de base est pris en compte comme profit raisonnable sur l'activité de collecte de dépôts centralisés à la CDC, c'est-à-dire si est pris en compte un résultat avant impôt équivalent à 0,05 % du montant total des dépôts transférés à la CDC, il en résulte que le Crédit mutuel n'a pas reçu de surcompensation pour la gestion du Livret bleu pour la période considérée.
(130) Selon l'encadrement communautaire de 2005, le bénéfice raisonnable ne doit pas dépasser le taux moyen constaté dans le secteur concerné au cours de la période concernée. Autoriser une marge de profit de 4,2 % représente moins d'un cinquième de la marge de profit moyenne du secteur bancaire (22,8 %). Étant donné que, ainsi qu'il a été exposé au considérant 124, l'activité de collecte des dépôts centralisés à la CDC est une activité à faible risque et donc à faible rendement, la Commission estime qu'une marge de profit de 4,2 % n'est pas manifestement excessive et peut être considérée en l'espèce comme un bénéfice raisonnable.
(131) De la même manière, la Commission estime que tenir compte d'un bénéfice de 5 points de base pour les encours centralisés auprès de la CDC est raisonnable au regard du taux de rendement moyen de 45 points de base du secteur bancaire français pour la période considérée et représente un seuil bas et conservateur de ce qui peut être considéré comme un bénéfice qui n'est pas manifestement déraisonnable en l'espèce. En outre, ce faible niveau de bénéfice reflète de façon appropriée le niveau de risque encouru par le Crédit mutuel sur son activité de collecte pour la CDC qui, comme indiqué au considérant 124, est faible.
7.2.5. Vérification de l'absence de surcompensation
(132) Sur la base des considérations qui précèdent, la Commission a procédé à une vérification - présentée dans le tableau ci-dessous - de l'absence de surcompensation selon la méthode exposée aux sous-sections 7.2.1 à 7.2.4 (70) : (en millions euro)
<EMPLACEMENT TABLEAU 5>
(133) On peut constater que la surcompensation à la fin de l'année 2005 (15 millions d'euro) est inférieure à 10 % de la compensation de 2005 (196,7 millions d'euro). En vertu du point 21 de l'encadrement de 2005 ce montant peut être reporté à l'année suivante. Le résultat final est une sous compensation de -6,1 million d'euro à la fin de l'année 2008 pour l'ensemble de la période considérée.
(134) La Commission peut donc conclure que la commission d'intermédiation n'a pas surcompensé le Crédit mutuel pour le service d'intérêt économique général qui lui à été confié à partir de 27 septembre 1991 jusqu'à fin 2008.
8. CONCLUSION
(135) La Commission constate que la République française a illégalement mis à exécution la mesure en cause en violation de l'article 108, paragraphe 3, du TFUE. Cependant, l'aide peut être considérée comme compatible avec le marché intérieur en vertu de l'article 106, paragraphe 2, du TFUE, la compensation versée par l'État n'ayant pas dépassé pas ce qui est nécessaire pour couvrir les coûts occasionnés par l'exécution des obligations de service public, en tenant compte des recettes y relatives ainsi que d'un bénéfice raisonnable pour l'exécution de ces obligations.
A ADOPTÉ LA PRÉSENTE DÉCISION :
Article premier
L'aide d'État mise à exécution par la République française en faveur du Crédit mutuel sur la base de l'arrêté du 27 septembre 1991 définissant les emplois d'intérêt général du Crédit mutuel est compatible avec le marché intérieur.
Article 2
La République française est destinataire de la présente décision.
(1) JO C 146 du 12.5.1998, p. 6, et JO C 210 du 1.9.2006, p. 12.
(2) Il s'agit là de la dénomination commerciale du livret en cause, mentionné jusqu'au 31 décembre 2008 à l'article L221-1 du code monétaire et financier sous le nom de "compte spécial sur livret du crédit mutuel".
(3) L'expert comptable indépendant assermenté (chartered accountant) Littlejohn Frazer, assisté de deux cabinets d'expertise comptable français, Auditec et Scacchi.
(4) Dont deux études statistiques du cabinet de consultants "Concurrence et stratégie" dirigé par le professeur d'économie Michel Glais.
(5) IARD signifie "incendie, accidents, risques divers".
(6) Décision 2003-216-CE de la Commission du 15 janvier 2002 concernant l'aide d'État mise à exécution par la République française en faveur du Crédit mutuel (JO L 88 du 4.4.2003, p. 39).
(7) Arrêt du 18 janvier 2005 dans l'affaire T-93-02, Confédération nationale du Crédit mutuel contre Commission, Rec. 2005, p. II-143.
(8) Décision C88-97 de la Commission du 7 juin 2006 relative au Crédit mutuel (Livret bleu) Invitation à présenter des observations en application de l'article 88, paragraphe 2, du traité (JO C 210 du 1.9.2006, p. 12).
(9) Le Crédit mutuel détient un droit exclusif sur la distribution du Livret bleu. Toutefois, ce droit a été qualifié de droit spécial dans la décision du 10 mai 2007 du fait du caractère quasi identique du Livret bleu et du Livret A.
(10) Décision C(2007) 2110 du 10 mai 2007, disponible sur le site internet de la Commission européenne à la page: (http://ec. europa.eu/competition/liberalisation/livret_a_fr.pdf).
(11) Voir le considérant 41.
(12) Voir le communiqué de presse de la Commission du 8 octobre 2009, disponible sur le site internet de la Commission à la page: (http://europa.eu/rapid/pressReleasesAction.do?reference=IP/09/ 1482&format=HTML&aged=1&language=FR&guiLanguage=en).
(13) JO L 83 du 27.3.1999, p. 1.
(14) Article 9 de la loi n o 75-1242 du 27 décembre 1975 de finances rectificative pour 1975 (Journal officiel de la République française du 28.12.1975).
(15) Par le système obligatoire du prélèvement libératoire à la source, effectué par le Crédit mutuel pour le compte de l'épargnant.
(16) Ce taux était de 3 % à la date de la décision annulée, voir la note 6 de bas de page. Le taux de rémunération du Livret A est de 2 % net d'impôt au 1 er février 2011.
(17) Arrêté du 31 octobre 1983 "Montant de l'obligation d'emploi d'intérêt général du Crédit mutuel", Journal officiel de la République française du 9 novembre 1983, p. 3278.
(18) Arrêté du 27 septembre 1991 définissant les emplois d'intérêt général du Crédit mutuel, Journal officiel de la République française n o 275 du 26 novembre 1991, p. 15383.
(19) Alors que le stock d'encours existant a été transféré progressivement à la CDC; voir le considérant 40.
(20) Contrairement aux encours nouveaux, intégralement centralisés à la CDC à compter de l'arrêté du 27 septembre 1991 ; voir le considérant 39.
(21) Voir les considérants 36 et 50.
(22) Arrêt de la Cour du 24 juillet 2003 dans l'affaire C-280-00, Altmark Trans et Regierungspräsidium Magdeburg, Rec. 2003, p. I-7747.
(23) JO C 297 du 29.11.2005, p. 4.
(24) Le Crédit mutuel renvoie simplement au considérant 13 de la décision d'extension où la Commission mentionne les résultats financiers du Crédit mutuel en 2004 (taille de bilan, résultat net, coefficient d'exploitation, fond propres et coefficient de solvabilité).
(25) Il s'agit : i) du correctif IARD; ii) du calcul d'une marge normale (bénéfice raisonnable); et iii) de la responsabilité des sociétaires. Voir l'annexe I de la décision d'extension.
(26) Le Crédit mutuel fait référence au point 21 de l'encadrement communautaire de 2005 selon lequel, lorsque le service d'intérêt économique général présente des coûts très variables selon les années, une surcompensation exceptionnelle supérieure à 10 % certaines années peut se révéler nécessaire.
(27) Arthur Andersen a proposé une méthode de calcul du coût des fonds propres ayant pour effet de majorer le coût des fonds propres par rapport à l'évaluation initiale par le Crédit mutuel. Arthur Andersen a proposé d'utiliser un taux calculé comme le ratio entre le résultat avant impôt et les capitaux propres. Ce taux reflèterait mieux, selon Arthur Andersen, la rentabilité globale de la banque, alors que le Crédit mutuel avait retenu comme coût des fonds propres le montant des dividendes effectivement distribués, soit un taux de rentabilité de 6 % pour l'ensemble de ses activités.
(28) Voir le point 25 de la décision d'extension.
(29) Voir le point 28 de la décision d'extension.
(30) La France renvoie simplement au point 13 de la décision d'extension où la Commission mentionne les résultats financiers du Crédit mutuel en 2004 (taille de bilan, résultat net, coefficient d'exploitation, fond propres et coefficient de solvabilité).
(31) JO L 386 du 30.12.1989, p. 1.
(32) Sur les points de désaccord entre le consultant de la Commission et celui du Crédit mutuel, voir la note 25 de bas de page.
(*) Couvert par l'obligation du secret d'affaires.
(33) La première modification est liée à l'intégration de la cotisation obligatoire au fonds de garantie des dépôts introduite par la loi du 25 janvier 1999 sur l'épargne et la sécurité financière, et la seconde est relative à la modification du calcul des fonds propres pour tenir compte du bénéfice raisonnable à compter de 1999.
(34) JO L 195 du 29.7.1980, p. 35. Cette directive a été abrogée par la directive 2006-111-CE de la Commission du 16 novembre 2006 relative à la transparence des relations financières entre les États membres et les entreprises publiques ainsi qu'à la transparence financière dans certaines entreprises (JO L 318 du 17.11.2006, p. 17).
(35) Selon les autorités françaises, la baisse de la commission d'intermédiation aurait permis à la CDC de baisser le coût de financement des bailleurs sociaux.
(36) Voir le point 50 de la décision d'extension: "[ ] la Commission ne vise dans la présente procédure comme mesure pouvant éventuellement contenir des éléments d'aide d'État que la commission d'intermédiation".
(37) Voir le considérant 41.
(38) Voir la note 22 de bas de page.
(39) Les autorités françaises ont fait référence à la loi relative à l'ouverture et à la fermeture des agences bancaires, qui a été abrogée en 1987. De 1987 à 1991, un régime de contrôle a toutefois été maintenu pour le Crédit mutuel. La réglementation prévoyait un régime d'autorisation et non un régime d'interdiction formelle des fermetures d'agences ou des restructurations, en particulier à partir de 1987. Ce régime de contrôle a été supprimé le 1 er juillet 1991 dans le cadre plus général de la renégociation des relations contractuelles entre l'État et le Crédit mutuel.
(40) Voir le point 29 de la décision d'extension.
(41) Voir le considérant 34 et la note 14 de bas de page.
(42) Loi n o 82-1152 du 30 décembre 1982 (Journal officiel de la République française du 31.12.1982, p. 3995).
(43) Voir le point 93 de l'arrêt Altmark précité à la note 22 de bas de page.
(44) Selon le point 7 de l'encadrement communautaire de 2005: "Si les États membres ne satisfont pas à ces critères [c'est-à-dire aux quatre conditions de l'affaire Altmark] et si les critères généraux d'application de l'article 87, paragraphe 1, du traité CE [maintenant article 107, paragraphe 1, du TFUE] sont remplis, les compensations de services public constituent des aides" (nous soulignons).
(45) Cet examen est indépendant du fait que la réforme du 1er janvier 2009 a mis fin à la violation du droit européen des marchés publics résultant de l'attribution directe au Crédit mutuel de la mission de service public de collecte de dépôts destinés au logement locatif social.
(46) En vertu de la convention entre l'État et le Crédit mutuel fixant les modalités de mise en œuvre de l'arrêté du 27 septembre 1991 "La CDC verse annuellement au Crédit mutuel [ ] la marge de compensation à la date du dernier jour ouvrable de chaque année".
(47) Voir l'arrêt du Tribunal du 12 décembre 1996 dans l'affaire T-358-94, Air France contre Commission, Rec. 1996, p. II-2019, notamment les points 58 à 61. Voir également la décision 2011-606-UE de la Commission du 26 février 2010 concernant l'aide d'État C 9-09 (ex-NN 49-08, NN 50-08 et NN 45-08 mise à exécution par le Royaume de Belgique, la République française et le Grand-Duché de Luxembourg en faveur de Dexia SA (JO L 274 du 19.10.2010, p. 54), considérants 123, 124 et 125.
(48) Arrêt de la Cour du 17 septembre 1980 dans l'affaire C-730-79, Philip Morris contre Commission, Rec. 1980, p. 2671, points 11 et 12.
(49) Arrêt du 13 juillet 1988 dans l'affaire C-102-87, France contre Commission, Rec. 1988, p. 4067, point 19.
(50) Voir le considérant 45 de la décision du 10 mai 2007.
(51) Voir les considérants 58 et 90 de la décision du 10 mai 2007.
(52) Voir le considérant 223 de la décision du 10 mai 2007.
(53) Voir le point 14 de l'encadrement communautaire de 2005.
(54) Voir les tableaux figurant aux points 68, 69, 73, 75, 76 et 79 de la décision d'extension.
(55) Il s'agit en grande partie de cas dans lesquels les entreprises chargées d'une mission de service public étaient actives dans le secteur de l'audiovisuel [voir, à titre d'exemple, la décision 2004-838-CE de la Commission du 10 décembre 2003 relative aux aides d'État mises à exécution par la France en faveur de France 2 et de France 3 (JO L 361 du 8.12.2004, p. 21)].
(56) Voir la note 46 de bas de page.
(57) Voir le point 21 de l'encadrement communautaire de 2005. En réponse à l'argument du Crédit mutuel (voir la note 26 de bas de page) sollicitant l'application de l'approche globale en vertu des 2 e et 3 e phrases du point 21 de l'encadrement communautaire de 2005 selon lesquelles, lorsque le service d'intérêt économique général présente des coûts très variables selon les années, une surcompensation exceptionnelle supérieure à 10 % certaines années peut se révéler nécessaire, la Commission rappelle qu'en vertu de la 4 e phrase du point 21 une telle surcompensation "exceptionnelle [ ] nécessaire au fonctionnement du service d'intérêt économique général" doit être justifiée par l'État membre "dans la notification à la Commission" (nous soulignons). Or, la mesure en cause n'a fait l'objet d'aucune notification à la Commission et celle-ci estime que le Crédit mutuel n'a pas justifié d'une situation très particulière justifiant l'admission, à titre exceptionnel, pour certaines années spécifiques, d'une surcompensation supérieure à 10 %.
(58) Voir, à titre d'exemple, la décision 2004-838-CE de la Commission du 10 décembre 2003 relative aux aides d'État mises à exécution par la France en faveur de France 2 et de France 3 (JO L 361 du 8.12.2004, p. 21).
(59) Voir la communication de la Commission concernant les taux d'intérêt applicables à la récupération des aides d'État et les taux de référence et d'actualisation pour 25 États membres, en vigueur à partir du 1er janvier 2007 (JO C 317 du 23.12.2006, p. 2). Voir également la page internet suivante: (http://ec.europa.eu/ competition/state_aid/legislation/reference_rates.html).
(60) Voir le considérant 39.
(61) Voir notamment un avis du Conseil de la concurrence (avis n o 96- A-12 du 17 septembre 1996, p. 8), un rapport d'information du sénateur Alain Lambert (rapport n o 52 du 30 octobre 1996, p. 72) et une étude de Nathalie Daley, du centre d'économie industrielle CERNA ("La banque de détail en France : de l'intermédiation aux services", février 2001, p. 9).
(62) Voir les points 52 et 53 de la décision d'extension.
(63) Voir le point 67 de la décision d'extension "Les éventuels résultats liés à la distribution exclusive du Livret bleu n'ont pu être quantifiés".
(64) Voir le point 48 de la décision d'extension et le point 14 de l'encadrement communautaire de 2005 qui prévoit que: "Le montant de la compensation ne peut pas dépasser ce qui est nécessaire pour couvrir les coûts occasionnés par l'exécution de l'obligation de service public, en tenant compte des recettes y relatives ainsi que d'un bénéfice raisonnable pour l'exécution de cette obligation" (nous soulignons).
(65) Voir le point 18 de l'encadrement communautaire de 2005.
(66) Voir la section 2 de l'annexe 1 de la décision d'extension, points 124 à 137.
(67) Voir la section 2 de l'annexe 1 de la décision d'extension, point 132.
(68) Voir les considérants 39 et 40.
(69) Les données du tableau sont le résultat de calculs basés sur des données provenant de la Commission bancaire : (http://www. banquedefrance.fr/fr/supervi/analyses_comparatives/analyses_ comparatives.htm).
(70) Les taux de référence suivants sont utilisés pour les années 1992 à 2008: 10,61; 11; 8,93; 7,94; 8,22; 7,01; 5,83; 4,77; 5,7; 6,33; 5,06; 4,8; 4,43; 4,08; 3,7; 4,62; 5.19.
(*) Résultat net cumulé et actualisé, en millions euro, en tenant en compte de la commission d'intermédiation, des résultats nets (coûts moins recettes), de l'encours centralisé à la CDC, des emplois libres et des emplois d'intérêt général, et en introduisant un bénéfice raisonnable de 5 points de base pour l'encours centralisé à la CDC ainsi qu'un bénéfice raisonnable s'élevant en moyenne à 6 % des fonds propres affectés aux emplois d'intérêt général et aux emplois libres (voir sous-sections 7.2.1 à 7.2.4).
(**) Résultat net non cumulé et non actualisé, en millions euro, en tenant en compte de la commission d'intermédiation, des résultats nets (coûts moins recettes), de l'encours centralisé à la CDC, des emplois libres et des emplois d'intérêt général, et en introduisant un bénéfice raisonnable de 5 points de base pour l'encours centralisé à la CDC ainsi qu'un bénéfice raisonnable s'élevant en moyenne à 6 % des fonds propres affectés aux emplois d'intérêt général et aux emplois libres (voir sous-sections 7.2.1 à 7.2.4).