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Décisions

Cass. crim., 3 novembre 2011, n° 10-87.086

COUR DE CASSATION

Arrêt

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Louvel

Rapporteur :

M. Bloch

Avocat général :

M. Bonnet

Avocats :

SCP Célice Blancpain, Soltner, Me Ricard

Paris, prés. du 14 sept. 2010

14 septembre 2010

LA COUR : - Statuant sur le pourvoi formé par la société X, contre l'ordonnance du premier Président de la Cour d'appel de Paris, en date du 14 septembre 2010, qui a confirmé l'ordonnance du juge des libertés et de la détention autorisant la direction nationale des enquêtes de concurrence, de consommation et de répression des fraudes à effectuer des opérations de visite et de saisie de documents en vue de rechercher la preuve de pratiques anticoncurrentielles ; - Vu les mémoires en demande, en défense et les observations complémentaires produits ;

Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation du principe du respect des droits de la défense, de l'article 6 §§ 1 et 3 de la Convention européenne des Droits de l'Homme, de l'article 8 de la même Convention, de l'article L. 450-4 du Code de commerce, des articles 6, 8 et 13 de la Déclaration des Droits de l'Homme et du citoyen, et des articles 591 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs et manque de base légale ;

"en ce que l'ordonnance attaquée a débouté la société X de sa demande tendant à obtenir la nullité d'une ordonnance du juge des libertés en date du 4 décembre 2007, ayant autorisé les visites et saisies dans les locaux et la nullité subséquente des opérations ayant été exécutées en vertu de cette décision ;

"aux motifs que, a) sur l'absence de mention de coordonnées du juge compétent, la société X, qui expose que l'ordonnance déférée a été prononcée avant l'entrée en vigueur de l'ordonnance du 13 novembre 2008, soutient que la décision critiquée ne comporte pas de mention claire sur le juge compétent et qu'elle a ainsi été privée, pendant le déroulement des opérations, des garanties procédurales conformes à la Convention européenne des Droits de l'Homme ; qu'ainsi, elle n'a pas été informée des coordonnées du juge compétent pour connaître d'un recours contre le déroulement des visites et saisies ni du droit de faire appel à un conseil ; que l'ordonnance du 4 décembre 2007 précise dans son dispositif : "indiquons que les entreprises, association et organismes professionnels visés par la présente ordonnance peuvent nous saisir en vue de faire trancher toute contestation relative au déroulement des opérations de visite et de saisie, dans les deux mois à compter de la notification de la présente ordonnance en application de l'article L. 450-4 du Code de commerce" ; que, d'autre part, dans la décision elle-même, il est mentionné : "que certaines de ces opérations doivent avoir lieu en dehors du ressort territorial de ce tribunal ; qu'il convient de délivrer une commission rogatoire aux juges des libertés et de la détention aux Tribunaux de grande instance de (...) Mont-de-Marsan (...) dans les ressorts desquels lesdites opérations auront lieu afin qu'ils puissent désigner les officiers de police judiciaire et exercer le contrôle prévu par l'article L. 450-4 du Code de commerce" ; qu'ensuite, par ordonnance du 7 décembre 2007, le juge des libertés et de la détention au Tribunal de grande instance de Mont-de-Marsan, a désigné les officiers de police judiciaire territorialement compétents pour assister aux opérations de visite et de saisie au sein de la société X, zone industrielle <adresse>, avec mission de le tenir informé du déroulement des opérations, et a mentionné dans le dispositif de l'ordonnance : "indiquons que les entreprises sises dans notre ressort territorial peuvent saisir pour toute contestation relative au déroulement des opérations de visite et de saisie et après leur clôture le juge les ayant autorisées dans un délai de deux mois conformément à l'article L. 450-4 du Code de commerce" ; qu'il se déduit de ce qui précède que la société appelante a été parfaitement informée de la possibilité de saisir le juge des libertés et de la détention du Tribunal de grande instance de Mont-de-Marsan, pendant le déroulement même des opérations, l'absence de mention des coordonnées du magistrat n'étant aucunement insurmontable dès lors qu'il est identifié et nécessairement accessible dans son tribunal ; qu'au demeurant elle ne justifie d'aucune démarche en ce sens ; que le moyen ainsi soulevé doit être rejeté ; b) que sur l'absence de mention sur le droit à un conseil et sur la présence de l'occupant des lieux, la société X critique l'ordonnance en ce qu'elle n'a pas prévu la présence de l'occupant des lieux et la faculté pour celui-ci de faire appel à un conseil ; que, si l'article L. 450-4 du Code de commerce, dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance du 13 novembre 2008, ne prévoyait pas cette faculté, la critique ainsi formulée est purement théorique dès lors que l'occupant des lieux, présent lors des opérations s'étant déroulées le 13 décembre 2007, n'a présenté aucune demande en ce sens et, fortiori, ne s'est vu opposer aucun rejet ; que ce moyen doit également être écarté ;

"1°) alors que sont parfaitement ambiguës pour la personne qui se voit verbalement notifier sur place les ordonnances des juges des libertés du Tribunal de grande instance de Paris et du Tribunal de grande instance de Mont-de-Marsan, les mentions "indiquons que les entreprises, association et organismes professionnels visés par la présente ordonnance peuvent nous saisir en vue de faire trancher toute contestation relative au déroulement des opérations de visite et de saisie dans les deux mois à compter de la notification de la présente ordonnance" (ordonnance du 4 décembre 2007) et, par ailleurs, "indiquons que les entreprises sises dans notre ressort territorial peuvent saisir pour toute contestation relative au déroulement des opérations de visites et de saisie et après leur clôture le juge les ayant autorisées dans un délai de deux mois" (ordonnance du 7 décembre 2007) ; que les indications imprécises auxquelles se réfère la décision attaquée ne permettent pas à la personne qui est l'objet de la visite de déterminer clairement si elle peut entreprendre une action avant la clôture et celui des juges qu'elle devrait saisir avant que les opérations ne soient terminées ; qu'en décidant, en cet état, que "la société appelante a été parfaitement informée (sic) de la possibilité de saisir le juge des libertés et de la détention de Mont-de-Marsan pendant le déroulement même des opérations, l'absence de mention des coordonnées du magistrat n'étant aucunement insurmontable", le délégué du premier Président de la Cour de Paris a méconnu l'exigence de la Convention européenne des Droits de l'Homme quant à la nécessité de réserver un accès au juge compétent pour trancher le litige ;

"2°) alors que de même, l'article L. 450-4 du Code de commerce dans sa rédaction de l'époque se contentait de charger les officiers de police judiciaire d'informer le juge des libertés du déroulement des opérations et que, en conséquence l'ordonnance du 4 décembre 2007 donnait commission rogatoire aux juges des libertés locaux d'exercer simplement "le contrôle des opérations de visites et de saisie jusqu'à leur clôture", ce dont il ne résultait nullement, comme le faisait valoir la société X, qu'elle aurait pu saisir, elle-même, ce juge ; qu'en s'abstenant de répondre à ce moyen, le juge délégué du premier président a entaché sa décision d'une insuffisance de motifs caractérisée ;

"3°) alors que de surcroît, viole l'article 6 § 1 susvisé, l'ordonnance qui écarte le grief de la société X d'avoir été privée, en l'absence de toute indication sur les coordonnées du juge compétent et sur les modalités de sa saisine, de la possibilité de saisir le juge local avant la clôture des opérations de saisie en se fondant sur le motif entièrement inopérant que la société "n'avait justifié d'aucune démarche en ce sens" ;

"4°) alors, enfin, que le droit d'être assisté d'un défenseur constitue un droit fondamental s'imposant à l'autorité administrative sans qu'il soit besoin pour le législateur d'en rappeler l'existence ; que ce droit bénéficie à toute personne poursuivie ou suspectée dès le stade de l'enquête préliminaire dans la mesure où les preuves obtenues durant cette phase déterminent le cadre dans lequel l'infraction imputée sera examinée au procès ; que tel est le cas des opérations de visite et de saisie effectuées en application de l'article L. 450-4 du Code de commerce dès lors que celles-ci peuvent avoir un caractère déterminant pour l'établissement d'éventuelles preuves d'un comportement illicite d'entreprises de nature à engager leur responsabilité ; que le juge des libertés et de la détention de Paris qui estime cependant que la personne qui fait l'objet desdites opérations de visite et de saisie ne bénéficie pas du droit de faire appel à un avocat au prétexte que l'article L. 450-4 du Code de commerce ne le prévoyait pas expressément, viole les textes et principes visés au moyen ;

"5°) qu'au surplus, en faisant reproche à la personne visitée de ne pas avoir formulé "une demande en ce sens" et de ne s'être vu "opposer aucun rejet", tout en reconnaissant que l'article L. 450-4 ne prévoyait pas la possibilité de recourir à un avocat, le juge délégué du premier président a statué par un motif entièrement inopérant" ;

Attendu que le moyen, qui se borne à reprendre l'argumentation que, par une motivation exempte d'insuffisance comme de contradiction, le juge a écartée à bon droit, ne saurait être accueilli ;

Sur le second moyen de cassation, pris de la violation du principe du respect des droits de la défense, des articles 6, 8 et 13 de la Convention européenne des Droits de l'Homme, de l'article L. 450-4 du Code de commerce, de l'article 7 de la Déclaration des Droits de l'Homme et du citoyen, et des articles 591 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs et manque de base légale ;

"en ce que l'ordonnance attaquée a débouté la société X de sa demande tendant à obtenir la nullité d'une ordonnance du juge des libertés, en date du 4 décembre 2007, ayant autorisé les visites et saisies dans les locaux et la nullité des opérations ayant été exécutées en vertu de cette décision ;

"aux motifs que d) sur l'absence de recours contre le déroulement des opérations, la société X dénonce de manière purement théorique le recours qui existait contre le déroulement des opérations de visite et de saisie devant le juge les ayant ordonnées, selon la législation applicable antérieurement à l'ordonnance du 13 novembre 2008 ; qu'en effet, l'appelant qui n'a formé aucun recours à ce titre n'a pas d'intérêt à en contester les conditions, étant par ailleurs précisé que le juge des libertés et de la détention disposait d'une pleine compétence pour apprécier la régularité des mesures qu'il avait ordonnées ; que doivent, dès lors, être rejetées les demandes de nullité tant de l'ordonnance du 4 décembre 2007 du juge des libertés et de la détention du Tribunal de grande instance de Paris que les opérations de visite et de saisies s'étant déroulées dans les locaux de la société appelante ;

"1°) alors que l'article L. 450-4, dans sa rédaction applicable à l'époque, disposait que "le déroulement des opérations de visite ou de saisie peut faire l'objet d'un recours auprès du juge les ayant autorisées dans un délai de deux mois..." ; qu'un tel recours ne permet pas un contrôle indépendant de la régularité de l'autorisation elle-même et ne répond pas à l'exigence d'effectivité ; qu'en statuant comme il l'a fait, le juge délégué a méconnu les principes et les textes susvisés ;

"2°) alors que le contrôle exercé a posteriori sur des irrégularités entachant les opérations que le juge avait lui-même autorisées ne correspond pas à l'accès à un tribunal impartial pour obtenir, à l'issue d'une procédure répondant aux exigences de l'article 6 § 1 de la Convention, une décision sur la contestation soulevée et que, dès lors, le juge délégué ne pouvait, sans violer les textes susvisés, se borner à relever que la société X n'avait pas épuisé, inutilement, cette voie de recours pour se dispenser de rechercher s'ils n'avaient pas été privés de leur droit à un procès équitable" ;

Attendu que le moyen, qui invoque l'absence de recours à l'encontre de l'ordonnance ayant autorisé les opérations de visite et de saisie, est devenu sans objet dès lors qu'un tel recours a été institué par l'ordonnance du 13 novembre 2008 et que la demanderesse l'a exercé ;

Et attendu que l'ordonnance est régulière en la forme ;

Rejette le pourvoi.