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Décisions

CJUE, gr. ch., 21 décembre 2011, n° C-28/09

COUR DE JUSTICE DE L’UNION EUROPEENNE

Arrêt

PARTIES

Demandeur :

Commission des Communautés européennes, République italienne, Royaume des Pays-Bas

Défendeur :

République d'Autriche

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Skouris

Présidents de chambre :

MM. Tizzano, Cunha Rodrigues, Lenaerts, Malenovský, Lõhmus, Mme Prechal

Avocat général :

Mme Trstenjak

Juges :

MM. Rosas (rapporteur), Levits, Ó Caoimh, Bay Larsen

CJUE n° C-28/09

21 décembre 2011

LA COUR (grande chambre),

1. Par sa requête, la Commission des Communautés européennes demande à la Cour de constater que, en imposant aux camions de plus de 7,5 tonnes transportant certaines marchandises une interdiction de circuler sur un tronçon de l'autoroute A 12 dans la vallée de l'Inn (Autriche), la République d'Autriche a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu des articles 28 CE et 29 CE.

Le cadre juridique

Le droit de l'Union

2. La réglementation de l'Union relative à la protection de la qualité de l'air ambiant est constituée, notamment, de la directive 96-62-CE du Conseil, du 27 septembre 1996, concernant l'évaluation et la gestion de la qualité de l'air ambiant (JO L 296, p. 55), et de la directive 1999-30-CE du Conseil, du 22 avril 1999, relative à la fixation de valeurs limites pour l'anhydride sulfureux, le dioxyde d'azote et les oxydes d'azote, les particules et le plomb dans l'air ambiant (JO L 163, p. 41), telle que modifiée par la décision 2001-744-CE de la Commission, du 17 octobre 2001 (JO L 278, p. 35, ci-après la " directive 1999-30 "). Ces deux directives visent, aux termes de leurs considérants, à protéger l'environnement, ainsi que la santé des personnes.

3. Ces directives sont abrogées depuis le 11 juin 2010 par la directive 2008-50-CE du Parlement européen et du Conseil, du 21 mai 2008, concernant la qualité de l'air ambiant et un air pur pour l'Europe (JO L 152, p. 1), sans préjudice des obligations des États membres concernant les délais de transposition ou d'application desdites directives. Néanmoins, compte tenu de la date des faits, celles-ci demeurent applicables au présent litige.

4. Conformément à son article 1er, la directive 96-62 a pour objectif général de définir les principes de base d'une stratégie commune visant à:

- définir et fixer des objectifs concernant la qualité de l'air ambiant dans la Communauté, afin d'éviter, de prévenir ou de réduire les effets nocifs pour la santé humaine et pour l'environnement dans son ensemble;

- évaluer, sur la base de méthodes et de critères communs, la qualité de l'air ambiant dans les États membres;

- disposer d'informations adéquates sur la qualité de l'air ambiant et faire en sorte que le public en soit informé, entre autres par des seuils d'alerte, et

- maintenir la qualité de l'air ambiant, lorsqu'elle est bonne, et l'améliorer dans les autres cas.

5. L'article 4 de la directive 96-62 prévoit que le Conseil de l'Union européenne, sur proposition de la Commission, fixe des valeurs limites pour les polluants énumérés à l'annexe I de cette directive. Dans cette annexe, intitulée "Liste des polluants atmosphériques à prendre en considération dans le cadre de l'évaluation et de la gestion de la qualité de l'air ambiant", figure notamment le dioxyde d'azote (NO2).

6. L'article 7 de la directive 96-62 dispose:

" 1. Les États membres prennent les mesures nécessaires pour assurer le respect des valeurs limites.

[...]

3. Les États membres établissent des plans d'action indiquant les mesures à prendre à court terme en cas de risque de dépassement des valeurs limites et/ou des seuils d'alerte, afin de réduire le risque de dépassement et d'en limiter la durée. Ces plans peuvent prévoir, selon le cas, des mesures de contrôle et, lorsque cela est nécessaire, de suspension des activités, y compris le trafic automobile, qui concourent au dépassement des valeurs limites. "

7. L'article 8, paragraphe 3, de la directive 96-62 prévoit par ailleurs:

" Dans les zones et les agglomérations [où les niveaux d'un ou de plusieurs polluants dépassent la valeur limite augmentée de la marge de dépassement], les États membres prennent des mesures pour assurer l'élaboration ou la mise en œuvre d'un plan ou programme permettant d'atteindre la valeur limite dans le délai fixé.

Ledit plan ou programme, auquel la population doit avoir accès, contient au moins les informations énumérées à l'annexe IV. "

8. Parmi les informations énumérées à ladite annexe IV figurent notamment celles concernant le lieu du dépassement, les principales sources d'émissions responsables de la pollution ainsi que les mesures existantes et les mesures envisagées.

9. Des valeurs limites pour le dioxyde d'azote sont fixées dans la directive 1999-30. Selon le quatrième considérant de celle-ci, ces valeurs constituent des exigences minimales et les États membres peuvent, conformément à l'article 130 T du traité CE (devenu, après modification, article 176 CE), maintenir ou établir des mesures de protection renforcées.

10. Aux termes de l'article 4 de la directive 1999-30, intitulé " Dioxyde d'azote et oxydes d'azote ":

" 1. Les États membres prennent les mesures nécessaires pour que les concentrations de dioxyde d'azote et, le cas échéant, d'oxydes d'azote, dans l'air ambiant, évaluées conformément à l'article 7, ne dépassent pas les valeurs limites indiquées au point I de l'annexe II, à partir des dates y spécifiées.

Les marges de dépassement indiquées au point I de l'annexe II s'appliquent conformément à l'article 8 de la directive 96-62-CE.

2. Le seuil d'alerte de concentration de dioxyde d'azote dans l'air ambiant est fixé au point II de l'annexe II. "

11. Il résulte de l'annexe II, point I, de la directive 1999-30 que, s'agissant du dioxyde d'azote:

- la valeur limite horaire pour la protection de la santé humaine est fixée à 200 µg/m3 "à ne pas dépasser plus de 18 fois par année civile", majorée d'un pourcentage de dépassement dégressif jusqu'au 1er janvier 2010;

- la valeur limite annuelle pour la protection de la santé humaine est fixée à 40 µg/m3, également majorée du même pourcentage de dépassement dégressif jusqu'au 1er janvier 2010, soit à 48 µg/m3 pour l'année 2006, à 46 µg/m3 pour l'année 2007, à 44 µg/ m3 pour l'année 2008 et à 42 µg/m3 pour l'année 2009.

12. La réglementation de l'Union fixe, pour les véhicules automobiles à moteur neufs vendus dans les États membres, des limites maximales d'émissions de polluants, notamment en ce qui concerne les particules et les oxydes d'azote (NOx). Pour les émissions de gaz polluants et de particules polluantes provenant des moteurs à allumage par compression destinés à la propulsion des véhicules et les émissions de gaz polluants provenant des moteurs à allumage commandé fonctionnant au gaz naturel ou au gaz de pétrole liquéfié et destinés à la propulsion des véhicules, ces normes sont reprises sous les dénominations Euro I, II, etc., alors que pour les émissions des véhicules particuliers et utilitaires légers, la forme Euro 0, 1, 2, etc., est employée.

Le droit national

13. Les directives 96-62 et 1999-30 ont été transposées en droit autrichien, notamment par la voie de modifications de la loi sur la protection de l'air contre les pollutions (Immissionsschutzgesetz-Luft, BGBl. I, 115-1997, ci-après l'" IG-L ").

14. Conformément à l'article 3, paragraphe 1, de l'IG-L, les valeurs limites d'immission prévues aux annexes 1 et 2 de cette même loi sont applicables à la protection de la santé humaine sur l'ensemble du territoire. L'annexe 1 fixe une valeur limite d'immission annuelle de 30 µg/m3 pour le dioxyde d'azote. Cette annexe prévoit également une marge de dépassement de 30 µg/m3 qui décroît progressivement. Selon ces données, les valeurs limites d'immission pour le dioxyde d'azote s'élèvent, in fine, à 40 µg/m3 pour les années 2006 à 2009 et à 35 µg/m3 pour l'année 2010.

15. En application de l'article 10 de l'IG-L, des mesures doivent être édictées par voie de règlement au plus tard 24 mois suivant l'année au cours de laquelle le dépassement d'une valeur limite a été constaté. Parmi les mesures susceptibles d'être édictées figurent, conformément à l'article 16, paragraphe 1, point 4, de cette même loi, des interdictions de circulation des véhicules automobiles.

16. Le Landeshauptmann von Tirol (ministre président du Tyrol) a arrêté, le 17 décembre 2007, sur le fondement des dispositions de l'IG-L, un règlement par lequel le transport de certaines marchandises est interdit sur l'autoroute A 12 de la vallée de l'Inn (interdiction sectorielle de circuler) [Verordnung des Landeshauptmannes vom 17. Dezember 2007, mit der auf der A 12 Inntalautobahn der Transport bestimmter Güter verboten wird (Sektorales Fahrverbot-Verordnung) Landesgesetzblatt für Tirol, n° 92-2007, ci-après le " règlement litigieux "]. Ce règlement, qui impose aux poids lourds de plus de 7,5 tonnes transportant certaines marchandises une interdiction de circuler sur un tronçon de cette autoroute (ci-après l'" interdiction sectorielle de circuler "), est entré en vigueur le 1er janvier 2008.

17. Ledit règlement vise, aux termes de son article 1er, à réduire les émissions de polluants liées aux activités humaines et à améliorer ainsi la qualité de l'air pour assurer la protection durable de la santé de l'homme ainsi que de la faune et de la flore.

18. L'article 2 du règlement litigieux délimite une " zone sanitaire " (" Sanierungsgebiet "). Celle-ci comprend un tronçon de 90 kilomètres de l'autoroute A 12, situé entre la commune de Zirl (à environ 12 kilomètres à l'ouest de la ville d'Innsbruck) et la frontière entre l'Allemagne et l'Autriche (à environ 78 kilomètres à l'est de la ville d'Innsbruck), ainsi qu'une bande de 100 mètres de chaque côté de cet axe routier.

19. Aux termes de l'article 3 du même règlement:

" La circulation sur l'autoroute A 12 de la vallée de l'Inn est interdite dans les deux sens entre le kilomètre 6,350, sur le territoire de la commune de Langkampfen, et le kilomètre 90,00, sur le territoire de la commune de Zirl, aux véhicules suivants:

poids lourds ou semi-remorques dont la masse maximale autorisée est supérieure à 7,5 tonnes et aux poids lourds avec remorques, dont les masses maximales autorisées additionnées dépassent 7,5 tonnes, en transportant les marchandises suivantes:

a) à partir du 2 mai 2008 (" Première phase "):

1. tous les déchets repris dans la liste européenne des déchets figurant dans la décision 2000-532-CE de la Commission [, du 3 mai 2000, remplaçant la décision 94-3-CE établissant une liste de déchets en application de l'article 1er, point a), de la directive 75-442-CEE du Conseil relative aux déchets et la décision 94-904-CE du Conseil établissant une liste de déchets dangereux en application de l'article 1er, paragraphe 4, de la directive 91-689-CEE du Conseil relative aux déchets dangereux (JO L 226, p. 3)], telle que modifiée par la décision 2001-573-CE du Conseil [, du 23 juillet 2001 (JO L 203, p. 18)],

2. les cailloux, les terres et les déblais.

b) à partir du 1er janvier 2009 (" Deuxième phase "):

1. les rondins, les écorces et le liège,

2. les minerais ferreux et non ferreux,

3. les véhicules à moteur et les remorques,

4. l'acier, à l'exception de l'acier de ferraillage et de construction pour la livraison de chantiers,

5. le marbre et le travertin,

6. les carreaux en céramique."

20. L'article 4 du règlement litigieux soustrait à l'interdiction sectorielle de circuler certains véhicules automobiles à moteur, à savoir notamment ceux qui sont chargés ou déchargés dans la " zone principale " et ceux qui sont chargés et déchargés dans la " zone élargie ", l'usage des véhicules à moteur précédant le transbordement ferroviaire en direction est vers le terminal ferroviaire de Hall ou en direction ouest vers le terminal ferroviaire de Wörgl, ainsi que l'usage des véhicules à moteur consécutif au transbordement ferroviaire en direction ouest en provenance du terminal ferroviaire de Hall et en direction est en provenance du terminal ferroviaire de Wörgl.

21. Les districts politiques d'Imst, d'Innsbruck-Land, d'Innsbruck-Stadt, de Kufstein et de Schwaz sont compris dans la " zone principale ". La " zone élargie " recouvre, en Autriche, les districts politiques de Kitzbühel, de Landeck, de Lienz, de Reutte et de Zell am See, en Allemagne, ceux de Bad Tölz, de Garmisch-Partenkirchen, de Miesbach, de Rosenheim (y compris la ville) ainsi que de Traunstein et, enfin, en Italie, les communautés de districts d'Eisacktal, de Pustertal et de Wipptal.

22. Ce même article renvoie également aux dérogations prévues par l'IG-L. Ainsi, sont exclues de l'interdiction sectorielle de circuler certaines catégories de véhicules automobiles, au nombre desquels figurent les véhicules d'entretien de la voirie, d'enlèvement des ordures ainsi que les véhicules agricoles et forestiers. Elle prévoit qu'une dérogation particulière peut, en outre, être sollicitée pour d'autres véhicules pour cause d'intérêt public ou d'un intérêt privé important.

23. Après l'expiration du délai imparti dans l'avis motivé, à savoir le 8 juin 2008, plusieurs modifications ont été apportées au règlement litigieux.

24. La mise en œuvre de l'interdiction sectorielle de circuler a été partiellement retardée. Pour le secteur situé à l'est de la ville d'Innsbruck, il a été prévu que, à partir du 1er janvier 2009, cette mesure ne s'applique, en sus du transport des marchandises déjà concernées auparavant, à savoir les déchets, les cailloux, les terres et les déblais, qu'au transport des rondins et du liège ainsi qu'à celui des véhicules à moteur et des remorques. En ce qui concerne le transport des carreaux en céramique ainsi que de l'acier, l'interdiction sectorielle de circuler n'a pris effet que le 1er juillet 2009 (troisième phase) et, en ce qui concerne le transport des minerais ferreux et non ferreux ainsi que du marbre et du travertin, le 1er juillet 2010 (quatrième phase).

25. Quant au secteur situé à l'ouest de la ville d'Innsbruck (Innsbruck-Zirl), la mise en œuvre de l'interdiction sectorielle de circuler a été repoussée au 1er janvier 2011 pour l'ensemble des marchandises visées par le règlement litigieux.

26. Enfin, diverses exceptions ont été inscrites dans un décret. Celles-ci concernaient notamment les convois d'aide d'organisations reconnues, ainsi que les transports militaires.

Les antécédents du recours

27. L'autoroute A 12, d'une longueur d'environ 145 kilomètres, relie la commune de Kufstein, située à l'est de la ville d'Innsbruck, à la commune de Landeck, située à l'ouest de cette même ville. Des dépassements de la valeur limite annuelle pour le dioxyde d'azote, telle que celle-ci a été fixée à l'annexe II, point I, de la directive 1999-30, ont été constatés sur cette autoroute depuis l'année 2002. Les plus fortes concentrations de ce polluant atmosphérique ont été mesurées au point de contrôle de Vomp/Raststätte. Au cours de cette même année, la concentration moyenne annuelle enregistrée pour ledit polluant était de 61 µg/m3, tandis que, en vertu dudit point I, la valeur limite annuelle augmentée de la marge de dépassement avait été fixée à 56 µg/m3. Pour les années 2003 à 2008, des dépassements encore supérieurs ont été constatés. À titre d'exemple, au cours de l'année 2008, la concentration de dioxyde d'azote enregistrée au point de contrôle en cause était de 66 µg/m3, ce qui représentait un dépassement de 50 % de la valeur limite établie pour l'année en cause augmentée de la marge de dépassement, à savoir, in fine, 44 µg/m3. Les dépassements ont été encore plus importants au regard des valeurs limites établies pour le dioxyde d'azote par l'IG-L, les marges de dépassement prévues par celle-ci comprises.

28. Afin d'assurer le respect des valeurs limites pour le dioxyde d'azote, les autorités autrichiennes ont arrêté plusieurs mesures visant à réduire les émissions spécifiques des véhicules automobiles à moteur et la densité du trafic routier.

29. Le 1er octobre 2002, ces autorités ont imposé une interdiction temporaire de circulation nocturne visant les poids lourds, applicable sur un tronçon de l'autoroute A 12. Par la suite, cette mesure a été prolongée, puis remplacée, à compter du 1er juin 2003, par une interdiction permanente de circulation nocturne frappant le transport de marchandises par des poids lourds de plus de 7,5 tonnes, une telle interdiction étant valable toute l'année.

30. Le 27 mai 2003, le ministre président du Tyrol a adopté un règlement interdisant, à partir du 1er août 2003 et pour une durée indéterminée, la circulation sur un tronçon de cette même autoroute, entre les communes de Kundl et d'Ampass, aux poids lourds de plus de 7,5 tonnes transportant les marchandises énumérées dans ce règlement. Il s'agissait plus particulièrement du transport de déchets, de céréales, de rondins, d'écorces et de liège, de minerais ferreux et non ferreux, de cailloux, de terres, de déblais, de véhicules à moteur et de remorques ainsi que de l'acier. Toutefois, le transport de marchandises en provenance ou à destination du territoire de la ville d'Innsbruck, des districts de Kufstein, de Schwaz ou d'Innsbruck-Land était soustrait à cette interdiction. Par ailleurs, l'interdiction sectorielle de circuler ne s'appliquait pas à certaines catégories de véhicules automobiles, tels que les véhicules d'entretien de la voirie et d'enlèvement des ordures, ainsi que les véhicules agricoles et forestiers. Enfin, une dérogation particulière pouvait, dans certains cas, être demandée pour d'autres véhicules automobiles lorsqu'il existait un intérêt public ou un intérêt privé important. Cette mesure devait s'appliquer immédiatement à compter du 1er août 2003.

31. Considérant que l'interdiction édictée par ce règlement constituait une restriction à la libre circulation des marchandises au sens des articles 28 CE et 29 CE, la Commission a introduit, le 24 juillet 2003, un recours en manquement au titre de l'article 226 CE contre la République d'Autriche.

32. Après avoir ordonné, à titre conservatoire, à cet État membre de surseoir à l'exécution de ladite interdiction, la Cour a constaté, dans son arrêt du 15 novembre 2005, Commission/Autriche (C-320-03, Rec. p. I-9871), que celui-ci avait manqué aux obligations qui lui incombent en vertu des articles 28 CE et 29 CE, le règlement en cause devant être considéré comme constituant une mesure d'effet équivalant à des restrictions quantitatives qui, en raison de son caractère disproportionné, ne pouvait être valablement justifiée par la protection de la qualité de l'air.

33. À la suite de cet arrêt, les autorités autrichiennes ont préparé de nouvelles mesures visant à améliorer la qualité de l'air sur l'autoroute A 12. Depuis l'année 2006, un ensemble de mesures, dont l'interdiction sectorielle de circuler faisant l'objet du présent recours, a progressivement été mis en œuvre.

34. Ainsi, du 1er novembre 2006 au 30 avril 2007, une limitation de vitesse à 100 km/h a été imposée sur l'autoroute A 12 entre, d'une part, la frontière entre l'Autriche et l'Allemagne et, d'autre part, la commune de Zirl. Au cours du mois de novembre de l'année 2007, cette mesure temporaire a été remplacée par une limitation de vitesse variant selon le niveau général d'immission effectivement mesuré et les facteurs météorologiques (ci-après la " limitation de vitesse variable ").

35. En outre, une interdiction de circuler pour les semi-remorques et les poids lourds avec remorque, de plus de 7,5 tonnes, non conformes à la norme Euro II a été mise en place entre les communes de Zirl et de Kufstein, avec effet au 1er janvier 2007. Depuis le 1er novembre 2008, cette mesure s'applique également à ce type de véhicules automobiles lorsqu'ils ne respectent pas la norme Euro III. À compter du 1er novembre 2009, une interdiction générale de circuler s'applique aux poids lourds de plus de 7,5 tonnes dont les émissions sont non conformes à la norme Euro II, dans leur ensemble.

36. Enfin, à compter du 1er janvier 2007, le champ d'application territorial de l'interdiction de circulation nocturne visant les poids lourds sur un tronçon de l'autoroute A 12 a été étendu. Une dérogation avait été prévue temporairement pour les poids lourds relevant des classes Euro IV et Euro V, mais celle-ci a été supprimée à la date du 31 octobre 2009.

37. L'interdiction sectorielle de circuler ainsi que les autres mesures énumérées aux points 34 à 36 du présent arrêt font partie d'un plan, élaboré par les autorités autrichiennes, en vertu de l'article 8, paragraphe 3, de la directive 96-62, pour assurer dans le Land du Tyrol le respect de la valeur limite pour le dioxyde d'azote, fixée à l'annexe II, point I, de la directive 1999-30.

La procédure précontentieuse

38. L'interdiction sectorielle de circuler envisagée a été communiquée à la Commission par la République d'Autriche, le 11 janvier 2007, dans le cadre de la procédure de consultation préalable prévue par la décision du Conseil, du 21 mars 1962, instituant une procédure d'examen et de consultation préalables pour certaines dispositions législatives, réglementaires ou administratives envisagées par les États membres dans le domaine des transports (JO 1962, 23, p. 720), telle que modifiée par la décision 73-402-CEE du Conseil, du 22 novembre 1973 (JO L 347, p. 48).

39. La Commission a, le 20 juillet 2007, émis un avis en réponse, par lequel elle a conclu que l'interdiction sectorielle de circuler, si elle devait être adoptée, serait constitutive d'une restriction à la libre circulation des marchandises non conforme aux obligations découlant des articles 28 CE et 29 CE.

40. Le règlement litigieux ayant néanmoins été adopté le 17 décembre 2007, et étant entré en vigueur le 1er janvier 2008, la Commission a, le 31 janvier 2008, adressé à la République d'Autriche une lettre de mise en demeure confirmant sa position antérieure et invitant cet État membre à présenter ses observations dans un délai de quinze jours à compter de la réception de cette lettre.

41. Dans sa réponse du 15 février 2008, la République d'Autriche a contesté le grief soulevé par la Commission. L'interdiction sectorielle de circuler, visant à améliorer la qualité de l'air sur l'autoroute A 12, aurait pour objectif d'orienter les marchandises ayant une " affinité avec le rail " vers ce mode de transport. Dès lors, cette interdiction ne constituerait pas une restriction à la libre circulation des marchandises et serait, en tout état de cause, justifiée par les objectifs de protection de la santé et de l'environnement. En outre, il conviendrait de tenir compte de la situation géographique de l'Autriche. La croissance rapide du transport routier dans l'Union aurait entraîné une pression accrue sur l'environnement dans les couloirs alpins et dans leurs alentours immédiats.

42. Cette réponse n'ayant pas emporté la conviction de la Commission, celle-ci a, le 8 mai 2008, adressé un avis motivé audit État membre, l'invitant à prendre les mesures nécessaires pour se conformer à celui-ci dans un délai d'un mois à compter de la réception de cet avis.

43. La République d'Autriche a répondu audit avis motivé, par une lettre du 9 juin 2008, en maintenant sa position antérieure. Dans une lettre complémentaire du 2 décembre 2008, elle a porté à la connaissance de la Commission que, pour le secteur situé à l'ouest de la ville d'Innsbruck, l'interdiction sectorielle de circuler n'entrerait en vigueur que le 1er janvier 2011.

44. N'étant pas satisfaite de ces explications, la Commission a décidé d'introduire le présent recours.

La procédure devant la Cour

45. Par ordonnance du président de la Cour du 19 juin 2009, la République italienne ainsi que le Royaume des Pays-Bas ont été admis à intervenir au soutien des conclusions de la Commission.

46. Par ordonnance du président de la Cour du 19 août 2009, le Royaume de Danemark a été admis à intervenir au soutien des conclusions de la République d'Autriche. Le Royaume de Danemark ayant informé la Cour, par lettre du 2 mars 2010, qu'il se désistait de son intervention, le président de la Cour a, par ordonnance du 7 mai 2010, ordonné la radiation de celui-ci comme partie intervenante au litige.

Sur la recevabilité

Argumentation des parties

47. La République d'Autriche soulève une exception d'irrecevabilité à l'encontre de la requête en intervention du Royaume des Pays-Bas. Ce dernier tenterait d'étendre l'objet du recours en soutenant que l'interdiction sectorielle de circuler constitue une discrimination indirecte du fait qu'elle affecte non pas l'ensemble du trafic de poids lourds, mais seulement le trafic de poids lourds de plus de 7,5 tonnes.

48. La République d'Autriche soulève également une exception d'irrecevabilité à l'encontre de la requête en intervention de la République italienne. Cette dernière présenterait un moyen nouveau en mentionnant, en tant que mesure alternative à l'interdiction sectorielle de circuler, une mesure n'ayant pas été envisagée par la Commission, à savoir la possibilité d'introduire une interdiction de circuler portant sur les véhicules automobiles privés et utilitaires de moins de 7,5 tonnes, en fonction de la classe Euro à laquelle ils appartiennent.

49. Cette dernière exception d'irrecevabilité a été contestée par le gouvernement italien lors de l'audience de plaidoiries.

Appréciation de la Cour

50. Afin d'apprécier le bien-fondé des exceptions d'irrecevabilité soulevées à l'encontre des requêtes en intervention, il importe de rappeler que, selon l'article 40, paragraphe 4, du statut de la Cour de justice de l'Union européenne, les conclusions de telles requêtes ne peuvent avoir d'autre objet que le soutien des conclusions de l'une des parties. Cette disposition ne s'oppose cependant pas à ce qu'un intervenant présente des arguments nouveaux ou différents de ceux de la partie qu'il soutient, pourvu qu'il vise à soutenir les conclusions de cette partie (voir, notamment, arrêts du 23 février 1961, De Gezamenlijke Steenkolenmijnen in Limburg/Haute Autorité, 30-59, Rec. p. 1; du 19 novembre 1998, Royaume-Uni/Conseil, C-150-94, Rec. p. I-7235, point 36, et du 8 juillet 2010, Commission/Italie, C-334-08, non encore publié au Recueil, points 53 à 55).

51. Il convient de constater que l'allégation du Royaume des Pays-Bas concerne le grief de la Commission tiré du caractère discriminatoire de l'interdiction sectorielle de circuler. Celle émanant de la République italienne se rapporte au caractère prétendument disproportionné de ladite interdiction et, plus particulièrement, au grief selon lequel la République d'Autriche n'aurait pas examiné attentivement la possibilité de recourir à des mesures moins restrictives de la libre circulation des marchandises.

52. S'il est vrai que ces allégations comportent des arguments différents de ceux de la Commission, il n'en demeure pas moins qu'elles portent sur des griefs invoqués par cette dernière et visent à soutenir les conclusions de celle-ci. Elles tendent à contribuer au succès du recours en manquement, en apportant au litige un éclairage complémentaire (voir, en ce sens, arrêt du 27 novembre 2003, Commission/Finlande, C-185-00, Rec. p. I-14189, point 92).

53 Il s'ensuit que ces exceptions d'irrecevabilité doivent être rejetées.

Sur le fond

Argumentation des parties

54. La Commission souligne d'emblée qu'elle ne sous-estime aucunement les problèmes liés au trafic transalpin. Elle reconnaît également que, depuis l'année 2002, des dépassements de la valeur limite pour le dioxyde d'azote, fixée à l'annexe II, point I, de la directive 1999-30, ont été constatés sur l'autoroute A 12, et que la directive 96-62 prévoyait, dans de telles circonstances, une obligation d'agir pour la République d'Autriche. Si la plupart des mesures proposées, visant à améliorer la qualité de l'air dans la zone concernée, auraient pu être approuvées, il n'en demeurerait pas moins que le règlement litigieux ne serait pas conforme au droit de l'Union.

55. Selon la Commission, l'interdiction sectorielle de circuler constitue une mesure d'effet équivalant à des restrictions quantitatives au sens des articles 28 CE et 29 CE, dans la mesure où elle entrave la libre circulation des marchandises et, en particulier, leur libre transit.

56. À cet égard, la circonstance que le règlement litigieux fait partie d'un ensemble de mesures adoptées par les autorités autrichiennes serait sans incidence sur l'existence ou non d'une restriction à l'exercice de cette liberté, toute mesure nationale devant être appréciée de manière individualisée afin d'établir sa conformité auxdits articles.

57. En l'occurrence, il s'agirait d'une mesure plus radicale que celle à l'origine de l'arrêt Commission/Autriche, précité. En effet, seraient concernées par la mise en œuvre de ladite interdiction non seulement la circulation sur l'" axe nord-sud " (la liaison Italie - Brenner - Innsbruck - Langkampfen - Allemagne) et celle sur l'" axe nord-oues t" (la liaison Vorarlberg - Europe orientale), mais également la circulation sur l'" axe sud-ouest " (la liaison Italie - Innsbruck - Vorarlberg/région du lac de Constance). Selon les estimations, lors de la mise en œuvre de la première phase de l'interdiction sectorielle de circuler, soit à partir du 2 mai 2008, 35 000 trajets effectués par des poids lourds par an auraient dû être affectés. À partir de la mise en œuvre de la deuxième phase, soit le 1er janvier 2009, la mesure en cause aurait dû toucher 200 000 trajets par an, ce qui représenterait 7,3 % de l'ensemble des trajets effectués par des poids lourds sur l'autoroute A 12. Les effets de cette mesure s'étendraient sur environ 300 kilomètres du réseau autrichien de voies rapides.

58. La Commission soutient que, pour assurer le transport des marchandises visées par le règlement litigieux, il faudrait soit recourir au trafic ferroviaire, soit emprunter des itinéraires routiers plus longs, ce qui générerait des frais supplémentaires pour les opérateurs concernés. Ainsi, l'interdiction sectorielle de circuler aurait des répercussions économiques importantes, non seulement pour l'industrie du transport, mais également pour les fabricants des marchandises visées par ce règlement, lesquels seraient amenés à supporter des coûts de transport plus élevés, ce qui porterait atteinte à leur compétitivité.

59. Selon la Commission, le règlement litigieux est discriminatoire. Le trafic local et régional ayant été exempté du champ d'application de l'interdiction sectorielle de circuler, celle-ci toucherait de facto de manière prépondérante le transit international des marchandises. En outre, il pourrait être à craindre que des entreprises de transport pouvant bénéficier dudit régime dérogatoire tirent parti des dispositions d'exemption pour proposer des transports sur route à longue distance, ceux-ci ne pouvant plus être proposés par des entreprises établies en dehors de cette région.

60. Par ailleurs, dans la mesure où l'interdiction sectorielle de circuler porte directement non pas sur les émissions produites par les véhicules automobiles de transport, mais sur les marchandises à transporter par ceux-ci, elle pourrait avoir un effet discriminatoire sur le commerce entre les États membres. La Commission relève, notamment, que le commerce de bois et de produits dérivés de bois ainsi que le commerce du marbre et de travertin pourraient en être affectés.

61. Quant à l'existence d'une éventuelle justification à l'interdiction sectorielle de circuler, la Commission reconnaît que cette interdiction peut contribuer à atteindre l'objectif de protection de l'environnement. Elle remet cependant en cause la conformité de ladite mesure au principe de proportionnalité.

62. L'interdiction sectorielle de circuler serait entachée de contradictions internes, de sorte que son adéquation par rapport à l'objectif recherché ne serait pas établie.

63. Selon la Commission, l'objectif principal du règlement litigieux est non pas la réduction des émissions produites par les véhicules automobiles à moteur, mais celle du trafic routier. Or, une telle réduction n'aurait qu'une incidence indirecte sur la qualité de l'air.

64. L'interdiction sectorielle de circuler portant sur les marchandises à transporter et non pas directement sur les émissions produites par les véhicules automobiles de transport, elle aurait pour conséquence d'autoriser la circulation de poids lourds plus polluants lorsqu'ils transportent des marchandises ne relevant pas du champ d'application de ladite interdiction, alors que la circulation des poids lourds moins polluants serait interdite lorsqu'ils transportent par exemple des carreaux en céramique.

65. En outre, le choix d'orienter les marchandises ayant une "affinité avec le rail" vers ce dernier mode de transport ferait abstraction du fait que la possibilité de recourir au mode de transport ferroviaire dépend souvent de différents paramètres logistiques de la mission de transport, tels que le volume à transporter. Par ailleurs, ce critère serait trop vague et il ne saurait être exclu que les marchandises devant être concernées par une telle interdiction soient sélectionnées de manière arbitraire ou discriminatoire et que ce choix soit ensuite étendu à d'autres catégories de produits.

66. Selon la Commission, les alternatives envisageables à l'interdiction sectorielle de circuler n'ont pas toutes été examinées et, le cas échéant, adoptées par les autorités autrichiennes. Parmi les diverses mesures de nature à restreindre, selon elle, dans une moindre mesure, la libre circulation des marchandises figurerait le remplacement de la limitation de vitesse variable par une limitation de vitesse permanente à 100 km/h.

67. L'étude de l'Institut für Energie- und Umweltforschung Heidelberg, du 30 novembre 2007 (ci-après l'" étude IFEU "), démontrerait qu'une limitation de vitesse permanente à 100 km/h pourrait conduire à une réduction, jusqu'à l'année 2010, d'environ 7,5 % des émissions de dioxyde d'azote. Pour ce qui est plus particulièrement des effets d'une telle limitation par rapport à ceux de la limitation de vitesse variable, selon les calculs présentés par les autorités autrichiennes, l'application de cette dernière mesure permettrait de réduire annuellement d'environ 3,6 % à 3,8 % les émissions de dioxyde d'azote dans la zone concernée. La République d'Autriche aurait admis, dans sa réponse à l'avis motivé, que les effets de la limitation de vitesse variable correspondent à 67 % des effets d'une limitation de vitesse permanente à 100 km/h. Il en résulterait que le remplacement de la limitation de vitesse variable par une telle mesure permettrait d'obtenir une réduction supplémentaire de 1,8 % desdites émissions, ce qui serait supérieur aux effets de l'interdiction sectorielle de circuler, à savoir une réduction annuelle de 1,5 % desdits polluants atmosphériques.

68. Quant à l'analyse d'Ökoscience sur les effets sur la qualité de l'air de l'application de la limitation de vitesse variable entre le mois de novembre de l'année 2007 et celui d'octobre de l'année 2008 (ci-après l'"étude Ökoscience"), invoquée par la République d'Autriche pour démontrer qu'un tel remplacement ne permettrait d'obtenir qu'une réduction annuelle supplémentaire de 1,1 % des émissions de dioxyde d'azote, celle-ci aurait été publiée au cours du mois de mars de l'année 2009 et comporterait des informations n'ayant pu être acquises qu'après l'expiration du délai imparti dans l'avis motivé, à savoir le 8 juin 2008.

69. En outre, il aurait pu être envisagé d'étendre l'interdiction de circuler frappant les poids lourds relevant de certaines classes Euro à ceux relevant d'autres classes plus avancées. La République d'Autriche se serait opposée à cette proposition dans sa réponse à l'avis motivé, en soutenant que les poids lourds correspondant à la norme Euro IV émettraient souvent plus de dioxyde d'azote que ceux correspondant à la norme Euro III. Même si cette allégation devait être avérée, il n'en demeurerait pas moins qu'une interdiction de circuler portant sur les poids lourds relevant de la classe Euro III inciterait de nombreuses entreprises à passer de manière anticipée à la classe Euro V.

70. La Commission fait également mention de la possibilité d'introduire des mesures de contrôle de la circulation, telles que le système du compte-gouttes, d'instaurer des systèmes de péage en fonction de la quantité de polluants émise par les véhicules et d'adapter la taxe sur les huiles minérales ou la taxe à la consommation, et ce afin d'inciter à l'achat de véhicules automobiles équipés d'un moteur à essence.

71. La Commission soutient que, avant de décider de mettre en œuvre l'interdiction sectorielle de circuler, les autorités autrichiennes ne se seraient pas assurées de l'existence de capacités ferroviaires suffisantes et appropriées permettant le transfert du transport routier des marchandises concernées vers le transport ferroviaire. L'existence de telles capacités ne serait aucunement prouvée ni pour le secteur situé à l'ouest de la ville d'Innsbruck ni pour le secteur situé à l'est de cette ville en ce qui concerne la mise en œuvre de la deuxième phase de cette interdiction.

72. Pour ce qui est de la possibilité de recourir à l'autoroute ferroviaire (" Rollende Landstrasse "), à savoir un mode de transport dans lequel les poids lourds sont placés sur le rail pour une partie seulement de l'itinéraire, cette alternative n'existerait que pour le secteur situé à l'est de la ville d'Innsbruck. Pour ce secteur, il n'aurait été possible d'assurer qu'une partie des transports des marchandises concernées par la mise en œuvre, le 1er janvier 2009, de la deuxième phase de l'interdiction sectorielle de circuler, telle qu'elle avait été prévue initialement. En effet, si les capacités de l'autoroute ferroviaire étaient suffisantes au 1er janvier 2009, cela était simplement imputable aux modifications opérées par la République d'Autriche après l'expiration du délai imparti dans l'avis motivé.

73. Pour ce qui est de l'alternative que constituerait le transport combiné non accompagné, celui-ci n'aurait d'intérêt d'un point de vue économique et logistique que sur de longues distances.

74. S'agissant de la possibilité de recourir à des itinéraires de remplacement, il apparaîtrait que les routes alternatives locales seraient soit interdites au trafic de transit, soit non adaptées aux poids lourds. Ainsi, les transports en transit de poids lourds étrangers concernés devraient être détournés soit vers la Suisse, soit vers la route des Tauern en Autriche, ce qui impliquerait un allongement considérable du parcours. En outre, il y aurait également lieu de tenir compte des coûts supplémentaires occasionnés par les formalités douanières suisses.

75. Enfin, en l'absence de solutions de remplacement réalistes permettant d'assurer le transport des marchandises visées par le règlement litigieux, les délais prévus pour la mise en œuvre de l'interdiction sectorielle de circuler seraient insuffisants pour permettre raisonnablement aux opérateurs concernés par cette mesure de s'adapter aux nouvelles circonstances.

76. Quant au secteur situé à l'ouest de la ville d'Innsbruck (Zirl-Innsbruck), la nécessité de l'interdiction sectorielle de circuler ne serait pas établie à défaut d'évaluations suffisantes indiquant dans quelle mesure ce secteur est affecté. En outre, une analyse d'impact concrète, susceptible de démontrer le caractère approprié et nécessaire d'une telle mesure, ferait défaut.

77. En tout état de cause, le fait que le règlement litigieux ait été modifié à plusieurs reprises après l'expiration du délai imparti dans l'avis motivé démontrerait que la République d'Autriche n'a pas analysé correctement le caractère proportionné de l'interdiction sectorielle de circuler.

78. Le Royaume des Pays-Bas soutient, dans son mémoire en intervention, que le règlement litigieux est constitutif d'une discrimination indirecte. Celui-ci affecterait dans une plus grande mesure le trafic de transit effectué par des entreprises étrangères que celui assuré par les entreprises autrichiennes, en raison du fait, d'une part, qu'il porte non pas sur l'ensemble du trafic de poids lourds, mais seulement sur le trafic de poids lourds de plus de 7,5 tonnes, ces derniers véhicules étant ceux par lesquels le trafic de transit s'effectue en règle générale et, d'autre part, qu'il concerne un axe routier déterminant pour ce type de trafic.

79. La République italienne, quant à elle, propose, en tant que mesure alternative à l'interdiction sectorielle de circuler, l'introduction d'une interdiction de circuler portant sur les véhicules automobiles privés et utilitaires de moins de 7,5 tonnes, en fonction de la classe Euro à laquelle ils appartiennent. Pour ce qui est de l'alternative, proposée par la Commission, qui consisterait à étendre les interdictions de circuler imposées aux poids lourds plus anciens à ceux relevant d'autres classes Euro plus avancées, et plus particulièrement à ceux relevant de la classe Euro III, celle-ci pourrait avoir des répercussions économiques importantes pour l'économie de cet État membre en raison de la composition de la flotte de camions.

80. En outre, les États intervenants font état des problèmes résultant de la mise en œuvre de l'interdiction sectorielle de circuler. Les alternatives offertes par le transport ferroviaire et par les itinéraires de remplacement ne permettraient pas de satisfaire aux besoins des opérateurs concernés. La République italienne insiste notamment sur la charge administrative et financière supplémentaire que générerait un transport de marchandises par la Suisse.

81. La République d'Autriche conteste l'existence d'une restriction à la libre circulation des marchandises au sens des articles 28 CE et 29 CE.

82. Pour ce qui est du cadre factuel, cet État membre fait valoir que, en dépit des mesures visant à améliorer la qualité de l'air ambiant dans le Land du Tyrol, la concentration en dioxyde d'azote sur l'autoroute A 12 dépasse nettement les valeurs limites annuelles fixées à l'annexe II, point I, de la directive 1999-30, augmentées de la marge de dépassement. La situation s'aggraverait en raison de l'évolution dégressive de cette marge. Environ 60 % des émissions de dioxyde d'azote sur cette autoroute seraient imputables aux poids lourds. Ainsi, le transport routier de marchandises constituerait la principale source d'émissions de ce polluant atmosphérique dans la zone concernée.

83. La République d'Autriche souligne que la directive 96-62, lue en combinaison avec la directive 1999-30, impose, en cas de dépassement de la valeur limite annuelle de dioxyde d'azote, une obligation d'agir pour l'État membre concerné. En outre, les autorités autrichiennes seraient dans l'obligation d'assurer le respect de la vie privée et familiale des citoyens, consacré à l'article 7 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne (ci-après la " charte ") et à l'article 8, paragraphe 2, de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, signée à Rome le 4 novembre 1950, y compris le droit d'être protégé contre les atteintes à la santé et à la qualité de la vie. En l'occurrence, un juste équilibre entre les intérêts en présence aurait été trouvé conformément à la jurisprudence inaugurée par l'arrêt de la Cour du 12 juin 2003, Schmidberger (C-112-00, Rec. p. I-5659).

84. Cet État membre soutient que la conformité du règlement litigieux au droit de l'Union doit être appréciée non pas de manière isolée, mais au regard de l'ensemble des mesures dont il fait partie. En effet, pour parvenir à une réduction aussi importante et efficace que possible des émissions provoquées par le trafic routier, un plan d'ensemble combinant différentes mesures aurait été nécessaire. Ces dernières porteraient non seulement sur les émissions spécifiques des véhicules automobiles à moteur, mais également sur la densité du trafic routier. La mise en œuvre de ce plan permettrait de réduire sensiblement la pollution due au dioxyde d'azote dans la zone concernée et d'atteindre, au cours de l'année 2010, une concentration annuelle moyenne d'environ 55 µg/m3 de ce polluant atmosphérique dans cette zone. Cependant, en dépit de l'adoption d'un tel plan, la concentration dans l'air de ce polluant atmosphérique dépasserait largement la valeur limite de 40 µg/m3, fixée à l'annexe II, point I, de la directive 1999-30 pour l'année en cause.

85. L'interdiction sectorielle de circuler, dans son aménagement final, à savoir après la décision de ne pas inclure le transport de céréales dans le champ d'application de celle-ci, concernerait environ 194 000 trajets de poids lourds par an, ce qui représenterait 6,6 % de l'ensemble des trajets effectués par des poids lourds sur l'autoroute A 12. Elle ne serait pas de nature à entraver les échanges des marchandises entre les États membres, mais ferait uniquement obstacle à l'utilisation d'un mode de transport dans un couloir de transit transalpin. Les trajets en cause pourraient être effectués, en partie, en transférant le transport routier des marchandises visées par le règlement litigieux vers le rail et, en partie, en empruntant des itinéraires de remplacement.

86. Selon la République d'Autriche, cette interdiction n'aurait pas entraîné des conséquences économiques importantes. Les répercussions de celle-ci seraient trop aléatoires et trop indirectes pour pouvoir être considérées comme étant de nature à entraver le commerce entre les États membres. En pratique, aucune entrave aux échanges des marchandises n'aurait été constatée depuis la mise en œuvre de la première phase de ladite interdiction, à savoir le 2 mai 2008.

87. En ce qui concerne le caractère prétendument discriminatoire du règlement litigieux, le choix des marchandises visées par celui-ci aurait été effectué en fonction de critères objectifs et non discriminatoires.

88. Quant à la dérogation applicable au trafic routier régional et local, celle-ci s'expliquerait par le fait que le transfert de ce type de trafic vers le transport ferroviaire, par hypothèse à l'intérieur même de la zone, entraînerait des trajets supplémentaires à destination des terminaux ferroviaires, ce qui aurait un effet contraire à l'objectif recherché par le règlement litigieux. Par ailleurs, la " zone élargie " définie par ce règlement comprendrait des circonscriptions administratives situées en dehors du territoire autrichien ce qui renforcerait le caractère non discriminatoire du régime en cause.

89. Pour ce qui est de la crainte que des entreprises de transport bénéficiant de l'application des dispositions dérogatoires puissent proposer des services de transport routier de longue distance, les autorités autrichiennes auraient pris des mesures permettant de lutter contre les éventuels contournements ou abus.

90. Par ailleurs, la République d'Autriche précise que, pour certains transports, des dérogations à l'interdiction sectorielle de circuler pourraient être accordées, au cas par cas, sur présentation d'une demande en ce sens. Ces dispositions dérogatoires permettraient d'organiser des transports routiers de marchandises dont il est établi qu'ils ne peuvent pas être transférés vers le rail, en raison de circonstances particulières. Les dispositions en cause seraient appliquées de manière souple par les autorités compétentes.

91. À titre subsidiaire, cet État membre soutient que l'interdiction sectorielle de circuler est justifiée par des motifs de protection de la santé ainsi que de l'environnement et est proportionnée aux objectifs recherchés.

92. La Commission reprocherait à tort à la République d'Autriche d'avoir décidé de viser le transport routier de marchandises. Une telle mesure serait conforme aux objectifs reconnus dans le cadre de la politique commune des transports, notamment dans la communication de la Commission au Conseil et au Parlement européen " Pour une Europe en mouvement - Mobilité durable pour notre continent - Examen à mi-parcours du livre blanc sur les transports publié en 2001 par la Commission européenne " [COM(2006) 314 final du 22 juin 2006].

93. En outre, les recherches scientifiques démontreraient clairement le bien-fondé de l'approche retenue par cet État membre. La Commission se fonderait sur des études reprenant des hypothèses incorrectes, ce qui aboutirait à une surestimation, par celle-ci, de l'effet des mesures relatives aux voitures particulières.

94. Pour ce qui est de la décision des autorités autrichiennes d'étendre le champ d'application de l'interdiction sectorielle de circuler au secteur situé à l'ouest de la ville d'Innsbruck, cette mesure serait nécessaire en raison du niveau de pollution de l'air ambiant dans la zone concernée. Par ailleurs, ce secteur ne représentant qu'une faible proportion du trafic de poids lourds dans le couloir du Brenner, à savoir environ 1,8 %, les effets de ladite extension sur le trafic transfrontalier de tels véhicules seraient modestes.

95. Avant d'adopter l'interdiction sectorielle de circuler, les autorités autrichiennes auraient soigneusement examiné la possibilité d'adopter des mesures alternatives moins restrictives de la libre circulation des marchandises. Les mesures étudiées auraient été introduites et appliquées dans la mesure où elles étaient adaptées et efficaces. Ainsi, lesdites autorités auraient opté pour la mise en place d'une limitation de la vitesse variable en fonction de la pollution et d'une interdiction de circuler pour certains poids lourds non conformes à la norme Euro II ou Euro III. En outre, le champ d'application géographique de l'interdiction de circulation nocturne aurait été étendu et la dérogation prévue pour les poids lourds relevant des classes Euro IV et Euro V aurait été levée.

96. Pour ce qui est de la possibilité de mettre en place une mesure limitant de manière permanente la vitesse à 100 km/h, la Commission soutiendrait, à tort, qu'une telle mesure pourrait permettre une réduction d'environ 7,5 % des émissions de dioxyde d'azote dans la zone concernée et que cette limitation réduirait davantage la concentration annuelle de ce polluant atmosphérique dans ladite zone que l'interdiction sectorielle de circuler. Selon la République d'Autriche, l'étude IFEU, invoquée par la Commission pour démontrer le bien-fondé de ces assertions, serait fondée sur des données et des hypothèses non vérifiables.

97. Pour évaluer l'effet du remplacement de la limitation de vitesse variable par une limitation de vitesse permanente à 100 km/h, il conviendrait de se fonder sur l'étude Ökoscience qui contiendrait des données portant sur l'application de la limitation de vitesse variable entre le mois de novembre de l'année 2007 et celui d'octobre de l'année 2008. Selon ces données, l'effet d'un tel remplacement permettrait d'obtenir une réduction annuelle supplémentaire de 1,1 % des émissions de dioxyde d'azote dans des conditions optimales, ce qui représenterait un résultat nettement inférieur à celui de l'interdiction sectorielle de circuler pour laquelle une réduction de 1,5 % desdites émissions est avancée.

98. Dans ce contexte, la République d'Autriche souligne que le niveau de réduction des émissions découlant d'une limitation de vitesse permanente à 100 km/h dépend essentiellement de l'effet de cette mesure sur la vitesse effectivement pratiquée par les usagers de la route, qui dépendrait elle-même de l'acceptation de la mesure par lesdits usagers. La vitesse moyenne de circulation n'équivaudrait pas à la vitesse maximale autorisée. À l'époque où une limitation de vitesse à 130 km/h était appliquée à Vomp, la vitesse moyenne des voitures particulières aurait été d'environ 116 km/h, tandis que pendant la période d'enquête impliquant l'introduction d'une limitation de vitesse permanente à 100 km/h, cette vitesse n'aurait baissé que jusqu'à 103 km/h. La baisse effective de la vitesse moyenne aurait donc été non pas de 30 km/h, mais seulement de 13 km/h.

99. Quant à la possibilité d'étendre les interdictions de circuler imposées aux poids lourds plus anciens à ceux relevant d'autres classes Euro, une telle extension conduirait à des résultats contradictoires. Les émissions de dioxyde d'azote seraient supérieures pour les poids lourds relevant de la classe Euro IV à celles des véhicules automobiles correspondant à la classe Euro III. En outre, il conviendrait de tenir compte de la date à partir de laquelle les véhicules de la classe Euro concernée par l'interdiction de circuler ne correspondent plus à la norme ainsi que du point de savoir si l'obligation de remplacer les véhicules en cause par de nouveaux véhicules pourrait être imposée. Au moment où l'ensemble des mesures visant à améliorer la qualité de l'air ambiant dans le Land du Tyrol avait été proposé, les trois quarts de la flotte de camions auraient toujours été constitués des véhicules correspondant à la norme Euro III.

100. Les autorités autrichiennes auraient étudié les effets sur la pollution de l'air des mesures de suivi du trafic, des mesures relatives aux péages et d'autres mesures de pilotage. Celles-ci auraient, en partie, été écartées en raison de leurs inconvénients et seraient, en partie, en cours d'application.

101. En outre, la Commission présenterait, en tant que mesures alternatives à l'interdiction sectorielle de circuler, des mesures ne produisant des effets qu'à long terme, telles que les mesures économiques visant à réduire la part des voitures particulières fonctionnant avec un moteur diesel. En tout état de cause, de telles mesures auraient déjà été adoptées.

102. Pour ce qui est de la possibilité d'assurer le transport des marchandises visées par le règlement litigieux, la République d'Autriche opère une distinction entre les transports de marchandises dont le trajet sur l'autoroute A 12 est le plus court (" itinéraire privilégié "), ceux ayant un trajet alternatif au moins équivalent (" itinéraire alternatif ") et ceux disposant d'un trajet alternatif de meilleure qualité (" itinéraire de contournement "). Parmi les transports concernés par l'interdiction sectorielle de circuler, 45 % d'entre eux devraient être classés dans la catégorie des transports bénéficiant d'itinéraires privilégiés, 25 % dans la catégorie des transports pouvant recourir aux itinéraires alternatifs et 30 % dans celle correspondant à un itinéraire de contournement.

103. Lorsque les transports de marchandises sont effectués dans le cadre d'un trafic de transit, ils devraient, selon la République d'Autriche, être réalisés en recourant au mode de transport ferroviaire s'ils correspondent à un " itinéraire privilégié " ou à un " itinéraire alternatif ". Dans ce contexte, il conviendrait de prendre en compte l'ensemble des capacités résultant de toutes les formes de transport ferroviaire disponibles.

104. Les capacités disponibles de l'autoroute ferroviaire, du transport conventionnel par wagons isolés et du transport combiné non accompagné seraient plus que suffisantes pour prendre en charge toutes les marchandises visées par le règlement litigieux. Pour ce qui concerne, plus particulièrement, l'utilisation de l'autoroute ferroviaire, celle-ci ne nécessiterait pas une restructuration logistique.

105. En dépit de l'existence et de la disponibilité de capacités ferroviaires suffisantes et appropriées, les autorités autrichiennes auraient reporté l'entrée en vigueur de la deuxième phase de l'interdiction sectorielle de circuler en introduisant une troisième phase, à compter du 1er juillet 2009, puis une quatrième phase, à compter du 1er juillet 2010. Ces délais supplémentaires auraient permis à une plus grande partie des entreprises concernées par cette interdiction d'effectuer les transports concernés en recourant à l'autoroute ferroviaire, ce qui les aurait dispensées de procéder à des adaptations logistiques.

106. Contrairement à ce que soutient la Commission, les itinéraires de remplacement par le Reschenpass ne seraient pas réservés aux transports régionaux et locaux. Les transports en transit de poids lourds étrangers pour lesquels cet itinéraire correspond à un " itinéraire privilégié " pourraient y recourir. Pour modifier les trajets des transports de marchandises relevant des catégories " itinéraire alternatif " et " itinéraire de contournement ", de nombreux itinéraires de remplacement seraient disponibles. Pour ce qui est des itinéraires routiers passant par la Suisse, l'accord conclu le 21 juin 1999 entre la Communauté européenne et la Confédération suisse sur le transport de marchandises et de voyageurs par rail et par route (JO 2002, L 114, p. 91) garantirait que les transports d'un État membre vers un autre État membre puissent transiter par ce pays sans contingentement.

107. Enfin, les délais prévus pour la mise en œuvre de l'interdiction sectorielle de circuler auraient permis aux opérateurs concernés de s'adapter aux nouvelles circonstances. L'échelonnement des différentes mesures renforcerait la proportionnalité du plan d'ensemble. La Commission n'aurait pas pu démontrer l'existence de problèmes imputables à la mise en œuvre prétendument trop rapide de ladite interdiction.

Appréciation de la Cour

- Sur l'existence d'une restriction à la libre circulation des marchandises

108. D'emblée, il importe d'examiner le bien-fondé de l'allégation de la République d'Autriche selon laquelle le règlement litigieux ne saurait constituer une violation des articles 28 CE et suivants compte tenu de l'obligation d'agir résultant de l'article 8, paragraphe 3, de la directive 96-62, lu en combinaison avec la directive 1999-30.

109. En l'occurrence, cet État membre et la Commission s'accordent pour considérer que, pour les années 2002 à 2009, la valeur limite annuelle des concentrations de dioxyde d'azote dans l'air ambiant, fixée à l'annexe II, point I, de la directive 1999-30, a été dépassée au point de contrôle de Vomp/Raststätte. Ainsi, la République d'Autriche devait assurer, compte tenu des termes de l'article 8, paragraphe 3, de la directive 96-62, l'élaboration ou la mise en œuvre d'un plan ou programme permettant de respecter la valeur limite. Or, il n'est pas contesté que, du point de vue formel, le règlement litigieux fasse partie d'un tel plan.

110. Conformément à cette même disposition, un tel plan doit comporter les informations énumérées à l'annexe IV de la directive 96-62, telles que des informations concernant le lieu du dépassement, les principales sources d'émissions responsables de la pollution ou les mesures existantes et envisagées. Ladite directive ne contient cependant pas d'indications précises quant à la portée et au contenu des mesures devant être prises par les États membres.

111. Dans de telles circonstances, il appartient auxdits États membres de prendre des mesures appropriées et cohérentes destinées à respecter la valeur limite, compte tenu de l'ensemble des circonstances du moment et des intérêts en présence (voir, en ce sens, arrêts Commission/Autriche, précité, point 81, et du 25 juillet 2008, Janecek, C-237-07, Rec. p. I-6221, points 45 et 46). S'ils jouissent d'un pouvoir d'appréciation à cet égard, il n'en demeure pas moins qu'ils doivent l'exercer dans le respect des dispositions du traité CE, y compris le principe fondamental de la libre circulation des marchandises.

112. Dès lors, il convient d'apprécier le règlement litigieux au regard des articles 28 CE à 30 CE.

113. À cet égard, il importe de rappeler que la libre circulation des marchandises constitue l'un des principes fondamentaux du traité. Cette liberté a pour conséquence l'existence d'un principe général de liberté du transit des marchandises à l'intérieur de l'Union européenne (voir, notamment, arrêts du 16 mars 1983, SIOT, 266-81, Rec. p. 731, point 16; du 4 octobre 1991, Richardt et " Les Accessoires Scientifiques ", C-367-89, Rec. p. I-4621, point 14, ainsi que Commission/Autriche, précité, points 63 et 65).

114. En l'occurrence, le règlement litigieux interdit aux poids lourds de plus de 7,5 tonnes transportant certaines marchandises qui, selon les autorités autrichiennes, ont une "affinité avec le rail", de circuler sur un tronçon de l'autoroute A 12. Il fait ainsi obstacle à l'utilisation, dans ce couloir de transit transalpin, d'un mode de transport pour ces produits.

115. La République d'Autriche soutient qu'il existe des itinéraires de remplacement ou d'autres modes de transport de nature à permettre l'acheminement des marchandises en cause.

116. Toutefois, l'existence de telles solutions de remplacement n'est pas de nature à écarter l'existence d'une restriction à la libre circulation des marchandises (voir, en ce sens, arrêt Commission/Autriche, précité, point 67). En effet, le tronçon de l'autoroute A 12 constitue l'une des principales voies de communication terrestres entre le sud de l'Allemagne et le nord de l'Italie. En contraignant les entreprises concernées à rechercher des solutions de remplacement rentables pour le transport des marchandises visées par le règlement litigieux, l'interdiction sectorielle de circuler est susceptible d'affecter de manière substantielle le transit des marchandises entre l'Europe septentrionale et le nord de l'Italie (voir, en ce sens, arrêt Commission/Autriche, précité, points 66 et 68).

117. Dans de telles conditions, l'interdiction sectorielle de circuler doit être considérée comme constituant une mesure d'effet équivalant à des restrictions quantitatives, en principe incompatible avec les obligations résultant des articles 28 CE et 29 CE, à moins que cette mesure ne puisse être justifiée.

- Sur la justification éventuelle de la restriction

118. La République d'Autriche soutient que l'interdiction sectorielle de circuler est justifiée par des motifs de protection de la santé et de l'environnement ainsi que par la nécessité d'assurer le droit au respect de la vie privée et familiale, consacré à l'article 7 de la charte et à l'article 8, paragraphe 2, de la Convention européenne de sauvegarde des Droits de l'Homme et des libertés fondamentales.

119. Selon une jurisprudence constante, des mesures nationales susceptibles d'entraver le commerce intracommunautaire peuvent être justifiées par l'une des raisons d'intérêt général énumérées à l'article 30 CE, telles que la protection de la santé et de la vie des personnes, ou par l'une des exigences impératives tendant, entre autres, à la protection de l'environnement, pourvu que les mesures en question soient proportionnées à l'objet recherché (voir, notamment, arrêts du 20 février 1979, Rewe-Zentral, dit " Cassis de Dijon ", 120-78, Rec. p. 649; du 20 septembre 1988, Commission/Danemark, 302-86, Rec. p. 4607, point 9; du 5 février 2004, Commission/Italie, C-270-02, Rec. p. I-1559, point 21; du 14 décembre 2004, Commission/Allemagne, C-463-01, Rec. p. I-11705, point 75, ainsi que Commission/Autriche, précité, point 70).

120. Il convient de rappeler que la protection de la santé et celle de l'environnement constituent des objectifs essentiels de l'Union. En ce sens, l'article 2 CE énonce que la Communauté a notamment pour mission de promouvoir un "niveau élevé de protection et d'amélioration de la qualité de l'environnement" et l'article 3, paragraphe 1, sous p), CE dispose que l'action de la Communauté comporte une contribution à la réalisation d'" un niveau élevé de protection de la santé " (voir, en ce sens, arrêts du 7 février 1985, ADBHU, 240-83, Rec. p. 531, point 13; du 19 mai 1992, Commission/Allemagne, C-195-90, Rec. p. I-3141, point 29, et du 22 décembre 2008, British Aggregates/Commission, C-487-06 P, Rec. p. I-10515, point 91).

121. En outre, aux termes des articles 6 CE et 152, paragraphe 1, CE, les exigences de protection de l'environnement et de la santé publique doivent être prises en compte dans la définition et la mise en œuvre des politiques et des actions de la Communauté (voir, en ce sens, arrêt du 23 octobre 2007, Commission/Conseil, C-440-05, Rec. p. I-9097, point 60). Le caractère transversal et fondamental desdits objectifs est, par ailleurs, réaffirmé respectivement aux articles 37 et 35 de la charte.

122. Quant au rapport entre les objectifs de protection de l'environnement et de protection de la santé, il ressort de l'article 174, paragraphe 1, CE que la protection de la santé des personnes relève des objectifs de la politique de la Communauté dans le domaine de l'environnement (voir, notamment, arrêts du 8 juillet 2010, Afton Chemical, C-343-09, non encore publié au Recueil, point 32, et du 22 décembre 2010, Gowan Comércio Internacional e Serviços, C-77-09, non encore publié au Recueil, point 71). Ces objectifs sont intimement liés l'un à l'autre, notamment dans le cadre de la lutte contre la pollution de l'air qui a pour finalité de limiter les dangers pour la santé liés à une dégradation de l'environnement. L'objectif de la protection de la santé se trouve ainsi déjà, en principe, englobé dans l'objectif de protection de l'environnement (voir, en ce sens, arrêt du 11 décembre 2008, Commission/Autriche, C-524-07, point 56).

123. Dans de telles conditions, il n'y a pas lieu d'examiner les arguments de la République d'Autriche relatifs à la protection de la santé séparément de ceux portant sur la protection de l'environnement (voir, en ce sens, arrêt du 11 décembre 2008, Commission/Autriche, précité, point 56).

124. En l'occurrence, l'interdiction sectorielle de circuler a été adoptée dans le but de garantir la qualité de l'air ambiant dans la zone concernée conformément aux obligations résultant de l'article 8, paragraphe 3, de la directive 96-62, lu en combinaison avec la directive 1999-30.

125. Il est de jurisprudence constante que des exigences impératives relevant de la protection de l'environnement peuvent justifier des mesures nationales susceptibles d'entraver le commerce intracommunautaire, pourvu que ces mesures soient propres à garantir la réalisation de cet objectif et n'aillent pas au-delà de ce qui est nécessaire pour qu'il soit atteint (voir, en ce sens, arrêts du 14 juillet 1998, Aher-Waggon, C-389-96, Rec. p. I-4473, points 19 et 20; du 14 décembre 2004, Commission/Allemagne, précité, point 75, ainsi que du 11 décembre 2008, Commission/Autriche, précité, point 57).

126 Or, une mesure restrictive ne saurait être considérée comme propre à garantir la réalisation de l'objectif recherché que si elle répond véritablement au souci d'atteindre celui-ci d'une manière cohérente et systématique (voir, en ce sens, arrêts du 10 mars 2009, Hartlauer, C-169-07, Rec. p. I-1721, point 55; du 19 mai 2009, Apothekerkammer des Saarlandes e.a., C-171-07 et C-172-07, Rec. p. I-4171, point 42, ainsi que du 16 décembre 2010, Josemans, C-137-09, non encore publié au Recueil, point 70).

127. Tout d'abord, pour ce qui est du caractère approprié du règlement litigieux, la Commission considère que le choix opéré par les autorités autrichiennes d'adopter une mesure portant sur le transport routier de marchandises est inadéquat. La République d'Autriche viserait à réduire non pas les émissions des véhicules automobiles à moteur, mais la densité du trafic routier. La Commission soutient également que le règlement litigieux ne répond pas véritablement au souci d'atteindre l'objectif poursuivi d'une manière cohérente et systématique.

128. D'emblée, il y a lieu de relever que, afin d'améliorer la qualité de l'air dans la zone concernée, les autorités autrichiennes ont adopté différentes mesures pour réduire les émissions des véhicules automobiles à moteur, à savoir une limitation de vitesse à 100 km/h sur un tronçon de l'autoroute A 12, remplacée par la suite par une limitation de vitesse variable, ainsi que l'interdiction sous certaines conditions sur cette même autoroute, d'une part, de la circulation nocturne pour les poids lourds et, d'autre part, de la circulation des poids lourds relevant de certaines classes Euro. Estimant ces mesures insuffisantes, la République d'Autriche a également adopté une mesure visant à réduire le nombre total des transports par des poids lourds, à savoir l'interdiction sectorielle de circuler. Par l'adoption de ces mesures, la concentration annuelle moyenne de dioxyde d'azote dans la zone concernée aurait dû être, au cours de l'année 2010, d'environ 55 µg/m3.

129. Il est constant que la mise en œuvre des mesures visant à limiter la circulation routière, telles que l'interdiction sectorielle de circuler, entraîne une réduction des émissions de polluants atmosphériques et contribue ainsi à l'amélioration de la qualité de l'air. En l'occurrence, il n'est pas contesté que cette dernière mesure permet de réduire d'environ 1,5 % les émissions de ce polluant atmosphérique sur l'année dans la zone concernée.

130. Dans ce contexte, il importe de rappeler que la nécessité de réduire le transport routier de marchandises, le cas échéant en orientant les opérateurs vers d'autres modes de transport, plus respectueux de l'environnement, tels que le transport ferroviaire, a été reconnue dans le cadre de la politique commune des transports, ainsi que l'a admis la Commission lors de l'audience de plaidoiries. Il y a également lieu de mentionner la directive 92-106-CEE du Conseil, du 7 décembre 1992, relative à l'établissement de règles communes pour certains transports combinés de marchandises entre États membres (JO L 368, p. 38), dont le troisième considérant énonce que " les problèmes croissants afférents à l'encombrement des routes, à l'environnement et à la sécurité routière exigent, dans l'intérêt public, un développement plus poussé des transports combinés comme alternative au transport routier ".

131. Pour ce qui est du critère de l'" affinité avec le rail ", retenu par les autorités autrichiennes pour désigner les marchandises devant relever du champ d'application de l'interdiction sectorielle de circuler, il est constant que certaines marchandises sont particulièrement adaptées au transport ferroviaire.

132. Quant à l'allégation de la Commission selon laquelle le critère retenu laisse à craindre que les marchandises concernées par l'interdiction sectorielle de circuler soient sélectionnées de manière arbitraire, il suffit de relever que celle-ci n'a pas développé des arguments pour soutenir que tel aurait été le cas en ce qui concerne les marchandises énumérées à l'article 3 du règlement litigieux. La Cour devant se prononcer, dans le cadre d'un recours en manquement, en tenant compte des seuls éléments factuels de l'affaire, à l'exclusion de toute supposition, il y a lieu de rejeter cet argument (voir, notamment, arrêts du 26 avril 2005, Commission/Irlande, C-494-01, Rec. p. I-3331, point 41, et du 6 octobre 2009, Commission/Finlande, C-335-07, Rec. p. I-9459, point 46).

133. Pour ce qui concerne la question de savoir si le règlement litigieux répond au souci d'atteindre l'objectif poursuivi d'une manière cohérente et systématique, il est vrai qu'il a pour conséquence d'autoriser la circulation de poids lourds plus polluants lorsqu'ils transportent des marchandises ne relevant pas du champ d'application de ladite interdiction, alors que la circulation des poids lourds moins polluants est interdite lorsqu'ils transportent, notamment, des carreaux en céramique. Il ne saurait cependant être jugé incohérent qu'un État membre qui a décidé d'orienter, en conformité avec un objectif reconnu dans le cadre de la politique commune des transports, le transport de marchandises vers le rail, adopte une mesure se focalisant sur des produits aptes à être transportés par différents modes de transport ferroviaire.

134. Quant à l'exclusion du trafic local et régional du champ d'application de l'interdiction sectorielle de circuler, il importe de relever que l'une des caractéristiques des mesures nationales destinées à canaliser les flux de transport ou à influer sur les modes de transport est qu'elles incluent, en règle générale, des dérogations en faveur des transports dont le point de départ ou de destination se situe à l'intérieur de la zone concernée. En effet, il apparaît, ainsi que le soutient à juste titre la République d'Autriche, que le recours au transport ferroviaire pour ce type de trafic est susceptible d'entraîner un allongement des trajets, dès lors que s'ajoutent aux trajets initiaux ceux à destination des terminaux ferroviaires, ce qui aurait un effet contraire à l'objectif recherché par l'interdiction sectorielle de circuler. En outre, il n'est pas contesté que le transport ferroviaire ne constitue une alternative rentable au transport routier que pour les trajets d'une certaine distance.

135. Par ailleurs, dans la mesure où la dérogation porte sur des poids lourds qui sont chargés et déchargés dans la "zone élargie", il importe de rappeler que cette zone comprend également des circonscriptions administratives situées en dehors du territoire autrichien.

136. En outre, il ressort du dossier soumis à la Cour que la République d'Autriche a pris des mesures pour lutter contre les éventuels contournements ou abus dans l'application de cette dérogation.

137. Dans de telles conditions, l'exclusion du trafic local et régional du champ d'application de l'interdiction sectorielle de circuler ne saurait remettre en cause le caractère cohérent et systématique du règlement litigieux.

138. Eu égard à ces éléments, il convient de constater que l'interdiction sectorielle de circuler est propre à garantir la réalisation de l'objectif de protection de l'environnement.

139. Ensuite, pour ce qui est de la question de savoir si la restriction à la libre circulation des marchandises va au-delà de ce qui est nécessaire pour atteindre cet objectif, la Commission soutient que des mesures telles que l'extension de l'interdiction de circuler frappant les poids lourds relevant de certaines classes Euro à ceux relevant d'autres classes, ou encore le remplacement de la limitation de vitesse variable par une limitation de vitesse permanente à 100 km/h, tout en étant susceptibles d'affecter la libre circulation des marchandises, auraient permis d'atteindre l'objectif recherché en restreignant, dans une moindre mesure, l'exercice de cette liberté.

140. Ainsi que la Cour l'a souligné, au point 87 de son arrêt du 15 novembre 2005, Commission/Autriche, précité, avant l'adoption d'une mesure aussi radicale qu'une interdiction de circuler sur un tronçon d'autoroute constituant une voie de communication vitale entre certains États membres, il incombait aux autorités autrichiennes d'examiner attentivement la possibilité de recourir à des mesures moins restrictives de la liberté de circulation et de ne les écarter que si leur caractère inadéquat, au regard de l'objectif poursuivi, était clairement établi.

141. S'agissant, en premier lieu, de la solution consistant à étendre l'interdiction de circuler frappant les poids lourds relevant de certaines classes Euro à ceux relevant d'autres classes, il convient de rappeler que la limite pour les émissions d'oxydes d'azote est fixée à 5 g/kWh pour les poids lourds relevant de la classe Euro III et que la classe Euro IV a introduit une réduction à 3,5 g/kWh.

142. La République d'Autriche est cependant d'avis que les poids lourds correspondant à la classe Euro IV émettraient souvent plus de dioxyde d'azote que ceux correspondant à la norme Euro III. Pour cette raison, elle considère qu'il conviendrait, avant d'étendre l'interdiction de circuler frappant les poids lourds à ceux relevant de la classe Euro III, d'étudier de manière plus approfondie l'impact sur l'environnement des émissions de dioxyde d'azote.

143. Or, compte tenu du fait que les différentes classes Euro successives comportent incontestablement une réduction à chaque fois substantielle des émissions des oxydes d'azote, il n'est pas établi que l'extension de l'interdiction de circuler frappant les poids lourds relevant de certaines classes Euro à ceux relevant d'autres classes n'aurait pas pu contribuer à l'objectif recherché de manière aussi efficace que la mise en œuvre de l'interdiction sectorielle de circuler.

144. Pour ce qui concerne, en second lieu, la solution proposée par la Commission consistant à remplacer la limitation de vitesse variable par une limitation de vitesse permanente à 100 km/h, la République d'Autriche soutient, en s'appuyant sur les données contenues dans l'étude Ökoscience, qu'un tel remplacement n'aboutirait qu'à une réduction annuelle supplémentaire de 1,1 % des émissions de dioxyde d'azote dans la zone concernée, tandis que pour l'interdiction sectorielle de circuler une réduction de 1,5 % desdites émissions est avancée.

145. À cet égard, il importe de relever que les données contenues dans l'étude Ökoscience concernent notamment les vitesses effectivement pratiquées par les usagers de la route dans cette zone entre le mois de novembre de l'année 2007 et celui d'octobre de l'année 2008. Ainsi, une partie substantielle de celles-ci portent sur la situation de la République d'Autriche telle qu'elle se présentait au terme du délai fixé dans l'avis motivé, à savoir le 8 juin 2008. Ces données peuvent être utilement prises en compte pour apprécier le bien-fondé du présent recours.

146. Selon cette étude, à l'époque où une limitation de vitesse à 130 km/h était appliquée à Vomp, la vitesse moyenne des voitures particulières aurait été d'environ 116 km/h, tandis que pendant la période d'enquête, impliquant l'introduction d'une limitation de vitesse permanente à 100 km/h, la vitesse moyenne de ces voitures aurait été de 103 km/h. Ainsi, l'instauration de cette dernière mesure n'aurait entraîné qu'une réduction de 13 km/h par rapport aux périodes de limitation de vitesse à 130 km/h.

147. S'il est vrai que l'effet d'une limitation de vitesse sur la vitesse effectivement pratiquée par les usagers de la route peut être influencé par la manière dont ceux-ci acceptent la mesure, il n'en demeure pas moins qu'il incombe à l'État membre concerné d'assurer le respect effectif d'une telle mesure par l'adoption de mesures contraignantes assorties, le cas échéant, de sanctions. Ainsi, la République d'Autriche ne saurait se fonder sur la vitesse moyenne mesurée sur la zone concernée, à savoir 103 km/h, pour apprécier les effets de la mise en œuvre d'une limitation de vitesse permanente à 100 km/h.

148. Dès lors, il apparaît que le remplacement de la limitation de vitesse variable par une limitation de vitesse permanente à 100 km/h présente un potentiel de réduction des émissions de dioxyde d'azote qui n'a pas été suffisamment pris en compte par la République d'Autriche. Par ailleurs, ainsi qu'il ressort du point 67 du présent arrêt, l'existence d'un tel potentiel est corroborée par l'étude IFEU.

149. En outre, il importe de relever que les effets restrictifs sur la libre circulation des marchandises d'un remplacement de la limitation de vitesse variable par une limitation de vitesse permanente à 100 km/h sont moindres que ceux de la mise en œuvre de l'interdiction sectorielle de circuler. En effet, un tel remplacement n'est pas de nature à affecter la circulation des poids lourds pour lesquels la vitesse maximale autorisée est, en tout état de cause, limitée.

150. Dans de telles circonstances, il convient de conclure, eu égard aux critères présentés au point 140 du présent arrêt, que le caractère inadéquat des deux principales mesures alternatives mises en avant par la Commission en tant que mesures moins restrictives de la libre circulation des marchandises n'a pas été établi. Sans qu'il ne soit nécessaire d'examiner les autres mesures proposées par la Commission, il y a donc lieu d'accueillir le présent recours.

151. Au vu de l'ensemble des développements qui précèdent, il y a lieu de constater que, en imposant aux camions de plus de 7,5 tonnes transportant certaines marchandises une interdiction de circuler sur un tronçon de l'autoroute A 12 dans la vallée de l'Inn (Autriche), la République d'Autriche a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu des articles 28 CE et 29 CE.

Sur les dépens

152. Aux termes de l'article 69, paragraphe 2, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s'il est conclu en ce sens. La Commission ayant conclu à la condamnation de la République d'Autriche et celle-ci ayant succombé en l'essentiel de ses moyens, il y a lieu de la condamner aux dépens.

153. En application du paragraphe 4, premier alinéa, du même article, la République italienne et le Royaume des Pays-Bas, qui sont intervenus au présent litige, supporteront leurs propres dépens.

Par ces motifs, la Cour (grande chambre) déclare et arrête:

1) En imposant aux camions de plus de 7,5 tonnes transportant certaines marchandises une interdiction de circuler sur un tronçon de l'autoroute A 12 dans la vallée de l'Inn (Autriche), la République d'Autriche a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu des articles 28 CE et 29 CE.

2) La République d'Autriche est condamnée aux dépens.

3) La République italienne et le Royaume des Pays-Bas supportent leurs propres dépens.