CA Paris, Pôle 5 ch. 2, 2 décembre 2011, n° 10-09788
PARIS
Arrêt
Confirmation
PARTIES
Demandeur :
Ochoa Marin, Société de droit espagnol Valgraf S.L.
Défendeur :
Alpem (SAS)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Lachacinski
Conseillers :
Mmes Apelle, Nerot
Avoués :
SCP Fanet Serra, SCP Fisselier Chiloux Boulay
Avocats :
Mes Amar, Régnier
Antonio Ochoa Marin est titulaire du brevet français n° 03 07 945 publié sous le n° 2 841 542 délivré le 30 juillet 2006 ayant pour titre et objet "Sachet isothermique perfectionné pour aliments" ;
Une concession de licence du brevet sus-visé inscrite au Registre national des brevets le 31 juillet 2008 a été accordée à la société de droit espagnol Valgraf S.L. dans laquelle Antonio Ochoa Marin détient la majorité du capital ;
La société Alpem est quant à elle titulaire du brevet français n° 06 54 930 ayant pour titre "Sachet d'emballage préformé, notamment pour produits alimentaires' déposé le 15 novembre 2006 et délivré le 6 février 2009 ;
La société Alpem a assigné le 24 septembre 2007 Antonio Ochoa Marin et la société Valgraf S.L. devant le Tribunal de grande instance de Paris aux fins notamment d'annulation des revendications du brevet français n° 2 841 542 pour défaut de nouveauté, et subsidiairement pour absence d'activité inventive et de condamnation pour les actes de concurrence déloyale à lui payer la somme de 250 000 euro à titre de dommages intérêts ;
Antonio Ochoa Marin et la société Valgraf S.L. ont notamment demandé au tribunal de :
- rejeter la demande formée à l'encontre du brevet n° 2 841 542,
- condamner la société Alpem pour les actes de contrefaçon des revendications 1 à 4 de son brevet n° 2 841 542 à verser au titulaire du brevet la somme de 1 050 000 euro et au licencié celle de 5 755 000 euro,
- condamner la société Alpem à payer la somme de 200 000 euro pour les actes de concurrence parasitaire, outre celle de 30 000 euro au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ;
Par jugement du 5 janvier 2010 assorti de l'exécution provisoire, le Tribunal de grande instance de Paris a :
- déclaré nulles pour défaut d'activité inventive les revendications 1 à 4 du brevet n° 2 841 542 dont Antonio Ochoa Marin est titulaire,
- débouté la société Valgraf S.L. et Antonio Ochoa Marin de leurs demandes fondées sur la contrefaçon du brevet n° 2 841 542,
- déclaré la demande en nullité du brevet français n° 06 45 930 dont la société Alpem est titulaire irrecevable,
- dit que la société Valgraf S.L. s'est rendue coupable d'actes de concurrence déloyale au préjudice de la société Alpem,
- condamné la société Valgraf S.L. à payer à la société Alpem la somme de 80 000 euro à titre de dommages intérêts du chef de la concurrence déloyale,
- rejeté les mesures d'interdiction et de publication formulées par la société Alpem,
- condamné in solidum la société Valgraf S.L. et Antonio Ochoa Marin à payer à la société Alpem la somme de 10 000 euro en application de l'article 700 du Code de procédure civile ;
Antonio Ochoa Marin et la société Valgraf S.L. ont interjeté appel de cette décision par déclaration au greffe du 3 mai 2011 ;
Vu les dernières conclusions signifiées le 29 septembre 2011 aux termes desquelles Antonio Ochoa Marin et la société Valgraf S.L. demandent à la cour notamment, outre des mesures de destruction des objets litigieux et publication de la décision à venir :
- de débouter la société Alpem de l'ensemble de ses demandes,
- d'infirmer le jugement déféré en toutes ses dispositions, sauf en ce qu'il a débouté la société Alpem de sa demande en nullité du brevet français n° 2 841 542 pour défaut de nouveauté,
- de dire que les revendications du brevet français n° 2 841 542 sont nouvelles et inventives,
- de dire qu'en fabriquant, en offrant à la vente et en vendant des sachets tels que ceux visés dans le procès-verbal de saisie-contrefaçon, la société Alpem a commis des actes de contrefaçon des revendications 1 à 4 du brevet sus-visé,
- de condamner la société Alpem à détruire à ses frais l'intégralité du stock de sachets contrefaisants, ainsi que tous les documents publicitaires, modèles d'exposition et de démonstration devant tel huissier que la cour désignera, et ce dès la signification de l'arrêt à venir,
- de condamner la société Alpem à payer à Antonio Ochoa Marin outre la somme de 50 000 euro au titre de l'indemnisation du préjudice subi du fait de l'atteinte aux droits de propriété intellectuelle, la somme de 500 000 euro au titre de la contrefaçon du brevet,
- de condamner la société Alpem à payer à la société Valgraf S.L. la somme de 1 000 000 euro au titre de l'indemnisation du préjudice subi du fait de la contrefaçon,
- de dire que la société Alpem a commis des actes de concurrence parasitaire à l'encontre de la société Valgraf S.L.,
- de condamner la société Alpem à payer à la société Valgraf S.L.la somme de 200 000 euro pour les faits de concurrence parasitaire et celle de 50 000 euro au titre des frais non compris dans les dépens de première instance et d'appel en application de l'article 700 du Code de procédure civile;
Vu les dernières conclusions signifiées le 26 août 2011 par lesquelles la société Alpem SAS demande à la cour de :
- confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions, sauf en ce qu'il a fixé à la somme de 80 000 euro les dommages intérêts dus par la société Valgraf S.L. au titre des actes de concurrence déloyale,
- condamner la société Valgraf S.L. à ce titre à lui verser la somme de 250 000 euro,
- débouter Antonio Ochoa Marin et la société Valgraf S.L. de toutes leurs demandes,
- condamner in solidum Antonio Ochoa Marin et la société Valgraf S.L. à lui payer une somme complémentaire de 20 000 euro au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ;
SUR QUOI, LA COUR :
Sur le brevet :
Objet du brevet français numéro 2 841 542 :
Le brevet dont Ochoa Marin est titulaire concerne un sachet isothermique perfectionné pour aliments ;
Selon la description, les sachets isothermiques pour aliments connus à la date du dépôt de la demande de brevet présentaient notamment l'inconvénient de nécessiter des machines de thermosoudage pour effectuer la fermeture du sachet (page 1 lignes 7 et 8 et lignes 23 et 24) ;
Le but de l'invention est d'éviter un tel inconvénient en proposant un sachet isothermique dans lequel il y aura lieu de munir la bouche, sur au moins un de ses côtés intérieurs, d'une zone adhésive qui permet de réaliser une fermeture étanche du sachet lorsque l'on a retiré le ruban protecteur et de munir le ruban protecteur d'une languette ou patte qui déborde par rapport à la forme géométrique générale du sachet afin de pouvoir le saisir facilement pour procéder à son décollement (page 2 lignes 7 à 12) ;
Selon l'invention, ce sachet perfectionné pour aliments procure l'avantage d'éviter le recours à une machine de thermosoudage, de transporter des aliments riches en eau, frais ou congelés, en conférant au sachet une totale étanchéité, en rendant impossible son ouverture accidentelle ou toute perte quelconque de liquide, une fois le sachet fermé, de conférer au sachet des propriétés isothermiques liées à l'étanchéité précitée et à la structure multicouche des feuilles qui la composent et d'emballer plus rapidement les produits ;
La revendication 1 du brevet se lit comme suit :
"Sachet isothermique perfectionné pour aliments qui est formé à partir d'une ou de plusieurs feuilles souples formées d'une base (8, 11) dont une ou plusieurs des faces est ou sont plastifiée(s) avec une fine pellicule plastique (7, 9, 10), ces feuilles étant réunies le long de leurs bords, à l'exception d'un côté qui forme bouche (2) d'introduction des aliments, ladite bouche (2) présentant sur au moins un des ses côtés intérieurs une zone adhésive (3) qui permet de réaliser la fermeture étanche du sachet après qu'on a retiré un ruban protecteur (4) caractérisé en ce que ledit ruban protecteur (4) de la zone adhésive (3) présente une languette ou patte (5) qui déborde de la forme géométrique générale du sachet pour permettre de saisir facilement ce ruban (4) pour procéder à son décollement" ;
Sur la nouveauté :
En première instance, la société Alpem a opposé à Antonio Ochoa Marin et à la société Valgraf S.L le brevet US n° 2 819 010 dit antériorité Amiguet portant sur des enveloppes scellables en une feuille de matière souple telle que du papier, du tissu, de la cellophane ou analogue;
Il y est décrit une enveloppe en une feuille souple disposant de moyens pour assurer un scellement rapide et efficace d'une paire de lèvres ou de bords de l'emballage définissant l'entrée de l'enveloppe ;
Une partie du bord de l'enveloppe possède une matière adhésive non durcissable et une bande protectrice de matière souple liée à celle-ci par une matière durcissable, l'enlèvement de la bande protectrice permettant à la zone de bord d'être pressée pour adhérer contre une zone de bord similaire et fermer l'ouverture de l'enveloppe ;
Là où les bandes protectrices ont des extrémités recourbées que l'utilisateur peut prendre avec ses doigts pour faciliter l'enlèvement de l'ouverture de l'enveloppe ;
Les zones de bords de l'enveloppe peuvent avoir des prolongements avec ou sans adhésifs pour être pris par l'utilisateur pendant qu'il tire les bandes protectrices de ces zones ;
Il est également indiqué in fine que l'invention permet d'emballer facilement des sandwiches, des gâteaux, des salades ou autres produits comestibles pour les sorties, les pique-niques et en particulier aussi l'emballage des semences, des produits chimiques en poudre et autres produits nécessitant une fermeture étanche ;
Si l'invention ci-dessus décrite concerne un système de fermeture s'appliquant à une enveloppe en une feuille souple, de préférence de la cellophane, elle n'évoque pas un sachet isotherme dont la destination est de permettre le transport de produits congelés ou des liquides dans le but de les maintenir à l'intérieur de l'enveloppe à une température initiale constante ;
L'objet de la revendication 1 est donc nouveau du fait que cette antériorité n'est pas destructrice de nouveauté ;
Le jugement déféré sera confirmé sur ce point ;
Sur l'activité inventive :
- Revendication 1 :
L'activité inventive d'une revendication est caractérisée si l'état de la technique ne permet pas à l'homme du métier de parvenir à l'invention de manière évidente ;
Comme l'a exactement défini la décision de première instance, l'homme du métier est le spécialiste de la fabrication des sacs isothermes pour aliments ayant une connaissance des systèmes de fermeture ;
La partie caractérisante de l'invention porte sur le ruban protecteur de la zone adhésive qui présente une languette ou patte qui déborde de la forme géométrique du sachet pour permettre de saisir facilement ce ruban pour procéder à son décollement ;
Selon la décision déférée, l'état de la technique le plus proche de l'invention est le brevet US n°2 819 010 Amiguet qui décrit une enveloppe scellable constituée en une feuille de matière souple telle que du papier, du tissu de la cellophane ou autre, conçue dans le but de parvenir à ce que le contenu de l'emballage ne s'abîme pas et soit protégé ; le procédé de scellement doit être rapide, simple, fiable et sans nécessiter d'équipement particulier ;
Antonio Ochoa Marin et la société Valgraf S.L contestent la validité de cette antériorité aux motifs qu'elle ne présente pas un caractère isothermique et que les rubans de protection (5a et 5b) sont repliés vers l'intérieur du sachet et ne débordent pas de la forme géométrique générale de celui-ci ;
L'objet du brevet US n° 2 819 010 étant de réaliser des fermetures solides et étanches à l'air (page 1 deuxième paragraphe) afin de protéger le contenu contre l'air ou l'humidité (page 3 avant denier paragraphe) l'homme du métier ne sera pas dissuadé d'appliquer les enseignements de ce brevet au sachet isothermique pour aliments ;
Ce brevet US n° 2 819 010 présente en outre deux versions des moyens de fermeture d'un sachet, le côté ouvert ou bouche étant bordé intérieurement par des bandes adhésives couvertes par un ruban protecteur ;
Dans le premier cas (figures 1 et 3), des pattes 6a et 6b du ruban protecteur 5a et 5b dépassent du contour du sachet en direction du volume intérieur pour constituer des pattes de préhension permettant de tirer le ruban couvrant les deux bords adhésifs et de les sceller (page 2 deuxième paragraphe) ;
Dans le second cas (figure 4), le sachet comporte d'une part des bords munis d'une surface adhésive protégée par un ruban 5 qui dépasse de l'extrémité de la surface adhésive pour faciliter la préhension, d'autre part une patte 6 située à l'extrémité du ruban 5 destinée à être prise avec les doigts pour faciliter l'enlèvement de la ou des bandes équipant la bouche du sachet (page 2 quatrième paragraphe) ;
Il résulte de ce qui précède que les deux modes de réalisation susvisés décrivent un sachet dont l'ouverture présente, sur au moins un côté intérieur, une zone adhésive qui permet de réaliser une fermeture étanche du sachet après enlèvement d'un ruban protecteur qui dépasse de la forme géométrique générale du sachet pour permettre de saisir facilement le ruban et de le décoller ;
A partir de cet enseignement destiné à obtenir sans opération de thermosoudage le scellement étanche d'un sachet muni de deux surfaces adhésives protégées par un ruban lequel est destiné à être saisi avec les doigts pour faciliter l'enlèvement de la bande, l'homme du métier ci-dessus défini serait parvenu à la revendication 1 du brevet contesté sans faire lui-même preuve d'activité inventive ;
En effet, la revendication 1 du brevet contesté ne spécifie pas que la languette ou la patte déborde de la forme géométrique du sachet vers l'intérieur ou vers l'extérieur de sorte que les deux modes de réalisation sus-décrits sont proposés à l'homme du métier qui pourra les mettre en œuvre ;
Si les languettes des rubans protecteurs du brevet US n° 2 819 010 ne devaient pas être considérées comme suffisamment accessibles pour une bonne préhension comme le prétendent le titulaire du brevet et son licencié, l'homme du métier envisagerait alors de prendre en considération les enveloppes autocollantes dans lesquelles la bande adhésive est protégée par un ruban protecteur débordant du rabat de l'enveloppe et dont il a été démontré dans le cadre la première instance qu'elles étaient d'un usage courant antérieurement à la date de dépôt du brevet litigieux (attestations Ghesquières - Envelnor-Kuvert - GPV Navare Diffusion) ;
Le jugement déféré sera donc confirmé en ce qu'il a déclaré l'objet de la revendication 1 du brevet français n° 03 07945 dépourvu d'activité inventive ;
Compte tenu des développements sus-visés, il n'y a pas lieu d'examiner les antériorités US 2 409 100 et US 3 372 861 dans le cadre de l'examen de l'activité inventive de la revendication 1 ;
- Revendications 2 à 4 :
Les revendications 2, 3 et 4 se lisent respectivement comme suit :
"Sachet isothermique perfectionné pour aliments selon la revendication 1, caractérisé en ce que lesdites feuilles présentent en option une ou plusieurs fenêtres(6) en matière transparente qui permet(tent) de voir les aliments présents à l'intérieur du sachet" ;
"Sachet isothermique pour aliments selon la revendication 1 ou 2, caractérisé en ce que chacune desdites feuilles présente, en coupe, une couche extérieure en polyéthylène (7), une base centrale en papier (8) et une couche intérieure en polyéthylène (9)" ;
"Sachet isothermique pour aliment selon la revendication 1 ou 2, caractérisé en ce que chacune desdites feuilles présente, en coupe, une base extérieure en papier (11) et une couche intérieure en polyéthylène (10)" ;
Outre le fait que ces trois revendications sont toutes dépendantes de la revendication 1 dont l'objet est dépourvu d'activité inventive, la ou les fenêtres transparentes destinées à voir les aliments à l'intérieur du sachet sont antériorisées par le brevet US 2 819 010 qui présente un sachet en cellophane, matière transparente ;
La feuille de papier en sandwich entre deux feuilles de polyéthylène est connue de l'homme du métier, le préambule de l'invention critiquée qui décrit l'art antérieur relevant d'ailleurs que "les sachets connus sont formés à partir d'une ou plusieurs feuilles souples d'une base dont une ou plusieurs des faces est plastifiée avec une fine pellicule de plastique" ;
La même observation concerne la revendication 4 ;
Le jugement déféré qui a déclaré nulles les revendications 1 à 4 du brevet français n° 2 841 542 et qui a débouté Antonio Ochoa Marin et la société Valgraf S.L de leur demande au titre de la contrefaçon sera donc confirmé ;
Sur les demandes au titre de la concurrence déloyale :
Demande formulée par la société Alpem à l'encontre de la société Valgraf S.L :
Les premiers juges ont estimé que les allégations contenues dans la lettre datée du 3 octobre 2007 ne sauraient constituer une notification à un tiers de ses droits de propriété intellectuelle relatifs à son brevet en raison de leur absence d'objectivité et de leur caractère erroné ;
La société Alpem reproche à la société Valgraf S.L les termes dénigrants utilisés à son adresse dans la lettre susvisée envoyée à la société Système U, lesquels termes constitueraient des actes de concurrence déloyale ;
Selon la société Valgraf S.L, cette lettre n'est qu'une simple lettre de mise en garde adressée à un distributeur conformément aux dispositions de l'article L. 615-1 du Code de la propriété intellectuelle qui faisait suite à celle du 26 septembre 2007 par laquelle ce distributeur, la société Système U, lui a annoncé le déférencement de ses sacs ;
Elle soutient que cette lettre avait pour unique objet de porter à la connaissance du distributeur de l'existence des droits dont elle jouit sur l'exploitation du brevet français n° 2 841 542 afin qu'elle prenne, en toute connaissance de cause, la décision de poursuivre ou non la commercialisation des produits de ses concurrents ;
Il s'agit de rappeler que la lettre datée du 3 octobre 2007 adressée au distributeur la société Système U mentionne que la société Valgraf S.L exploite en France un brevet portant sur des sacs d'emballage pour tous les rayons frais traditionnels ; elle indiquait que le brevet protège tout type de sacs d'emballage destiné aux rayons frais qui présentent les caractéristiques identiques ou similaires à celle définies dans ledit brevet ; elle précisait que la responsabilité civile et pénale de toute entreprise était susceptible d'être engagée pour celui qui fabrique, fournit, stocke, possède et commercialise ce "concept protégé" ; elle ajoutait qu'au cours des deux dernières années, il a été porté à sa connaissance que d'autres entreprises commercialiseraient des sacs d'emballage équivalents à ceux du brevet ; elle déclarait que l'une des principales entreprises concurrentes sollicitait l'annulation de son brevet ; elle précisait qu'une procédure est en cours contre cette entreprise et qu'en conséquence, celle-ci pourra être condamnée à ne plus fabriquer ou commercialiser le produit qu'elle estime contrefaisant et à lui verser des dommages intérêts en réparation de son préjudice ; elle terminait sa lettre en indiquant que titulaire du brevet, elle souhaitait que tous ses clients tiennent compte de cette information afin de prendre leur décision pour l'année prochaine ;
Contrairement aux assertions de la société Valgraf S.L, la société Alpem qui était également fournisseur en sacs d'emballage de la société Système U était aisément identifiable comme étant l'entreprise concurrente de la société Valgraf S.L ;
Mais le fait d'informer la société Système U de ce que la société Valgraf S.L exploitait un brevet portant sur des sacs d'emballage et de ce qu'une procédure en annulation du brevet a été diligentée par la société concurrente ne saurait constituer en soi un comportement dénigrant. Les informations fournies dans la lettre datée du 3 octobre 2007 selon lesquelles le brevet s'appliquerait à tout type de sacs d'emballage, que le brevet concernerait un concept, qu'une procédure "est en cours contre cette entreprise" pour erronées qu'elles soient ne constituent cependant pas un comportement dénigrant à l'égard de la société Alpem dans la mesure où elles sont contenues dans une lettre signée par un gérant de société qui, dépourvu de connaissances juridiques en matière de brevets a agi dans les limites admissibles de son mandat social ;
Pareillement, l'avant-dernier paragraphe ainsi libellé : "La société Valgraf S.L, titulaire du brevet, souhaite que ses clients tiennent compte de cette information sur la situation actuelle et puissent ainsi prendre leurs décisions pour l'année prochaine; Valgraf S.L continuera avec vigueur à faire valoir ses droits et exigera toutes les mesures nécessaires à sa sauvegarde pendant la procédure judiciaire" ne contient aucune allégation dénigrante puisqu'il ne fait qu'informer la société Système U qu'elle devra tenir compte des suites données à l'action judiciaire engagée, tant à titre principal par la société Alpem que par elle-même reconventionnellement en concurrence déloyale ;
La société Alpem sur qui pèse la charge de la preuve prétend que la cessation du référencement par la société Système U des sacs adhésifs notifiée par lettre recommandée avec demande d'accusé de réception datée du 24 juillet 2008 avec effet à compter du 1er février 2009 serait la conséquence de la lettre datée du 3 octobre 2007 ;
Mais la société Alpem ne démontre pas que la cessation de référencement contenue dans la lettre datée du 24 juillet 2008 est la conséquence directe et certaine de la lettre qui a été adressée à la société Système U le 3 octobre 2007 par la société Valgraf S.L soit plus de 9 mois après réception de l'information ;
Il convient également de remarquer que le déférencement adressé à la société Alpem par la société Système U s'appliquait également à d'autres produits que les sacs d'emballage (Bobine thermo blanc, Bobine paraffinée, Paraffiné) laissant présumer que cette opération n'était pas avec certitude liée au seul fait que la société Alpem étaient suspectée de contrefaire les sacs d'emballage de la société Valgraf S.L ;
Le principe de la liberté du commerce laissait au surplus le choix à la société Système U de se séparer de tous les fournisseurs de sacs d'emballage, que ce soit la société Valgraf S.L ou la société Alpem avec lesquels elle estimait pour l'avenir ne plus vouloir contracter ;
La société Alpem reproche également à la société Valgraf S.L d'avoir abusivement diligenté le 13 mars 2008, soit postérieurement à l'assignation, une saisie-contrefaçon dans les locaux de la société Leclerc de Sarrebourg, cette procédure ayant été dirigée contre elle avec la manifeste intention de lui nuire ;
Mais il ne saurait être reproché un comportement abusif à un titulaire de brevet qui cherche à établir, dûment autorisé par une ordonnance du président de la juridiction territorialement compétente la réalité des actes de contrefaçon de son brevet et de faire procéder à une saisie-contrefaçon prévue par les dispositions du Code de la propriété intellectuelle ;
Que l'abus de droit reproché par la société Alpem n'est donc pas démontré ;
Aucun acte de concurrence déloyale ne saurait donc être reproché à la société Valgraf S.L à ce titre ;
Les sachets proposés à la clientèle par la société Valgraf S.L aux sociétés Intermarché ou Système U comportent la mention "Brevet déposé" qui est destinée à informer les clients et les concurrents de la société Alpem que la société Valgraf S.L dispose d'un monopole sur la commercialisation de ce type de sachets ;
Or il résulte de l'examen de ces sachets versés aux débats que le ruban protecteur de leur partie adhésive ne comporte aucune languette ou patte débordant de la forme du sac et qu'il ne reproduit pas la partie caractérisante de la revendication 1 du brevet français n° 2 841 542 qui s'énonce comme suit :
"caractérisé en ce que ledit ruban protecteur (4) de la zone adhésive (3) présente une languette ou patte (5) qui déborde de la forme géométrique générale du sachet pour permettre de saisir facilement ce ruban (4) pour procéder à son décollement" ;
En faisant croire que ces sacs sont protégés par un brevet, la société Valgraf S.L a commis une faute qui engage sa responsabilité civile puisqu'en agissant ainsi, elle s'est procuré un avantage sur la concurrence qui sera amenée à croire que le produit commercialisé par la société Valgraf S.L possède un avantage technique et économique auquel les autres concurrents ne peuvent prétendre ;
Le jugement qui a accueilli la demande en concurrence déloyale de la société Alpem sera par substitution de motifs confirmé ;
Demande formulée par la société Valgraf S.L à l'encontre de la société Alpem :
La société Valgraf S.L reproche à la société Alpem d'avoir commis des actes de concurrence déloyale à son encontre en commercialisant des sachets qui reproduisaient les éléments caractéristiques essentiels des siens ;
Elle ajoutait qu'elle commercialise des sachets de dimensions "très spécifiques" (29x17, 29x25, 29x35) présentant un agencement de couleur particulier (fond gris métallisé/argenté - dessins bleu avec parfois une pointe rouge ou d'orange) et un concept de bandes à découper en bas du sachet avec les termes "Fraîcheur, Hygiène, Conservation" les seuls différences provenant des demandes de personnalisation propres à chaque client ;
La société Valgraf S.L démontre à l'aide des deux bons de commande émanant de la société Système U datés respectivement du 24 octobre 2002 et du 27 mars 2003, de la lettre adressée le 28 juillet 2003 à la société Géant Casino, d'une lettre date du 23 décembre 2003 de la société Système U ainsi que par l'attestation de Nelson Apablaza Soto datée du 12 mai 2011 qu'elle commercialisait des sachets adhésifs pour poissons présentant les caractéristiques sus-évoquées depuis la fin de l'année 2002 ;
Mais la société Valgraf S.L ne saurait se prévaloir de la dimension des sachets qu'elle commercialise, la forme rectangulaire étant une forme standard qui correspond à ce qui convient le mieux aux produits destinés à être contenus dans les sachets ;
L'utilisation de la couleur argentée ainsi que la couleur bleue pour les sachets est également généralisée dans la présentation des emballages destinés à conserver les produits au froid ;
Les décors présents sur les emballages sont des signes distinctifs des distributeurs et des produits destinés à être emballés ;
La banalité présentée par ces trois éléments ne permet pas de conclure que la société Alpem a commis des actes de concurrence déloyale au préjudice de la société Valgraf S.L ;
En revanche, la reprise sans nécessité du concept de bandes à découper en bas du sachet avec les mentions "Fraîcheur, Hygiène, Conservation" repris sous une forme inversée "Fraîcheur, Conservation, Hygiène" sur les sachets d'emballage portant l'enseigne "Leclerc" saisis au cours des opérations de saisie-contrefaçon à Sarrebourg constitue un comportement fautif de la part de la société Alpem qui a cherché à reprendre à son compte un concept développé par la société Valgraf S.L qui donnait à cette dernière un avantage sur ses concurrents ;
Ce comportement doit être considéré comme étant fautif et doit être sanctionné au titre de la concurrence déloyale ;
La société Valgraf S.L reproche également à la société Alpem d'avoir cherché à obtenir des renseignements auprès de son fournisseur de papier, la société Gregorio Rodriguez Corrochano, S.L ;
L'attestation du gérant Gregorio Rodriguez Corrochano datée du 1er juin 2008 mentionne que "en janvier 2007, la société Alpem s'est rapprochée de nous, afin d'obtenir nos tarifs pour la fourniture d'un complexe thermoscellable PE (10gsm), kraft blanchi (45gsm) PE (15gsm). A cette occasion, Alpem a précisé qu'il s'agissait d'un complexe similaire au complexe fourni à la société Valgraf et dont les photos figurent sur notre site" ;
Mais le simple fait de se renseigner sur un produit commercialisé par un concurrent, et comme en l'espèce, de chercher à connaître les caractéristiques du papier d'emballage utilisé par un concurrent ne saurait en soi constituer un comportement fautif s'il n'est pas accompagné de manœuvres illicites ou s'il a été commis de mauvaise foi ; or en l'espèce, selon les dires de l'attestant, la société Alpem n'a fait qu'exposer ses souhaits en ne cherchant pas à tromper son cocontractant afin d'obtenir indûment des renseignements ;
Il convient au surplus de remarquer que la société Alpem a sollicité par courriel la société Gregorio Rodriguez Corrochano, S.L afin d'obtenir un complexe thermoscellable similaire au complexe fourni à la firme Valgraf dont les échantillons sont sur le site internet de la société espagnole ;
Si celle-ci diffuse le type papier comportant les caractéristiques susvisées en exclusivité depuis l'année 2000, comme son gérant le prétend, au seul profit de la société Valgraf S.L, il est permis de s'interroger sur la diffusion de ce même type de papier sur Internet ce qui laisserait à penser qu'il peut être acquis par toute personne, et donc y compris par la société Alpem ;
Enfin, il est admis que les lois de l'économie de marché n'interdisent pas à des entreprises en compétition de se renseigner sur les produits développés par la concurrence afin d'adapter au mieux leurs propres produits à la clientèle ;
La société Valgraf S.L reproche également à la société Alpem de s'être placée dans son sillage en reproduisant les caractéristiques protégées par son brevet ;
Outre que ce grief concerne davantage les actes de contrefaçon, il ne saurait cependant pas être retenu à l'encontre de la société Alpem dans la mesure où les revendications du brevet français n° 2 841 542 ont été annulées ;
De l'ensemble, il résulte que la société Valgraf S.L ne peut reprocher à la société Alpem que l'utilisation du concept de bandes à découper en bas du sachet avec les mentions "Fraîcheur, Hygiène, Conservation" ;
Le jugement déféré qui a débouté la société Valgraf S.L de sa demande au titre de la concurrence déloyale sera par conséquent infirmé ;
Sur le préjudice de la société Alpem et de la société Valgraf S.L :
Le préjudice subi par chacune des sociétés Alpem et Valgraf S.L du fait des actes de concurrence déloyale tels que décrits ci-dessus doit être fixé pour chacune d'entre elles à la somme de 15 000 euro ;
Il apparaît équitable de laisser à la charge de chacune des parties les dépens de première instance et d'appel ainsi que les frais non compris dans les dépens de première instance et d'appel engagés par chacune d'elles au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ;
Par ces motifs : Confirme le jugement déféré en toutes ses dispositions, à l'exception de celles portant sur la demande de condamnation de la société Alpem au titre de la concurrence déloyale, sur le montant de la condamnation prononcée à l'encontre de la société Valgraf S.L au titre de la concurrence déloyale et sur l'application de l'article 700 du Code de procédure civile, Statuant à nouveau de ces chefs, Condamne la société Valgraf S.L à payer à la société Alpem la somme de 15 000 euro au titre de la concurrence déloyale, Condamne la société Alpem à payer à la société Valgraf S.L la somme de 15 000 euro au titre de la concurrence déloyale, Déboute toutes les parties de leur demande au titre de l'article 700 du Code de procédure civile tant en première instance qu'en cause d'appel, Dit que chacune des parties conservera également à sa charge les dépens de première instance et d'appel.