CA Paris, Pôle 5 ch. 2, 4 juin 2010, n° 09-15170
PARIS
Arrêt
PARTIES
Demandeur :
Savonnerie Le Secret Naturel (SAS)
Défendeur :
Huilerie Émile Noël (SAS)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Girardet
Conseiller :
Mme Darbois
Avoués :
SCP Arnaudy Baechlin, SCP Guizard
Avocats :
Mes Benoliel Claux, Pardo
La société Savonnerie Le Secret Naturel, créée en mars 2002, a pour activité la fabrication de savons, savonnettes et produits cosmétiques naturels ou issus de l'agriculture biologique.
Elle a conclu, le 6 janvier 2003 avec la société Huilerie Emile Noël qui commercialise des huiles notamment alimentaires, des produits de savonnerie et de cosmétique depuis sa création en 1966, un contrat de fourniture pour une durée de cinq ans à effet du 1er janvier 2003, renouvelable par tacite reconduction.
Parallèlement à ce contrat, la société Huilerie Emile Noël a notamment cédé pour la somme de 198 euro à la société Savonnerie Le Secret Naturel la marque verbale française Oléanat n° 94 535 897 dont elle était titulaire, afin de commercialiser ses produits.
Par acte d'huissier du 30 août 2007, la société Huilerie Emile Noël a notifié la cessation de ce contrat de fourniture au 31 décembre 2007.
Reprochant à la société Huilerie Emile Noël d'avoir repris, pour la commercialisation de ses produits cosmétiques biologiques distribués sous la marque Emma Noël, la charte graphique sur laquelle elle prétend détenir les droits d'auteur, la société Savonnerie Le Secret Naturel a, par acte du 11 janvier 2008, fait assigner cette société en référé d'heure à heure devant le président du tribunal de commerce de Paris aux fins de lui voir interdire la poursuite d'actes de contrefaçon de droits d'auteur.
Par ordonnance du 18 janvier 2008, le juge des référés s'est déclaré compétent, a dit n'y avoir lieu à référé et, vu l'urgence, a renvoyé l'affaire à l'audience du tribunal du 14 février 2008 pour qu'il soit statué au fond.
Selon jugement du 9 juin 2008, le Tribunal de commerce de Paris s'est déclaré incompétent au profit du Tribunal de commerce de Nîmes mais la 1ère chambre, section D, de cette cour, statuant sur contredit, a, par arrêt du 29 octobre 2008 aujourd'hui définitif, infirmé ce jugement et renvoyé l'affaire devant le Tribunal de commerce de Paris.
Sur l'appel formé par la société Huilerie Emile Noël de l'ordonnance de référé précitée du 18 janvier 2008, la 14ème chambre, section B, de cette cour, prenant acte du jugement rendu le 9 juin 2008, a rouvert les débats puis, à la demande des parties a, en raison de l'arrêt susvisé rendu sur contredit, ordonné la radiation de l'affaire le 27 novembre 2008.
C'est en cet état de la procédure que, par jugement contradictoire rendu le 4 juin 2009, la dix-neuvième chambre du Tribunal de commerce de Paris a :
- débouté la société Huilerie Emile Noël de l'exception d'incompétence qu'elle a soulevée et s'est déclaré compétent,
- débouté la société Huilerie Emile Noël de sa fin de non-recevoir,
- dit que la société Huilerie Emile Noël n'a pas commis d'acte de contrefaçon et débouté la société Savonnerie Le Secret Naturel de toutes ses demandes à ce titre,
- dit que la société Huilerie Emile Noël a commis des actes de concurrence déloyale à l'encontre de la société Savonnerie Le Secret Naturel, mais a débouté celle-ci de sa demande de dommages et intérêts,
- débouté les parties de l'ensemble de leurs demandes plus amples ou contraires, y compris les demandes de la société Huilerie Emile Noël en concurrence déloyale et la demande reconventionnelle de cette société pour procédure abusive et vexatoire,
- condamné la société Savonnerie Le Secret Naturel aux dépens.
Dans ses dernières conclusions signifiées le 25 mars 2010, la société Savonnerie Le Secret Naturel, appelante, demande à la cour, au visa des Livres I et III du Code de la propriété intellectuelle et de l'article 1382 du Code civil, de :
- infirmer le jugement entrepris, sauf en ce qu'il a débouté la société Huilerie Emile Noël de l'exception d'incompétence, de la fin de non-recevoir et de sa demande pour procédure abusive et dit que celle-ci a commis des actes de concurrence déloyale,
- dire qu'elle est titulaire de droits d'auteur sur les conditionnements Oléanat pour les savonnettes en sachet à l'huile d'olive, gels douche à l'huile d'olive et gels douche aux agrumes et que la société Huilerie Emile Noël a commis des actes de contrefaçon de ces droits,
- dire que la société Huilerie Emile Noël a commis des actes de concurrence déloyale et parasitaire à son encontre,
- prononcer des mesures d'interdiction, sous astreinte, et de publication,
- se réserver la liquidation des astreintes,
- condamner la société Huilerie Emile Noël à lui verser la somme de 1 100 000 euro en réparation de l'entier préjudice commercial et moral subi,
- condamner la société Huilerie Emile Noël aux entiers dépens, en ce compris les frais de constat, ainsi qu'à lui payer la somme de 45 000 euro au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.
La société Huilerie Emile Noël, intimée, demande à la cour, dans ses dernières conclusions signifiées le 7 avril 2010, de :
in limine litis,
- lui donner acte de ce qu'elle réitère l'exception d'incompétence du Tribunal de commerce de Paris au profit, à titre principal, du Tribunal de grande instance de Nîmes et, subsidiairement, du Tribunal de commerce de Nîmes, pour connaître des demandes supposant l'interprétation du contrat de fourniture,
- à titre subsidiaire, constater que l'action porte sur des demandes au titre d'actes de contrefaçon et de concurrence déloyale ou parasitaire formées sur le fondement du Code de la propriété intellectuelle et, par conséquent, se déclarer incompétente au profit du Tribunal de grande instance de Nîmes,
au fond,
- confirmer le jugement déféré en ce qu'il a débouté la société Savonnerie Le Secret Naturel de ses demandes fondées sur la contrefaçon et de condamnation au titre d'actes de concurrence déloyale et parasitisme,
- l'infirmer en ce qu'il a jugé qu'elle-même avait commis des actes de concurrence déloyale,
- ordonner, sous astreinte, à la société Savonnerie Le Secret Naturel de supprimer dans sa charte graphique toute référence ou utilisation du concept identitaire, à savoir la " fleur de lotus " figurant dans le logotype Emma Noël, déposé à l'Institut national de la propriété industrielle le 23 mai 2007 sous le numéro 07-3501675,
- condamner la société Savonnerie Le Secret Nature à lui verser la somme de 20 000 euro à titre de dommages et intérêts toutes causes de préjudice confondues, notamment en réparation du préjudice subi pour procédure abusive et vexatoire et préjudice moral,
- condamner la société Savonnerie Le Secret Naturel en tous les dépens ainsi qu'à lui payer la somme de 45 000 euro en application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile .
Sur ce, LA COUR,
Considérant qu'au soutien de son appel, la société Savonnerie Le Secret Naturel fait grief aux premiers juges d'avoir, pour rejeter ses demandes au titre de la contrefaçon de droits d'auteur, relevé que la création des éléments de charte graphique ne faisait pas partie des prestations que lui avait commandées la société Huilerie Emile Noël dans le cadre du contrat de fourniture qui les liait, n'entrait pas dans le cas visé à l'article 4 dudit contrat et que la société Huilerie Emile Noël avait l'entière propriété intellectuelle des contenants, emballages et charte graphique utilisés pour la commercialisation des produits alors que, selon elle, cette appréciation est contraire à la commune intention des parties qui résulte tant du contexte dans lequel le contrat de fourniture a été régularisé que des termes parfaitement clairs et choisis de sa rédaction, que les autres pièces ne détruisent pas sa qualité d'auteur qui ressort du contrat ;
Qu'elle incrimine les actes de contrefaçon résultant de la reproduction à l'identique des conditionnements utilisés pour les savonnettes à l'huile d'olive avec en outre la reproduction de sa dénomination sociale, du gel douche à l'huile d'olive ainsi que la reproduction quasi à l'identique, pour un shampoing douche noix de coco/miel commercialisé sous la marque Emma Noël, du conditionnement utilisé pour le gel douche aux agrumes bio Oléanat ;
Qu'en outre, elle reproche aux premiers juges d'avoir limité les actes de concurrence déloyale et parasitaire à la reprise de ses " textes de description de certains produits " sans toutefois l'indemniser du préjudice causé par cette reprise, et d'avoir écarté les autres griefs tenant, d'une part, à la reprise de la gamme de produits Oléanat par la ligne Emma Noël dont il se dégage une impression d'ensemble extrêmement similaire de nature à engendrer un risque de confusion évident pour le consommateur d'attention moyenne qui sera persuadé que la marque Emma Noël se substitue à la marque Oléanat, d'autre part, aux affirmations mensongères de la société Huilerie Emile Noël dans les publicités parues en 2007 et 2008 ainsi qu'auprès des revendeurs, l'acte d'intimidation résultant de la sommation que cette société lui a fait délivrer par acte du 27 novembre 2007 et de la promotion des produits Emma Noël en utilisant les produits et la marque Oléanat.
Considérant que, pour sa part, l'intimée réitère devant la cour les exceptions d'incompétence qui avaient été rejetées, soulève à nouveau l'irrecevabilité des autres demandes que celles formées au titre des droits d'auteur, conclut en tout état de cause au rejet des demandes aux motifs, pour l'essentiel, qu'elle est titulaire des droits d'auteur sur les conditionnements et leurs chartes graphiques, que certains des griefs invoqués au soutien de la concurrence déloyale et du parasitisme ne diffèrent pas de ceux qui lui sont opposés au titre de la contrefaçon, que le grief tenant aux prétendues affirmations mensongères ne repose sur aucun élément sérieux et probant, que l'appelante cherche par cette action à la sanctionner de la dénonciation du contrat de fourniture dont elle n'a pourtant pas contesté la régularité et qu'il n'est pas justifié d'un préjudice susceptible de lui être imputé ;
Que, de son côté, elle dénonce l'utilisation par l'appelante sur ses présentoirs et dans sa communication de la fleur de lotus qui constitue le logotype de la marque Emma Noël déposée à l'Institut national de la propriété industrielle.
Sur les exceptions d'incompétence :
Considérant que la société Huilerie Emile Noël, tout en indiquant ne pas contester les motifs de l'arrêt rendu sur contredit par la cour pour retenir la compétence du Tribunal de commerce de Paris en relevant que les prétentions de la société Savonnerie Le Secret Naturel " [ressortaient] du domaine délictuel ", réitère devant la cour les exceptions d'incompétence ratione loci et ratione materiae qu'elle avait soulevées, de la juridiction commerciale de Paris au profit, à titre principal, du Tribunal de grande instance de Nîmes, au motif que par arrêt du 11 février 2009 rendu dans une autre affaire, la Cour d'appel de Paris a retenu la compétence exclusive des tribunaux de grande instance pour connaître de l'ensemble des litiges de propriété intellectuelle engagés à compter du 31 octobre 2007 et, à titre subsidiaire, du Tribunal de commerce de Nîmes, au motif que les demandes formées par la société Savonnerie Le Secret Naturel supposent l'interprétation du contrat de fourniture liant les parties en date du 6 janvier 2003, lequel contient une clause attributive de compétence ;
Que, pour conclure, encore plus subsidiairement, à l'incompétence au profit du Tribunal de grande instance de Nîmes, elle fait valoir en outre qu'aucun élément de fait ne permet, s'agissant d'une action fondée sur des actes de contrefaçon et de concurrence déloyale ou parasitaire, de faire échec aux règles de droit commun régissant la compétence d'attribution et la compétence territoriale.
Mais considérant que, par arrêt rendu le 29 octobre 2008, la Cour d'appel de Paris, déclarant bien fondé le contredit formé contre le jugement du 19 juin 2008 par lequel le Tribunal de commerce de Paris avait retenu la compétence matérielle des juridictions commerciales mais s'était déclaré territorialement incompétent au profit du Tribunal de commerce de Nîmes, a déclaré le Tribunal de commerce de Paris compétent pour connaître du litige et renvoyé l'affaire devant lui ; que ni l'arrêt rendu le 11 février 2009 par la cour de céans dans une autre affaire, ni les moyens soulevés par l'appelante au soutien de ses prétentions, au besoin fondés sur le contrat de fourniture, ne sont de nature à revenir sur la solution adoptée par cet arrêt, aujourd'hui définitif ainsi qu'il ressort du certificat de non pourvoi établi le 9 février 2009 par le greffier en chef de la Cour de cassation ;
Qu'il s'ensuit qu'ainsi que le relève justement la société Savonnerie Le Secret Naturel, la société Huilerie Emile Noël est irrecevable à réitérer devant la cour, quel qu'en soit le fondement, les exceptions d'incompétence sur lesquelles il a été définitivement statué.
Sur l'irrecevabilité des autres demandes que celles formées au titre des actes de contrefaçon :
Considérant que la société Huilerie Emile Noël, sans toutefois reprendre formellement une telle prétention dans le dispositif de ses écritures, soulève dans le corps de ces dernières l'irrecevabilité des autres demandes que celles formées par la société Savonnerie Le Secret Naturel au titre des actes de contrefaçon de droits d'auteur aux motifs que le tribunal ayant été saisi par la procédure dite de " passerelle " telle qu'édictée par l'article 873-1 du Code de procédure civile, cette société ne pouvait plus modifier les fondements juridiques de ses demandes ni en ajouter de nouvelles.
Considérant, cependant, que la procédure devant le tribunal de commerce se déroulant sans représentation obligatoire, c'est par des motifs pertinents que la cour fait siens que les premiers juges ont retenu que, tant que la clôture des débats n'était pas prononcée, chacune des parties pouvait faire valoir des moyens ou des demandes nouvelles et que, par conséquent, la société Savonnerie Le Secret Naturel était recevable en toutes ses prétentions ;
Que le jugement entrepris sera donc confirmé de ce chef.
Sur les actes de contrefaçon de droits d'auteur :
Considérant que la société Huilerie Emile Noël dénie à la société Savonnerie Le Secret Naturel la titularité des droits d'auteur que celle-ci revendique sur les chartes graphiques des conditionnements des produits commercialisés sous la marque Oléanat, de la forme du flaconnage et des emballages.
Considérant que pour prétendre être titulaire des droits d'auteur sur les chartes graphiques revendiquées, la société Savonnerie Le Secret Naturel fait valoir qu'elles ont été spécifiquement réalisées pour la commercialisation des produits Oléanat, qu'elles sont donc sa propriété par application de l'article 4 du contrat de fourniture qui fait la loi des parties et qu'aucune des pièces, telles que certaines des factures produites, ne vient à l'encontre de ce que les parties avaient décidé contractuellement.
Considérant, ceci exposé, que la société Savonnerie Le Secret Naturel incrimine la reprise des chartes graphiques des étiquettes, utilisées pour la commercialisation sous la marque semi-figurative Oléanat n° 03 3 230 141 qu'elle a déposée le 30 mai 2003 (cf pièce 17 de l'appelante) de trois produits, qu'elle caractérise de la manière suivante :
* savonnettes à l'huile d'olive conditionnées par trois dans un sachet plastique noué vers le haut: étiquette " bicolore - vert foncé et blanche - de forme ovale et de grande dimension, séparée en son milieu par une ligne souple bicolore et l'inscription du terme " bio " dans un logo, les parties supérieure blanche et inférieure verte comportant diverses mentions relatives au produit en cause ",
* gel douche à l'huile d'olive " bio " conditionné dans une bouteille de un litre : étiquette " caractérisée dans la partie gauche, par la mention " gel douche " inscrite à la verticale, en lettres vertes selon un graphisme particulier, la lettre " o " étant remplacée par une feuille verte et dans la partie droite, par une composition végétale représentée partiellement dans un contour graphique spécifique, composé d'une partie arrondie en forme d'accolade, de parties linéaires et courbées ",
* gel douche aux agrumes " bio " : " identique dans sa charte graphique au produit précédent, la seule différence tenant à la composition végétale présentée en rapport avec les agrumes et à la couleur orangée et non verte de l'étiquette ".
Considérant qu'il convient d'ores et déjà de relever que les pièces communiquées par les parties telles que factures et bons à tirer, portant sur les conditionnements des autres produits, sont inopérantes pour l'appréciation des droits relatifs aux chartes graphiques sus décrites ; qu'il n'y a donc pas lieu de les examiner, que ce soit pour se prononcer sur les irrégularités soulevées pour certaines ou pour déterminer qui a réglé les factures ou signé les bons à tirer.
Considérant que l'article 4 du contrat signé le 6 janvier 2003 entre les deux sociétés dispose que " L'ensemble des travaux, résultats, inventions, créations réalisées et le savoir faire acquis au cours de la validité de ce contrat seront de plein droit la propriété de la société Le Secret Naturel qui pourra, à ses frais en assurer la protection en son nom par tous les moyens de son choix " ;
Qu'il n'est pas contesté, qu'ainsi qu'il est indiqué en préambule, le contrat dont s'agit a été conclu entre la société Huilerie Emile Noël qui " commercialise des savons et produits cosmétiques entre outre (sic) de ses propres fabrications (...) dispose d'un réseau de distribution établi depuis 1966 (...) souhaite développer ses ventes et doit disposer de produits correspondants aux attentes de sa clientèle (...) " et la société Le Secret Naturel " spécialisée dans la fabrication de produits savonneux et cosmétiques naturels ou issus de l'agriculture biologique "; que l'article 1er précise que la société Le Secret Naturel " s'engage à fabriquer et à livrer dans les délais prévus (...) les quantités demandées de produits " et qu' " elle communiquera sur:
- la traçabilité des produits composants la fabrication,
- les étapes de la fabrication,
- le matériel utilisé,
- la validation des formules et procédés de fabrication " ;
Qu'il s'ensuit qu'outre le fait que l'article 4 est intitulé " propriété industrielle ", catégorie dont ne font pas partie les droits d'auteur qui relèvent de la propriété littéraire et artistique, son contenu se réfère à l'évidence à la protection des seuls droits nécessaires à l'activité de fabrication des produits développée par l'appelante à laquelle les conditionnements sous lesquels ces produits sont commercialisés, fût-ce sous la marque Oléanat lui appartenant, par la société Huilerie Emile Noël qui intervient dans le domaine de la distribution, sont étrangers ;
Que par conséquent, la référence à cet article est inopérante pour apprécier la titularité des droits d'auteur.
Considérant qu'il est constant que les chartes graphiques revendiquées ont été créées par la société Terre Neuve ; que, certes, les étiquettes apposées sur les trois produits en cause comportent la marque semi-figurative Oléanat dont est propriétaire l'appelante ainsi que, sur l'étiquette des savonnettes, sa dénomination sociale suivie de la ville où se trouve son siège social ; que, toutefois, ces mentions ne suffisent pas à établir ses droits d'auteur sur lesdites étiquettes alors que les trois produits étant commercialisés par la société Huilerie Emile Noël figurent sous le seul nom de celle-ci sur le catalogue de cette société des années 2006 et 2007, s'agissant des savonnettes, et de l'année 2007 pour les deux gels douche ainsi qu'en convient l'appelante qui se réfère expressément à ces catalogues au soutien des descriptions faites (pages 13 et 14 de ses écritures) de même que sur les tarifs de vente de l'intimée ; qu'en outre, seule la dénomination et le siège de la société Huilerie Emile Noël sont mentionnés sur les étiquettes des flacons de gel douche ;
Que les factures éparses que la société Savonnerie Le Secret Naturel fournit pour justifier de la commercialisation à des sociétés tierces des produits qu'elle fabrique, qui portent tout au plus sur les savonnettes à l'huile d'olive, ne permettent pas davantage d'établir une divulgation antérieure sous son seul nom des trois articles comportant les chartes graphiques revendiquées ;
Que dans son attestation, la société Terre Neuve affirme que si la société Savonnerie Le Secret Naturel a réglé les frais des chartes graphiques et signes distinctifs de la marque Oléanat, c'est à la société Huilerie Emile Noël qu'elle a, depuis 2003, facturé les travaux de charte et extension de gamme de ladite marque ; que ce propos auquel est annexé un tableau comportant notamment les trois produits en cause, n'est pas démenti par les pièces communiquées ;
Que, si la société Terre Neuve ne se prononce pas sur la titularité des droits d'auteur sur les travaux effectués pour le compte des sociétés en présence, il reste que les différentes factures versées au dossier ne comportent jamais de cession de droits et qu'il n'est justifié par l'appelante d'aucune instruction précise donnée à cette société en vue de la création des trois chartes graphiques en cause.
Considérant que l'appelante ne démontre pas davantage être titulaire de droits d'auteur sur les sachets fermant par le haut, flacons et emballages dont elle incrimine également la reprise.
Considérant, dans ces conditions, qu'à défaut pour la société Savonnerie Le Secret Naturel de justifier être titulaire des droits d'auteur sur les chartes graphiques, sachets, flacons et emballages revendiqués, c'est à bon droit que ses demandes formées au titre des actes de contrefaçon ont été rejetées ; que le jugement entrepris sera confirmé de ce chef.
Sur les actes de concurrence déloyale et de parasitisme :
Considérant que la société Savonnerie Le Secret Naturel fait grief à ce titre à la société Huilerie Emile Noël d'avoir repris la gamme des produits Oléanat dans tous ses éléments d'identification et caractéristiques significatives, de s'être livrée à des affirmations mensongères dans des publicités, d'avoir cherché à l'intimider, assuré la promotion des produits Emma Noël grâce aux produits et à la marque Oléanat sur son catalogue et autres documents publicitaires et reproduit à l'identique les textes figurant habituellement sur les produits Oléanat.
Considérant que, l'appelante exerçant l'activité de fabrication et l'intimée celle de commercialisation de produits de savonneries et de cosmétique naturels ou issus de l'agriculture biologique, les parties ne se trouvent pas en situation de concurrence ; qu'il y a donc lieu de rechercher si les actes dénoncés sont constitutifs de parasitisme, la notion de concurrence déloyale n'étant pas applicable aux circonstances de l'espèce.
Considérant que, même s'il est établi que la distribution des produits fabriqués par la société Savonnerie Le Secret Naturel était, depuis sa création jusqu'à la fin de l'année 2007, assurée de façon quasi exclusive par la société Huilerie Emile Noël avec laquelle elle réalisait la plus grande part de son chiffre d'affaires, ce qui a permis à la fois à l'appelante de s'implanter et à l'intimée de développer sa branche de produits d'hygiène et de beauté issus de l'agriculture biologique, il est cependant constant que le contrat de fourniture ne comportait aucune clause d'exclusivité et de non-concurrence ;
Qu'il n'est en outre pas contesté que la société Huilerie Emile Noël a régulièrement procédé à la dénonciation de ce contrat qui a donc pris fin à l'expiration de sa durée initiale de cinq années.
Considérant que cette situation conduit à écarter les griefs tenant, d'une part, à la reprise, à compter du 1er janvier 2008, de la gamme des produits que les parties ont développé en commun, étant rappelé qu'ainsi qu'il a été vu ci-dessus, les chartes graphiques caractérisant les articles avaient été réalisées pour le compte de l'intimée, chargée de la commercialisation, par l'agence de communication Terre Neuve, en sorte que l'appelante ne peut se les approprier pas plus qu'elle ne peut reprocher à l'intimée d'avoir conservé les mêmes types de conditionnements - sachets, flacons et boîtes - qu'elle avait adoptés lorsqu'elle a débuté leur mise sur le marché, étant rappelé encore que la société Huilerie Emile Noël a substitué la marque semi-figurative " Emma Noël beauté " qu'elle a déposée à l'Institut national de la propriété industrielle le 23 mai 2007 en classe 3 à la marque semi-figurative " Oléanat " identifiant les produits fabriqués par la société Savonnerie Le Secret Naturel et, d'autre part, à la prétendue mesure d'intimidation résultant de la mise en demeure que lui avait adressée l'intimée le 27 novembre 2007 lui interdisant l'utilisation de l'ensemble des chartes graphiques.
Considérant, s'agissant du grief tenant à la publicité trompeuse, que la société Huilerie Emile Noël a fait paraître dans différentes revues, notamment dans le magazine Top Nature paru en novembre-décembre 2007, une publicité annonçant sa " nouvelle gamme familiale " en ces termes :
" L'Huilerie Emile Noël vous présente sa nouvelle marque d'hygiène corporelle, bien-être Emma Noël Beauté.
Cette gamme créée en 2003 se pare d'un nouveau design et s'étoffe avec une sélection de plus de 50 produits charte Comébio. (...).
Elle sera disponible début 2008 (...) " ;
Que si la reprise de la gamme ne peut lui être reprochée, en revanche, en évoquant sur cette publicité " sa nouvelle marque ", alors que la marque précédente - la marque semi-figurative Oléanat - ne lui appartenait pas, " un nouveau design ", alors que les articles présentés sur la publicité conservent les chartes graphiques antérieures avec l'apposition de la marque Emma Noël beauté, en exposant parmi ces produits les savonnettes à l'huile d'olive dont l'étiquette comporte encore la dénomination et le siège de la société Savonnerie Le Secret Naturel associés à la marque Emma Noël beauté et en indiquant que cette nouvelle gamme sera disponible début 2008, alors qu'il ressort d'un constat dressé le 5 mars 2008 qu'à la suite d'une commande passée sur le catalogue Boutique Nature Guide 2008, elle a fait parvenir vingt-trois savonnettes à la bergamote comportant encore la marque semi-figurative Oléanat associée à sa dénomination sociale et à son siège, la société Huilerie Emile Noël a diffusé une campagne de publicité trompeuse à l'égard du consommateur qui sera amené à croire qu'elle proposait à la vente des produits ayant une même origine de fabrication que précédemment, en profitant indûment de la valeur résultant du travail industriel de l'appelante; qu'elle a ainsi commis des actes de parasitisme à son préjudice ;
Qu'il en est de même, s'agissant de la présentation, sur le tarif 2008 de la société intimée, parmi les produits de la gamme Emma Noël, des savons comportant en moulage ou sur le conditionnement l'appellation Oléanat (pièce n° 38 de l'appelante) et de la présentation de divers produits de la même gamme, associés à la marque semi-figurative Oléanat sur des sites de ventes en ligne accessibles aux adresses " rueducommerce.fr " ou " polange.com " les 14 janvier 2009 (pièces n° 39 et 40), encore présents le 19 mars 2010 (procès-verbal de constat pièce n° 77) ;
Que de même, constitue un acte de parasitisme, la reproduction à l'identique du texte descriptif des caractéristiques du gel douche à l'huile d'olive, que rien ne justifie, pas même l'écoulement du stock puisque l'étiquetage a changé, et par laquelle la société Huilerie Emile Noël profite ainsi indûment des travaux de l'appelante alors qu'elle ne s'approvisionne plus auprès d'elle (pièce n° 53).
Considérant que ces utilisations illicites par l'intimée de la valeur résultant du travail industriel de l'appelante causent de façon incontestable à celle-ci un préjudice alors qu'elle doit trouver de nouveaux réseaux de distribution voire organiser par elle-même la commercialisation des produits qu'elle fabrique ;
Qu'il y a donc lieu, en infirmant la décision déférée de ce chef, de dire que la société Huilerie Emile Noël a commis des actes de parasitisme au préjudice de la société Savonnerie Le Secret Naturel.
Sur les mesures réparatrices :
Considérant qu'il convient de prononcer des mesures d'interdiction selon les modalités fixées au dispositif ci-après.
Considérant que les circonstances dans lesquelles le contrat de fourniture et l'intérêt que chacune des parties y a trouvé ont été rappelées ; qu'il convient d'ajouter que la société Savonnerie Le Secret Naturel avait comme associé fondateur majoritaire et gérant M. David Garnier, fils de la présidente de la société Huilerie Emile Noël, elle-même fille du fondateur de cette société ; que l'aide apportée au développement de l'appelante s'expliquait donc par les liens familiaux unissant les associés respectifs, même si les entités restaient indépendantes, et il a été vu que la plus grande part du chiffre d'affaires de l'appelante était réalisée par la fourniture de ses produits à l'intimée ;
Qu'au mois de février 2007, M. David Garnier a démissionné de ses fonctions de gérant et cédé ses parts sociales à ses deux associés, pour l'un via la société qu'il avait créée ; que les 10 et 23 mai suivant, la société Huilerie Emile Noël a respectivement réservé le nom de domaine " [...] " et déposé la demande de marque " Emma Noël beauté " ; que le 30 août 2007, elle dénonçait le contrat de fourniture ;
Que, cependant, le préjudice résultant pour la société Savonnerie Le Secret Naturel des actes de parasitisme précités commis par la société Huilerie Emile Noël n'a pas l'ampleur alléguée et ne saurait correspondre à la perte de ce marché, sauf à contourner les effets de la cessation du contrat de fourniture dont la régularité n'est pas contestée
Qu'au vu des pièces fournies attestant de l'étendue de la diffusion de la publicité incriminée dont le contenu n'a été modifié que courant 2009 et de la présence de produits associant les deux appellations encore à la date du 19 mars 2010, il convient d'allouer à la société appelante la somme de 100 000 euro à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi du fait des actes de parasitisme.
Considérant enfin qu'il convient, à titre de dommages et intérêts complémentaires, d'ordonner la publication du présent arrêt dans les conditions précisées ci-après.
Sur les demandes reconventionnelles :
Considérant que le jugement n'étant pas critiqué en ce qu'il a rejeté la demande formée par la société Huilerie Emile Noël au titre de la prétendue reprise de son fichier, sera confirmé.
Considérant que la représentation de la fleur de lotus faite par la société Savonnerie Le Secret Naturel sur le présentoir des huiles essentielles biologiques qu'elle offre à la vente ne reprend aucune des caractéristiques de la représentation stylisée adoptée par la société Huilerie Emile Noël et constituant la partie figurative de sa marque, en sorte qu'il ne peut y avoir aucun risque de confusion dans l'esprit du public, étant rappelé que l'intimée ne peut s'approprier la fleur de lotus qui distingue désormais son activité pour en interdire toute forme de représentation ;
Que la demande d'interdiction formée de ce chef sera donc rejetée.
Considérant que le sens de cet arrêt conduit à rejeter également la demande de dommages et intérêts que cette société a formée pour procédure abusive et préjudice moral ; que par ce motif se substituant à ceux des premiers juges, la décision sera confirmée de ce chef.
Sur les frais et dépens :
Considérant que l'intimée qui succombe pour l'essentiel, sera condamnée aux dépens de première instance et d'appel ;
Que l'équité commande d'allouer à l'appelante une indemnité au titre des frais qu'elle a été contrainte d'exposer pour l'ensemble de la procédure, étant précisé qu'il sera tenu compte pour l'appréciation de son montant des frais de constat qui ne sont pas compris dans les dépens mais participe de ces frais.
Par ces motifs, Déclare la société Huilerie Emile Noel irrecevable en ses exceptions d'incompétence ; Confirme le jugement entrepris en ce qu'il a déclaré la société Savonnerie Le Secret Naturel recevable en l'ensemble de ses demandes, rejeté les demandes formées par cette société au titre des actes de contrefaçon de droits d'auteur et rejeté les demandes reconventionnelles formées par la société Huilerie Emile Noël ; L'infirme en ses autres dispositions ; Statuant à nouveau des chefs infirmés et y ajoutant, Dit qu'en se livrant à une publicité trompeuse, en présentant sur son catalogue et autres documents publicitaires des produits Emma Noël beauté associés à l'appellation et à la marque Oléanat et en reproduisant à l'identique les textes figurant habituellement sur les produits fabriqués par la société Savonnerie Le Secret Naturel, la société Huilerie Emile Noël a commis des actes de parasitisme au préjudice de cette dernière ; Interdit la poursuite de ces agissements sous astreinte de 150 euro par infraction constatée à compter de la signification du présent arrêt ; Condamne la société Huilerie Emile Noël à payer à la société Savonnerie Le Secret Naturel la somme de 100 000 euro à titre de dommages et intérêts ; Autorise la société Savonnerie Le Secret Naturel à faire publier le dispositif du présent arrêt dans trois journaux ou revues de son choix, aux frais avancés de la société Huilerie Emile Noël, sans que le coût, à la charge de celle-ci, ne puisse excéder 5 000 euro hors taxes par insertion, et, pendant trente jours consécutifs à compter d'un mois de sa signification, en partie supérieure de la page d'accueil du site Internet de la société Huilerie Emile Noël, dans un format correspondant à une demie- page, en caractères gras se détachant du fond de la page et d'une taille suffisante pour recouvrir intégralement la surface réservée à cet effet ; Rejette la demande reconventionnelle formée par la société Huilerie Emile Noël au titre d'actes de parasitisme ; Condamne la société Huilerie Emile Noël à payer à la société Savonnerie Le Secret Naturel la somme de 10 000 euro sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile ; Condamne la société Huilerie Emile Noël aux dépens de première instance et d'appel dont recouvrement conformément aux dispositions de l' article 699 du Code de procédure civile.