CJUE, 1re ch., 24 novembre 2011, n° C-281/09
COUR DE JUSTICE DE L’UNION EUROPEENNE
Arrêt
PARTIES
Demandeur :
Commission européenne
Défendeur :
Royaume d'Espagne, Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d'Irlande du Nord
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président de chambre :
M. Tizzano
Avocat général :
M. Bot
Juges :
Mme Berger (Rapporteur), MM. Safjan, Ileic, Levits
LA COUR (première chambre),
1 Par sa requête, la Commission des Communautés européennes demande à la Cour de constater que, en tolérant des violations flagrantes, répétées et graves des règles énoncées à l'article 18, paragraphe 2, de la directive 89-552-CEE du Conseil, du 3 octobre 1989, visant à la coordination de certaines dispositions législatives, réglementaires et administratives des États membres relatives à l'exercice d'activités de radiodiffusion télévisuelle (JO L 298, p. 23), telle que modifiée par la directive 97-36-CE du Parlement européen et du Conseil, du 30 juin 1997 (JO L 202, p. 60, ci-après la "directive 89-552"), le Royaume d'Espagne a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu de l'article 3, paragraphe 2, de ladite directive, lu en combinaison avec l'article 10 CE.
Le cadre juridique
Le droit de l'Union
2 Le vingt-septième considérant de la directive 89-552 précise que, "pour assurer de façon complète et adéquate la protection des intérêts des consommateurs que sont les téléspectateurs, il est essentiel que la publicité télévisée soit soumise à un certain nombre de normes minimales et de critères, et que les États membres aient la faculté de fixer des règles plus strictes ou plus détaillées [...]".
3 L'article 1er de la directive 89-552 prévoit :
"Aux fins de la présente directive, on entend par :
[...]
c) "publicité télévisée": toute forme de message télévisé, que ce soit contre rémunération ou paiement similaire, ou de diffusion à des fins d'autopromotion par une entreprise publique ou privée dans le cadre d'une activité commerciale, industrielle ou artisanale ou d'une profession libérale dans le but de promouvoir la fourniture, moyennant paiement, de biens ou de services, y compris les biens immeubles, ou de droits et d'obligations ;
[...]
e) "parrainage": toute contribution d'une entreprise publique ou privée, n'exerçant pas d'activités de radiodiffusion télévisuelle ou de production d'œuvres audiovisuelles, au financement de programmes télévisés, dans le but de promouvoir son nom, sa marque, son image, ses activités ou ses réalisations ;
f) "télé-achat" : la diffusion d'offres directes au public en vue de la fourniture, moyennant paiement, de biens ou de services, y compris les biens immeubles, ou de droits et d'obligations."
4 L'article 3, paragraphe 2, de la directive 89-552 dispose :
"Les États membres veillent, par les moyens appropriés, dans le cadre de leur législation, au respect effectif, par les organismes de radiodiffusion télévisuelle relevant de leur compétence, des dispositions de la présente directive."
5 Aux termes de l'article 17, paragraphe 1, de ladite directive :
"Les programmes télévisés parrainés doivent répondre aux exigences suivantes :
a) le contenu et la programmation d'une émission parrainée ne peuvent, en aucun cas, être influencés par le parrain de manière à porter atteinte à la responsabilité et à l'indépendance éditoriale de l'organisme de radiodiffusion télévisuelle à l'égard des émissions ;
b) ils doivent être clairement identifiés en tant que tels par le nom et/ou le logo du parrain au début et/ou à la fin des programmes ;
c) ils ne doivent pas inciter à l'achat ou à la location des produits ou services du parrain ou d'un tiers, en particulier en faisant des références promotionnelles spécifiques à ces produits ou services."
6 L'article 18 de la directive 89-552, dans sa version initiale, prévoyait :
"1. Le temps de transmission consacré à la publicité ne doit pas dépasser 15 % du temps de transmission quotidien. Toutefois, ce pourcentage peut être porté à 20 % s'il comprend des formes de publicité telles que les offres faites directement au public en vue soit de vendre, d'acheter ou de louer des produits, soit de fournir des services, à condition que le volume des spots publicitaires ne dépasse pas 15 %.
2. Le temps de transmission consacré aux spots publicitaires à l'intérieur d'une période donnée d'une heure ne doit pas dépasser 20 %.
[...]"
7 Après sa modification par la directive 97-36, l'article 18 de la directive 89-552 dispose :
"1. Le pourcentage de temps de transmission consacré aux spots de télé-achat, aux spots publicitaires et aux autres formes de publicité, à l'exclusion des fenêtres d'exploitation consacrées au télé-achat au sens de l'article 18 bis, ne doit pas dépasser 20 % du temps de transmission quotidien. Le temps de transmission des messages publicitaires ne doit pas dépasser 15 % du temps de transmission quotidien.
2. Le pourcentage de temps de transmission consacré aux spots publicitaires et aux spots de télé-achat à l'intérieur d'une période donnée d'une heure d'horloge ne doit pas dépasser 20 %.
3. Aux fins du présent article, la publicité n'inclut pas :
- les messages diffusés par l'organisme de radiodiffusion en ce qui concerne ses propres programmes et les produits connexes directement dérivés de ces programmes,
- les messages de service public et les appels en faveur d'œuvres de bienfaisance diffusés gratuitement."
Le droit national
8 La directive 89-552 a été intégrée dans l'ordre juridique espagnol par la loi 25-1994, du 12 juillet 1994 (BOE n° 166, du 13 juillet 1994, p. 22342), telle que modifiée par les lois 22-1999, du 7 juin 1999, 15-2001, du 9 juillet 2001, et 39-2002, du 28 octobre 2002 (ci-après la "loi 25-1994").
9 L'administration espagnole applique la législation relative à la publicité conformément aux critères interprétatifs des émissions publicitaires appliqués par la sous-direction générale des contenus de la société de l'information dans le cadre de ses services d'inspection et de contrôle (criterios interpretativos de emisiones publicitarias aplicados por la subdirección general de contenidos de la S. I. en sus servicios de inspección y control), du 17 décembre 2001 (ci-après les "critères interprétatifs").
10 À la page 5 des critères interprétatifs, sous le titre "Formes de présentation de la publicité télévisée", une distinction est faite entre les "spots" et les "autres formes de publicité", distinction qui, selon ces mêmes critères, "a des conséquences importantes en ce qui concerne les limites quantitatives pour un temps d'émission donné".
11 Aux pages 25 et suivantes des critères interprétatifs, les limitations quantitatives horaires applicables à la publicité sont rappelées comme suit :
"Limite par heure
Pendant chaque heure d'horloge naturelle du jour, le temps d'émission consacré à la publicité sous toutes ses formes et aux spots de télé-achat ne dépasse pas 17 minutes.
Dans le respect des limites énoncées ci-dessus, le temps consacré aux spots publicitaires et aux spots de télé-achat, à l'exclusion de l'autopromotion, ne dépasse pas 12 minutes pendant la même période."
12 Les limitations journalières sont fixées comme suit dans les critères interprétatifs :
"Le temps d'émission total consacré à l'émission de publicité sous toutes ses formes et au télé-achat, à l'exclusion des programmes de télé-achat régis par le paragraphe 3 du présent article, ne représente pas plus de 20 % du temps d'émission quotidien.
Le temps d'émission consacré aux spots publicitaires ne représente pas plus de 15 % du temps d'émission quotidien total."
13 Les critères interprétatifs précisent le niveau des limites journalières comme suit :
"Publicité (sous toutes ses formes) et spots de télé-achat : 20 % du temps d'émission quotidien.
Cette limitation affecte la publicité sous toutes ses formes et toutes les formes de télé-achat à l'exception des programmes de téléachat.
Spots publicitaires : 15 % du temps d'émission quotidien.
Cette limitation ne s'applique pas aux autres formes de publicité ni aux spots et programmes de télé-achat."
14 Les critères interprétatifs définissent les spots publicitaires dans les termes suivants :
"Spots : message publicitaire audiovisuel de courte durée (normalement entre 10 et 30 secondes) indépendant des programmes. Il s'agit d'une production de stock (sur support permanent) susceptible d'être rediffusée."
15 Les critères interprétatifs définissent les "autres formes de publicité" comme suit :
"Publireportage : message publicitaire de durée plus longue que le spot, généralement argumentaire, informatif ou descriptif. C'est également une production de stock susceptible de rediffusion bien que, de par ses caractéristiques singulières de durée et d'argumentation, il n'est généralement pas rediffusé.
Télé-promotions : messages publicitaires associés à un programme qui utilisent la même scène, le même décor, la même mise en scène et/ou les mêmes costumes que le programme auquel ils s'associent. Il s'agit d'une "production de flux" qui est destinée à être rediffusée non pas de manière indépendante mais uniquement dans le cadre de la rediffusion du programme dans lequel elle a été produite. Étant donné que les télé-promotions d'un même produit dans les éditions successives d'un programme correspondent à des enregistrements différents (ceux des différents épisodes du programme), elles ne sont jamais identiques.
Une télé-promotion peut consister en un message uniquement verbal du présentateur pour autant que celui-ci a une visée publicitaire. [...]
Spots publicitaires de parrainage : à la demande de certains opérateurs de télévision, le précédent secrétaire-général chargé des communications a décidé qu'un type particulier de spot - l'"euroclaquette" ["euroclaqueta"], dénomination utilisée par un opérateur - dans lequel l'annonce du parrainage d'un programme et la publicité du parrain sont faites simultanément, compte parmi les autres formes de publicité, pour autant qu'il remplit les trois conditions suivantes :
- durée maximale de 10 secondes ;
- émission immédiatement antérieure ou postérieure au programme en question ;
- caractéristiques de réalisation qui se distinguent nettement de la réalisation des spots conventionnels. [...]
Micro-espaces publicitaires : les micro-espaces contenant des messages publicitaires sont considérés comme 'une autre forme de publicité' lorsque leur durée est supérieure à 60 secondes et lorsqu'ils ne consistent pas en un simple regroupement de spots avec une légère trame commune".
La procédure précontentieuse et la procédure devant la Cour
16 La Commission a commandé à Audimétrie, société de conseil indépendante, une étude portant sur la programmation de plusieurs grandes chaînes de télévision espagnoles sur une période de référence de deux mois au cours de l'année 2005. Ayant constaté que, selon elle, un certain nombre d'infractions aux dispositions des articles 11 et 18 de la directive 89-552 avaient été commises, la Commission a transmis au Royaume d'Espagne une lettre, datée du 26 janvier 2007, dans laquelle elle invitait cet État membre à présenter ses observations sur les résultats de cette étude.
17 À la suite d'une réunion, qui s'est tenue le 13 mars 2007 entre les services de la Commission et l'administration espagnole, le Royaume d'Espagne a transmis aux services de la Commission une lettre de la direction générale pour le développement de la société de l'information du ministère de l'Industrie, du Tourisme et du Commerce qui contenait des précisions sur la pratique suivie par les autorités espagnoles. La Commission a déduit de cette réponse que le Royaume d'Espagne avait manqué aux obligations qui lui incombent en vertu de l'article 3, paragraphe 2, de la directive 89-552. Par conséquent, elle a remis au Royaume d'Espagne une lettre de mise en demeure, datée du 11 juillet 2007, l'invitant à présenter ses observations dans un délai de deux mois.
18 Dans cette lettre, la Commission a invoqué trois griefs, dont le premier était tiré de ce que le Royaume d'Espagne avait manqué aux obligations qui lui incombent en délimitant de manière restrictive la notion de "spots publicitaires" visée à l'article 18, paragraphe 2, de la directive 89-552, tout en interprétant la notion "d'autres formes de publicité" d'une manière tellement large qu'elle inclut certains types de publicité qui, selon la Commission, relèvent de la catégorie des spots publicitaires. Les autres griefs ayant été par la suite abandonnés par la Commission, ils ne sont pas pertinents pour la présente affaire.
19 Le Royaume d'Espagne a répondu à ladite lettre de mise en demeure par une lettre datée du 26 octobre 2007, accompagnant un rapport du ministère de l'Industrie, du Tourisme et du Commerce. En ce qui concerne la notion de spots publicitaires, le Royaume d'Espagne a confirmé la persistance de divergences sur l'interprétation de ladite notion.
20 Le 8 mai 2008, la Commission, estimant qu'il ressortait de cette réponse que le Royaume d'Espagne n'avait pas adopté les mesures nécessaires pour assurer le respect des obligations prévues à l'article 18, paragraphe 2, de la directive 89-552, a adressé un avis motivé à cet État membre et a invité celui-ci à prendre les mesures nécessaires pour s'y conformer dans le délai de deux mois à compter de sa notification.
21 N'étant pas satisfaite de la réponse fournie à cet égard par le Royaume d'Espagne le 8 septembre 2008, la Commission a décidé de former le présent recours.
22 Le Royaume d'Espagne ainsi que le Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d'Irlande du Nord, qui est intervenu au soutien de l'État membre défendeur, concluent au rejet de ce recours.
Sur le recours
Argumentation des parties
23 Il convient de rappeler que le recours de la Commission porte sur quatre types de publicités diffusées sur les chaînes de télévision espagnoles, à savoir les publireportages, les télé-promotions, les spots publicitaires de parrainage et les micro-annonces publicitaires. La Commission estime que l'émission en Espagne de ces quatre types de publicités relève de la notion de spots publicitaires. En revanche, le Royaume d'Espagne considère que ceux-ci font partie des "autres formes de publicité" et que, en tant que tels, ils bénéficient d'une durée d'émission soumise à des limites horaires et journalières différentes.
24 La Commission soutient qu'il peut être déduit de l'arrêt du 12 décembre 1996, RTI e.a. (C-320-94, C-328-94, C-329-94 et C-337-94 à C-339-94, Rec. p. I-6471), l'existence d'une présomption selon laquelle, en principe, toute forme de publicité diffusée entre les programmes ou pendant les intermèdes constitue un "spot publicitaire" au sens de la directive 89-552 et est, par conséquent, soumise à la limite horaire prévue à l'article 18, paragraphe 2, de cette directive. Seule la durée nettement plus importante de certains types de publicités, requise par leurs modalités de présentation, justifierait exceptionnellement que ces derniers ne soient pas soumis à ladite limite.
25 La Commission estime ainsi que les quatre types de publicités en cause n'ont généralement pas une durée nettement plus longue que celle des spots publicitaires conventionnels. Elle ajoute que, lorsque tel n'est pas le cas, cela n'est aucunement justifié par les modalités intrinsèques de présentation de ces types de publicités, étant donné que ces modalités seraient similaires, voire identiques, à celles des spots publicitaires conventionnels.
26 Au regard de ces considérations, la Commission fait valoir que les quatre types de publicités en question relèvent de la notion de spots publicitaires. Plus spécifiquement, s'agissant des publireportages, il ressortirait de l'étude de la société Audimétrie qu'ils sont diffusés entre les programmes ou pendant les intermèdes, et cela à une fréquence de diffusion identique à celle des spots. Au demeurant, les publireportages seraient similaires à certains spots publicitaires en ce qui concerne leur durée et leur impact suggestif.
27 En ce qui concerne les télé-promotions, la Commission précise que son recours ne vise que les spots de télé-promotion. Ceux-ci ont une durée brève, d'environ une minute, qui ne peut pas être considérée comme significativement plus longue que celle des spots publicitaires conventionnels. De plus, les spots de télé-promotion se présenteraient comme des "messages de stock" qui, s'ils peuvent être associés à un programme particulier, en raison de la présence de certains acteurs et d'éléments visuels particuliers, seraient totalement autonomes par rapport à ces programmes. En outre, ils seraient diffusés sur des écrans publicitaires et, comme les spots conventionnels, seraient conçus pour être rediffusés et le seraient en réalité très fréquemment.
28 Quant aux spots publicitaires de parrainage, la Commission fonde son recours sur la définition de ceux-ci figurant dans les critères interprétatifs, selon laquelle il s'agit d'un type particulier de spot, à savoir l'"euroclaquette", dans lequel l'annonce du parrainage d'un programme et la publicité du parrain sont faites simultanément, ce qui aurait un effet d'incitation du public à l'achat des produits ou des services du parrain. Or, la Commission rappelle que, selon l'article 17 de la directive 89-552, la qualification de "parrainage" est soumise à la condition que le message ne contienne aucune incitation à l'achat des produits ou des services proposés par le parrain.
29 En ce qui concerne les micro-espaces publicitaires, la Commission se fonde également sur la définition de ceux-ci figurant dans les critères interprétatifs, selon laquelle les micro-espaces publicitaires contenant des messages publicitaires sont considérés comme une "autre forme de publicité" lorsque leur durée est supérieure à 60 secondes et lorsqu'ils ne consistent pas en un simple regroupement de spots possédant une légère trame commune. Or, la Commission fait valoir que les modalités de présentation et les caractéristiques de ces micro-espaces ne requièrent aucunement une durée plus longue que celle des spots conventionnels.
30 Par conséquent, selon cette institution, le manquement reproché au Royaume d'Espagne est constitué, puisque, les quatre types de publicités en cause ayant été considérés comme d'autres formes de publicités et non pas comme des spots publicitaires, ils ont été diffusés sur les chaînes de télévision espagnoles jusqu'à 17 minutes par heure, soit pendant une durée qui excède, selon la Commission, de 50 % la limite maximale de 12 minutes par heure d'horloge prévue à l'article 18, paragraphe 2, de la directive 89-552.
31 Le Royaume d'Espagne fait valoir que l'article 18 de la directive 89-552 ne définit ni la notion de spots publicitaires, ni celle d'autres formes de publicité. Il s'agirait de notions génériques et ouvertes qui n'admettraient pas de numerus clausus et qui relèveraient de la notion plus générale de publicité télévisée. En particulier, les "autres formes de publicité" comprendraient différents types de créations publicitaires qui, en raison soit de leur durée et de leurs caractéristiques particulières de réalisation ou d'émission, soit de leur finalité ou de leur lien avec des programmes déterminés ou des activités de l'opérateur de télévision, ne seraient pas considérés comme relevant de la notion traditionnelle de spots publicitaires.
32 Selon ledit État membre, la définition de la publicité télévisée qui est donnée par la directive 89-552 est une notion générale très large comprenant une série d'annonces publicitaires qui regroupe non seulement les spots publicitaires ou de télé-achat, mais également d'autres types d'annonces tels que les télé-promotions, les publireportages, les surimpressions, les annonces de parrainage, les micro-annonces assimilées à des publireportages, les spots d'autopromotion, la publicité virtuelle et les annonces de service public, types d'annonces qui peuvent faire l'objet d'un traitement différencié en ce qui concerne le volume d'émission, les interruptions de programmes et l'émission isolée ou conjointe, cela en fonction des objectifs à atteindre.
33 En effet, l'interprétation qu'il convient de donner des notions de spots publicitaires et d'autres formes de publicité doit, selon le Royaume d'Espagne, être recherchée en fonction de l'objectif poursuivi par la directive 89-552. Cet objectif consisterait à rechercher un équilibre entre, d'une part, les besoins de financement des opérateurs de télévision, le droit à la liberté d'entreprise de ces derniers et le respect de leur indépendance éditoriale, et, d'autre part, la protection des intérêts des consommateurs, en tant que téléspectateurs, contre une publicité excessive. C'est pour ces raisons que la loi 25-1994 non seulement aurait fixé une limite horaire de 12 minutes pour les spots publicitaires et de télé-achat, mais aurait également prévu une limite supplémentaire de 17 minutes pour l'émission de toute forme de publicité calculable, y compris les annonces d'autopromotion des produits de l'opérateur, sans qu'il soit possible de cumuler ces deux limites au cours d'une même heure, ladite loi respectant toujours la limite fixée à 12 minutes pour les spots publicitaires et de télé-achat.
34 Le Royaume d'Espagne soutient que les quatre types de publicités en cause ne relèvent pas de la notion de spots publicitaires en raison non seulement de leur durée standard, mais également de leur agressivité commerciale moindre, de leur capacité réduite de suggestion à l'égard du consommateur ainsi que de la circonstance qu'ils entraînent, pour les téléspectateurs, une perturbation moindre de la jouissance des programmes.
35 Le Royaume-Uni fait valoir que le recours de la Commission est fondé sur une interprétation de la notion de spots publicitaires qui ne respecte pas les différences fondamentales établies par la directive 89-552 entre, d'une part, les spots publicitaires et, d'autre part, d'autres formes de publicité, à savoir, notamment, le parrainage et les messages diffusés par l'organisme de radiodiffusion en ce qui concerne ses propres programmes, visés à cet article 18, paragraphe 3.
36 Le Royaume-Uni est d'avis que le parrainage, tant qu'il remplit les conditions figurant à l'article 17 de la directive 89-552, n'est pas soumis aux restrictions visées à l'article 18 de cette directive. L'approche de la Commission, selon laquelle les spots publicitaires de parrainage constituent des spots publicitaires, serait donc erronée. Si un spot publicitaire de parrainage répond aux exigences énoncées à l'article 17 de ladite directive, le fait qu'il puisse promouvoir certains produits ou services proposés par un parrain ne signifierait pas qu'il constitue un spot publicitaire.
37 Quant aux messages diffusés par l'organisme de radiodiffusion en ce qui concerne ses propres programmes, le Royaume-Uni relève que la Commission ne respecte pas l'exception prévue à l'article 18, paragraphe 3, de la directive 89-552 en ce qui concerne lesdits messages. L'approche de la Commission aurait pour conséquence de faire relever les messages du radiodiffuseur de la notion de spots publicitaires en raison du seul fait qu'ils constituent une promotion des services fournis par le radiodiffuseur. Selon le Royaume-Uni, cette approche est erronée, car elle prive de tout effet l'exclusion figurant audit article 18, paragraphe 3.
Appréciation de la Cour
38 Par son recours, la Commission reproche au Royaume d'Espagne une violation de l'article 3, paragraphe 2, de la directive 89-552 en ce qu'il a toléré des infractions répétées des règles énoncées à l'article 18, paragraphe 2, de ladite directive, prévoyant une limitation horaire du temps de transmission en ce qui concerne, notamment, les spots publicitaires. En particulier, les autorités espagnoles interpréteraient de façon erronée et trop étroite la notion de "spots publicitaires" visée audit article 18, de sorte que certains types de publicité télévisée diffusés en Espagne, à savoir les publireportages, les télé-promotions, les spots publicitaires de parrainage et les micro-annonces publicitaires seraient exclues de cette notion et échapperaient à ladite limitation horaire.
39 Par conséquent, la question essentielle qu'il convient de trancher, dans le présent litige, consiste à déterminer si les quatre types de publicités en cause doivent être qualifiés de spots publicitaires, comme le soutient la Commission, ou bien s'ils constituent d'autres formes de publicité, ainsi que le fait valoir le Royaume d'Espagne.
40 À cet égard, il y a lieu d'examiner le contenu de la notion de "spots publicitaires", visée à l'article 18, paragraphes 1 et 2, de la directive 89-552.
41 Force est de constater que cette notion n'est pas définie par la directive 89-552, qui ne renvoie pas non plus, sur ce point, aux droits des États membres.
42 Dans ces circonstances, il convient de rappeler qu'il découle des exigences tant de l'application uniforme du droit de l'Union que du principe d'égalité que les termes d'une disposition de ce droit qui ne comporte aucun renvoi exprès au droit des États membres pour déterminer son sens et sa portée doivent normalement trouver, dans toute l'Union européenne, une interprétation autonome et uniforme qui doit être recherchée en tenant compte du contexte de la disposition et de l'objectif poursuivi par la réglementation en cause (voir, en ce sens, arrêts du 18 octobre 2007, Österreichischer Rundfunk, C-195-06, Rec. p. I-8817, point 24 et jurisprudence citée, ainsi que du 20 octobre 2011, Interedil, C-396-09, non encore publié au Recueil, point 42).
43 Ainsi, la portée que le législateur de l'Union a voulu conférer à la notion de "spots publicitaires", au sens de l'article 18, paragraphes 1 et 2, de la directive 89-552, doit être appréciée au regard du contexte de cette disposition et de l'objectif poursuivi par la réglementation en cause (voir, par analogie, arrêt Österreichischer Rundfunk, précité, point 25).
44 Or, il découle du vingt-septième considérant de la directive 89-552 ainsi que de l'article 18, paragraphes 1 et 2, de cette dernière que cet article vise à établir une protection équilibrée des intérêts financiers des organismes de radiodiffusion télévisuelle et des annonceurs, d'une part, et des intérêts des ayants droit, à savoir les auteurs et créateurs, et des consommateurs que sont les téléspectateurs, d'autre part (voir, par analogie, arrêt du 23 octobre 2003, RTL Television, C-245-01, Rec. p. I-12489, point 62).
45 À ce dernier égard, la Cour a déjà souligné que la protection des consommateurs que sont les téléspectateurs contre la publicité excessive constitue un aspect essentiel de l'objectif de ladite directive (arrêt Österreichischer Rundfunk, précité, point 27).
46 C'est précisément en considération de cet objectif que, ainsi qu'il ressort dudit vingt-septième considérant lui-même, le législateur de l'Union a voulu assurer de façon complète et adéquate la protection des intérêts des consommateurs que sont les téléspectateurs, en soumettant les différentes formes de promotion, telles que la publicité télévisée, le télé-achat et le parrainage, à un certain nombre de normes minimales et de critères (voir, en ce sens, arrêt Österreichischer Rundfunk, précité, point 26).
47 En particulier, la directive 89-552 non seulement a introduit des limites au temps de diffusion de la publicité télévisée, telle que définie à son article 1er, sous c), mais elle a également opéré, comme il résulte de l'article 18, paragraphe 2, de cette directive, une distinction entre les limites journalières et les limites horaires. Or, cette distinction tient compte du fait que ces dernières, contrairement aux limites journalières, ont une incidence directe sur les heures de grande écoute, c'est-à-dire les heures où le besoin de protection des téléspectateurs présente une importance accrue.
48 Il est vrai que, comme le Royaume d'Espagne le rappelle, la Cour, dans son arrêt du 28 octobre 1999, ARD (C-6-98, Rec. p. I-7599, points 29 et 30), a jugé que les dispositions de la directive 89-552 qui imposent une restriction à la libre diffusion des émissions télévisées doivent, lorsqu'elles ne sont pas rédigées en termes clairs et non équivoques, être interprétées de façon restrictive.
49 Toutefois, il n'en demeure pas moins que, ainsi que l'a relevé M. l'avocat général au point 75 de ses conclusions, la notion de "spots publicitaires" résultant de l'article 18 de la directive 89-552 doit être interprétée en tenant compte de l'objectif de celle-ci, visant à concilier l'exercice de la liberté de diffuser des messages de publicité télévisée avec l'impératif de la protection des téléspectateurs contre une diffusion excessive de la publicité.
50 À cet égard, la Cour a également précisé, ainsi que la Commission l'a relevé à juste titre, que les spots publicitaires constituent des formes de promotions d'une durée habituellement très courte, ayant un impact suggestif très important, qui apparaissent généralement par groupes selon une périodicité variable pendant ou entre les programmes et qui sont produits par ceux qui fournissent les produits ou les services ou par leurs agents plutôt que par les radiodiffuseurs eux-mêmes (arrêt RTI e.a., précité, point 31).
51 Dans ledit arrêt RTI e.a., la Cour, dans le contexte de la délimitation de la notion de spots publicitaires par rapport à celle de formes de publicité telles que les "offres faites directement au public" prévue par la directive 89-552 dans sa version originale, a constaté que, en substance, la justification d'un relèvement, à titre exceptionnel, des plafonds de transmission en ce qui concerne ces offres tenait au fait que leur durée, en raison de leurs modalités de présentation, était plus longue et que l'application des limites de temps de transmission prévues en ce qui concerne les spots publicitaires revenait à handicaper lesdites offres par rapport à ces spots. Elle a souligné, par ailleurs, que ces critères pouvaient également être utilisés pour d'autres formes de promotions (voir, en ce sens, arrêt RTI e.a., précité, points 32, 34 et 37).
52 Il s'ensuit que tout type de publicité télévisée diffusée entre les programmes ou pendant les intermèdes constitue, en principe, un "spot publicitaire" au sens de la directive 89-552, à moins que le type de publicité concerné ne relève d'une autre forme de publicité régie expressément par ladite directive, comme c'est le cas, notamment, du "télé-achat", ou qu'il ne requière, par ses modalités de présentation, une durée supérieure à celle des spots publicitaires, à condition qu'une application des limitations prévues pour lesdits spots revienne à handicaper la forme de publicité en question par rapport aux spots publicitaires sans justification valable.
53 Par conséquent, même si un type de publicité donné a intrinsèquement, c'est-à-dire par ses modalités de présentation, une durée un peu plus longue que la durée habituelle des spots publicitaires, ce seul fait ne saurait suffire pour le qualifier d'"autre forme de publicité" au sens de l'article 18, paragraphe 1, de la directive 89-552.
54 Or, il ressort du dossier, notamment du rapport d'Audimétrie mentionné au point 16 du présent arrêt, dont l'exactitude factuelle n'a pas été valablement contestée par le Royaume d'Espagne, que chacun des quatre types de publicités en cause en l'espèce a généralement une durée qui n'excède pas deux minutes.
55 Il découle de ce qui précède que ces types de publicités relèvent de la notion de spots publicitaires et sont dès lors soumis aux limitations du temps de transmission prévues à l'article 18, paragraphe 2, de la directive 89-552.
56 Eu égard à tout ce qui précède, il convient de constater que, en tolérant que certains types de publicités, tels que les publireportages, les spots de télé-promotion, les spots publicitaires de parrainage et les micro-annonces publicitaires, soient diffusés sur les chaînes de télévision espagnoles pendant une durée excédant la limite maximale de 20 % du temps de transmission par heure d'horloge, prévue à l'article 18, paragraphe 2, de la directive 89-552, le Royaume d'Espagne a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu de l'article 3, paragraphe 2, de ladite directive.
Sur les dépens
57 En vertu de l'article 69, paragraphe 2, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s'il est conclu en ce sens. La Commission ayant conclu à la condamnation du Royaume d'Espagne et celui-ci ayant succombé en ses moyens, il y a lieu de le condamner aux dépens.
Par ces motifs, la Cour (première chambre) déclare et arrête :
1) En tolérant que certains types de publicités, tels que les publireportages, les spots de télé-promotion, les spots publicitaires de parrainage et les micro-annonces publicitaires, soient diffusés sur les chaînes de télévision espagnoles pendant une durée excédant la limite maximale de 20 % du temps de transmission par heure d'horloge, prévue à l'article 18, paragraphe 2, de la directive 89-552-CEE du Conseil, du 3 octobre 1989, visant à la coordination de certaines dispositions législatives, réglementaires et administratives des États membres relatives à l'exercice d'activités de radiodiffusion télévisuelle, telle que modifiée par la directive 97-36-CE du Parlement européen et du Conseil, du 30 juin 1997, le Royaume d'Espagne a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu de l'article 3, paragraphe 2, de ladite directive.
2) Le Royaume d'Espagne est condamné aux dépens.