Cass. crim., 19 octobre 2011, n° 10-85.445
COUR DE CASSATION
Arrêt
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Louvel
Rapporteur :
Mme Canivet-Beuzit
Avocat général :
M. Finielz
Avocats :
SCP Odent, Poulet, Me Ricard
LA COUR : - Statuant sur le pourvoi formé par la société X, contre l'ordonnance du premier Président de la Cour d'appel de Paris, en date du 17 juin 2010, qui a confirmé l'ordonnance du juge des libertés et de la détention autorisant la Direction de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes à effectuer des opérations de visite et saisie de documents en vue de rechercher la preuve de pratiques anticoncurrentielles ; - Vu les mémoires produits, en demande et en défense ;
Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles L. 450-4 du Code de commerce, 32 et 592 du Code de procédure pénale ;
" en ce que l'ordonnance attaquée a été rendue hors la présence du ministère public et sans réquisition de sa part ;
" alors que, selon les dispositions de l'article L. 450-4, alinéa 6, du Code de commerce, l'ordonnance du juge des libertés et de la détention peut faire l'objet d'un appel suivant les règles prévues par le Code de procédure pénale ; que l'article 32 dudit Code rend obligatoire la présence du ministère public lors des débats et impose aux juges de prononcer leur décision en sa présence ; que, aux termes de l'article 592, alinéa 2, du Code de procédure pénale, toute décision rendue sans que le ministère public ait été entendu, est déclarée nulle ; qu'en rendant sa décision hors la présence du ministère public, absent lors des débats et non auditionné, la cour d'appel a violé les textes susvisés " ;
Attendu que l'article L. 450-4 du Code de commerce ne prévoit la présence du ministère public à l'audience que si celui-ci a relevé appel de l'ordonnance du juge des libertés et de la détention, ce qui n'est pas le cas en l'espèce ; d'où il suit que le moyen doit être écarté ;
Sur le second moyen de cassation, pris de la violation des articles L. 450-4, alinéas 1 et 2, du Code de commerce, 8 de la Convention européenne des Droits de l'Homme et 593 du Code de procédure pénale, défaut et contradiction de motifs, manque de base légale ;
" en ce que l'ordonnance attaquée a déclaré la société X mal fondée en sa demande et l'a déboutée ;
" aux motifs que l'article L. 420-1 du Code de commerce énonce que sont prohibées, lorsqu'elles ont pour objet ou peuvent avoir pour effet d'empêcher, de restreindre ou de fausser le jeu de la concurrence sur un marché, les actions concertées, conventions, ententes expresses ou tacites ou coalition ; que l'article L. 450-4, alinéa 2, du même Code dispose que lorsque la visite vise à permettre la constatation d'infractions aux dispositions du livre IV du Code de commerce, en train de se commettre, la demande d'autorisation peut ne comporter que les indices permettant de présumer, en l'espèce, l'existence de pratiques dont la preuve est recherchée ; que, si un certain nombre de pièces produites par la DGCCRF concernent des opérations passées, celles-ci se sont étalées dans le temps, de décembre 2006 à juillet 2007, et ont eu lieu en différents points du territoire ; que, par ailleurs, les déclarations recueillies, outre les grilles de tarifs remises, relatent des pratiques habituelles et constantes dans le temps ; qu'il s'ensuit qu'il s'agissait bien d'indices permettant de présumer l'existence d'une pratique toujours en cours ; que l'ordonnance repose sur l'ensemble des documents versés par l'Administration, soit trente-sept au total ; que, si parmi ceux-ci figurent une déclaration rendue anonyme, il s'agit d'une déclaration recueillie par une inspectrice de la DGCCRF ; que le juge a indiqué dans son ordonnance que la version intégrale lui en a été présentée et lui a permis de vérifier de l'existence et de l'identité du déclarant ; que le juge a visé les trente-sept pièces communiquées par la DGCCRF ; qu'il en a fait une analyse précise et détaillée de la page 6 à la page 13 de son ordonnance ; qu'il résulte des pièces produites des présomptions de l'imposition d'un prix minimum au-dessous duquel la grande distribution ne devait pas vendre ; que, si l'Administration a effectué des relevés de prix sur le poulet fermier de Loué, il s'agit d'un produit ayant une notoriété certaine sur le marché français, vendu par les différentes enseignes de la grande distribution permettant des comparaisons entre les différentes enseignes et sur différents points du territoire ; que, dès lors, les constatations sont d'autant plus pertinentes ; qu'il résulte des pièces produites la démonstration d'interventions et d'actions ayant pour but d'organiser une surveillance par les organes de la profession destinées à veiller au respect par les distributeurs de prix minimum, afin de faire obstacle à des ventes tant à prix inférieur à ce minimum plancher que supérieur ; que la déclaration anonyme a été versée par la DGCCRF et vérifiée par le juge permettant son examen par X ; qu'il est mentionné que le déclarant est un grossiste en volailles et qu'il a souhaité garder l'anonymat par craintes de représailles ; que, dès lors, le recours à l'anonymat était parfaitement justifié ; que l'autorisation a pour objet de rechercher des preuves de la pratique présumée, à savoir celle de prix minimum imposés ; que le juge a constaté que les pièces rassemblées par l'Administration ont relaté des exemples pris à l'occasion de la commercialisation de viande de volaille ; que, dans son dispositif, il a clairement énoncé que les visites et saisies avaient pour objet de rechercher la preuve d'agissements qui entrent dans le champ des pratiques prohibées relevées dans le secteur de la commercialisation de la viande de volaille ainsi que toute manifestation de cette concertation prohibée ; que, dès lors, c'est à juste titre que l'ordonnance rappelle que d'autres preuves de la concertation conduisant à l'établissement de prix minimum imposés peuvent être valablement recherchées ou d'ailleurs toute autre preuve de pratique anticoncurrentielle dans le secteur de commercialisation de la viande de volaille ; qu'en conséquence, l'appel n'est pas fondé ;
" 1°) alors qu'il résulte de l'article L. 450-4, alinéa 2, du Code de commerce que, lorsque la visite vise à permettre la constatation d'infractions en train de se commettre, la demande peut ne comporter que les indices permettant de présumer l'existence des pratiques dont la preuve est recherchée ; que les pratiques imputées à la demanderesse s'étalant du 30 novembre 2006 au 25 juillet 2007, la visite, dont l'autorisation a été demandée le 30 novembre 2007, n'a pas eu pour objet de constater une infraction en train de se commettre ; qu'en considérant que la demande d'autorisation était fondée à ne comporter que les indices permettant de présumer, en l'espèce, l'existence de pratiques dont la preuve est recherchée, alors même qu'il a constaté que les opérations étaient passées, le président de chambre a violé l'article L. 450-4 du Code commerce et entaché sa décision d'une contradiction de motifs ;
" 2°) alors qu'il résulte de l'article L. 450-4 du Code de commerce que le juge qui retient des présomptions circonscrites à certains agissements ne peut autoriser des visites et saisies ayant un objet général ; que l'autorisation de visite et de saisie, qui porte atteinte au droit au respect de la vie privée protégé l'article 8 de la Convention européenne des Droits de l'Homme, ne peut aller au-delà des présomptions retenues par le juge afin de respecter le principe de proportionnalité ; qu'en l'espèce, à supposer qu'elles existent, les présomptions retenues ne concernaient que les pratiques de prix minimum imposés ; qu'en autorisant les visites et saisies pour rechercher toute autre preuve de pratique anticoncurrentielle, le président de chambre n'a pas légalement justifié sa décision au regard des textes susvisés " ;
Attendu que le juge a, sans excéder sa saisine, souverainement caractérisé, s'étant référé, en les analysant, aux éléments d'information fournis par l'Administration, l'existence de présomptions de pratiques anticoncurrentielles justifiant sa décision ;
Que, dès lors, le moyen n'est pas fondé ;
Et attendu que l'ordonnance est régulière en la forme ;
Rejette le pourvoi.