ADLC, 15 décembre 2011, n° 11-D-19
AUTORITÉ DE LA CONCURRENCE
Décision
relative à des pratiques mises en œuvre dans le secteur de la distribution de gadgets et articles de fantaisie
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Délibéré sur le rapport oral de M. Philippe Couton, rapporteur, l'intervention de M. Etienne Pfister, rapporteur général adjoint, par Mme Elisabeth Flüry-Hérard, vice-présidente, présidente de séance, Mme Pierre Pinot, MM. Emmanuel Combe, Noël Diricq, Jean-Bertrand Drummen, Pierre Godé, membres.
L'Autorité de la concurrence (section IV) ;
Vu la lettre enregistrée le 7 avril 2008 sous le numéro 08-0037 F par laquelle le ministre de l'Economie, de l'Industrie et de l'Emploi a saisi le Conseil de la concurrence de pratiques mises en œuvre dans le secteur de la distribution de gadgets et articles de fantaisie ; Vu l'article 101 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne ; Vu le livre IV du Code de commerce ; Vu les observations présentées par la société Kontiki SAS et le commissaire du Gouvernement ; Vu les autres pièces du dossier ; Le rapporteur, le rapporteur général adjoint, le commissaire du Gouvernement et les représentants de la société Kontiki SAS entendus lors de la séance de l'Autorité de la concurrence du 12 octobre 2011 ; Adopte la décision suivante :
I - Constatations
1. Par lettre enregistrée le 7 avril 2008 sous le numéro 08/0037 F, le ministre de l'Economie, de l'Industrie et de l'Emploi a saisi le Conseil de la concurrence de pratiques mises en œuvre par la société Kontiki SAS (ci-après " Kontiki ") et ses distributeurs dans le secteur de la distribution des gadgets et articles de fantaisie.
2. D'après le rapport administratif d'enquête transmis en annexe à la saisine, Kontiki, distributeur exclusif pour la France des produits de la marque Diddl, se serait entendue avec ses distributeurs pour restreindre leur liberté tarifaire. Les services de la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF) ont ainsi relevé des éléments caractérisant, selon eux, une entente verticale sur les prix de revente des produits Diddl entre Kontiki et ses distributeurs.
A. Les produits et l'entreprise en cause
1. Les produits en cause
3. Créé en Allemagne en 1990, le personnage Diddl représente une souris à grandes pattes apposée sur des cartes postales. La gamme des produits à l'effigie de Diddl a été déclinée par la suite en une trentaine d'autres figurines sur différents supports au rythme moyen de trois cent nouvelles références par an. Elle s'est progressivement enrichie de peluches, blocs notes, cahiers, verres, cartables ou vêtements.
4. La licence des personnages Diddl est détenue par la société allemande Depesche qui fait fabriquer l'ensemble des produits à l'effigie de Diddl vendus en Europe.
5. Les produits à l'effigie du personnage Diddl ont connu un large succès sur le marché des gadgets et articles de fantaisie à destination des enfants et préadolescents durant la seconde moitié des années 2000, au cours desquelles s'est développé un véritable phénomène de mode qualifié de " Diddl-mania ".
6. Contrairement aux produits pour enfants à l'effigie des personnages créés par Walt Disney ou de figures comme le personnage de Babar, le personnage Diddl n'est adossé à aucun support télévisuel ou publicitaire. Il bénéficie d'une image positive véhiculée par les enfants eux-mêmes et fait l'objet d'échanges dans les cours de récréation.
2. l'entreprise kontiki SAS
7. Kontiki est le distributeur exclusif des produits Diddl sur le territoire français. Son chiffre d'affaires sur les produits Diddl a représenté entre 97 et 100 % de son chiffre d'affaires total pendant les années 2003 à 2007. Le chiffre d'affaires a connu une forte croissance jusqu'en 2005, année durant laquelle il s'élevait à plus de 66 millions d'euro. Dès l'exercice 2005-2006, il diminue de près de 8 millions d'euro puis chute brutalement à partir de 2008, où il atteignait 28,5 millions d'euro.
Le chiffre d'affaires réalisé par Kontiki au cours de l'exercice comptable 2010-2011 s'élève à 12,3 millions d'euro.
8. Kontiki utilise et gère également le domaine Internet français de Diddl sous le nom " Diddl.fr ". Jusqu'à la fin de l'année 2009, le site présentait l'ensemble des personnages constituant la collection, les adresses de certains des magasins distribuant les produits en cause et des grilles tarifaires faisant apparaître les prix conseillés sous la mention " Ppubl. Conseil ". Au jour de la présente décision, les références au réseau de distribution et aux tarifs ne figurent plus sur le site Internet Diddl.fr, à l'exception d'un lien hypertexte renvoyant au site Internet marchand de la société Characters Online Shop permettant d'acquérir les articles Diddl par correspondance.
3. La distribution au détail des produits en cause
9. L'organisation de la distribution au détail des produits Diddl en France a suivi les évolutions de la gamme des produits elle-même. Le personnage Diddl a d'abord figuré sur des cartes postales à partir de 1994, avant d'être progressivement apposé sur des supports plus diversifiés comme des peluches. Le réseau des points de vente s'est alors développé pour comprendre, outre des magasins vendant des cartes postales, des boutiques cadeaux, des grands magasins et des magasins de jouets. Ce réseau comprenait près de 1700 points de vente en 2007.
10. La politique commerciale de Kontiki repose sur un ensemble de commerciaux disposant de zones géographiques définies. Leur rôle consiste à visiter régulièrement les revendeurs pour promouvoir les nouveaux produits de la gamme et à prendre les commandes. Les commerciaux sont également chargés de transférer les volumes de commandes recueillis auprès des commerçants à la société Depesche. La livraison des produits est assurée directement par la société Depesche auprès des distributeurs.
Cette dernière leur remet, à cette occasion, un bon de livraison sur lequel est porté le prix de vente aux commerçants fixé par Kontiki.
11. Kontiki a initialement poursuivi une stratégie de rareté dans la distribution des produits Diddl consistant à limiter le nombre de ses points de vente et à ne pas faire de réassortiment sur les références écoulées. Toutefois, depuis le déclin des produits Diddl, Kontiki a diversifié ses achats et multiplié le nombre de ses points de vente pour écouler plus facilement les produits Diddl.
B. Les comportements constatés
1. Les conventions conclues par kontiki avec ses distributeurs
12. La charte Diddl (dénommée également " charte de partenariat " ou encore " charte historique ") constitue le document de référence pour la relation commerciale entre Kontiki et ses revendeurs. Les magasins appartenant à certains réseaux (notamment Picwic et King Jouet) ont signé des documents intitulés " accords commerciaux " dont le contenu est identique à celui de la charte Diddl en ce qui concerne le respect des prix publics conseillés.
13. Parallèlement à la charte Diddl et aux accords commerciaux, Kontiki a conclu des contrats " Devenez partenaire Diddl sur Internet " avec certains de ses distributeurs.
a) La charte Diddl et les accords commerciaux
14. La charte Diddl définit les engagements respectifs de Kontiki et de ses distributeurs. Parmi les obligations pesant sur les distributeurs, la charte, dans sa version diffusée par Kontiki entre 2003 et le premier trimestre 2007, conditionnait le référencement des distributeurs signataires sur le site Internet " Diddl.fr " au respect effectif par ceux-ci de prix publics conseillés. Cette condition résultait de la combinaison des articles 6 et 10 de la charte.
15. L'article 6 de la charte stipulait : " Les prix publics conseillés par la société Kontiki sont affichés sur le site Diddl.fr. Le revendeur recevra le tarif en cours lors de sa commande d'implantation ".
16. L'article 10 énonçait : " Kontiki s'engage à référencer le revendeur sur la liste de revendeurs agréés Diddl sur son site Internet, sous réserve que le revendeur pratique les prix publics conseillés par Kontiki SAS " (cote 1774).
17. Kontiki a conclu des chartes libellées " accords commerciaux " avec certaines chaînes nationales de distribution comme King Jouet et Picwic, parallèlement auxchartes destinées aux revendeurs indépendants. Ces documents comportaient des stipulations relatives au respect des prix publics conseillés strictement identiques à celle des chartes conclues avec les distributeurs indépendants (articles 6 et 12 des accords commerciaux, cote 39).
18. Kontiki a précisé que la notion de " prix publics conseillés " qui figure dans les stipulations des chartes et des accords signés entre 2003 et 2007 doit s'entendre comme visant des " prix maximum conseillés " et non des prix-plancher au-dessous desquels les distributeurs ne seraient pas autorisés à revendre le produit. La société Kontiki a ainsi énoncé que " même si cette rédaction ne mentionnait pas explicitement que les " prix conseillés " étaient des " prix maximum conseillés ", toute ambiguité était dissipée par le libellé de la liste des prix qui était simultanément diffusée et mentionnait de façon très apparente "les prix pratiqués par les revendeurs ne doivent pas être supérieurs aux prix publics conseillés qu'il leur était demandé de ne pas dépasser" ". Elle en déduit que : " Les revendeurs étaient donc parfaitement informés de ce qu'il s'agissait bien de prix maximum conseillés qu'il leur était demandé de ne pas dépasser " (cote 1965).
19. Durant l'année 2006, à la suite des premières auditions menées par les agents de la DGCCRF, Kontiki a modifié les stipulations relatives au respect des prix publics conseillés et au référencement sur Internet figurant dans les différents documents de partenariat qu'elle a conclus avec quatre nouveaux entrants dans son réseau de distribution. Ces contrats, intitulés " conditions particulières ", " accords commerciaux " ou " Charte Diddl " précisaient, dans un article relatif aux remises de fin d'année : " Le prix public est un élément essentiel de l'image de marque des produits Diddl et un prix public élevé nuit fortement à cette image de marque. La société Kontiki préconise de ne pas dépasser les prix publics qu'elle a définis en cohérence avec l'image de marque des produits et le marché tout en assurant au client une excellente rentabilité. Le respect de ce critère se traduit par 2 % de remise en fin d'année " (cotes 1678, 1727, 1731, 1733, 1736, 1740, 1743).
20. La stipulation relative à l'obligation de respect des " prix maximum " telle qu'insérée dans ces documents contractuels de 2006 s'est généralisée et a été incluse dans de nouvelles chartes soumises aux distributeurs à partir du deuxième trimestre de l'année 2007. Le dirigeant de Kontiki a précisé, sur ce point, que " dès que la DGCCRF a fait une observation sur l'article de la charte de partenariat qui stipulait "Dans le cadre du respect des engagements pris ci-dessus par le revendeur, Kontiki s'engage : - à référencer le revendeur sur la liste de revendeurs agréés Diddl de son site internet, www.diddl.fr, sous réserve que le revendeur pratique les prix conseillés par Kontiki", nous avons modifié cette charte " (cotes 1952-1953).
21. Les chartes Diddl conclues à partir du deuxième trimestre 2007 précisent, en leur article 3 : " Le prix public est un élément essentiel de l'image de marque des produits Diddl et un prix public élevé nuit fortement à cette image de marque. Kontiki préconise de ne pas dépasser les prix publics maximum qu'elle a définis en cohérence avec l'image des produits et le marché. Le partenaire s'engage à vendre les produits à un prix inférieur (ou ne dépassant pas) les prix publics maximum conseillés par Kontiki. Le partenaire qui respecte le non dépassement des prix publics maximum conseillés par Kontiki est référencé sur le site Internet Diddl.fr " (cote 1771).
22. Kontiki s'est lancée dans une vaste campagne de renouvellement de signature de ces nouvelles chartes auprès de ses distributeurs (cote 1499). Le directeur de Kontiki a déclaré qu'au 25 octobre 2007, tous " les points de vente n'ont (...) pas signé la charte (environ 1000 sur 1700) " (cote 1693).
23. Parallèlement à la signature des nouvelles chartes, Kontiki a modifié la page relative aux prix de vente sur le site Internet Diddl.fr, sur laquelle a été apportée une précision relative au caractère de " prix-plafond " des prix publics conseillés.
24. En 2008, toute référence à un prix conseillé a disparu et Kontiki a arrêté de faire signer des chartes à ses détaillants. Néanmoins, les mentions de " Ppubl. Conseil " ont continué de figurer sur les grilles tarifaires diffusées sur Internet jusqu'à fin 2009, lorsque les adresses des revendeurs étaient mentionnées.
b) Le document " Devenez partenaire Diddl sur Internet "
25. Parallèlement à la Charte Diddl et aux accords commerciaux, un autre document intitulé " Devenez partenaire Diddl sur Internet " a été diffusé par Kontiki à certains de ses revendeurs dès 2003, puis de manière plus systématique entre juin 2005 et janvier 2007. Il s'agit d'une liste de références composant un assortiment minimum pour figurer sur le site Internet Diddl.fr. Il comprenait les mentions suivantes :
" Pour optimiser ce partenariat dans notre intérêt commun et dans l'intérêt de vos clients, deux soucis doivent nous habiter :
- les fans doivent trouver chez les revendeurs partenaires un assortiment suffisamment représentatif de la collection Diddl ;
- les prix pratiqués par les revendeurs partenaires ne doivent pas être supérieurs aux prix publics conseillés maximum qui apparaissent sur le site " (cote 39).
26. Le directeur de Kontiki a précisé que ce document " ne concernait que l'inscription sur Internet et faisait ainsi doublon avec le modèle de charte existant à l'époque. En effet, la charte Diddl qui a été établie entre 2003 et 2007 (soit environ à la même époque) comportait d'autres engagements de la part de Kontiki dans son article 10 comme la visite régulière [du] détaillant, [destinée] à informer le revendeur des opérations commerciales et des campagnes nationales " (cote 1500).
27. Aucun document de ce type, à la différence de la charte Diddl, n'a été remis par les revendeurs aux enquêteurs de la DGCCRF lors de leurs investigations. Le directeur de Kontiki a indiqué ne pas savoir si ce document " était remis en copie aux revendeurs qui l'ont tous signé et tamponné, ou si nous gardions l'original. La Charte, quant à elle, était toujours adressée en copie à nos clients " (cote 1500).
2. La communication par kontiki de prix de revente à ses distributeurs
28. Kontiki a communiqué des prix de revente à ses détaillants. Cette communication s'est opérée par le biais de différents documents, dès la première implantation des revendeurs et de manière régulière par la suite.
a) La grille tarifaire
29. Kontiki communique à ses distributeurs une grille tarifaire de plusieurs pages intitulée " tarif Kontiki " dès leur première implantation. La grille précise les prix d'achat unitaires hors-taxe des différentes références listées ainsi que les prix public conseillés.
30. Le directeur général de Kontiki a souligné que ce document " est délivré à chaque première implantation de produits Diddl mais est également encore faxé, à leur demande, quand des revendeurs souhaitent connaître le prix d'une ou plusieurs éférences " (cote 1694).
b) La liste figurant sur le site Diddl.fr
31. Une liste des prix conseillés par Kontiki était diffusée sur le site Diddl.fr jusqu'à l'année 2009. La société Kontiki a communiqué aux services d'instruction la liste des références figurant sur son site Internet entre mai 2006 et octobre 2007, soit environ 500 références, correspondant à la quasi-totalité des nouveautés sur la période concernée. Le directeur de Kontiki a précisé, concernant le site Internet Diddl.fr :
" Nous y faisons également figurer les prix publics maximums conseillés (PPMC).
Avant l'indication PPMC, ne figurait que l'indication prix public conseillé. Là encore, nous avons spécifié la notion de maximum à partir de mars 2007 en ajoutant notamment un cadre "A propos" destiné à clarifier notre politique tarifaire. Il est important de noter qu'on stipule bien sur le site que ne figurent que les revendeurs qui se sont engagés à ne pas dépasser les prix maximums " (cotes 1497-1502).
c) Les bons de commande et les bons de livraison
32. Les prix publics conseillés (sous la mention " PPC ") figuraient de manière explicite sur tous les bons de livraison communiqués par les détaillants dans le cadre de l'enquête administrative. L'ensemble des détaillants auditionnés ont confirmé prendre connaissance des prix publics conseillés en se référant d'abord aux bons de livraison. La société Kontiki a substitué la mention " prix publics maximums conseillés " à celle de " prix de vente conseillés " qui figurait sur les bons, suite aux visites des enquêteurs de la DGCCRF, puis a totalement supprimé les mentions relatives aux prix publics conseillés à partir de 2008.
33. Jusqu'à l'année 2007, les prix de vente conseillés étaient également évoqués par les représentants commerciaux lors de leur passage et mentionnés sur les bons de commande. Les 89 détaillants auditionnés lors de l'enquête ont tous confirmé que les prix publics conseillés, sous la mention " PPC ", figuraient sur les bons de commande.
d) Le pré-étiquetage des prix
34. La société Kontiki a déclaré, lors de l'instruction, avoir pré-étiqueté les prix de certaines de ses références. L'enquête administrative a révélé, à l'occasion des relevés de prix effectués en 2006 et en 2007, que 10 à 20 % des références présentes dans les magasins faisaient l'objet d'un pré-étiquetage de la part de Kontiki, soit directement sur l'article, soit sur le support de vente. Les prix ainsi pré-étiquetés correspondaient aux prix conseillés par Kontiki.
35. Plusieurs détaillants ont souligné que certains des produits qui leurs étaient livrés étaient pré-étiquetés, d'autres ont fait part de mentions de prix de vente apparaissant directement sur le matériel publicitaire sur le lieu de vente fourni par Kontiki, notamment sur les présentoirs de cartes.
36. Sur ce point, le gérant de la Papeterie du Pont à Annonay a déclaré : " Les produits nous arrivent en partie pré-étiquetés. C'est à moi d'apposer les autres étiquettes en fonction des prix indiqués sur le bon de commande ainsi que sur le bon de livraison " (cotes 690-691).
37. Le gérant du magasin Fantasio à Villeurbanne a précisé : " En règle générale, la politique du magasin est de suivre les prix publics conseillés par le fournisseur pour être dans les mêmes tarifs que les autres détaillants mais également par simplicité lorsqu'ils sont pré- imprimés " (cotes 777-780).
38. Le responsable du magasin Soho à Montluçon a déclaré : " En matière tarifaire, nous avons 2 fournisseurs qui pratiquent le pré-étiquetage des produits : Kontiki et Nici. Ce pré-étiquetage fait donc apparaître des prix de vente conseillés, l'encadrement est plus souple chez Nici que chez Kontiki, société leader sur le marché (avec la gamme Diddl) " (cotes 1229-1230).
39. Le responsable du magasin Libre Lecture à Grenoble a souligné, lors de son audition, que : " Certains articles sont livrés pré-étiquetés du prix de vente conseillé et pour les autres j'appose moi-même une étiquette de prix. En outre, un présentoir est fourni par Kontiki pour y disposer les cartes animées, les classeurs et les pochettes de collection. Ce présentoir est surmonté d'une "affiche" cartonnée à l'effigie de Diddl et mentionnant le prix de vente des trois articles nommés précédemment, à savoir respectivement 1,50 euro, 9,95euro et 3,95 " (cote 900).
40. Enfin, le gérant de la Librairie Perle Jurassienne à Champagnole a précisé : " Les prix conseillés nous arrivent sur les bons de livraison et sont parfois présents sur des produits pré étiquetés ou sur les présentoirs comme par exemple pour les cartes collectors " (cotes 355-357).
3. Sur la nature des prix conseillés par kontiki et leur application par les distributeurs
41. Les stipulations contractuelles, qu'il s'agisse de la Charte Diddl ou des accords commerciaux signés avec les enseignes et les grands comptes, conditionnent le référencement du revendeur sur le site Internet Diddl.fr au respect des prix publics conseillés.
42. Le directeur de la société Kontiki a déclaré, à cet égard, que " même si cette rédaction ne mentionnait pas explicitement que "les prix conseillés" étaient des "prix maximums conseillés", toute ambiguïté était dissipée par le libellé de la liste des prix qui était diffusée et mentionnait de façon très apparente : "les prix pratiqués par les revendeurs partenaires ne doivent pas être supérieurs aux prix publics conseillés maximums qui apparaissent sur le site" " (cote 1965).
43. Selon Kontiki, jusqu'au début 2007, lorsque les prix pratiqués par les revendeurs dépassaient les prix maximums conseillés par Kontiki sur le site Internet Diddl.fr, l'adresse du magasin était effectivement supprimée du site. A ce titre, les commerciaux de Kontiki produisaient un compte-rendu recensant les suppressions des adresses des magasins (le dernier déréférencement date du 16 janvier 2007) sur le site Internet ainsi que les raisons ayant amené à cette décision.
44. Plusieurs gérants de magasins ont souligné, au contraire, que les prix indiqués par Kontiki sur le site Diddl.fr étaient des prix-plancher et non des prix-plafond. 45. Ainsi, le gérant de la Carterie Boule de Neige à Besançon a notamment précisé : " J'ai connaissance de mes obligations par rapport à la charte. Nous ne figurons pas sur le site internet car nous n'avons pas pris les tourniquets de carte qui ne se vendent pas. Je sais également que nous devons pratiquer les prix publics conseillés (PPC). (...) Nous ne figurons pas sur le site Diddl.fr. Notre établissement y était à une période mais le représentant s'est aperçu que nous ne pratiquions pas les PPC sur les cartes et a décidé que nous devions plus y être " (cote 382).
46. De même, les gérants de la société Victoria, enseigne Soho, ont informé les enquêteurs que : " Nous bénéficions avec Kontiki d'avantages intéressants si nous respectons les prix conseillés, à savoir : désignation du magasin sur le site internet et distribution de sacs de caisse. Il existe donc avec ce fournisseur un encadrement tarifaire assez fort pour respecter les prix de vente conseillés mais il ne s'agit pas d'une imposition de prix limites " (cote 1230).
47. La représentante de la Maison du Stylo à Auxerre a déclaré : " La société Kontiki nous a fait signer une charte de partenariat (...). Ce sont les seuls fournisseurs de cette gamme qui nous ont fait signer une charte. Nous en avons pris connaissance et avons constaté qu'elle mettait essentiellement en exergue le respect des prix de vente et implantations. Je sais qu'en cas de non-respect des prix indiqués, nous risquions de ne plus être référencés sur internet. Nous avons régulièrement des remarques par le représentant, qui fait pression sur le risque de ne plus être référencé sur Internet ou de ne plus avoir de sacs plastiques " (cote 142).
48. L'exploitant du magasin Mathias Décor à Ambérieu-en-Bugey a déclaré que : " Ce ne sont pas des prix minimums ou maximums mais les prix que nous devons respecter " (cote 624).
49. La gérante du Forum Espace Culture à Belfort a précisé : " Nous appliquons les prix conseillés Diddl, nous ne pouvons pas vendre en dessous de ces prix et nous n'avons pas fait de soldes sur ces produits " (cotes 429-430).
50. Seule la gérante du magasin La Parade à Lons-le-Saunier a souligné : " Les prix de vente conseillés sont envoyés avec les bons de livraison. Je les perçois comme un prix de vente maximum conseillé " (cote 333).
4. La surveillance des prix de détail
51. Les prix conseillés pratiqués par les revendeurs des produits Diddl ont fait l'objet de mesures de surveillance par Kontiki et par les distributeurs eux-mêmes, comme décrit ci-après.
La surveillance des prix de vente au détail par Kontiki
La visite régulière d'un représentant de Kontiki
52. Le directeur de Kontiki a déclaré que les représentants de la société pouvaient être amenés à réaliser des relevés de prix " pour les magasins appartenant à des réseaux et pour lesquels nous avons signé des conditions commerciales particulières (...). Aucun relevé n'est réalisé auprès des autres détaillants et les représentants ne vérifient que rarement les prix " (cote 1694).
53. Plusieurs détaillants interrogés par les enquêteurs, et situés dans différentes régions, ont déclaré que le représentant contrôlait les prix qu'ils pratiquaient à l'occasion des visites consacrées à la prise de nouvelles commandes. Ainsi, la responsable dumagasin Cadoon's à Guilherand Granges a déclaré : " Le représentant vérifie les prix de vente en faisant un relevé, ce qu'il a fait hier " (cote 676).
54. L'exploitant de la Maroquinerie Charbois à Bessoncourt a précisé : " Le représentant passe une fois par mois (représentant Kontiki). Il regarde les prix de vente, présente les nouveaux produits " (cote 435).
55. La responsable du magasin La Papethèque à Valence a déclaré : " Les représentants de Kontiki passent environ toutes les 6 semaines et vérifient les prix et la mise en rayon " (cote 1147).
56. La responsable du magasin La Carterie à Bourg-en-Bresse a relevé : " Le représentant Diddl (...) passe chaque mois. Sans relever les prix, il regarde le niveau des prix pratiqués (...). Kontiki - Diddl fait partie des seuls fournisseurs ayant une politique directive au niveau des prix. Les autres fournisseurs ne suivent pas les prix pratiqués en magasin " (cote 604).
57. Le responsable de la librairie Spirale à Oullins a déclaré : " La visite du représentant tous les mois consiste en une vérification des prix et de la mise en valeur des produits ainsi que d'une présentation de nouvelles références " (cote 862).
58. Le responsable du magasin King Jouet à Lure a déclaré : " La représentante regarde les prix de vente étiquetés sur la peluche et la carterie pour voir si nous sommes aux prix de vente conseillés " (cote 532).
59. La responsable du magasin Forum Espace Culture à Belfort a déclaré : " la représentante passe tous les mois et vérifie les prix de vente " (cote 430).
60. La gérante du magasin La Carterie à Annecy a déclaré : " Une commerciale de la société Kontiki passe toutes les quatre semaines à ma demande (...). Lors de sa visite, elle regarde la présentation, le linéaire, les prix et l'offre produit " (cote 1065).
61. Le gérant du tabac-presse-loto à Dampierre sur Salon a déclaré : " (...) un chef de secteur est passé dans le magasin et il a relevé quelques prix de vente " (cote 441).
62. Le gérant de la papeterie du Pont à Annonay a déclaré : " Le représentant passe tous les mois (...). Il regarde le stock et vérifie partiellement l'application des prix de vente " (cote 691).
63. Toutefois, certains distributeurs ont précisé, à l'inverse, que le représentant commercial de Kontiki ne contrôlait pas les prix qu'ils pratiquaient ou, à tout le moins, n'évoquait pas le respect des prix avec eux.
64. L'employée du magasin La Carterie à Auxerre a souligné, concernant le représentant de Kontiki : " Il ne regarde pas les prix de vente " (cote 161).
65. La responsable du magasin Maison de la presse à Saint-Apollinaire a déclaré que le représentant de Kontiki " (...) ne donne aucun conseil relatif au prix " (cote 172).
66. Le responsable du magasin Joupi à Besançon a précisé : " [le représentant] regarde mes rayons (...). Il ne m'a jamais parlé des prix que je pratique " (cote 386).
67. L'exploitante du magasin Libre Lecture à Grenoble a souligné : " Une représentante de la société Kontiki (...) passe dans mon point de vente, à ma demande uniquement, environ toutes les trois semaines. Son rôle consiste alors exclusivement à prendre mes commandes. Elle ne s'intéresse pas aux prix de vente que je pratique " (cote 900).
68. Le PDG de la SA Monde de l'enfant qui exploite le magasin Baby Toys à Albertville a déclaré que la représentante de Kontiki " ne vérifie pas les prix pratiqués en magasin " (cote 1025).
69. Le gérant du magasin Hall de la Presse à Epagny a déclaré : " la commerciale (...) ne vérifie pas nos prix mais elle peut nous reprendre les produits défectueux " (cote 1048).
Les remises accordées par Kontiki à ses distributeurs grands comptes en cas de communication des statistiques de vente
70. Kontiki accordait des remises à ses distributeurs grandscomptes (Virgin, Cadoon's, Gac, Cultura, King Jouet, Picwic, Printemps, Toys'R'Us) contre la communication de leurs statistiques de vente concernant le nombre d'articles vendus et le chiffre d'affaire réalisé par article.
71. Le directeur de Kontiki a déclaré sur ce point, lors de son audition du 6 novembre 2007, qu'" il existe également 1 % de remise si le réseau partenaire communique mensuellement ou 2 fois par mois ses statistiques en nombre d'articles et en CA Diddl sur ces points de vente. C'est le cas notamment pour les conditions commerciales signées avec Cadoon's en février 2007 mais également pour Cultura en 2007. C'est pour nous une façon de connaître les références qui se vendent le plus et de pouvoir ainsi établir notre approvisionnement auprès de Depesche en conséquence " (cote 1499).
La surveillance des prix par les revendeurs : l'incident avec Auchan
72. La société Auchan a fait paraître, à la rentrée scolaire 2006 un catalogue diffusé sur tout le territoire, accompagné de publicités radiophoniques, dans lequel figuraient onze références de produits Diddl à des prix inférieurs de 16 % en moyenne aux prix conseillés par Kontiki. Cette promotion a entraîné de vives réactions de nombreux distributeurs de produits Diddl. Sur ce point, le directeur de Kontiki a expliqué lors de son audition du 6 novembre 2007 : " Concernant la commercialisation d'articles Diddl dans les magasins Auchan à la rentrée 2006, nous avons été informés par un client nous demandant pourquoi nous avions vendu du Diddl à Auchan. Nous avons été informés qu'il y avait notamment des agendas en français sur le projet de catalogue Auchan de la rentrée et ceci nous a beaucoup surpris car nous ne pouvions être que le seul distributeur possible. J'ai été informé en août 2006 par un appel de la trésorière du GAC/La Carterie qu'il y avait du Diddl partout dans les magasins Auchan. Nous avons été alertés par un grand nombre de clients dès le 1er jour de l'opération, par vague; ils se sont adressés directement au siège de Kontiki, les commerciaux étant à l'époque en vacances. Les commerciaux m'ont ensuite contacté en m'indiquant qu'il y avait également des publicités radio en masse, que la publicité sur la rentrée Auchan n'était organisée qu'autour de Diddl et qu'il y avait énormément de PLV Diddl dans les rayons (...). Nous avons alors très vite réagi et enquêté, nous avons ainsi appris que notre fournisseur avait vendu par erreur un grand nombre d'agendas à un distributeur espagnol qui l'avait rétrocédé à la centrale d'Auchan. Nous avons écrit à nos clients pour leur expliquer la situation. Les articles commercialisés par les magasins Auchan étaient vendus à des prix inférieurs au PPMC. Le préjudice en termes d'image est, à mon avis, plus important que le préjudice lié à la non vente des agendas notamment " (cote 1501).
73. A la suite de ces réactions, le directeur de Kontiki a adressé un courrier à ses revendeurs, le 25 août 2006, dans lequel était indiqué : " nous vous avons fait savoir que nous regrettions cette situation et mettions tout en œuvre afin que ce type d'opération ne se reproduise plus (...) nous espérons que cette réaction rapide sera le gage de notre confiance renouvelée " (cote 97).
5. Sur les prix effectivement pratiqués par les distributeurs
74. La majorité des distributeurs interrogés par les enquêteurs de la DGCCRF ont déclaré appliquer les prix conseillés par Kontiki.
75. Seuls deux distributeurs, parmi les 97 qui ont été auditionnés, ont expressément mentionné ne pas faire application des prix conseillés. Ainsi, l'exploitant du tabac presse Ph. X... à Dampierre a déclaré : " (...) je n'ai pas un chiffre d'affaires suffisamment important pour respecter les prix conseillés de vente " (cote 442). De même, le responsable de la carterie Boule de Neige à Besançon a déclaré : " Nous ne figurons plus sur le site Diddl.fr. Notre établissement y était à une période mais le représentant s'est aperçu que nous ne pratiquions pas les PPC sur les cartes et a décidé que nous ne devions plus y être ".
<EMPLACEMENT TABLEAU>
76. Par ailleurs, les relevés de prix effectués par les services d'enquête de la DGCCRF en janvier et en février 2006, ainsi qu'en novembre 2006 et jusqu'en juin 2007, montrent un fort alignement des prix effectivement pratiqués par les revendeurs sur les prix publics conseillés par Kontiki. L'échantillon de revendeurs retenus comprenait 20 départements correspondant à quatre régions (Rhône-Alpes, Bourgogne, Franche Comté et Auvergne). Les prix ont été relevés dans 74 points de vente comptant des établissements indépendants, franchisés ou appartenant à un réseau intégré. Les 2200 prix relevés ont concerné près de 500 références Diddl distinctes dans toutes les gammes commercialisées, soit en moyenne plus de 20 prix relevés par point de vente.
77. Sur l'ensemble des prix relevés, le pourcentage des prix identiques aux prix publics conseillés est supérieur à 80 % (plus de 88 % si l'on intègre les prix arrondis à l'euro le plus proche).
6. Sur l'existence de pressions exercées par kontiki sur les revendeurs pour les dissuader de pratiquer des prix inférieurs aux prix publics conseillés
78. Plusieurs détaillants font état d'avertissements ou d'actes de pression de la part des représentants de Kontiki lorsqu'ils s'étaient écartés, à la baisse, des prix conseillés.
79. Sur ce point, la responsable du magasin K'Do Cards à Moulins a déclaré : " Les représentants de la marque nous ont fait savoir que nous étions tenus d'appliquer des prix conseillés, étant précisé que les représentants vérifient, dans le magasin l'application effective des prix. À titre d'illustration, je précise que ce fournisseur n'accepte pas volontiers les rabais, soldes et promotions sur ces produits. Nous avons été avertis que nous ne serions pas livrés si nous pratiquions des prix inférieurs aux prix conseillés " (cote 1205).
80. Le représentant du magasin La Carterie à Vichy a indiqué : " Il existe un système d'encadrement tarifaire assimilable à des prix imposés avec un pré-étiquetage sur certains articles, l'indication de prix de vente conseillés sur le bordereau de livraison, une pratique commerciale directive : pas de possibilité d'effectuer de la publicité, pas de soldes/promotions, interdiction de cartes de fidélité. Je précise que j'applique les prix indiqués par le fournisseur " (cotes 1215-1216).
81. La responsable des achats et des ventes du magasin Zola Décines Presse à Décines-Chapieu a précisé également : " Je n'avais jamais remarqué la présence d'un prix public maximum conseillé sur les bons de livraison, cela doit être une erreur dans la mesure où Kontiki insiste pour que nous ne fassions pas de promotions ou de prix inférieurs " (cote 817).
82. Le responsable de la Sarl Rolland et Garcia Avenue of the Stars à Vichy a déclaré : " Avec Diddl, il n'est pas envisageable de faire des promotions ou soldes sachant qu'il pourrait en résulter des difficultés commerciales avec ce fournisseur " (cote 1169).
83. Le responsable de la Papeterie du Pont à Annonay a déclaré : " Les prix de vente publics au consommateur figurent sur le bon de commande sous le libellé PPC (prix public conseillé). On m'a conseillé de les appliquer. Le représentant m'a expliqué que dans le cas où ces prix ne seraient pas respectés, je ne serai plus un partenaire privilégié et je ne bénéficierai plus de conditions avantageuses " (cote 691).
84. Le responsable de la librairie Spirale à Oullins a exposé : " Kontiki n'est pas très chaud à l'idée de voir des promotions sur ses produits. Pour exemple, l'année dernière à la même époque, nous avons reçu des remarques de la part du représentant sur des promotions en cours de réalisation et il nous été demandé de les stopper, ceci n'étant pas la politique de Kontiki (...). Les promotions que nous réalisons maintenant (parures de lit essentiellement) seront arrêtées avant le passage du représentant " (cote 861).
85. La représentante du magasin Instants magiques à Lamastre, qui vend des articles Diddl en s'approvisionnant en Allemagne ou par rétrocession auprès d'un revendeur de Kontiki, a indiqué aux enquêteurs : " Je fixe moi-même les prix de vente en évitant trop d'écart avec les prix pratiqués en France que je connais par l'intermédiaire de Fantasia ou par un relevé de prix chez Cadoons'. Par contre, je peux me permettre de faire des soldes alors que pour Fantasia, par exemple, cela est strictement interdit par Kontiki (même si certains le font quand même, notamment s'ils sont ouverts le dimanche, pour éviter un contrôle du représentant " (cote 723).
86. La cogérante du tabac-presse Fran'Jeux à Francheville a précisé que, lors du contrôle des prix effectivement pratiqués, le représentant de Kontiki n'a fait de remarque sur les prix qu'à une seule occasion " (...) liée au fait que la promotion était affichée et bien en vue. A cette occasion, compte tenu du surstock que j'avais et des explications que je lui ai donné, le représentant a été sensible à ma situation et nous a laissé poursuivre, d'un commun accord et exceptionnellement, la réduction de prix pendant quelques jours si j'enlevais la banderole de promotion en vitrine " (cote 867).
87. La gérante de La Carterie à Belfort a précisé : " Nous sommes obligés d'appliquer les prix publics conseillés, il s'agit d'une contrainte. [La représentante] sait que je pratique ces prix publics conseillés. Nous ne pouvons pas faire d'opérations promotionnelles mais nous avons eu l'accord de solder quelques articles textiles (ancienne collection) " (cotes 399-400).
88. Certains distributeurs ont déclaré pratiquer des promotions sans solliciter l'autorisation préalable des représentants de Kontiki. Ces promotions concernaient principalement des produits saisonniers, bradés en fin de saison. L'exploitant de la librairie Libre Lecture à Grenoble a ainsi déclaré : " Il m'arrive ponctuellement de pratiquer des prix inférieurs aux prix conseillés. En ce moment par exemple, période de soldes, je pratique une réduction de 30 % sur les prix de vente d'articles " dépassés " (cahiers de texte, agendas 2006/2007) " (cote 900).
89. De même, l'exploitante du magasin L'Enchanté à Riom-ès-Montagnes a déclaré : " Il m'arrive ponctuellement de faire une promotion sur un article pour mieux le vendre (calendrier) " (cote 1253). De même, la représentante de la librairie Passe Temps à Tarare a précisé : " Pour la promotion des trousses (...) d'une collection précédente, il sera fait une remise exceptionnelle d'un ou deux euro. Nous ne comptons pas avertir le représentant de Kontiki pour des remises aussi faibles " (cote 800).
C. Le grief notifié
90. Par courrier du 31 mai 2010, la rapporteure générale de l'Autorité a notifié à Kontiki le grief suivant : " Il est fait grief à l'entreprise Kontiki SAS de s'être entendue de 2003 à 2007 avec l'ensemble de ses distributeurs pour fixer un prix de revente au consommateur des articles Diddl. Cette pratique est contraire aux articles L. 420-1 du Code de commerce et 101 paragraphe 1 TFUE ".
II. Discussion
A. Sur le fond
1. Sur l'applicabilité du droit de l'union
91. Kontiki soutient qu'il ne peut être fait application de l'article 101 du TFUE dans la présente espèce. Elle allègue qu'il ne peut être conclu à l'existence d'une pratique mise en œuvre sur la totalité du territoire national dans la mesure où l'enquête a porté sur des départements contigus et non sur tous les départements français. Elle avance, par ailleurs, que les conditions rappelées par la communication n° 2004-C 101-07 de la Commission européenne du 27 avril 2004 portant lignes directrices relatives à la notion d'affectation du commerce figurant aux articles 81 et 82 du traité (JO 2004 C 101, p. 81, ci-après les " lignes directrices ") n'ont pas été établies de manière suffisamment précise en l'espèce.
92. L'article 101, paragraphe 1, du TFUE prohibe les accords horizontaux ou verticaux ayant pour objet ou pour effet de porter atteinte à la concurrence et qui sont susceptibles d'affecter le commerce entre États membres. Se fondant sur la jurisprudence européenne et à la lumière des lignes directrices, l'Autorité considère, avec constance, que trois éléments doivent être démontrés pour établir que des pratiques sont susceptibles d'affecter sensiblement le commerce entre États membres : l'existence d'échanges entre États membres portant sur les produits ou les services faisant l'objet de la pratique, l'existence de pratiques susceptibles d'affecter ces échanges et le caractère sensible de cette possible affectation.
93. Dans les cas d'ententes s'étendant à l'intégralité ou à la vaste majorité du territoire d'un État membre, le Tribunal de première instance des Communautés européennes (devenu depuis le Tribunal de l'Union européenne, ci-après le " Tribunal "), dans un arrêt du 14 décembre 2006, Raiffeisen Zentralbank Österreich e.a./Commission (T-259-02 à T-264-02 et 271-02, Rec. p. II-5169, point 181) a jugé " qu'il existe, à tout le moins, une forte présomption qu'une pratique restrictive de la concurrence appliquée à l'ensemble du territoire d'un État membre soit susceptible de contribuer au cloisonnement des marchés et d'affecter les échanges intracommunautaires. Cette présomption ne peut être écartée que si l'analyse des caractéristiques de l'accord et du contexte économique dans lequel il s'insère démontre le contraire ". Sur pourvoi, la Cour de justice a précisé à cet égard, dans un arrêt du 24 septembre 2009, Erste Group Bank/Commission (C-125-07 P, C-133-07 P, C-135-07 P et C-137-07 P, Rec. p. I-8681, point 38), que : " (...) le fait qu'une entente n'ait pour objet que la commercialisation des produits dans un seul État membre ne suffit pas pour exclure que le commerce entre États membres puisse être affecté. En effet, une entente s'étendant à l'ensemble du territoire d'un État membre a, par sa nature même, pour effet de consolider des cloisonnements de caractère national, entravant ainsi l'interpénétration économique voulue par le traité CE ".
94. En l'espèce, la pratique en cause a consisté, pour Kontiki, à conclure un ensemble de contrats pour la distribution des produits Diddl avec des revendeurs situés en divers points du territoire national. Cet ensemble d'accords, dans la mesure où il porte sur la commercialisation et en particulier sur les prix de vente au détail des produits en cause, ainsi que sur certaines modalités d'entrée ou de sortie des revendeurs dans le réseau de partenaires commerciaux de Kontiki sur le territoire français, est, eu égard à sa nature, à son ampleur géographique et à son économie, susceptible d'affecter les échanges entre États membres. Aucune des caractéristiques de l'accord ou du contexte économique dans lequel il s'insère, parmi celles invoquées par Kontiki, ne permet d'écarter cette présomption.
95. En particulier, la circonstance que l'enquête a été menée sur certains départements seulement et non sur la totalité du territoire ne peut conduire à la renverser. Il n'est en effet pas nécessaire, pour que le droit de l'Union soit applicable à une entente verticale, de démontrer que les distributeurs qu'elle concerne sont implantés en tous points du territoire national. Il doit en revanche être relevé que la politique commerciale de Kontiki, telle qu'elle ressort notamment des versions successives des documents contractuels diffusés aux distributeurs, porte sur une gamme de produits susceptibles d'être vendus par Kontiki sur l'ensemble du territoire et tend à régir les relations de cette entreprise avec la généralité de ses revendeurs, indépendamment de leur point d'implantation géographique exact. Par ailleurs, la pratique en cause a notamment impliqué l'utilisation d'un site Internet dont il n'est pas prétendu qu'il ne serait pas accessible en tout lieu du territoire. La pratique en cause et la politique commerciale qui la fonde n'ont, en d'autres termes, manifestement pas été conçues dans un cadre départemental ou régional, mais ont tendu à s'appliquer sur l'ensemble du territoire national au sens de la jurisprudence précitée.
96. Il est également indifférent que l'offre comme la demande de produits Diddl soient strictement nationales. En effet, si Kontiki est le distributeur exclusif des produits Diddl importés d'Allemagne, cette exclusivité territoriale n'est pas absolue.
L'enquête a révélé l'existence d'au moins un revendeur commercialisant des produits Diddl acquis directement auprès d'une société allemande (cote 723). Par ailleurs, l'enseigne Auchan a été en mesure de commercialiser des articles Diddl qui lui avaient été rétrocédés par un distributeur espagnol afin d'effectuer une campagne promotionnelle au cours de la rentrée scolaire 2006. Enfin, et surtout, l'argument lui-même repose sur le constat que les produits Diddl sont importés d'Allemagne, élément factuel qui confirme, plus qu'il n'infirme, l'idée selon laquelle la pratique en cause peut être de nature à consolider un certain cloisonnement du marché français au sens de la jurisprudence précitée.
97. Il résulte de ce qui précède que les pratiques en cause sont susceptibles d'affecter sensiblement les échanges entre États membres et doivent dès lors être examinées au regard de l'article 101 du TFUE.
2. Sur la définition du marché pertinent
98. Il résulte d'une jurisprudence constante des juridictions de l'Union que l'obligation d'opérer une délimitation du marché en cause dans une décision adoptée en application de l'article 101 du TFUE s'impose aux autorités de concurrence uniquement lorsque, sans une telle délimitation, il n'est pas possible de déterminer si l'accord, la décision d'association d'entreprises ou la pratique concertée en cause a pour objet ou pour effet d'empêcher, de restreindre ou de fausser le jeu de la concurrence à l'intérieur du marché commun (arrêt du Tribunal du 12 septembre 2007, William Prym/Commission, T-30-05, Rec. p. II-107, point 86, citant les arrêts du Tribunal du 15 septembre 1998, European Night Services e.a./Commission, T-374-94, T-375-94, T-384-94 et T-388-94, Rec. p. II-3141, points 93 à 95 et 103, et du 19 mars 2003, CMA CGM e.a./Commission, T-213-00, Rec. p. II-913, point 206).
99. En droit interne, l'Autorité considère de même que, lorsque les pratiques qui ont fait l'objet de la notification des griefs sont examinées au titre de la prohibition des ententes, il n'est pas nécessaire de définir le marché avec la même précision qu'en matière d'abus de position dominante. Il suffit que le secteur soit déterminé avec assez de précision pour permettre d'apprécier l'incidence des pratiques en cause sur la concurrence (voir en ce sens notamment la décision n° 10-D-04 du 26 janvier 2010 relative à des pratiques mises en œuvre dans le secteur des tables d'opération, paragraphe 108).
100. En l'occurrence, les produits à l'effigie de Diddl sont caractérisés par leur variété (cartes postales, figurines, fournitures scolaires, etc.) et par la fréquence de leur renouvellement (près de 300 références par an en moyenne). Le personnage Diddl ne peut ainsi être associé à un type de produits particulier, ces derniers servant uniquement de vecteur pour la marque. Dans ce contexte, il apparaît pertinent d'appréhender la pratique dans le cadre d'un secteur plus large, qui est celui des articles et gadgets de fantaisie.
101. Les produits à l'effigie de Diddl ont disposé, dans ce cadre, d'un véritable pouvoir de marché. En effet, ces produits se distinguent des autres articles de fantaisie par leurs caractéristiques spécifiques, rappelées au paragraphe précédent, et la circonstance qu'ils ont été à l'origine d'un phénomène de mode sans précédent. Sur ce point, le directeur de Kontiki a souligné, lors de son audition du 27 octobre 2007 : " Au jour d'aujourd'hui, je ne vois pas de véritable concurrent à Diddl. Sur le créneau du personnage affectif, nous retrouvons Hello Kitty et Pucca qui sont des petits concurrents en termes de volumes et de CA en France. (...) Titeuf et Babar ne sont pas considérés comme de véritables concurrents du fait du faible volume généré par les produits dérivés " (cote 1690). Ce pouvoir de marché a été particulièrement notable durant les années 2005-2006, pendant lesquelles le phénomène de " Diddlmania " a atteint son paroxysme.
102. Concernant la dimension géographique à prendre en considération pour appréhender la pratique, il y a lieu de rappeler que celle-ci a, comme indiqué ci-dessus, tendu à régir les relations commerciales de Kontiki et de ses revendeurs sur le territoire national indépendamment du point d'installation de ces derniers. Cette dimension nationale n'exclut naturellement pas que, compte tenu des spécificités propres à la distribution au détail de produits tels que ceux en cause en l'espèce, l'existence de zones de chalandise locales puisse jouer un rôle dans l'analyse.
3. Sur les griefs
a) Sur l'existence d'une restriction de la concurrence par objet
103. Les articles 101, paragraphe 1 du TFUE et L. 420-1 du Code de commerce prohibent notamment toute entente entre fournisseurs et distributeurs ayant pour objet ou pour effet d'empêcher, de fausser ou de restreindre la fixation des prix aux consommateurs par le libre jeu de la concurrence.
104. La Cour de justice a énoncé, dans son arrêt du 4 juin 2009, T-Mobile (C-8-08, Rec. 2009, p. I-4529), qu'une pratique concertée a un objet anticoncurrentiel " lorsque, en raison de sa teneur ainsi que de sa finalité et compte tenu du contexte juridique et économique dans lequel elle s'insère, elle est concrètement apte à empêcher, à restreindre ou à fausser la concurrence au sein du marché commun. Il n'est pas nécessaire que la concurrence soit réellement empêchée, restreinte ou faussée ni qu'il existe un lien direct entre cette pratique concertée et les prix à la consommation " (point 43). Les juridictions de l'Union et les juridictions internes ont aussi considéré des pratiques de prix imposés, revêtant différentes formes, comme des restrictions de la concurrence par leur objet même (voir notamment, en ce sens, l'arrêt du Tribunal du 13 janvier 2004, JCB/Commission, T-67-01, Rec. p. II-49, point 121, et l'arrêt de la Cour d'appel de Paris du 28 janvier 2009, Epsé Joué Club).
105. Pour apprécier l'objet anticoncurrentiel d'une clause contractuelle, la Cour de justice a également rappelé, dans son arrêt du 13 octobre 2011, Pierre Fabre Dermo-Cosmétique (C-439-09, non encore publié au recueil) qu' " il convient de s'attacher à la teneur de [cette] clause, aux objectifs qu'elle vise à atteindre, ainsi qu'au contexte économique et juridique dans lequel elle s'insère " (point 35).
b) Sur le standard de la preuve d'une entente verticale
106. Il ressort d'une jurisprudence constante que la preuve d'une entente verticale requiert la démonstration de l'accord de volontés des parties à l'entente. Les juridictions de l'Union jugent avec constance que, pour qu'il y ait accord, " il suffit que deux entreprises au moins aient exprimé leur volonté commune de se comporter sur le marché d'une manière déterminée " (arrêts de la Cour de justice du 15 juillet 1970, ACF Chemiefarma/Commission, 41-69, Rec. p. 661, point 112, du 11 janvier 1990, Sandoz Prodotti Farmaceutici/Commission, C-277-87, Rec. p. I-45, point 13, et du Tribunal du 26 octobre 2000, Bayer/Commission, T-41-96, Rec. p. II-3383, point 67). La Cour d'appel de Paris a dans le même sens rappelé que l'accord de volontés est démontré lorsque sont établis l'invitation d'une partie à l'accord à mettre en œuvre une pratique et l'acquiescement d'au moins une autre partie à cette invitation (Cour d'appel de Paris, 28 janvier 2009, Epsé Joué Club).
107. La preuve de l'accord de volontés entre les parties peut être établie en se fondant sur des éléments de toute nature. Le Tribunal a énoncé à cet égard que : " (...) la notion d'accord au sens de l'article [101, paragraphe 1,] du traité, telle qu'elle a été interprétée par la jurisprudence, est axée sur l'existence d'une concordance de volontés entre deux parties au moins, dont la forme de manifestation n'est pas importante pour autant qu'elle constitue l'expression fidèle de celles-ci " (arrêt Bayer/Commission précité, point 69). Dans cette même affaire, le Tribunal a précisé que " [l]a preuve d'un accord entre entreprises au sens de [101, paragraphe 1,] du traité doit reposer sur la constatation directe ou indirecte de l'élément subjectif qui caractérise la notion même d'accord, c'est-à-dire d'une concordance de volontés entre opérateurs économiques sur la mise en pratique d'une politique, de la recherche d'un objectif ou de l'adoption d'un comportement déterminé sur le marché, abstraction faite de la manière dont est exprimée la volonté des parties de se comporter sur le marché conformément aux termes dudit accord " (arrêt Bayer/Commission précité, point 173).
108. Le Tribunal a, de plus, rappelé, dans son arrêt du 27 septembre 2006, GlaxoSmithKline Services/Commission (T-168-01, Rec. p. II-2969, point 83, non remis en cause par l'arrêt de la Cour de justice du 6 octobre 2009, GlaxoSmithKline Services/Commission, C-501-06 P, C-513-06 P, C-515-06 P et C-519-06 P, Rec. p. I-9291), qu'en présence de preuves documentaires ou contractuelles, il n'est pas besoin de recourir, au surplus, à l'étude de preuves de nature comportementale.
Le Tribunal a ainsi précisé : " [les éléments démontrant l'existence des faits constitutifs des infractions] peuvent constituer des preuves directes, prenant par exemple la forme d'un écrit (arrêt du Tribunal du 15 mars 2000, Cimenteries CBR e.a./Commission, T-25-95, T-26-95, T-30-95 à T-32-95, T-34-95 à T-39-95, T-42-95 à T-46-95, T-48-95, T-50-95 à T-65-95, T-68-95 à T-71-95, T-87-95, T-88-95, T-103-95 et T-104-95, Rec. p. II-491, point 862, et, sur pourvoi, arrêt Aalborg Portland e.a./Commission, point 55 supra, point 237), ou, à défaut, des preuves indirectes, matérialisées par exemple par un comportement (arrêt Bayer/Commission, point 47 supra, point 73, et, sur pourvoi, arrêt BAI et Commission/Bayer, point 82 supra, point 100) ".
109. De même, la Cour d'appel de Paris, dans son arrêt Epsé Joué Club précité, a souligné que " s'agissant d'une entente sur les prix, [la démonstration de l'accord de volontés] résulte soit de la signature de clauses contractuelles claires, soit de la réunion d'un faisceau d'indices précis, graves et concordants, généralement constituée par l'évocation, entre fournisseurs et distributeurs, des prix de revente au public, la mise en œuvre d'une police ou au moins d'une surveillance des prix et le constat que les prix évoqués ont été effectivement appliqués, la preuve de chacun de ces indices étant elle-même libre et pouvant être établie par tout moyen ".
110. Dans la décision n° 07-D-06 du 28 février 2007 relative à des pratiques mises en œuvre dans le secteur des consoles de jeux et des jeux vidéo, le Conseil de la concurrence lui-même a rappelé que " [l'acquiescement des parties à l'accord] peut résulter de tout moyen par lequel une entreprise peut marquer sa volonté, de façon expresse ou tacite : la signature d'un contrat, prévoyant explicitement que le détaillant communiquera sur un prix précis ou pratiquera un tel prix, constitue le plus évident de ces moyens ".
111. Enfin, dans la décision n° 07-D-50 du 20 décembre 2007 relative à des pratiques mises en œuvre dans le secteur de la distribution de jouets, le Conseil de la concurrence a rappelé que la signature d'un contrat de distribution impliquant le respect de la politique commerciale ou de la politique de communication du fabricant par les revendeurs démontre, à suffisance, l'existence d'une entente sur les prix de revente.
c) L'appréciation au cas d'espèce
112. Kontiki conteste l'existence d'une entente ayant un objet anticoncurrentiel entre elle et ses distributeurs en l'espèce. Elle dément en particulier que le vocable de " prix conseillés " auquel il est fait référence dans la charte Diddl et divers autres documents commerciaux ait pu viser des prix que les revendeurs étaient tenus de respecter et soutient qu'il s'agissait, en réalité, de prix maximum. Au soutien de cet argument, Kontiki invoque l'existence d'un document intitulé " Devenez partenaire Diddl sur Internet ", dans lequel figurait la mention " prix maximum ", ainsi qu'un courrier signé du directeur départemental de la direction départementale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DDCCRF) du Cher (cote 1876) qui rappelle que la communication de prix maximum n'est pas illégale en tant que telle.
113. Les lignes directrices n° 2010-C 130-01 de la Commission européenne du 19 mai 2010 sur les restrictions verticales (JOUE C 130/1), qui peuvent être considérées comme un guide d'analyse utile à cet égard, indiquent notamment qu'" un prix de revente peut aussi être imposé par des moyens indirects. A titre d'exemples, on pourrait citer (...) un accord qui subordonne au respect d'un niveau de prix déterminé l'octroi de ristournes ou le remboursement des coûts promotionnels par le fournisseur, (...) ainsi que des menaces, des intimidations, des avertissements, des sanctions, des retards ou suspensions de livraison ou la résiliation de l'accord en cas de non-respect d'un niveau de prix donné. L'efficacité des moyens directs ou indirects de fixation des prix peut être accrue si ces moyens sont combinés avec des mesures visant à détecter les distributeurs qui vendent à bas prix (comme la mise en œuvre d'un système de surveillance des prix ou l'obligation pour le détaillant de dénoncer les autres membres du réseau de distribution qui s'écartent du niveau de prix standard). De la même manière, la fixation directe ou indirecte des prix peut être rendue plus efficace si ces moyens sont combinés avec des mesures susceptibles de dissuader l'acheteur de diminuer le prix de vente (lorsque, par exemple, le fournisseur imprime un prix de vente recommandé sur le produit ou oblige l'acheteur à appliquer une clause "du client le plus favorisé"). Les mêmes moyens indirects et les mêmes mesures d'accompagnement peuvent être utilisés pour faire d'un prix maximal ou recommandé l'équivalent d'un prix de vente imposé " (point 48).
114. En l'espèce, il ressort des constatations qui précèdent que, entre 2003 et le premier trimestre 2007, Kontiki a conditionné, dans la charte Diddl, le référencement de ses distributeurs sur le site Internet Diddl.fr au respect par ces derniers des prix de revente qu'elle leur communiquait sous l'apparence de " prix publics conseillés " ou de " prix maximum ". En conditionnant cet avantage au respect des prix communiqués et en limitant, ce faisant, la concurrence par les prix, Kontiki a conféré à cet accord un objet anticoncurrentiel. Il ressort aussi des stipulations des articles 6 et 10 des chartes Diddl et des articles 6 et 12 des accords commerciaux de Kontiki, signés par ses distributeurs entre 2003 et le premier trimestre 2007, et décrits aux points 14 et suivants ci-dessus, que Kontiki et ses distributeurs se sont mis d'accord pour conférer aux prix communiqués à ces derniers le caractère de prix imposés, quelle que soit la dénomination que la société Kontiki ait pu leur donner. En signant les documents contractuels dans lesquels ces clauses figuraient, les revendeurs de produits Diddl ont exprimé leur accord avec une politique de prix imposés.
115. Si, comme l'a indiqué la DDCCRF du Cher dans un courrier adressé à un revendeur de produits Diddl, " la législation n'interdit pas la pratique du prix conseillé " ce n'est que dans la mesure où les prix qualifiés de " prix conseillés " ne jouent pas en réalité, compte tenu de l'économie des relations commerciales dans lesquelles ils s'insèrent, et notamment de leur rapprochement avec d'autres stipulations contractuelles, ainsi que de la façon dont ils sont mis en œuvre, comme des prix imposés que les distributeurs acceptent de pratiquer, quelle que soit la forme de cette acceptation.
116. En l'espèce, il a été établi que les représentants de Kontiki, aussi bien que divers revendeurs de produits Diddl, ont bien compris les prix conseillés par Kontiki comme des prix devant en réalité être respectés (paragraphes 44 à 49 ci-dessus). Plusieurs détaillants ont également fait état d'avertissements ou d'actes de pression explicites de la part des représentants de Kontiki lorsqu'ils appliquaient des prix de revente inférieurs aux prix conseillés par le fournisseur (paragraphes 78 à 89 ci-dessus).
117. Il est également établi que des revendeurs de produits Diddl ont, de manière significative, appliqué les prix communiqués par Kontiki (paragraphes 74 à 77 ci-dessus), en ne pratiquant des prix inférieurs à ces derniers que de manière exceptionnelle sur une gamme de produits limitée, lorsqu'ils y étaient autorisés par Kontiki, ou, à tout le moins, lorsqu'ils n'en étaient pas dissuadés. Dans ces conditions, la circonstance que Kontiki n'a pas procédé, de manière systématique, au déréférencement du site Internet Diddl.fr de tous les revendeurs qui ont effectivement pratiqué des prix de revente inférieurs aux prix conseillés est inopérante, puisque la mise en œuvre effective de cette procédure n'était pas, de manière générale, nécessaire au respect des prix attendus par Kontiki par les revendeurs.
118. Enfin, contrairement à ce que soutient Kontiki, les stipulations relatives aux prix de revente figurant dans d'autres documents signés par les revendeurs, en parallèle de la charte Diddl, ne sont pas de nature à remettre en cause la compréhension commune des parties telle que décrite ci-dessus. En effet, le document " Devenez partenaire Diddl sur Internet ", diffusé par Kontiki parallèlement à la charte Diddl jusqu'à 2007, qui prévoit que : " pour optimiser ce partenariat dans notre intérêt commun et dans l'intérêt de vos clients, deux soucis doivent nous habiter : (...) les prix pratiqués par les revendeurs partenaires ne doivent pas être supérieurs aux prix publics conseillés maximums qui apparaissent sur le site ", ne contient aucune stipulation remettant explicitement en cause, de manière non équivoque, l'obligation de respecter les prix publics conseillés résultant de la lecture combinée des articles 6 et 12 de la charte Diddl évoquée au paragraphe 114 ci-dessus. Rien, dans ces documents, n'informe les distributeurs que leurs clauses se substituent intégralement à celles de la charte Diddl et des accords commerciaux. Par ailleurs, ce contrat n'a été conclu par Kontiki qu'avec une partie seulement de ses revendeurs et n'a pu être produit par aucun d'entre eux lors de l'enquête - à la différence de la charte Diddl qui a été signée de manière systématique à l'installation de chaque nouveau revendeur à partir de 2003.
119. Il résulte de ce qui précède que, sur la période 2003/2007, la preuve du consentement des parties à l'entente résulte de l'existence de la charte Diddl et des accords commerciaux signés par les parties, dans le contexte dans lequel ces documents sont intervenus. Ce consentement est confirmé par les comportements de Kontiki et des distributeurs qui démontrent que les prix " conseillés " ou " maximum " ont bien été entendus, de part et d'autre, comme des prix imposés. L'apparence formelle des clauses et la terminologie utilisée par les parties est donc insusceptible de faire échec à la qualification de prix de revente imposés, un prix présenté comme " maximal " ou " recommandé " pouvant, par le jeu du comportement effectif des parties ou d'autres clauses contractuelles, tendre à fonctionner d'une façon équivalente à un prix de revente imposé.
120. Il n'est, dès lors, pas besoin d'établir que les ristournes que Kontiki avait conditionnées au respect des prix conseillés, ou encore l'avantage en terme de publicité résultant de la mention du magasin sur le site Internet Diddl.fr, apparaissaient comme suffisamment attractifs pour emporter le respect du prix souhaité par le fournisseur. Enfin, comme l'avait rappelé le Conseil de la concurrence dans sa décision n° 07-D-06 du 28 février 2007 relative à des pratiques mises en œuvre dans le secteur des consoles de jeux et des jeux vidéo, il n'est pas non plus besoin, dès lors que la preuve de l'accord de volontés entre les parties à l'entente a été établie sur le fondement d'éléments de nature documentaire ou contractuelle, de démontrer que les distributeurs ont effectivement respecté cet engagement ou qu'une proportion anormale des prix effectivement communiqués ou pratiqués sur la période concernée est alignée sur les prix conseillés par le fournisseur.
121. En vertu d'une jurisprudence constante, dès lors que l'objet anticoncurrentiel d'un accord est démontré, il n'est pas nécessaire d'établir l'existence des effets qu'il est à même d'engendrer. Sur ce point, la Cour de justice a rappelé, dans son arrêt TMobile précité, que " (...) l'objet et l'effet anticoncurrentiel sont des conditions non pas cumulatives, mais alternatives pour apprécier si une pratique relève de l'interdiction énoncée à l'article 81, paragraphe 1, CE " (point 28). Dans cette même affaire, la Cour de justice a également précisé qu'" (...) il n'est pas nécessaire d'examiner les effets d'une pratique concertée dès lors que l'objet anticoncurrentiel de cette dernière est établi " (point 30). Il en résulte qu'il n'est pas nécessaire, en l'espèce, d'établir l'existence des effets actuels ou potentiels que l'accord entre Kontiki et ses distributeurs a pu produire.
122. Il résulte de l'ensemble des considérations qui précèdent que Kontiki s'est entendue avec ses distributeurs, sur une période comprise entre le début de l'année 2003 et le premier trimestre de l'année 2007, sur les prix de revente des produits Diddl.
123. Il convient d'ajouter que des pratiques de prix imposés ne sont pas susceptibles de bénéficier de l'exemption par catégorie, prévue par le règlement (UE) n° 330-2010 de la Commission européenne du 20 avril 2010 concernant l'application de l'article 101, paragraphe 3, du traité à des catégories d'accords verticaux et de pratiques concertées (JOUE L 102/1), tel qu'il est éclairé par les lignes directrices du 19 mai 2010 précitées, qui considèrent ces pratiques comme des " restrictions caractérisées ".
124. Par ailleurs, aucune demande n'ayant été formulée en ce sens par Kontiki, il n'y a pas lieu d'examiner si la pratique pourrait éventuellement être justifiée sur le fondement des articles 101, paragraphe 3, du TFUE et L. 420-4 du Code de commerce.
B. Sur la sanction
125. Le I de l'article L. 464-2 du Code de commerce et l'article 5 du règlement (CE) n° 1-2003 du Conseil du 16 décembre 2002 relatif à la mise en œuvre des règles de concurrence prévues aux articles 81 et 82 du traité habilitent l'Autorité à imposer des sanctions pécuniaires aux entreprises et aux organismes qui se livrent à des pratiques anticoncurrentielles interdites par les articles L. 420-1 du Code de commerce et 101 du TFUE.
126. Aux termes du quatrième alinéa du I de l'article L. 464-2 du Code de commerce, la sanction pécuniaire maximum qui peut être imposée à une entreprise est " de 10 % du montant du chiffre d'affaires mondial hors taxes le plus élevé réalisé au cours d'un des exercices clos depuis l'exercice précédant celui au cours duquel les pratiques ont été mises en œuvre. Si les comptes de l'entreprise concernée ont été consolidés ou combinés en vertu des textes applicables à sa forme sociale, le chiffre d'affaires pris en compte est celui figurant dans les comptes consolidés ou combinés de l'entreprise consolidante ou combinante ".
127. Le troisième alinéa du I de l'article L. 464-2 du Code de commerce prévoit que " les sanctions pécuniaires sont proportionnées à la gravité des faits reprochés, à l'importance du dommage causé à l'économie, à la situation individuelle de l'organisme ou de l'entreprise sanctionné ou du groupe auquel l'entreprise appartient et à l'éventuelle réitération de pratiques prohibées par le [titre VI du livre IV du Code de commerce]. Elles sont déterminées individuellement pour chaque entreprise ou organisme sanctionné et de façon motivée pour chaque sanction ".
128. En l'espèce, l'Autorité appréciera ces critères légaux selon les modalités pratiques décrites dans son communiqué du 16 mai 2011 relatif à la méthode de détermination des sanctions pécuniaires.
129. Kontiki a été mise en mesure de formuler des observations sur les principaux éléments de droit et de fait du dossier susceptibles, selon les services d'instruction, d'influer sur la détermination de la sanction pouvant lui être imposée, à la suite de la réception de la notification des griefs, du rapport et d'un rapport complémentaire du 29 mars 2011 rappelant ces différents éléments. La présentation de ces différents éléments par les services d'instruction ne préjuge pas de l'appréciation du collège sur les déterminants de la sanction, qui relève du seul délibéré.
1. Sur la valeur des ventes
130. La valeur des ventes de l'ensemble des catégories de produits en relation avec l'infraction effectuées en France par l'entreprise en cause, durant son dernier exercice comptable complet de participation à cette infraction, pourra être utilement retenue comme assiette de sa sanction. Certes, le Code de commerce n'impose pas à l'Autorité de procéder de la sorte (arrêt de la Cour de cassation du 13 mai 1997, Société française de transports Gondrand frères). Pour autant, ce paramètre peut être considéré comme une référence appropriée et objective pour proportionner au cas par cas l'assiette de la sanction individuelle à l'ampleur économique de l'infraction en cause, d'une part, et au poids relatif sur le secteur concerné de chaque entreprise qui y a participé, d'autre part, à la lumière d'une jurisprudence constante des juridictions de l'Union (arrêts de la Cour de justice du 7 juin 1983, Musique diffusion française/Commission, 100-80, Rec. p. 1825, points 119 à 121, et du 3 septembre 2009, Papierfabrik August Koehler e.a./Commission, C-322-07 P, C-327-07 P et C-338-07 P, Rec. p. I-7191, point 314).
131. Cette jurisprudence, même si elle n'est pas directement applicable, n'en constitue pas moins un point de référence utile pour l'exercice concret du pouvoir d'appréciation dont dispose l'Autorité en matière de détermination des sanctions, à l'intérieur du cadre prévu par le I de l'article L. 464-2 du Code de commerce et dans le respect des principes généraux du droit, dans la mesure où les sanctions imposées en l'espèce par l'Autorité sont relatives à une infraction tant à l'article L. 420-1 du Code de commerce qu'à l'article 101 du TFUE.
132. L'Autorité s'est donc engagée à déterminer le montant de base des sanctions qu'elle prononce en cas de violation des articles L. 420-1 et L. 420-2 du Code de commerce et des articles 101 et 102 du TFUE en se référant à cette notion comme assiette.
133. Les catégories de produits à prendre en considération à cet effet sont celles faisant l'objet de la pratique, telles que décrites dans la partie de la présente décision consacrée à la qualification de l'infraction (paragraphe 100 ci-dessus).
134. En l'espèce, la pratique mise en œuvre par Kontiki et ses distributeurs a concerné l'ensemble des ventes de produits Diddl sur le territoire national entre le 1er janvier 2003 et le premier trimestre 2007.
135. Les ventes de produits Diddl réalisées par Kontiki lors du dernier exercice comptable complet de participation à l'infraction - du 1er juillet 2005 au 30 juin 2006 -s'élèvent à 58 millions d'euro.
2. Sur la détermination du montant de base
136. En application du I de l'article L. 464-2 du Code de commerce, le montant de base de la sanction de chaque entreprise est déterminé en fonction de la gravité des faits et de l'importance du dommage causé à l'économie, critères qui se rapportent tous deux à l'infraction en cause. Les appréciations de l'Autorité à cet égard trouvent une traduction chiffrée dans le choix d'une proportion, déterminée au cas par cas, de la valeur des ventes retenue pour la ou les entreprises mises en cause, critère qui, comme indiqué plus haut, permet de proportionner l'assiette de la sanction à l'ampleur économique de l'infraction commise, d'une part, et au poids relatif sur le secteur concerné de chaque entreprise qui y a participé, d'autre part. Les autres éléments d'individualisation pertinents relatifs à la situation et au comportement de l'entreprise en cause sont pris en considération dans un second temps.
137. La durée des pratiques est un élément qui a une incidence significative tant sur la gravité des faits (voir, en ce sens, arrêts de la Cour de cassation du 28 juin 2003, Domoservices maintenance, et du 28 juin 2005, Novartis Pharma) que sur l'importance du dommage causé à l'économie (arrêt de la Cour de cassation du 12 juillet 2011, Lafarge ciments e.a). Elle fait donc l'objet d'une prise en compte sous ce double angle, selon les modalités pratiques décrites dans le communiqué du 16 mai 2011 précité.
a) Sur la proportion de la valeur des ventes
Sur la gravité des faits
138. La Cour d'appel de Paris a rappelé, dans son arrêt Epsé Joué Club précité, que les ententes verticales sur les prix, si elles ne sont pas regardées avec autant de sévérité que les ententes horizontales, figurent parmi les plus graves des pratiques anticoncurrentielles.
139. En l'espèce, il convient également de relever, en premier lieu, que l'entente poursuivie par Kontiki et ses distributeurs a été mise en œuvre au moyen du document qui servait de fondement aux relations commerciales avec ses distributeurs. Le caractère contractuel de la pratique a ainsi permis à Kontiki de généraliser le système de l'entente à l'ensemble des revendeurs de produits Diddl, qu'ils soient indépendants ou sous enseigne, et de sceller l'acquiescement des distributeurs dans un document contraignant.
140. En deuxième lieu, l'entente a porté sur des produits destinés à une clientèle composée d'enfants et de préadolescents. Contrairement à ce que soutient la société Kontiki, la circonstance que les parents, qui effectuent l'acte d'achat, ne constituent pas eux-mêmes une clientèle particulièrement vulnérable est indifférente. En effet, comme l'a relevé le Conseil de la concurrence dans sa décision n° 99-D-45 du 30 juin 1999 relative à des pratiques constatées dans le secteur du jouet, les enfants jouent un rôle de prescripteur auprès de leurs parents dans l'acte d'achat de ce type de produits, choisissant eux-mêmes souvent, ou emportant la décision de l'acheteur dans le sens qu'ils désirent.
141. Néanmoins, il faut constater que, si les commerciaux de Kontiki surveillaient les prix de revente effectivement pratiqués par les détaillants et formulaient des avertissements à ces derniers lorsqu'ils s'écartaient des prix imposés, cette politique n'a pas reposé sur la mise en œuvre de mesures coercitives. Il n'a, à cet égard, pas été établi que Kontiki aurait, de manière effective, procédé au déréférencement du site Internet des distributeurs qui ont pratiqué des prix inférieurs aux prix imposés.
142. Eu égard à l'ensemble des considérations qui précèdent, il convient de considérer que, si la pratique mise en œuvre par la société Kontiki et ses distributeurs peut être regardée comme étant d'une indéniable gravité eu égard à sa nature, tout en l'étant moins qu'une entente horizontale entre concurrents, ses modalités concrètes conduisent en l'espèce à en tempérer la gravité.
Sur l'importance du dommage causé à l'économie
143. Le dommage à l'économie ne se confond pas avec le préjudice subi par les victimes des pratiques en cause, mais s'apprécie en fonction de la perturbation générale apportée par ces pratiques à l'économie (voir, par exemple, arrêt de la Cour d'appel de Paris du 8 octobre 2008, SNEF).
144. L'Autorité, qui n'est pas tenue de chiffrer précisément le dommage causé à l'économie, doit procéder à une appréciation de son existence et de son importance, en se fondant sur une analyse aussi complète que possible des éléments du dossier et en recherchant les différents aspects de la perturbation générale du fonctionnement normal de l'économie engendrée par les pratiques en cause (arrêt de la Cour d'appel de Paris du 30 juin 2011, Orange France). L'existence du dommage à l'économie ne saurait donc être présumée, y compris en cas d'entente (arrêt de la Cour de cassation du 7 avril 2010, Orange France).
145. En se fondant sur une jurisprudence établie, l'Autorité tient notamment compte, pour apprécier l'importance du dommage causé à l'économie, de l'ampleur de l'infraction, telle que caractérisée entre autres par sa couverture géographique ou par la part de marché de la ou des parties sur le secteur concerné, de sa durée, de ses conséquences conjoncturelles ou structurelles, ainsi que des caractéristiques économiques pertinentes du secteur concerné (voir, par exemple, l'arrêt de la Cour d'appel de Paris, Orange France, précité). Les effets tant avérés que potentiels de la pratique peuvent être pris en considération à ce titre (voir, en ce sens, l'arrêt de la Cour de cassation, Novartis Pharma précité).
146. En vue d'apprécier l'importance du dommage causé à l'économie, il faut également tenir compte de la sensibilité de la demande au prix, ou élasticité-prix (arrêt de la Cour de cassation Orange France, précité). Le Conseil de la concurrence, dans sa décision n° 08-D-13 du 11 juin 2008, relative à des pratiques relevées dans le secteur de l'entretien courant des locaux, a souligné que le dommage à l'économie est d'autant plus important qu'il existe une faible sensibilité de la demande aux prix.
En effet, lorsque la hausse des prix entraîne peu de variations des quantités achetées, l'impact de la pratique sur les consommateurs est essentiellement constitué par le surprix payé par les consommateurs au bénéfice des entreprises qui ont augmenté les prix. Toute réduction de la concurrence, en particulier de la concurrence intramarque, permet ainsi d'augmenter sensiblement les prix sans que cela conduise à une forte réduction des quantités vendues. C'est pourquoi les pratiques qui tendent à réduire la concurrence concernant des produits dont la demande est inélastique sont considérées par la jurisprudence comme particulièrement dommageables.
147. A cet égard, les pièces présentes au dossier montrent que l'élasticité-prix des produits Diddl était faible pendant la période durant laquelle la pratique a été mise en œuvre.
En effet, comme il a été relevé au paragraphe 101 ci-dessus, il n'existait pas de réel substitut aux produits Diddl, ces derniers faisant l'objet d'un fort phénomène de mode.
148. Par ailleurs, il a été établi que la pratique mise en œuvre par Kontiki a reposé sur la mise en place de clauses contractuelles figurant soit dans la charte Diddl elle-même, soit dans d'autres conventions qui en tenaient lieu. Ces conventions ont été signées par les revendeurs de produits Diddl sur l'ensemble du territoire national entre 2003 et 2007. La société Kontiki est, dès lors, infondée à soutenir que la pratique n'aurait été établie que sur les zones géographiques sur lesquelles ont porté les investigations.
149. L'importance du dommage causé à l'économie s'est trouvée accrue par le pouvoir de marché significatif dont disposait Kontiki, reconnu par son dirigeant lors de son audition du 27 octobre 2007 (voir le paragraphe 101 ci-dessus), du fait, d'une part, de l'exclusivité de la distribution des produits Diddl, et, d'autre part, de l'absence de substituts proches de ce type de produits, induite par le phénomène de mode dont ils bénéficiaient. Ce pouvoir de marché lui a permis de s'abstraire, au moins partiellement, du comportement de ses concurrents.
150. Ce phénomène de mode a ainsi conféré un caractère " incontournable " aux produits Diddl auprès des enfants. Dans la mesure où ces produits étaient commercialisés à un prix moyen faible, quelle que soit l'ampleur du surprix en valeur relative, ce dernier ne pouvait se traduire que par une faible augmentation du prix de vente aux consommateurs finals, en valeur absolue. Partant, le surprix que la pratique est susceptible d'avoir engendré n'a pas été à même de dissuader le consommateur d'acheter les produits et, n'a, dès lors, pu affecter sensiblement à la baisse la rente artificiellement perçue par la société Kontiki. De plus, l'imposition des prix de revente des produits Diddl a pu conduire à réduire la concurrence intra-marque sur le marché en cause.
151. Toutefois, deux éléments conduisent, en l'espèce, à considérer le dommage causé à l'économie comme très modéré. En premier lieu, l'ampleur de la réduction de la concurrence intra-marque sur le marché en cause dépend du niveau de concurrence intra-marque qui aurait existé en l'absence des pratiques. Or, en l'espèce, il a été relevé que le maillage territorial des points de vente de Kontiki était hétérogène, les zones de chalandise présentant une concentration de points de vente plus ou moins grande. Dans les zones les moins denses, la concurrence intra-marque est particulièrement faible, ce qui contribue à diminuer l'importance du dommage à l'économie causé par la pratique.
152. En second lieu, si les concurrents de Kontiki ont certes pu pâtir de la pratique mise en œuvre par cette dernière, qui, en garantissant aux détaillants une absence de concurrence intra-marque en prix, lui a conféré un avantage artificiel, la politique de distribution de Kontiki, bien que reposant sur un maillage territorial national, n'impliquait pas que tous les détaillants indépendants spécialisés dans les gadgets et les produits de fantaisie vendent des produits à l'effigie de Diddl. Ainsi, les fabricants de produits concurrents des produits Diddl ont été en mesure de faire distribuer leurs articles par d'autres distributeurs, sur une même zone de chalandise, ce qui a contribué à restreindre l'effet de la pratique sur la concurrence intermarques.
153. Eu égard aux considérations qui précèdent, il y a lieu de conclure que la pratique mise en œuvre par Kontiki et ses distributeurs a entraîné un dommage d'une très faible importance.
Conclusion sur la proportion de la valeur des ventes
154. Compte tenu de l'appréciation qu'elle a faite ci-dessus de la gravité des faits et de l'importance du dommage causé à l'économie, l'Autorité retient, pour déterminer le montant de base de la sanction de l'entreprise en cause, une proportion de 9 % de la valeur des ventes de produits Diddl réalisées par Kontiki lors de l'exercice 2005-2006, dernier exercice comptable complet de participation à l'infraction, soit 5 220 000 euro.
b) Sur la durée de la pratique
155. Comme indiqué au paragraphe 137 ci-dessus, la durée de l'infraction est un facteur qu'il convient de prendre en compte dans le cadre de l'appréciation tant de la gravité des faits que de l'importance du dommage causé à l'économie. En effet, plus une infraction est longue, plus l'atteinte qu'elle porte au jeu de la concurrence et la perturbation qu'elle entraîne pour le fonctionnement du secteur en cause et plus généralement pour l'économie sont susceptibles d'être substantielles et persistantes.
156. Dans le cas d'infractions qui se sont prolongées plus d'une année, comme en l'espèce, l'Autorité s'est engagée à prendre en compte leur durée selon les modalités pratiques suivantes. La proportion retenue pour donner une traduction chiffrée à la gravité des faits et à l'importance du dommage à l'économie, est appliquée une fois, au titre de la première année complète d'infraction, à la valeur des ventes réalisées pendant l'exercice comptable de référence, puis à la moitié de cette valeur, au titre de chacune des années complètes suivantes. Au-delà de la dernière année complète de participation à l'infraction, la période restante est prise en compte au mois près, dans la mesure où les éléments du dossier le permettent.
157. Dans chaque cas d'espèce, cette méthode se traduit donc par un coefficient multiplicateur, défini proportionnellement à la durée individuelle de participation del'entreprise en cause à l'infraction et appliqué à la proportion de la valeur des ventes effectuées par celle-ci pendant l'exercice comptable retenu comme référence.
158. Il a été établi que les pratiques reprochées à la société Kontiki ont été mises en œuvre, à tout le moins, dès le début de l'année 2003 dans les accords commerciaux entre Kontiki et ses revendeurs et dans la Charte Diddl. Ces documents contractuels ont été modifiés dans le courant du mois de mars 2007. Il en résulte que la participation de Kontiki à l'infraction a eu une durée de quatre ans et deux mois pleins.
159. Le facteur multiplicateur est déterminé, en l'espèce, de la façon suivante :
- 1 pour la première année d'infraction ;
- 0,5 multiplié par les trois autres années complètes de l'infraction, soit un coefficient de 1,5.
160. 0,5 multiplié par les deux mois complets de participation, arrondi à la deuxième décimale inférieure, soit 0,08. Le coefficient total doit donc être fixé à 2,58.
c) Conclusion sur le montant de base
161. Il résulte de l'ensemble de ce qui précède que, eu égard à la gravité des faits et à l'importance du dommage causé à l'économie par la pratique en cause, le montant de base de la sanction pécuniaire déterminé en proportion des ventes de produits en relation avec l'infraction effectuée par Kontiki, d'une part, et de la durée de la pratique, d'autre part, s'élève à 13 467 600 euro.
3. Sur la prise en compte des circonstances individuelles propres à kontiki
162. L'Autorité s'est engagée, comme le prévoit le Code de commerce, à adapter le montant de base au regard du critère tenant au comportement et à la situation individuelle de l'entreprise en cause ou du groupe auquel elle appartient.
163. A cette fin, et en fonction des éléments propres à chaque cas d'espèce, l'Autorité peut prendre en considération différentes circonstances atténuantes ou aggravantes caractérisant le comportement de chaque entreprise dans le cadre de sa participation à l'infraction, ainsi que tout autre élément objectif pertinent relatif à la situation individuelle de cette entreprise. Cette prise en considération peut, selon les cas, conduire à ajuster la sanction tant à la hausse qu'à la baisse.
164. En l'absence de réitération dans le chef de Kontiki en l'espèce, le montant ainsi ajusté sera ensuite comparé au maximum légal applicable, en application du I de l'article L. 464-2 du Code de commerce.
165. En l'espèce, il a été relevé que Kontiki réalisait, pendant la durée des pratiques, près de 97 % de son chiffre d'affaires sur la vente des produits Diddl. Kontiki menait donc l'essentiel de son activité sur le marché en relation avec l'infraction. En outre, et surtout, ce chiffre d'affaires a connu une très forte croissance jusqu'en 2005, en raison de l'essor du phénomène de mode décrit au paragraphe 150 ci-dessus, atteignant 66,9 millions d'euro, avant de se contracter de façon extrêmement rapide et significative du fait de la disparition de ce même phénomène de mode, pour atteindre 12,8 millions d'euro en 2011, soit cinq fois moins que celui atteint six ans plus tôt. L'Autorité estime qu'il est nécessaire de tenir compte de cette circonstance exceptionnelle, et tout à fait particulière à l'espèce, pour adapter à la baisse le montant de base déterminé à la section précédente, à hauteur de 90 %.
166. C'est en tenant compte de l'ensemble de ces éléments nécessaires au respect du principe de proportionnalité que la sanction pécuniaire devant être infligée à Kontiki sera fixée à 1,34 million d'euro.
4. Sur la vérification du maximum légal
167. Le chiffre d'affaires mondial consolidé hors taxes le plus élevé connu réalisé par Kontiki est de 66,938 millions d'euro pour l'exercice comptable 2005-2006. Il constitue, au sens du I de l'article L. 464-2 du Code de commerce, le chiffre d'affaires le plus élevé réalisé au cours d'un des exercices clos depuis l'exercice précédant celui au cours duquel les pratiques ont été mises en œuvre. Le montant maximal de la sanction s'élève donc à 6,9 millions d'euro, à comparer avec le montant de sa sanction pécuniaire tel qu'indiqué ci-dessus.
168. Le montant de la sanction pécuniaire infligée à Kontiki n'excède pas ce chiffre.
Décision
Article 1er : Il est établi que la société Kontiki SAS a enfreint les dispositions de l'article 101 TFUE et de l'article L. 420-1 du Code de commerce en mettant en œuvre avec ses distributeurs une pratique anticoncurrentielle visant à fixer les prix de revente aux consommateurs des articles Diddl, du 1er janvier 2003 à la mi-mars 2007.
Article 2 : Il est infligé à la société Kontiki SAS une sanction de 1,34 million d'euro.