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Décisions

Cass. crim., 3 novembre 2011, n° 10-87.587

COUR DE CASSATION

Arrêt

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Louvel

Rapporteur :

Mme Canivet-Beuzit

Avocat général :

M. Bonnet

Avocats :

Mes Le Prado, Ricard

Caen, prés., du 7 oct. 2010

7 octobre 2010

LA COUR : - Statuant sur le pourvoi formé par X, contre l'ordonnance du premier Président de la Cour d'appel de Caen, en date du 7 octobre 2010, qui a prononcé sur la régularité des opérations de visite et de saisie de documents effectuées par la direction de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes en vue de rechercher la preuve de pratiques anticoncurrentielles ; - Vu les mémoires en demande, en défense et les observations complémentaires produits ;

Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation des articles 496, 497 et 561 du Code de procédure civile, L. 450-4 du Code de commerce dans sa rédaction issue de la loi n° 2001- 420 du 15 mai 2001 et L. 450-4 du Code de commerce dans sa rédaction issue de l'ordonnance n° 2008-1161 du 13 novembre 2008, 5 IV de l'ordonnance n° 2008-1161 du 13 novembre 2008, 6 § 1 de la Convention européenne des droits de l'homme, et 591 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale ;

"en ce que l'ordonnance attaquée a débouté X de toutes ses demandes, et, en conséquence, validé les opérations de visite et de saisie qui se sont déroulées et ont donné lieu à un procès-verbal établi le 29 mai 2008, dans les locaux occupés par X ;

"aux motifs qu'au moment où a été rédigé le procès-verbal des opérations de visite et de saisie, soit le 9 mai 2008, l'article L. 450-4 du Code de commerce prévoyait que le déroulement de ces opérations pouvait faire l'objet d'un recours auprès du juge les ayant autorisées dans un délai de deux mois à compter de la notification de l'ordonnance d'autorisation ; que X, se prévalant d'un arrêt Ravon et autres c/ France de la Cour européenne des Droits de l'Homme, en date du 21 février 2008, expose que l'article L. 450-4 du Code de commerce ne prévoyait pas un recours effectif suffisant permettant un contrôle juridictionnel effectif, tant en droit qu'en fait, des opérations de visite et de saisie ; que, toutefois, outre le fait que l'arrêt Ravon et autres c/ France concerne la procédure fiscale, le recours alors prévu par l'article L. 450-4 du Code de commerce satisfaisait aux exigences de la Convention européenne des Droits de l'Homme, notamment en son article 6 § 1, dès lors qu'il permettait un contrôle juridictionnel effectif, tant en fait qu'en droit, sur la régularité notamment des opérations de visite et de saisie devant le juge des libertés et de la détention, lequel doit statuer à la fois en fait et en droit ; qu'il est en outre amplement démontré de l'effectivité de ce recours devant un magistrat indépendant, quand bien même il s'agit de celui qui a rendu la décision originaire, par le fait qu'en l'espèce le juge des libertés et de la détention d'Avranches a justement, sur la base des moyens soulevés par X, annulé les opérations de visite et de saisie réalisées dans les locaux de celle-ci le 29 mai 2008 ; qu'au surplus, les dispositions nouvelles de l'article L. 450-4 du Code de commerce ont ouvert la voie d'un recours devant le premier président de la cour d'appel et l'article 5-IV de la loi du 13 novembre 2008 a exceptionnellement autorisé l'exercice de ce recours pour les parties ayant déjà formé un pourvoi en cassation à l'encontre de l'ordonnance d'autorisation, ce qui vaut le présent renvoi par la Cour de cassation devant le premier Président de la Cour d'appel de Caen, faisant en fait bénéficier X d'un nouveau contrôle juridictionnel effectif ; que celle-ci doit en conséquence être déboutée de sa demande de nullité de ce chef ;

"1°) alors que, dans son arrêt société Canal plus et autres c. France (requête n° 29408-08), la Cour européenne des Droits de l'Homme a jugé que si la voie de recours prévue à l'alinéa 12 de l'article L. 450-4 du Code de commerce, dans son ancienne rédaction, permettait aux personnes concernées de faire contrôler la régularité du déroulement des opérations de visite et de saisie par le juge qui les avait lui-même autorisées, elle ne garantissait pas un contrôle juridictionnel effectif de la régularité et du bien-fondé de l'ordonnance d'autorisation répondant aux exigences d'indépendance d'un tribunal posées par l'article 6 § 1 de la Convention ; que X, dans ses écritures, a demandé l'annulation des opérations de visite et de saisie litigieuses, en ce qu'elles ont été effectuées sur le fondement d'une ordonnance rendue au visa de l'article L. 450-4 du Code de commerce, contraire, dans sa rédaction alors en vigueur, à l'article 6 § 1 de la Convention européenne des Droits de l'Homme ; qu'en se prononçant en considération du recours, institué par l'article L. 450-4 du Code de commerce, dans sa rédaction alors en vigueur, dont peut faire l'objet le déroulement des opérations de visite ou saisie auprès du juge les ayants autorisées, la décision attaquée a violé les dispositions susvisées ;

"2°) alors que, dans ses arrêts société Canal plus et autres c. France, (requête n° 29408-08), et Compagnie des gaz de pétrole Primagaz c. France (requête n° 29613-08) la Cour européenne des Droits de l'Homme a, rappelant la solution issue de son arrêt Ravon et des arrêts subséquents, dit pour droit qu'en matière de visite domiciliaire, les personnes concernées doivent pouvoir obtenir un contrôle juridictionnel, en fait comme en droit, de la régularité de la décision prescrivant la visite ainsi que, le cas échéant, des mesures prises sur son fondement, que le ou les recours disponibles doivent permettre, en cas de constat d'irrégularité, soit de prévenir la survenance de l'opération, soit, dans l'hypothèse où une opération jugée irrégulière a déjà eu lieu, de fournir à l'intéressé un redressement approprié, que, dans ces affaires, les requérants n'avaient disposé que d'un recours devant la Cour de cassation pour contester la régularité de la décision prescrivant la visite, ce qui ne leur avait pas permis d'obtenir un examen des éléments de fait fondant les autorisations de visite, pour en conclure que le pourvoi en cassation contre l'ordonnance du juge autorisant les opérations de visite et saisie ne garantit pas un contrôle juridictionnel effectif au sens de l'article 6 § 1 de la Convention ; que dans ces deux arrêts, la Cour européenne des Droits de l'Homme a relevé que, selon le régime prévu à l'article L. 450-4 du Code de commerce - quasiment identique à celui fixé à l'article L. 16 B du livre des procédures fiscales -, les requérantes n'ont également disposé que d'un pourvoi en cassation pour contester la régularité et le bien-fondé des ordonnances respectivement rendues ayant autorisé les opérations de visite et de saisie ; que l'article L. 450-4 du Code de commerce, dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2008-1161 du 13 novembre 2008 méconnaît donc l'article 6 § 1 de la Convention européenne des Droits de l'Homme ; qu'en décidant du contraire, la décision attaquée a violé les dispositions susvisées ;

"3°) alors, encore, que, dans ses arrêts société Canal plus et autres c. France, (requête n° 29408-08), et Compagnie des gaz de pétrole Primagaz c. France (requête n° 29613-08), la Cour européenne des Droits de l'Homme a constaté que les autorités françaises, souhaitant tirer les conséquences de l'arrêt Ravon et autres dans le domaine du droit de la concurrence, ont modifié le droit interne par une ordonnance du 13 novembre 2008, afin de permettre aux personnes ayant fait l'objet de visite domiciliaire d'interjeter appel de l'ordonnance d'autorisation du juge des libertés et de la détention devant le premier président de la cour d'appel et que cette ordonnance contient également des dispositions transitoires rétroactives pour les opérations de visite et saisie effectuées avant son adoption ; que s'agissant du recours en contestation de l'autorisation ouvert devant la Cour d'appel de Paris saisie dans le cadre de l'article L. 464-8 du Code de commerce, tel que prévu par l'article 5-IV de l'ordonnance du 13 novembre 2008, si l'autorisation de visite et saisie a fait l'objet d'un pourvoi en cassation ayant donné lieu à un arrêt de rejet de la Cour de cassation, la cour a rappelé qu'en plus d'un contrôle en fait et en droit de la régularité et du bien-fondé de la décision ayant prescrit la visite, le recours doit également fournir un redressement approprié, ce qui implique nécessairement la certitude, en pratique, d'obtenir un contrôle juridictionnel effectif de la mesure litigieuse et ce, dans un délai raisonnable, pour en déduire que le recours en contestation prévu par l'ordonnance du 13 novembre 2008 ne répond pas aux exigences de l'article 6 § 1 de la Convention ; qu'en tant que de raison, le recours prévu par l'article 5 IV, dans son premier paragraphe, au terme duquel les parties ayant formé, à l'encontre de l'ordonnance ayant autorisé la visite prévue à l'article L. 450-4 du Code de commerce, un pourvoi pendant devant la Cour de cassation au jour de la publication de la présente ordonnance, disposent d'un délai d'un mois pour interjeter appel de l'ordonnance objet dudit pourvoi à compter de la date de publication de la présente ordonnance, dans les conditions prévues au sixième alinéa de l'article L. 450-4 du Code de commerce dans sa rédaction issue de la présente ordonnance, en ce qu'il ne permet pas à la personne morale visée par l'autorisation de visite et de saisie d'obtenir un contrôle juridictionnel effectif de la mesure litigieuse dans un délai raisonnable, ne répond pas aux exigences de l'article 6 § 1 de la Convention européenne des Droits de l'Homme ; qu'en décidant cependant, que l'article 5 IV de la loi du 13 novembre 2008 a fait bénéficier X d'un contrôle juridictionnel effectif, la cour d'appel a violé les dispositions susvisées ;

"4°) alors que, dans ses arrêts société Canal plus et autres c. France, (requête n° 29408-08), et Compagnie des gaz de pétrole Primagaz c. France (requête n° 29613-08), la Cour européenne des Droits de l'Homme a constaté que les autorités françaises, souhaitant tirer les conséquences de l'arrêt Ravon et autres dans le domaine du droit de la concurrence, ont modifié le droit interne par une ordonnance du 13 novembre 2008, afin de permettre aux personnes ayant fait l'objet de visite domiciliaire d'interjeter appel de l'ordonnance d'autorisation du juge des libertés et de la détention devant le premier président de la cour d'appel et que cette ordonnance contient également des dispositions transitoires rétroactives pour les opérations de visite et saisie effectuées avant son adoption ; que s'agissant du recours en contestation de l'autorisation ouvert devant la cour d'appel de Paris saisie dans le cadre de l'article L. 464-8 du Code de commerce, tel que prévu par l'article 5 IV de l'ordonnance du 13 novembre 2008, si l'autorisation de visite et saisie a fait l'objet d'un pourvoi en cassation ayant donné lieu à un arrêt de rejet de la Cour de cassation, la cour a rappelé qu'en plus d'un contrôle en fait et en droit de la régularité et du bien-fondé de la décision ayant prescrit la visite, le recours doit également fournir un redressement approprié, ce qui implique nécessairement la certitude, en pratique, d'obtenir un contrôle juridictionnel effectif de la mesure litigieuse et ce, dans un délai raisonnable, pour en déduire que le recours en contestation prévu par l'ordonnance du 13 novembre 2008 ne répond pas aux exigences de l'article 6 § 1 de la Convention ; que le recours prévu par l'article 5 IV, dans son premier paragraphe, au terme duquel les parties ayant formé, à l'encontre de l'ordonnance ayant autorisé la visite prévue à l'article L. 450-4 du Code de commerce, un pourvoi pendant devant la Cour de cassation au jour de la publication de la présente ordonnance disposent d'un délai d'un mois pour interjeter appel de l'ordonnance objet dudit pourvoi à compter de la date de publication de la présente ordonnance, dans les conditions prévues au sixième alinéa de l'article L. 450-4 du Code de commerce dans sa rédaction issue de la présente ordonnance, en ce qu'il enferme le recours offert à la personne morale visée par l'autorisation de visite et de saisie dans un délai d'un mois à compter de la date d'entrée en vigueur de l'ordonnance du 13 novembre 2008, ne répond pas aux exigences de l'article 6 § 1 de la Convention européenne des droits de l'homme ; qu'en décidant cependant, que l'article 5 IV de la loi du 13 novembre 2008 a fait bénéficier X d'un contrôle juridictionnel effectif, la cour d'appel a violé les dispositions susvisées" ;

Attendu que le moyen, qui allègue l'absence de recours effectif à l'encontre de l'ordonnance ayant autorisé les visite et saisie dans les locaux de X, est irrecevable, dès lors qu'il est étranger à la régularité des opérations effectuées, objet du présent recours ;

Et attendu que l'ordonnance est régulière en la forme ;

Rejette le pourvoi.