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Décisions

CA Paris, Pôle 5 ch. 4, 16 novembre 2011, n° 09-16817

PARIS

Arrêt

PARTIES

Demandeur :

Carrefour Proximité France (SAS), Champion Supermarché France (SAS)

Défendeur :

Etablissements Segurel (Sté)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Roche

Conseillers :

Mme Luc, M. Vert

Avoués :

Me Pamart, SCP Guizard

Avocats :

Mes Charlet, Brouard

T. com. Paris, du 12 janv. 2004

12 janvier 2004

LA COUR,

Vu le jugement du 12 janvier 2004 par lequel le Tribunal de commerce de Paris a débouté les sociétés Prodim et CSF Champion Supermarché France, venant aux droit de la société Promodim, de leurs demandes indemnitaires formées au triple titre des pertes de cotisations de franchise, de la violation de la clause de non-réaffiliation et de la perte de marge brute à l'encontre des sociétés Segurel et Francap au motif que les demanderesses ne rapportaient pas la preuve d'une tierce complicité de ces dernières dans la violation par la société Supercham de ses obligations contractuelles vis-à-vis de son franchiseur ;

Vu l'arrêt du 22 novembre 2007 par lequel la Cour d'appel de Paris a confirmé le jugement déféré par substitution partielle de motifs et par adjonction de nouveaux, jugeant notamment que la violation de la clause de non-réaffiliation post-contractuelle à une enseigne de renommée nationale ou régionale par la société franchisée Superchamp n'était pas établie pour la période postérieure à la dénonciation du contrat du 25 novembre 1995, et que, si la tierce complicité de la société Segurel pouvait être retenue s'agissant de la violation de l'obligation de non-adhésion pendant la durée de l'accord à un autre groupement commercial ou à un autre organisme de distribution ainsi que de l'engagement d'approvisionnement incombant à la société Superchamp pour la période antérieure à la dénonciation du 25 novembre 1995, aucun préjudice ne découlait de ces deux fautes ;

Vu l'arrêt du 26 mai 2009 par lequel la Chambre commerciale de la Cour de cassation a cassé et annulé, "mais seulement en ce que, confirmant le jugement déféré, il a rejeté l'ensemble des demandes des sociétés Prodim et CSF Champion supermarché, venant aux droits de la société Prodim, l'arrêt rendu le 22 novembre 2007, entre les parties, par la Cour d'appel de Paris" et a remis "en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit" les a renvoyées "devant la Cour d'appel de Paris, autrement composée", au motif, qu'en se déterminant tel qu'elle l'avait fait "sans rechercher, comme elle y était invitée, si la sentence arbitrale du 25 avril 2001, opposable aux tiers, n'avait pas définitivement retenu l'existence d'une violation de la clause de non-réaffiliation post-contractuelle, la cour d'appel a privé sa décision de base légale" ;

Vu la déclaration de saisine formée le 22 juin 2009 par les sociétés Prodim et CSF à l'encontre des sociétés Francap et Établissements Segurel ;

Vu, enregistrées le 11 octobre 2011, les conclusions présentées par les sociétés Carrefour Proximité France et CSF et tendant notamment à ce que soient déclarées irrecevables la tierce-opposition formée par la société Segurel à l'encontre de la sentence arbitrale, ses demandes tendant à remettre en cause la validité de la clause de non-réaffiliation ainsi que l'autorité de chose jugée de l'arrêt de la Cour d'appel de Paris du 22 novembre 2007 en ce qu'il a reconnu la tierce complicité de celle-ci dans la violation, par la société Superchamp, de ses obligations contractuelles, et à ce que soit constatée la faute de la société Segurel dans l'atteinte au réseau Carrefour Proximité France ;

Vu enregistrées le 12 octobre 2011 les conclusions de la société Segurel, et tendant en particulier, à ce que soient déclarées mal-fondées les sociétés Champion Supermarché France et Carrefour Proximité France en leurs moyens d'irrecevabilité tirés de la "triple" autorité de force jugée, la dire recevable et bien fondée en sa demande de tierce opposition incidente, réformer en conséquence la sentence arbitrale en ce qu'elle a retenu que la société Superchamp aurait violé la clause de non-réaffiliation, et surseoir à statuer en attendant l'avis de l'Autorité de la concurrence sur la validité de la clause d'approvisionnement "prioritaire", et, à défaut, prononcer elle-même la nullité de la clause de non-réaffiliation.

Vu l'ordonnance du conseiller de la mise en état du 10 novembre 2009 constatant l'extinction de l'instance et le dessaisissement de la cour en ce que l'appel des sociétés Prodim et CSF Champion Supermarché était dirigé à l'encontre de la société Francap, et constatant que la cour reste saisie de l'appel relevé par les sociétés Prodim et CSF Champion Supermarché à l'encontre de la société Établissements Segurel ;

Sur ce,

Considérant qu'il ressort de l'instruction que, le 18 juillet 1991, la société Prodim, devenue la société Carrefour Proximité France, a conclu avec la société Superchamp un contrat de franchise d'une durée de sept ans pour l'exploitation d'un fonds de commerce d'alimentation sous l'enseigne "Shopi" ainsi qu'un contrat d'approvisionnement "prioritaire" d'une durée de cinq ans ; qu'aux termes de l'article 8 du contrat de franchise, en cas de résiliation, le franchisé s'interdisait notamment, pendant trois ans et dans un rayon de cinq kilomètres, d'utiliser une autre enseigne et d'offrir à la vente des marchandises dont les marques seraient liées à une autre enseigne d'importance régionale ou nationale ;

Considérant qu'après que la société Prodim eut fait constater par huissier, le 3 novembre 1995, que la société Superchamp avait substitué l'enseigne "Coccinelle" à celle de "Shopi", le franchisé a pris l'initiative de signifier, le 25 novembre 1995, au franchiseur la "constatation" de la rupture du contrat ; que la société Prodim, estimant que la société Superchamp avait manqué à ses obligations contractuelles, a engagé successivement deux procédures d'arbitrage ; qu'après avoir, par une première sentence du 23 septembre 1998, constaté la résiliation des contrats susmentionnés aux torts de la société Superchamp et condamné cette dernière à payer à la société Prodim certaines sommes à titre de règlement de marchandises et de l'indemnité contractuelle de rupture, le tribunal arbitral, par une seconde sentence du 25 avril 2001, l'a également condamnée à payer à celle-ci des dommages-intérêts en raison de la violation de la clause de non-réaffiliation post-contractuelle figurant dans le contrat de franchise ; que cette seconde sentence arbitrale a été confirmée par un arrêt de la Cour d'appel de Caen en date du 10 décembre 2002, un pourvoi formé par la société Superchamp contre ce même arrêt ayant été rejeté par la Cour de cassation le 17 janvier 2006 ;

Que, par actes en date des 26 et 27 septembre 2002, estimant que les sociétés Francap et Etablissements Segurel, société intimée dans la présente instance, s'étaient rendues complices des manquements de la société Superchamp à ses obligations contractuelles, les société Prodim et la société Champion Supermarché France, ci-après dénommée "CSF", cette dernière venant aux droits de celle-ci au titre du contrat d'approvisionnement, les ont assignées en indemnisation de leur préjudice devant le Tribunal de commerce de Paris ;

Que par un jugement en date du 12 janvier 2004, les premiers juges ont débouté les sociétés Prodim et CSF de l'intégralité de leurs demandes au motif, notamment, que ces dernières n'apportaient pas la preuve de la faute des sociétés Francap et Segurel "comme tierces complices des inexécutions par la société Superchamp de ses obligations contractuelles" ;

Que les intéressées ayant formé appel, la Cour d'appel de Paris a, par un arrêt en date du 22 novembre 2007, confirmé le jugement entrepris par substitution partielle des motifs et par adjonction de nouveaux ;

Qu'en particulier, alors que la responsabilité de la société Francap était écartée, la cour a estimé que la complicité de la société Segurel dans la violation de la clause de non-réaffiliation post-contractuelle ne pouvait être retenue au motif que la marque "Coccinelle" ne constituait pas une enseigne "de renommée nationale ou régionale" au sens du contrat de franchise ;

Qu'en revanche, la responsabilité de la société Segurel était engagée en ce qu'elle se serait rendue complice de la violation des obligations d'exclusivité et d'approvisionnement "prioritaire" dont la société Superchamp était débitrice pour toute la durée du contrat de franchise, bien qu'aucun préjudice n'en résultât ;

Que, sur pourvoi formé par les sociétés Prodim et CSF, cet arrêt a été cassé partiellement par la Chambre commerciale de la Cour de cassation par un arrêt du 26 mai 2009 au motif suivant: "Attendu qu'en se déterminant ainsi, sans rechercher, comme elle y était invitée, si la sentence arbitrale du 25 avril 2001, opposable aux tiers, n'avait pas définitivement retenu l'existence d'une violation de la clause de non-réaffiliation post-contractuelle, la cour d'appel a privé sa décision de base légale".

Que dans son dispositif, la Cour de cassation casse et annule "mais seulement en ce que, confirmant le jugement déféré, il a rejeté l'ensemble des demandes des sociétés Prodim et CSF Champion Supermarché, venant aux droits de la société Prodim, l'arrêt rendu le 22 novembre 2007, entre les parties, par la Cour d'appel de Paris" et "remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la Cour d'appel de Paris, autrement composée" ;

Sur la portée de la cassation :

Considérant que la société Segurel fait valoir que la portée de l'arrêt de cassation devrait être circonscrite à la partie du litige relative à la complicité de violation de la clause de non-réaffiliation post-contractuelle et qu'il n'y aurait pas lieu de statuer à nouveau sur les chefs de demande ayant trait aux questions de complicité de rupture anticipée du contrat de franchise et de complicité de rupture anticipée du contrat d'approvisionnement "prioritaire" ;

Qu'au contraire, les sociétés Carrefour Proximité France et CSF soutiennent que la formulation du dispositif de l'arrêt de cassation supposerait que la Cour d'appel de Paris soit saisie à nouveau pour apprécier "l'ensemble des demandes des sociétés Prodim et CSF Champion supermarché" ;

Considérant, toutefois, qu'il sera tout d'abord rappelé qu'aux termes de l'article 624 du Code de procédure civile "la censure qui s'attache à un arrêt de cassation est limitée à la portée du moyen qui constitue la base de la cassation, sauf le cas d'indivisibilité ou de dépendance nécessaire" ; qu'en outre, pour apprécier la portée du dispositif d'un arrêt de cassation partielle, il convient également de prendre en compte les motifs qui constituent le soutien nécessaire de la décision ;

Considérant, en l'espèce, qu'il y a lieu de relever que si la Cour de cassation, dans son arrêt susvisé du 26 mai 2009, a cassé et annulé l'arrêt déféré en ce que, confirmant le jugement, il a rejeté "l'ensemble des demandes des sociétés Prodim et CSF", le seul moyen retenu comme fondement de la cassation au sens de l'article 624 précité est tiré de ce que la Cour d'appel de Paris avait reconnu que la violation de la clause de non-réaffiliation post-contractuelle n'était pas établie sans rechercher si la sentence arbitrale du 25 avril 2001, opposable aux tiers, n'avait pas définitivement retenu l'existence d'une violation de cette clause ; qu'ainsi la censure s'attachant audit arrêt ne peut qu'être limitée à la portée du moyen considéré et donc circonscrite aux énonciations de l'arrêt statuant sur la complicité de violation de la clause de non-réaffiliation post-contractuelle par la société Segurel dès lors que nulle indivisibilité ou dépendance nécessaire n'existe entre les autres dispositions dudit arrêt ; que, par voie de conséquence, doivent être déclarées irrecevables les demandes des appelantes autres que celles tendant à obtenir indemnisation sur le fondement de l'article 1382 du Code civil de la complicité alléguée de la société Segurel dans la violation de ladite clause de non-réaffiliation ;

Sur la sentence arbitrale du 25 avril 2001 et sur la recevabilité de la tierce opposition formée à son encontre par la société Segurel

Considérant que la sentence arbitrale du 25 avril 2001 a définitivement établi, compte tenu du rejet du pourvoi formé contre l'arrêt confirmatif du 10 décembre 2002, lequel avait constaté que la clause de non-réaffiliation n'interdisait pas la poursuite d'une activité commerciale identique et se trouvait limitée dans le temps et l'espace et ne violait aucune règle d'ordre public, la violation par la société Superchamp de l'obligation de non-réaffiliation contenue dans le contrat de franchise ayant lié cette dernière aux appelantes et la validité de ladite clause en énonçant expressément qu' "aucun texte spécifique ne condamne ce type de clause" et "qu'au contraire le règlement communautaire (...) (CE n° 4087-88, concernant l'application de l'article 85-1 (devenu l'art. 81-1) du Traité de Rome à des catégories d'accords de franchise) reconnaît le droit pour un franchiseur (...) d'imposer au franchisé (...)" l'obligation post-contractuelle objet du présent litige ; que la sentence arbitrale a précisé que "la jurisprudence avait clairement reconnu la validité d'une telle clause (Cass. com. du 22 févr. 2000) au prix des conditions précisées et qu'une telle solution, équilibrée et respectueuse des intérêts respectifs du franchiseur et du franchisé, rejoint le souci d'équité le mieux compris (...) que la société Prodim était parfaitement, et reste parfaitement, à même de se prévaloir en l'occurrence de la clause 8 du contrat de franchise" ;

Considérant que, si une telle sentence n'est revêtue que d'une autorité relative de chose jugée qui n'a donc d'effet qu'entre les parties, elle n'en est pas moins opposable aux tiers de sorte que, bien que la société Segurel ne fut pas partie à la procédure arbitrale, la méconnaissance par la société Superchamp de cette clause au préjudice de la société Prodim constitue un fait juridique dont la matérialité ne saurait être contestée dans le cadre du présent litige ;

Considérant que, pour écarter les conséquences d'une telle opposabilité relativement à la complicité de la violation de cette clause de non-réaffiliation post-contractuelle qui lui est imputée, la société Segurel demande de considérer que par ses écritures elle forme tierce opposition à la sentence ainsi rendue ;

Considérant, toutefois, que si les appelantes lui opposent tout d'abord son absence d'intérêt à agir, il échet de rappeler qu'il ressort de l'article 583, alinéa premier, du Code de procédure civile qu'"est recevable à former tierce opposition toute personne qui y a intérêt, à la condition qu'elle n'ait été ni partie ni représentée au jugement qu'elle attaque" ; que par ailleurs l'intérêt d'une partie au succès d'une prétention doit être légitime, né et actuel, positif et concret ;

Considérant qu'en l'espèce, la sentence arbitrale à l'encontre de laquelle la société Segurel entend former tierce opposition, d'une part, reconnaissait un manquement, dûment établi et constaté, de la société Superchamp à la clause de non-réaffiliation post-contractuelle, et, d'autre part, est opposable à l'intimée dont la responsabilité est recherchée dans le cadre de la présente instance au titre de la complicité dans la violation de ladite clause; que, dès lors, il ne saurait être utilement excipé l'irrecevabilité de la demande de la société Segurel à former tierce opposition incidente contre la sentence arbitrale du 25 avril 2001 de ce que l'intimée ne ferait pas valoir l'existence d'un intérêt à la réformation de cette sentence qui lui serait propre ;

Considérant, en deuxième lieu, qu'en vertu de l'article 564 du Code de procédure civile, "à peine d'irrecevabilité relevée d'office, les parties ne peuvent soumettre à la cour de nouvelles prétentions si ce n'est pour opposer compensation, faire écarter les prétentions adverses ou faire juger les questions nées de l'intervention d'un tiers, ou de la survenance ou de la révélation d'un fait" ; qu'en revanche, aux termes de l'article 563 du Code de procédure civile "pour justifier en appel les prétentions qu'elles avaient soumises au premier juge, les parties peuvent invoquer des moyens nouveaux, produire de nouvelles pièces ou proposer de nouvelles preuves" ; que doivent être regardées comme des prétentions nouvelles les demandes ne tendant pas aux mêmes fins que celles soumises au premier juge ;

Considérant qu'en l'espèce, si les appelantes soutiennent que la tierce opposition formée par la société Segurel constituerait une prétention nouvelle au sens de l'article 564 précité, et si ladite prétention ne peut être regardée comme tendant aux mêmes fins que la demande précédemment formée devant le Tribunal de commerce de Paris tendant à la reconnaissance de la nullité de la clause de non-réaffiliation post-contractuelle, la demande litigieuse aux fins de tierce opposition vise néanmoins directement à faire écarter des prétentions adverses tendant à engager la responsabilité de la société Segurel en ce qu'elle se serait rendue complice de la violation de la clause de non-réaffiliation ; qu'ainsi, le motif d'irrecevabilité susanalysé ne peut être qu'écarté ;

Considérant, en troisième lieu, que l'article 1481, alinéa 2, du Code de procédure civile dispose que la sentence arbitrale "peut être frappée de tierce opposition devant la juridiction qui eût été compétente à défaut d'arbitrage, sous réserve des dispositions de l'article 588 (alinéa 1)" ; qu'aux termes des dispositions de l'article 588, alinéa premier, du Code de procédure civile, "la tierce opposition incidente à une contestation dont est saisie une juridiction est tranchée par cette dernière si elle est de degré supérieur à celle qui a rendu le jugement ou si, étant d'égal degré, aucune règle d'ordre public n'y fait obstacle. La tierce opposition est alors formée de la même manière que les demandes incidentes" ;

Considérant que, si les appelantes soutiennent que la notion de "degré" serait inopérante en l'espèce, dans la mesure où, d'une part, une juridiction arbitrale ne peut s'inscrire dans la hiérarchie des juridictions de l'ordre judiciaire français, et, d'autre part, les arbitres avaient été saisis en dernier ressort, il ne saurait être utilement contesté, en l'absence de précision sur la notion de "degré supérieur" au sens de l'article 588, que les juridictions d'appel sont, dans l'ordre judiciaire français, d'un degré supérieur aux juridictions arbitrales, comme l'en atteste notamment le fait que la voie de recours de l'appel soit en principe ouverte contre les sentences arbitrales, ainsi qu'il en ressort notamment de l'article 1482 du Code de procédure civile ; qu'en l'espèce, la circonstance que les parties au contrat de franchise aient entendu exclure la voie de l'appel n'est pas davantage de nature à priver la Cour d'appel de Paris de son statut de juridiction de degré supérieur à une juridiction arbitrale au sens de l'article 588 précité ; qu'ainsi, le motif tiré de l'irrecevabilité de la tierce opposition incidente en ce que la Cour d'appel de Paris ne serait pas une juridiction de degré supérieur, au sens de l'article 588 du Code de procédure civile, à la juridiction arbitrale à l'origine de la sentence du 25 avril 2001 ne saurait être accueilli ;

Considérant, en quatrième lieu, que l'article 584 du Code de procédure civile dispose qu'"en cas d'indivisibilité à l'égard de plusieurs parties au jugement attaqué, la tierce opposition n'est recevable que si toutes les parties sont appelées à l'instance" ; qu'il importe de définir cette condition d'indivisibilité comme l'impossibilité juridique d'exécuter en même temps deux décisions du fait d'une contrariété irréductible ;

Considérant qu'en l'espèce, même dans l'hypothèse où la cour viendrait à juger de l'illicéité de la clause de non-réaffiliation post-contractuelle, il ne ressort pas que l'exécution de cette décision serait juridiquement impossible par rapport à l'exécution de la sentence arbitrale du 25 avril 2001 par la société Superchamp ; qu'ainsi il n'existait pas d'indivisibilité à l'égard des parties à la sentence arbitrale attaquée, et qu'en conséquence le fait que la société Segurel n'ait pas appelé la société Superchamp à la présente instance est sans influence sur la recevabilité de la tierce opposition incidente ainsi formée ;

Considérant qu'il s'ensuit qu'il y a lieu de déclarer la société Segurel recevable en sa demande aux fins de tierce opposition incidente à la sentence arbitrale rendue le 25 avril 2001 ;

Sur la validité de la clause de non-réaffiliation post-contractuelle :

Considérant que la société Segurel entend démontrer que, "sous couvert de restreindre l'activité de l'ex-franchisé, cette clause a pour effet d'empêcher celui-ci de poursuivre son activité dans des conditions similaires, la double restriction qui lui est imposée étant incompatible avec l'activité exploitée" ;

Qu'elle estime que ladite clause n'emporte pas une simple interdiction de réaffiliation mais vise à interdire au franchisé, propriétaire de son fonds et de sa clientèle, l'exercice d'une activité identique dès lors qu'il quitte le réseau Shopi, "puisqu'il lui est interdit de contracter avec un grossiste qui pourrait lui concéder une telle enseigne et lui permettre de vendre des marchandises dont les marques lui sont liées (marques propres)" ; que l'intéressée en conclut que la clause litigieuse est dépourvue de validité tant au regard des dispositions du droit interne que du droit communautaire ;

Que les sociétés appelantes soutiennent, pour leur part, que la société Segurel ne saurait assimiler les effets d'une clause de non-réaffiliation et d'une clause de non-concurrence, que par cette stipulation contractuelle, le franchiseur entendait protéger un savoir-faire qui lui est propre ainsi que l'identité et la réputation commune de son réseau, et qu'en ce sens ladite clause était proportionnée aux objectifs poursuivis ;

Considérant que compte tenu de la nature du débat opposant les parties quant à la validité notamment de la clause considérée au regard des articles L. 420-1 et L. 420-2 du Code du commerce il échet, en application de l'article L. 462-3 dudit Code, et avant-dire droit sur le surplus des prétentions des parties, de consulter l'Autorité de la concurrence à l'effet de donner un avis sur le caractère de pratique anticoncurrentielle au regard des articles susmentionnés ;

Par ces motifs : Vu l'arrêt rendu par la Chambre commerciale de la Cour de cassation du 26 mai 2009, Déclare recevable la tierce opposition incidente formée par la société Segurel à l'encontre de la sentence arbitrale rendue le 25 avril 2001 dans l'instance opposant les sociétés Superchamp et Prodim, Avant-dire droit sur le surplus des prétentions respectives des parties, invite l'Autorité de la concurrence à donner son avis sur le caractère de pratique anticoncurrentielle au regard des articles L. 420-1 et L. 420-2 du Code de commerce de la stipulation insérée à l'article 8.2 du contrat dénommé "accord de franchise Shopi" conclu le 18 juillet 1991 entre la société Prodim et la société Superchamp aux termes de laquelle le franchisé s'oblige "à ne pas utiliser directement ou indirectement, personnellement ou par personne interposée, en société ou autrement durant une période de 3 ans à compter de la date de résiliation du présent contrat une enseigne de renommée nationale ou régionale déposée ou non et à ne pas offrir en vente des marchandises dont les marques sont liées à ces enseignes (marques propres) ceci dans un rayon de 5 km du magasin Shopi faisant l'objet du présent accord" ; Ordonne la transmission à l'Autorité de la concurrence des copies de la sentence arbitrale du 25 avril 2001 et des arrêts confirmatifs de la Cour d'appel de Caen et de la Cour de cassation, du jugement déféré, de l'arrêt de la Cour d'appel de Paris du 22 novembre 2007, de l'arrêt de la Cour de cassation du 26 mai 2009, des dernières conclusions des parties, du contrat litigieux ainsi que du présent arrêt ; Invite cette dernière à donner son avis dans un délai de 6 mois à compter de la réception desdites pièces ; Réserve les dépens.