Cass. com., 29 novembre 2011, n° 10-26.280
COUR DE CASSATION
Arrêt
Rejet
PARTIES
Demandeur :
Hypromat France (SA)
Défendeur :
Maricou (SARL)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Favre
Rapporteur :
Mme Tréard
Avocat général :
Mme Batut
Avocats :
SCP Boullez, SCP Hémery, Thomas-Raquin
LA COUR : - Attendu, selon l'arrêt attaqué (Colmar, 14 septembre 2010), que la société Hypromat France (le franchiseur), qui exploite un réseau de franchise sous l'enseigne Eléphant bleu, a concédé à la société La Monégasque le droit d'exploiter un centre de lavage à Vannes, par contrat à durée déterminée incluant une clause de non-concurrence ; que le franchiseur a notifié à la société La Monégasque la rupture anticipée du contrat de franchise, lui reprochant d'avoir violé la clause de non-concurrence en exploitant deux centres de lavage concurrents ; qu'après avoir contesté les motifs de cette résiliation, qu'elle estimait en lien avec les fonctions occupées par son gérant, M. Couderc, dans une association de défense des intérêts des franchisés du réseau, la société La Monégasque, aux droits de laquelle se trouve la société Maricou, a fait assigner le franchiseur en vue d'obtenir sa condamnation au paiement de dommages-intérêts pour rupture abusive du contrat ; que celui-ci a notamment formé, à titre reconventionnel, une demande de condamnation au paiement de dommages-intérêts pour violation des obligations post-contractuelles ;
Sur le premier moyen : - Attendu que le franchiseur fait grief à l'arrêt de l'avoir condamné à payer à la société Maricou des dommages-intérêts au titre de la rupture fautive du contrat de franchise, alors, selon le moyen : 1°) que chacune des parties est libre de mettre un terme aux pourparlers contractuels, sauf abus ; qu'il s'ensuit que le franchiseur était en droit de mettre un terme aux négociations contractuelles relatives à l'exploitation par son franchisé de deux nouveaux centres de lavage sous l'enseigne Eléphant Bleu, dès lors que les critiques exprimées par le franchisé à l'encontre du franchiseur étaient nécessairement incompatibles avec l'esprit de collaboration qui doit inspirer la conclusion du contrat de franchise et son exécution ; qu'il résulte des constatations auxquelles la juridiction du second degré a procédé que la société Hypromat, par courrier du 11 février 2004, s'est opposée à la poursuite de négociations contractuelles en vue de l'exploitation par la société La Monégasque de deux nouveaux centres de lavage sous l'enseigne de l'Éléphant Bleu dès lors que son président entretenait un climat de contestation et de remise en cause quasi-permanent qui était incompatible avec l'extension ou le renouvellement de relations contractuelles ; qu'en décidant cependant que la société Hypromat était abusivement revenue sur sa position, en mettant brusquement un terme aux pourparlers, en raison des fonctions exercées par M. Couderc au sein d'une association de défense des franchisés dont il avait pris la présidence afin de l'en évincer, bien qu'elle ait donné un accord de principe à l'exploitation d'un centre de lavage à Vannes pour en déduire que la société Hypromat n'était pas fondée à se prévaloir de la clause de non-concurrence prévue à l'article 12 du contrat de franchisage, en cas d'exploitation d'un centre de lavage concurrent, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations d'où il résulte que le franchiseur est en droit de mettre un terme aux pourparlers relatifs à l'exploitation de deux nouveaux centres de franchisage et de se prévaloir de la violation de la clause de non-concurrence, en l'absence de tout contrat de franchise autorisant l'exploitation de centres de lavage concurrents, dès lors que le franchisé contestait la direction du réseau par la société Hypromat, ce qui constituait un juste motif de rupture des négociations contractuelles ; qu'ainsi, elle a violé l'article 1134 du Code civil ; 2°) que la conclusion d'un contrat de franchise est une technique d'intégration partielle et de distribution sélective comprenant le droit d'utiliser la marque et l'enseigne, une communication d'un savoir-faire et une assistance technique ; qu'il s'ensuit que la seule évaluation par le franchiseur des travaux nécessaires à la création d'un nouveau centre de lavage de véhicules automobiles, sous la forme d'un devis accompagné de plans divers, n'emporte aucun accord pour la conclusion d'un contrat de franchise qui reste encore à définir ; qu'en déduisant des termes du devis portant sur le coût des travaux de transformation d'un centre de lavage à Vannes que la société Hypromat avait donné son accord de principe à l'intégration de ce centre dans le réseau de franchise de l'Eléphant Bleu, bien que la société Hypromat n'ait pris encore aucun engagement pour la conclusion d'un tel contrat de franchise qui supposait encore d'engager des négociations contractuelles en vue d'en déterminer les éléments constitutifs, la cour d'appel a dénaturé les termes clairs et précis du devis du 4 juin 2003 ; qu'ainsi, elle a violé l'article 1134 du Code civil ; 3°) que la conclusion d'un contrat de franchise est une technique d'intégration partielle et de distribution sélective comprenant un droit d'utiliser la marque et l'enseigne, une communication d'un savoir-faire et une assistance technique ; qu'il s'ensuit que la seule évaluation par le franchiseur des travaux nécessaires à la création d'un nouveau centre de lavage de véhicules automobiles, par la voie d'un devis accompagné de plans divers, n'emporte aucun accord à la conclusion d'un contrat de franchise ; qu'en déduisant des termes du devis portant sur le coût des travaux de transformation d'un centre de lavage à Vannes que la société Hypromat avait donné son accord de principe à l'intégration de ce centre dans le réseau de franchise de l'Eléphant Bleu, bien que la société Hypromat n'ait pris aucun engagement en vue de la conclusion d'un contrat de franchise qui impliquait de définir l'utilisation de la marque et l'enseigne, une communication d'un savoir-faire et une assistance technique, la cour d'appel a, subsidiairement, violé l'article 1134 du Code civil par refus d'application ; 4°) qu'en l'état d'une clause de non-concurrence interdisant au franchisé d'exploiter un fonds de commerce soit par lui-même, soit par personne interposée, la seule évaluation par le franchiseur du coût des travaux nécessaires à la transformation d'un centre de lavage automobile n'autorise pas le franchisé à acquérir un tel fonds de commerce concurrent en violation de la dite clause dans l'attente de son intégration dans le réseau de franchisage ; qu'en présumant que la société Hypromat ne pouvait pas ignorer que la société La Monégasque avait acquis un centre de lavage à Vannes qui constituait provisoirement un fonds concurrent, dans l'attente de son intégration au réseau de franchise, et que la société Hypromat avait donné son accord à cette intégration, du moment que la société Hypromat lui avait adressé un devis relatif à l'évaluation du coût des travaux de transformation de ce centre, la cour d'appel a violé l'article 1134 du Code civil ; 5°) que la renonciation à l'application de la clause de non-concurrence ne se présume pas et ne saurait résulter que d'actes manifestant sans équivoque la volonté de renoncer ; qu'en décidant que la société Hypromat ne pouvait pas ignorer que la société La Monégasque avait acquis un centre de lavage à Vannes qui constituait provisoirement un fonds concurrent, dans l'attente de son intégration au réseau de franchise, et qu'elle avait donné son accord à cette acquisition, du seul fait que la société Hypromat lui avait adressé un devis relatif à l'évaluation du coût des travaux de transformation de ce centre, la cour d'appel s'est déterminée par des motifs impropres à caractériser la renonciation de la société Hypromat à l'application de la clause de non-concurrence interdisant au franchisé d'exploiter un fonds concurrent, même dans l'attente de son intégration au réseau de franchise ; qu'ainsi, elle a violé l'article 1134 du Code civil ;
Mais attendu qu'ayant retenu que le franchiseur avait mis fin au contrat le liant à la société La Monégasque, uniquement en raison des activités de son gérant comme président de l'association de défense des professionnels du lavage automobile franchisés et que le motif de la rupture, tiré du non-respect de l'obligation de non concurrence, avait été artificiellement invoqué pour tenter de donner une apparence de validité à une résiliation qui avait pour objectif d'écarter M. Couderc de cette association, la cour d'appel en a exactement déduit, abstraction faite des motifs surabondants critiqués par le moyen, que la rupture anticipée du contrat présentait un caractère abusif ; que le moyen ne peut être accueilli ;
Et sur le second moyen : - Attendu que le franchiseur fait grief à l'arrêt d'avoir rejeté son action en responsabilité à l'encontre de la société Maricou au titre de la violation de ses obligations post-contractuelles, alors, selon le moyen, qu'après la cessation des relations contractuelles, l'utilisation par l'ancien franchisé d'un des signes de ralliement de la clientèle du réseau constitue une concurrence déloyale par la confusion qu'elle crée ou qu'elle risque de créer dans l'esprit de la clientèle ; qu'il s'ensuit que l'utilisation par la société Maricou des jetons de lavage du réseau Eléphant Bleu auquel elle a cessé d'appartenir constitue un acte de concurrence déloyale par la confusion qu'elle crée ou qu'elle risque de créer dans l'esprit de la clientèle du réseau ; qu'en retenant, pour écarter l'existence d'un comportement déloyal, que l'utilisation de jetons de lavage du réseau Eléphant Bleu dans les monnayeurs de la société Maricou ne lui procure aucun enrichissement, à la différence du franchiseur qui en tirerait profit, et qu'elle ne constitue donc pas un agissement parasitaire, sans rechercher, ainsi qu'elle y était invitée, si l'utilisation par la société Maricou des jetons Eléphant Bleu n'était pas de nature à capter la clientèle du réseau, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1382 du Code civil ;
Mais attendu que sous le couvert d'un défaut de base légale, le moyen ne tend qu'à remettre en cause l'appréciation souveraine par les juges du fond de l'absence de création d'un risque de confusion ou de parasitisme ; que le moyen n'est pas fondé ;
Par ces motifs : Rejette le pourvoi.