CA Versailles, 12e ch., 6 décembre 2011, n° 11-00425
VERSAILLES
Arrêt
PARTIES
Demandeur :
Beryliss Cosmetics (SARL)
Défendeur :
Symael (SARL)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Rosenthal
Conseillers :
Mmes Brylinski, Beauvois
Avoués :
Me Binoche, SCP Lissarrague Dupuis Boccon Gibod
Avocat :
Me Planeix
FAITS ET PROCÉDURE
La société Beryliss Cosmetics (Beryliss) qui vend des produits de beauté a fait appel à la société Symaël à laquelle elle a confié la promotion de ses produits commercialisés sous la marque "Anne et Vous" auprès des réseaux de parapharmacie et des grandes enseignes.
La société Beryliss a réglé les factures d'octobre, novembre et décembre 2007. Elle a demandé à la société Symaël début décembre de justifier des actions en cours et des rendez-vous pris, de l'exécution des prestations. Elle a laissé impayées les factures de janvier et février 2008 de 7 176 euro chacune puis a mis un terme immédiat aux relations contractuelles par courrier du 4 mars 2008.
Le 7 novembre 2008, la société Symaël a assigné la société Beryliss Cosmetics devant le Tribunal de commerce de Bordeaux aux fins de la voir condamner à lui payer la somme de 26 072,80 euro en principal au titre des factures de janvier à avril 2008.
Par jugement rendu le 30 octobre 2009, ce tribunal s'est déclaré compétent et a fait partiellement droit à la demande de Symaël, avec exécution provisoire.
Sur appel de la société Beryliss, la Cour d'appel de Bordeaux a infirmé le jugement et statuant à nouveau, s'est déclarée incompétente au profit de la Cour d'appel de Versailles et a condamné la société Symaël à payer à la société Beryliss une indemnité de 3 000 euro au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.
Après saisine de la Cour d'appel de Versailles, par dernières conclusions signifiées le 24 août 2011, la société Beryliss demande à la cour de débouter la société Symaël de toutes ses demandes, de la condamner à lui rembourser la somme de 25 463,22 euro au titre des factures payées, de condamner la société Symaël à lui payer 3 000 euro au titre des frais irrépétibles de première instance et la même somme au titre des frais irrépétibles d'appel.
Par dernières conclusions signifiées le 23 juin 2011, la société Symaël demande à la cour de confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a condamné la société Beryliss à lui payer la somme de 14 352 euro au titre du paiement de factures des mois de janvier et février 2008, et faisant droit à son appel incident, de réformer le jugement et de condamner la société Beryliss à lui payer 11 720,80 euro au titre de l'indemnité de préavis pour rupture abusive des relations contractuelles, outre 3 000 euro au titre des frais irrépétibles de première instance et la même somme au titre des frais irrépétibles d'appel.
La procédure a été clôturée par une ordonnance du conseiller de la mise en état en date du 8 septembre 2011.
Pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, la cour renvoie aux dernières conclusions signifiées conformément à l'article 455 du Code de procédure civile.
Sur ce, LA COUR :
À titre liminaire, il sera relevé que la Cour d'appel de Bordeaux par son arrêt du 17 janvier 2011, a infirmé le jugement du Tribunal de commerce de Bordeaux et s'est déclarée incompétente au profit de la Cour d'appel de Versailles, de sorte qu'il n'appartient plus à cette dernière saisie par l'arrêt de la Cour d'appel de Bordeaux d'avoir à confirmer ou infirmer le jugement de première instance.
En premier lieu, Symaël demande le paiement des factures émises pour les mois de janvier et février 2008 estimant qu'elle a respecté ses obligations contractuelles, qu'elle justifie de ses démarches, qu'elle a tenu informée Beryliss, que notamment, elle a bien procédé à la présentation des produits auprès de Parashop.
Beryliss rappelle que le projet de contrat du 6 novembre 2007 n'a jamais été signé en raison du désaccord des parties sur de nombreuses clauses, qu'aucun compte-rendu ne lui a été adressé sur la teneur des prestations, qu'aucun résultat concret n'a été obtenu, qu'aucune vente n'ayant été réalisée, rien ne vient justifier le poste "administration des ventes" facturé, que les prestations dont Symaël réclame la contrepartie sont nulles, que les factures émises par Symaël sont dépourvues de toute justification et que cette dernière se trouve dès lors mal fondée à en réclamer le paiement, qu'elle devra lui rembourser ce qui a été payé.
Il résulte des pièces produites que les parties sont entrées en contact au cours de l'été 2007, que dans le courant du mois de septembre 2007, Beryliss a adressé ses produits à Symaël en vue de leur promotion à compter de début octobre 2007 auprès des grandes enseignes et des réseaux de la parapharmacie.
Un projet de contrat a été établi en date du 1er septembre 2007, transmis le 6 novembre 2007 par Symaël à Beryliss.
Ce contrat stipulait que Beryliss confiait à Symaël le droit exclusif de gérer les grands comptes et l'administration des ventes de ses produits sur le territoire français, hors DOM-TOM, et celui de promouvoir la gamme de ses produits. La rémunération prévue s'élevait à un fixe garanti mensuel de 6 000 euro HT, outre une rémunération variable en fonction du chiffre d'affaires réalisé et de l'atteinte des objectifs fixés.
Le contrat prévoyait qu'il prenait effet au 8 octobre 2007.
Il est constant que Beryliss n'a pas signé ce contrat. Néanmoins, elle a payé en octobre, novembre et décembre 2007 le fixe minimum garanti prévu au titre de la rémunération contractuelle.
Beryliss a écrit à Symaël le 3 décembre 2007 en indiquant être sans nouvelles de Symaël depuis plusieurs semaines, demandant à ce qu'un point soit fait sur les actions en cours et sur les rendez-vous prévus pour le mois de décembre. Symaël a répondu à ce mail sans contester ne pas avoir tenu informés ses interlocuteurs de Beryliss auparavant.
Symaël justifie de l'envoi d'un mail de présentation le 23 octobre 2007 "Veuillez trouver ci-joint une nouvelle marque dont nous assurons la distribution. Il s'agit d'une gamme de soin cosmétique High Tech, naturels. Je me tiens à votre disposition..." aux acheteurs de Sephora, Galeries Lafayettes, Monoprix, Printemps, Bon Marché.
Le compte-rendu du 3 décembre 2007 fait état de rendez-vous avec des acheteurs du Printemps, de Douglas et de Marionnaud, d'une relance effectuée auprès des Galeries Lafayette, de la réponse négative du Bon Marché.
Dans les clients auxquels le mail du 23 octobre 2007 aurait été adressé et qui auraient été relancés au moins une fois, il est ajouté Marionnaud et Parashop.
La seule démarche dont il est justifié postérieurement au 3 décembre 2007 est un mail de relance du 10 décembre 2007 auprès de Mme Gontier, "Category manager" de Parashop Diffusion qui a donné lieu à une réponse négative.
Aucune pièce produite n'établit que postérieurement à cette date, Symaël aurait poursuivi des démarches commerciales en vue de promouvoir et de faire référencer les produits de la marque "Anne et Vous".
Au vu du mail produit par Symaël, l'attestation de M. Facon, gérant de la société SF Diffusion, produite par Beryliss, est insuffisante à établir que Symaël n'aurait pas présenté la marque "Anne et Vous" à Parashop, alors que cette attestation n'est pas accompagnée d'une pièce d'identité et d'un extrait Kbis de la société en cause permettant à la cour de s'assurer de l'identité et de la qualité du signataire.
Symaël n'était pas tenue d'une obligation de résultat en ce qui concerne le référencement de la marque "Anne et Vous" auprès des grandes enseignes et de la parapharmacie ; en revanche, elle était tenue de déployer tous les moyens nécessaires pour assurer la promotion de cette marque auprès de ces clients.
Beryliss ne peut donc solliciter le remboursement des factures payées au seul motif de l'absence de résultats.
Beryliss doit être également déboutée de sa demande de remboursement des factures d'octobre et novembre 2007 puisque Symaël établit avoir exécuté ses obligations pendant cette période, même si les démarches accomplies n'ont pas donné lieu à référencement des produits Beryliss et commandes.
Symaël ne justifie pas en revanche avoir accompli une quelconque démarche commerciale de promotion de la marque "Anne et Vous" à compter de décembre 2007, le seul mail de relance du 10 décembre ne constituant pas la mise en œuvre de moyens sérieux de promotion de cette marque.
Beryliss est en conséquence bien fondée à faire valoir l'exception d'inexécution du contrat à compter à compter de décembre 2007.
Symaël sera donc déboutée de sa demande de paiement des deux factures de janvier et février 2008 pendant lesquelles elle n'a accompli aucune prestation et au surplus, elle sera condamnée à rembourser à Beryliss la facture d'honoraire de prestation de décembre 2007 que cette dernière lui a payée à hauteur de 7 176 euro TTC.
Pour la période postérieure à la résiliation intervenue par courrier du 4 mars 2008 à l'initiative de Beryliss, Symaël demande en application de l'article L. 442-6 I 5° du Code de commerce l'indemnisation de la rupture brutale de la relation commerciale établie, sans aucun préavis et sollicite de ce chef, l'équivalent d'un mois et demi de préavis.
Elle considère qu'en tout état de cause, la rupture est abusive et que tant en application du contrat du 6 novembre 2007 qu'en vertu de l'article 1134 du Code civil, elle est fondée en sa demande d'indemnisation à hauteur d'un mois et demi de préavis.
Beryliss réplique que l'article L. 442-6 I 5° du Code de commerce est inapplicable faute de relation commerciale établie, que la rupture ne peut être considérée comme brutale au sens de la loi, qu'elle était en droit de mettre un terme à la relation contractuelle en raison de l'inexécution par Symaël de ses obligations.
Il résulte de l'article L. 442-6 I 5° du Code de commerce que sauf dans le cas où l'autre partie n'exécute pas ses engagements ou celui de la force majeure, le fait de rompre brutalement, même partiellement, une relation commerciale établie, sans préavis écrit tenant compte de la durée des relations commerciales, engage la responsabilité de son auteur et l'oblige à réparer le préjudice en résultant.
Etant indifférent que les parties n'aient pas signé de contrat écrit, une relation commerciale établie suppose l'existence d'un courant d'affaires stable et d'une certaine importance, s'étant poursuivi dans le temps.
N'entre pas dans les prévisions de l'article L. 442-6 I 5° du Code de commerce, la relation commerciale ayant existé entre Beryliss et Symaël pendant à peine cinq mois alors qu'au surplus dès le troisième mois, Symaël a cessé d'exécuter ses obligations et qui n'a donné lieu au surplus à aucun chiffre d'affaires réalisé par Beryliss. La rupture immédiate intervenue le 4 mars 2008 pour inexécution par Symaël de ses obligations depuis le mois de décembre 2007 ne saurait donc engager la responsabilité de Beryliss sur ce fondement délictuel.
Ne constitue pas une rupture abusive et n'engage pas la responsabilité contractuelle de Beryliss la rupture intervenue à raison de cette inexécution. Beryliss ne saurait être tenue au paiement d'une indemnité de préavis prévue par le contrat du 6 novembre 2007 qu'elle n'a pas signé et dont rien ne démontre qu'elle aurait accepté la clause relative au préavis en cas de rupture, ce qui ne saurait se déduire du seul fait qu'elle a payé les factures d'octobre et novembre.
Enfin, Symaël invoque la prétendue mauvaise foi de Beryliss dont elle n'apporte aucune preuve.
Symaël sera donc déboutée de sa demande de ce chef.
Sur les dépens et l'article 700 du Code de procédure civile
Les dépens seront à la charge de Symaël qui succombe en toutes ses prétentions.
L'équité commande de la condamner à payer à Beryliss une indemnité de 3 000 euro au titre au titre des frais irrépétibles de première instance et d'appel.
Par ces motifs : LA COUR, Statuant en audience publique et par arrêt contradictoire, Dit que la société Symaël n'a pas exécuté ses obligations contractuelles envers la société Beryliss Cosmetics à compter de décembre 2007. Déboute la société Symaël de toutes ses demandes. La condamne à payer à la société Beryliss Cosmetics la somme de 7 176 euro TTC. Déboute la société Beryliss Cosmetics du surplus de sa demande. Condamne la société Symaël aux dépens de première instance et d'appel et dit que ceux-ci pourront être recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile. La condamne à payer à la société Beryliss Cosmetics une indemnité de 3 000 euro au titre de l'article 700 du Code de procédure civile. La déboute de sa demande au même titre.