Cass. com., 29 novembre 2011, n° 10-25.027
COUR DE CASSATION
Arrêt
Rejet
PARTIES
Demandeur :
Capelle (SAS)
Défendeur :
Altead Augizeau (SAS)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Favre
Rapporteur :
M. Jenny
Avocat général :
Mme Batut
Avocats :
SCP Rocheteau, Uzan-Sarano, SCP Gatineau, Fattaccini
LA COUR : Sur le moyen unique, pris en ses deux premières branches : - Attendu, selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 30 juin 2010), que la société Altead Augizeau, spécialisée dans les transports exceptionnels, notamment le transport de catamarans, disposait d'un établissement secondaire à La Rochelle depuis 2006 ; que la société Capelle, venant aux droits de la société Les Marins de la Route et ayant son siège à Martigues, a également ouvert un établissement secondaire à La Rochelle ; qu'en juillet-août 2006 cinq employés de la société Altead Augizeau ont démissionné et ont été embauchés par la société Capelle en août, septembre et octobre 2006 à l'agence de La Rochelle ; que la société Altead Augizeau a assigné la société Capelle en paiement de dommages-intérêts pour concurrence déloyale ;
Attendu que la société Capelle fait grief à l'arrêt d'avoir accueilli cette demande, alors, selon le moyen : 1) qu'en vertu du principe de la liberté du travail, l'embauche par un employeur d'un ou plusieurs salariés ayant précédemment appartenu à une autre entreprise exerçant une activité dans le même secteur, qui n'étaient pas liés à cette entreprise par une clause de non-concurrence, ne saurait constituer en soi un acte de concurrence déloyale, en l'absence de manœuvres déloyales de débauchage ; qu'en l'espèce, en se déterminant comme elle l'a fait, sans avoir nullement caractérisé l'existence de quelconques manœuvres frauduleuses commises par la société Capelle aux fins de débaucher des salariés de la société Altead Augizeau, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 1382 et 1383 du Code civil ; 2) que, même en présence de manœuvres déloyales de débauchage, l'existence d'une concurrence déloyale par débauchage massif est subordonnée à la condition que ces manœuvres aient entraîné une véritable désorganisation de l'entreprise ayant eu une incidence mesurable sur son activité, et non une simple perturbation ; qu'en l'espèce, la cour d'appel s'est bornée à constater qu'après le départ des cinq salariés en question, la société Altead Augizeau avait dû recruter du personnel et le former en urgence, ce qui aurait révélé que les cinq salariés avaient un savoir-faire spécifique dont ne disposaient pas en l'état les 345 autres employés de la société Altead Augizeau ; qu'en inférant une concurrence déloyale de tels motifs, qui révélaient tout au plus une perturbation de la société inhérente au départ des salariés, mais étaient impropres à caractériser une véritable désorganisation ayant une incidence mesurable sur son activité, la cour d'appel a derechef privé sa décision de base légale au regard des articles 1382 et 1383 du Code civil ;
Mais attendu que l'arrêt retient que cinq salariés de la société Altead Augizeau, seuls salariés de cette entreprise à disposer d'un savoir-faire spécialisé et d'une expérience dans le transport de catamarans, ont démissionné en même temps et ont été immédiatement embauchés par la société Capelle, qui entendait développer cette activité, pour constituer son agence de La Rochelle, que pour faire face à ces défections la société Altead Augizeau a dû recruter du personnel et surtout le former en urgence, que ces défections se sont accompagnées d'une perte de clientèle, le client Fountaine Pajot, dont les transports étaient assurés par les salariés précités depuis 1982, étant devenu client de la société Capelle ; qu'en l'état de ces constatations souveraines dont il se déduit que la société Capelle a désorganisé l'activité de transport de catamarans de la société Altead Augizeau et que cette désorganisation, qui s'est accompagnée d'une captation de clientèle, a exposé la société Altead Augizeau à une perte de chiffre d'affaires et à des coûts de recrutement et de formation, la cour d'appel a légalement justifié sa décision ; que le moyen n'est pas fondé ;
Et attendu que les deux dernières branches du moyen ne seraient pas de nature à permettre l'admission du pourvoi ;
Par ces motifs : Rejette le pourvoi ; Condamne la société Capelle aux dépens ; Vu l'article 700 du Code de procédure civile, rejette sa demande et la condamne à payer à la société Altead Augizeau la somme de 2 500 euro ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-neuf novembre deux mille onze.