Cass. com., 29 novembre 2011, n° 10-25.799
COUR DE CASSATION
Arrêt
Cassation
PARTIES
Demandeur :
Bovami (SA), Valgest (SARL)
Défendeur :
Val investissement (SAS)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Favre
Rapporteur :
Mme Tréard
Avocat général :
Mme Batut
Avocats :
SCP Célice, Blancpain, Soltner, SCP Fabiani, Luc-Thaler
LA COUR : - Donne acte à la société Bovami de son désistement envers la société Val investissement ; - Attendu, selon l'arrêt attaqué, que la société Bovami, exploitant un hypermarché à l'enseigne " Intermarché " à Bourg Saint-Maurice, a conclu un contrat intitulé " Contrat Relais des Mousquetaires " avec les sociétés Val investissement et Valgest, concernant l'exploitation d'un point de vente situé à la station de sports d'hiver Arcs 2000, puis a donné en location à la société Valgest un matériel dénommé " boîtier Tistel " permettant la prise de commande de marchandises ; que la société Valgest ne s'étant pas exécutée après mise en demeure de son obligation de lui régler un solde de factures impayé et lui ayant notifié sa décision de résilier le contrat de concession, la société Bovami l'a fait assigner au titre des factures impayées et de la résiliation fautive de leur convention ; que reconventionnellement la société Valgest a sollicité la nullité du contrat ou à défaut sa résiliation aux torts exclusifs de la société Bovami ;
Sur le second moyen : - Attendu que la société Bovami fait grief à l'arrêt d'avoir dit qu'elle était redevable envers la société Valgest d'une certaine somme, incluant le montant d'une remise de 10 % non appliquée, et de l'avoir condamnée à payer à la société Valgest le solde subsistant après compensation des créances réciproques, alors, selon le moyen : 1°) que le contrat de distribution conclu le 29 juin 2004 entre les sociétés Bovami et Valgest stipulait en ses articles 6.1 et 6.6 que pour les marchandises vendues par le concédant au concessionnaire, " le tarif appliqué est le prix de cession "relais des Mousquetaires" au jour de livraison " c'est-à-dire " le tarif général en usage (du concédant) avec son ou ses concessionnaires ", tel qu'il serait périodiquement communiqué par la société Bovami à ses concessionnaires ; que ce contrat de distribution ne faisait nullement état d'une quelconque remise de 10 % qui serait octroyée de plein droit et sans condition par la société Bovami à l'ensemble de ses distributeurs ; qu'en jugeant que la société Valgest était fondée à solliciter l'attribution rétroactive d'une remise de 10 % sur l'ensemble des achats de marchandises qu'elle avait effectués depuis la conclusion du contrat de distribution, au prétexte que le contrat de distribution ne comportait aucune restriction à cet égard, sans préciser le fondement contractuel de l'octroi d'une telle remise, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1134 du Code civil ; 2°) que le contrat de distribution conclu entre les sociétés Bovami et Valgest stipulait en son article 5.4 que " le concessionnaire s'engage à respecter et à utiliser dans l'exploitation du "Relais des Mousquetaires" les méthodes, produits et systèmes qui lui auront été communiqués par le concédant à l'exclusion de toute autre ", " ces méthodes et normes [étant] incluses dans le manuel qui est remis à titre de dépôt au concessionnaire " ; que la société Bovami rappelait dans ses conclusions que le manuel remis à la société Valgest lors de la conclusion du contrat informait très clairement le concessionnaire que le bénéfice de conditions tarifaires préférentielles était subordonné à l'utilisation du boîtier de communication électronique "Tistel" permettant la passation de commandes à distance et que dans le cas où le concessionnaire déciderait malgré tout de s'approvisionner directement dans les rayons du magasin Intermarché exploité par la société Bovami, il ne bénéficierait d' " aucune condition particulière " puisque lui serait alors appliqué " le prix public du point de vente de rattachement affiché en rayon " ; qu'en jugeant néanmoins qu'il n'était pas démontré que la société Valgest ait accepté ces conditions, au motif inopérant qu'elles ne figuraient pas dans le corps même contrat de distribution, cependant qu'il résultait des termes mêmes de ce contrat que le concessionnaire avait été averti des méthodes et des conditions d'approvisionnement préconisées par le concédant au travers du manuel laissé à sa disposition et qu'il s'était engagé à s'y conformer, la cour d'appel a violé l'article 1134 du Code civil ;
Mais attendu qu'ayant fait ressortir, par motifs propres et adoptés, que l'existence d'une remise de 10 % est admise par le concédant dans son principe et relevé qu'en l'absence de distinction opérée dans le contrat de concession entre les achats effectués en magasin et ceux réalisés au moyen du boîtier Tistel il convient de se référer aux articles 6.1 et 6.6 du contrat, c'est par une appréciation souveraine des éléments de preuve qui lui étaient soumis et des conditions tarifaires en usage entre les parties auxquelles elle s'est référée, que la cour d'appel a retenu que la remise de 10 % devait également porter sur le montant total des achats en magasin ; que le moyen n'est pas fondé ;
Mais sur le premier moyen, pris en sa troisième branche : - Vu l'article 1134, alinéa 3, du Code civil ; - Attendu que pour prononcer la résiliation du contrat conclu entre les sociétés Bovami et Valgest aux torts exclusifs de la société Bovami et celle, par voie de conséquence du contrat de location, condamner la société Bovami à payer à la société Valgest une somme en réparation du préjudice subi par celle-ci du fait de l'exécution déloyale du contrat de distribution et rejeter les demandes indemnitaires de la société Bovami, l'arrêt retient que l'achalandage du point de vente excentré, exploité par la société Valgest, était uniquement composé de la clientèle des tours opérateurs résidant dans deux chalets situés à proximité, ce que ne pouvait ignorer la société Bovami installée depuis longtemps dans ce secteur et qu'il est établi que la société Bovami a directement fourni ces chalets pendant plusieurs saisons ; que l'arrêt en déduit qu'en procédant de la sorte la société Bovami n'a pas exécuté loyalement le contrat de distribution, ce qui a eu pour effet de priver la société Valgest d'une partie du chiffre d'affaires escompté ;
Attendu qu'en se déterminant ainsi, sans préciser en quoi les ventes consenties par la société Bovami en dehors de la zone de chalandise de la société Valgest, au bénéfice d'une clientèle venue s'approvisionner dans son magasin, caractérisaient une exécution déloyale du contrat de concession liant les parties, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision ;
Par ces motifs, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs : Casse et annule, mais seulement en ce qu'il a prononcé la résiliation du contrat de distribution conclu entre la société Bovami et la société Valgest le 29 juin 2004 aux torts exclusifs de la société Bovami et par voie de conséquence prononcé la résiliation du contrat de location du 24 novembre 2004, condamné la société Bovami à payer à la société Valgest la somme de 50 000 euro à titre de dommages-intérêts et rejeté les demandes indemnitaires dirigées contre la société Valgest par la société Bovami au titre de la résiliation de ce contrat, l'arrêt rendu entre les parties par la Cour d'appel de Chambéry le 31 août 2010 ; remet en conséquence, sur ces points, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt, les renvoie devant la Cour d'appel de Chambéry autrement composée.