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Décisions

CJUE, 3e ch., 21 décembre 2011, n° C-271/09

COUR DE JUSTICE DE L’UNION EUROPEENNE

Arrêt

PARTIES

Demandeur :

Commission européenne

Défendeur :

République de Pologne

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président de chambre :

M. Lenaerts

Avocat général :

M. Jääskinen

Juges :

Mme Silva de Lapuerta, MM. Juhász, von Danwitz, Šváby (rapporteur)

CJUE n° C-271/09

21 décembre 2011

LA COUR (troisième chambre),

1. Par sa requête, la Commission des Communautés européennes demande à la Cour de constater que, en maintenant en vigueur les articles 143, 136, paragraphe 3, et 136a, paragraphe 2, de la loi relative à l'organisation et au fonctionnement des fonds de pension (Ustawa o organizacji i funkcjonowaniu funduszy emerytalnych), du 28 août 1997, telle que modifiée (Dz. U de 2004, n° 159, position 1667, ci-après la " loi relative aux fonds de pension "), qui restreignent les investissements à l'étranger des fonds de pension ouverts (ci-après les " FPO ") polonais, la République de Pologne a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu de l'article 56 CE.

Le cadre juridique

La réglementation de l'Union

La directive 88-361-CEE

2. La partie introductive de l'annexe I de la directive 88-361-CEE du Conseil, du 24 juin 1988, pour la mise en œuvre de l'article 67 du traité [article abrogé par le traité d'Amsterdam] (JO L 178, p. 5), intitulée " Nomenclature des mouvements de capitaux visés à l'article 1er de la directive ", énonce:

" [...]

Les mouvements de capitaux énumérés dans la présente nomenclature s'entendent comme couvrant:

[...]

- les opérations effectuées par toute personne physique ou morale [telles que définies par les réglementations nationales], y compris les opérations portant sur les avoirs ou engagements des États membres et des autres administrations et organismes publics, sous réserve des dispositions de l'article 68 paragraphe 3 du traité,

[...] "

La directive 2003-41-CE

3. L'article 18, paragraphes 5 et 6, de la directive 2003-41-CE du Parlement européen et du Conseil, du 3 juin 2003, concernant les activités et la surveillance des institutions de retraite professionnelle (JO L 235, p. 10), dispose:

" 5. Dans le respect des dispositions des paragraphes 1 à 4, les États membres peuvent soumettre les institutions établies sur leur territoire à des règles plus détaillées, y compris des règles quantitatives si elles sont justifiées du point de vue prudentiel, pour refléter l'éventail complet des régimes de retraite gérés par ces institutions.

Les États membres peuvent notamment appliquer des dispositions en matière de placements similaires à celles prévues par la directive 2002-83-CE.

Toutefois, ils n'empêchent pas les institutions:

[...]

b) de placer jusqu'à 30 % des actifs représentatifs des provisions techniques dans des actifs libellés en monnaies autres que celles dans lesquelles sont exprimés les engagements;

[...]

6. Le paragraphe 5 ne préjuge pas du droit des États membres d'imposer, sur une base individuelle également, aux institutions établies sur leur territoire des règles de placement plus strictes justifiées du point de vue prudentiel, eu égard notamment aux engagements contractés par l'institution."

La réglementation nationale

4. Sous réserve des adaptations liées aux régimes transitoires applicables aux personnes nées avant le 1er janvier 1949 et à celles nées entre le 1er janvier 1949 et le 31 décembre 1968, le régime des pensions de retraite, entré en vigueur en Pologne au 1er janvier 1999 en vertu de la loi relative au régime de sécurité sociale (Ustawa o systemie ubezpieczen spolecznych), du 13 octobre 1998, telle que modifiée (Dz. U de 2007, n° 11, position 74), repose sur trois piliers:

- Le premier pilier, obligatoire, est fondé sur le principe de répartition. Les pensions sont gérées et versées par le Zaklad Ubezpieczen Spolecznych (institution de sécurité sociale, ci-après le " ZUS "), entité publique disposant des ressources financières du Fundusz Ubezpieczen Spolecznych (Fonds d'assurance sociale).

- Le deuxième pilier, également obligatoire, est fondé sur le principe de capitalisation. Il est constitué par les FPO, actuellement au nombre de quatorze.

- Le troisième pilier, facultatif, est constitué de dispositifs d'épargne volontaire complémentaires. Il est régi par la loi relative aux comptes de retraite individuels (Ustawa o indywidualnych kontach emerytalnych), du 20 avril 2004 (Dz. U n° 116, position 1205).

5. Conformément à l'article 3, paragraphe 1, point 2, de la loi relative au régime de sécurité sociale, du 13 octobre 1998, telle que modifiée, les FPO sont définis conformément aux dispositions de la loi relative aux fonds de pension.

6. En vertu de l'article 2 de la loi relative aux fonds de pension, un FPO a pour vocation d'accumuler et de placer des ressources financières en vue de les reverser à ses adhérents après que ceux-ci ont atteint l'âge de la retraite.

7. Conformément à l'article 3 de cette loi, un FPO est une personne morale constituée sous la forme d'une fondation et dotée d'actifs distincts de ceux de la société qui l'a créé, qui le gère et qui le représente à titre exclusif dans ses relations avec des tiers, la Powszechne Towarzystwa Emerytalne (ci-après la " PTE "). En vertu de l'article 27 de ladite loi, cette société gestionnaire exerce ses activités exclusivement en prenant la forme d'une société par actions et, conformément à l'article 29 de la même loi, à titre onéreux. Une PTE ne peut être gestionnaire que d'un seul FPO.

8. Les FPO, dont les cotisants ont le libre choix, sont alimentés au moyen du transfert, par le ZUS, d'un tiers des cotisations de retraite versées pour le compte de ces derniers dans le cadre du premier pilier du régime des pensions de retraite.

9. En application de l'article 180 de la loi relative aux fonds de pension, le Trésor public garantit la couverture des déficits des FPO, dans l'hypothèse où, conformément à l'article 175, paragraphe 1, de cette loi, le rendement du fonds sur une période de 36 mois est inférieur au rendement minimal exigé, à savoir un rendement de 50 % inférieur au rendement moyen pondéré de tous les FPO sur cette période ou de 4 points de pourcentage de cette moyenne, en fonction de la valeur la plus basse, lorsque ni le FPO concerné ni le Fonds de garantie, auquel les FPO versent une contribution en application du chapitre 19 de ladite loi, ne disposent de ressources à cet effet.

10. Les articles 134 à 137 de la loi relative aux fonds de pension définissent le mode de financement de l'activité des FPO. En vertu de ces dispositions, ceux-ci se rémunèrent en prélevant un pourcentage des cotisations versées, avant leur conversion en points unités et dans la limite de 3,5 % de celles-ci, ainsi qu'en facturant des frais au titre de la gestion du fonds par la PTE, le montant de ces frais étant déterminé en fonction de la valeur des actifs et ne pouvant dépasser les limites fixées à l'article 136a, paragraphe 2, de cette loi.

11. Aux fins de la détermination de la valeur des actifs servant de base à la fixation du montant desdits frais, l'article 136, paragraphe 3, de ladite loi dispose:

" Lors de la détermination de la valeur des actifs nets gérés par le fonds, visée aux paragraphes 2 et 2a, il n'est pas tenu compte de la valeur des placements visés à l'article 141, paragraphe 1, point 8, ni des placements dans des parts émises par des organismes de placement collectif ayant leur siège à l'étranger, visés à l'article 143, paragraphe 1. "

12. L'article 136a de la même loi énonce:

" 1. Les coûts liés à la conservation des actifs et à la réalisation ainsi qu'au règlement de transactions d'acquisition ou d'aliénation des actifs du fonds, qui correspondent aux redevances dues aux chambres de compensation à l'intermédiation desquelles le fonds est tenu de faire appel en vertu de dispositions particulières et qui font partie de la rémunération du dépositaire, sont prélevés sur les actifs du fonds selon le tableau des commissions et des frais de la chambre de compensation concernée actuellement en vigueur.

2. Les coûts visés au paragraphe 1 équivalant aux redevances dues à des chambres de compensation étrangères sont prélevés sur les actifs du fonds jusqu'à concurrence des montants correspondants dus aux chambres de compensation nationales visées au paragraphe 1. "

13. Les articles 139 à 156 de la loi relative aux fonds de pension sont consacrés aux activités d'investissement des FPO.

14. L'article 139 de cette loi énonce que les FPO doivent investir leurs actifs conformément aux dispositions de ladite loi en cherchant à optimiser tant la sécurité que le rendement des placements.

15 L'article 141, paragraphe 1, de la même loi est libellé en ces termes:

" 1. Les actifs du fonds ne peuvent être placés [...] que dans les catégories d'instruments suivantes:

1) obligations, bons et autres titres émis par le Trésor public ou la Banque nationale de Pologne, de même que les prêts et crédits à ces entités;

2) obligations et autres titres de créance, reposant sur des prestations en espèces, garantis par le Trésor public ou la Banque nationale de Pologne ou adossés à ces organismes, de même que les dépôts, crédits et prêts garantis par ces organismes ou y adossés;

3) dépôts bancaires et titres émis par des banques, en devise polonaise;

3a) dépôts bancaires et titres émis par des banques dans la devise d'un État membre de l'[Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE)] ou d'un autre État avec lequel la République de Pologne a conclu un accord de promotion et de protection réciproques des investissements, pour autant que ces devises ne peuvent être acquises que dans le but de régler les créances courantes du fonds;

4) actions de sociétés cotées sur un marché boursier réglementé, de même que les droits préférentiels de souscription, options sur actions et obligations échangeables en actions de sociétés cotées sur un marché boursier réglementé;

5) actions de sociétés cotées sur un marché hors cote réglementé ou dématérialisées conformément aux dispositions de la loi du 29 juillet 2005 relative à la mise en circulation d'instruments financiers, actions de sociétés non négociables sur un marché réglementé, de même que les droits préférentiels de souscription, options sur actions et obligations échangeables en actions de sociétés cotées sur le marché hors cote réglementé ou dématérialisées, mais non cotés sur le marché réglementé;

6) parts de fonds d'investissement nationaux;

7) certificats d'investissement émis par des fonds d'investissement fermés;

8) parts cédées par des fonds d'investissement ouverts ou des fonds d'investissement ouverts spécialisés;

9) obligations et autres titres de créance émis par des collectivités territoriales, des groupements de collectivités territoriales ou la ville de Varsovie, dématérialisés conformément aux dispositions de la loi visée au point 5;

10) instruments autres que des obligations et autres titres de créance dématérialisés émis par des collectivités territoriales, des groupements de collectivités territoriales ou la ville de Varsovie;

10a) obligations participatives visées par la loi du 29 juin 1995 relative aux obligations (Dz. U de 2001, n° 120, position 1300; Dz. U de 2002, n° 216, position 1824, et Dz. U de 2003, n° 217, position 2124);

11) obligations dématérialisées conformément aux dispositions de la loi visée au point 5, émises par des entités autres que des collectivités territoriales, des groupements de collectivités territoriales ou la ville de Varsovie, qui sont garanties à concurrence de leur pleine valeur nominale, majorée d'un intérêt éventuel;

12) instruments autres que des obligations dématérialisées et autres titres de créance, émis par des entités autres que des collectivités territoriales, des groupements de collectivités territoriales ou la ville de Varsovie, qui sont garantis à concurrence de leur valeur nominale, majorée d'un intérêt éventuel;

13) obligations et autres titres de créance émis par des sociétés publiques, autres que les titres visés aux points 11 et 12;

13a) obligations et autres titres de créance dématérialisés conformément à la loi visée au point 5, autres que ceux visés aux points 9 et 11;

13b) lettres de gage;

13c) certificats de dépôt, au sens de la loi du 29 juillet 2005 relative à la mise en circulation des instruments financiers, négociables sur un marché réglementé en Pologne.

[...] "

16. L'article 143 de la loi relative aux fonds de pension définit les catégories d'instruments étrangers dans lesquelles les FPO peuvent investir leurs actifs. Il est libellé comme suit:

" 1. Sur la base d'une autorisation générale accordée par voie d'ordonnance par le ministre chargé des Institutions financières et aux conditions énoncées dans cette autorisation, les actifs d'un [FPO] peuvent être investis à l'étranger dans des titres émis par des sociétés cotées sur les principaux marchés boursiers d'États membres de l'OCDE ou d'autres États, précisés dans l'autorisation, ainsi que dans des bons du Trésor ou des titres émis par les banques centrales de ces États et dans des parts émises par des organismes de placement collectif ayant leur siège dans ces États, si ces organismes proposent ces parts au grand public et les reprennent à la demande de l'investisseur.

2. La valeur totale des placements effectués

1) par un [FPO] dans des instruments relevant des catégories visées au paragraphe 1 ne peut excéder 5 % de la valeur des actifs du fonds.

[...] "

17. Cette dernière disposition est complétée par l'article 1er de l'arrêté du ministre des Finances portant autorisation générale des placements des fonds de pension hors des frontières nationales (Rozporzadzenie Ministra Finansów w sprawie ogólnego zezwolenia na lokowanie aktywów funduszy emerytalnych poza granicami kraju), du 23 décembre 2003, tel que modifié (Dz. U n° 229, position 2286, ci-après l'" arrêté du ministre des Finances "), qui énonce, notamment, à son paragraphe 3, que les placements dans des actifs étrangers doivent être accompagnés d'une évaluation de la qualité de l'investissement, délivrée par une agence de notation spécialisée, reconnue sur un marché de capitaux international, qui apprécie le risque d'investissement afférent aux valeurs mobilières considérées et l'aptitude de l'émetteur de ces valeurs à honorer, à l'échéance, les engagements contractés.

La procédure précontentieuse

18. Le 23 octobre 2007, la Commission a adressé à la République de Pologne une lettre de mise en demeure concernant un manquement à l'article 56 CE. Dans cette lettre, la Commission soutenait que l'article 143 de la loi relative aux fonds de pension, lu en combinaison avec l'article 141 de celle-ci, ainsi que les articles 136, paragraphe 3, et 136a, paragraphe 2, de ladite loi restreignaient les investissements des FPO à l'étranger et, de ce fait, contrevenaient à la liberté fondamentale de circulation des capitaux énoncée à l'article 56 CE.

19. Par une lettre du 20 décembre 2007, la République de Pologne a répondu aux griefs formels émis par la Commission en invoquant la non-applicabilité de l'article 56 CE aux FPO.

20. Le 23 septembre 2008, la Commission a adressé à cet État membre un avis motivé, dans lequel elle a écarté l'argumentation des autorités polonaises tirée de la non-applicabilité de l'article 56 CE à l'activité d'investissement des FPO et a maintenu le grief tiré du manquement à l'article 56 CE, en raison de la restriction aux investissements imposée par l'article 143 de la loi relative aux fonds de pension, lu en combinaison avec l'article 141 de celle-ci, ainsi que par les articles 136, paragraphe 3, et 136a, paragraphe 2, de ladite loi.

21. Le 24 novembre 2008, dans sa réponse audit avis motivé, la République de Pologne a invoqué, outre la non-applicabilité de l'article 56 CE à l'activité d'investissement des FPO, la nécessité de protéger l'intérêt public en garantissant la stabilité financière du système de sécurité sociale pour justifier les restrictions imposées aux investissements de ces fonds.

22. Compte tenu de cette réponse de la République de Pologne, la Commission a décidé d'introduire le présent recours.

Sur le recours

Sur la recevabilité

23. Dans sa duplique, la République de Pologne invite la Cour à se prononcer d'office sur la recevabilité du présent recours.

24. Elle fait état, en premier lieu, d'un désaccord avec la Commission quant à l'appréciation des aspects factuels de l'affaire et des éléments regardés comme constitutifs de la violation alléguée du principe de libre circulation des capitaux. En n'établissant pas correctement et pleinement les principes et le régime juridique applicables aux FPO ainsi que la nature de ces derniers, la Commission, d'une part, n'aurait pas précisément défini l'objet du litige au cours de la procédure précontentieuse et, d'autre part, aurait violé l'article 38, paragraphe 1, sous c), du règlement de procédure de la Cour. En second lieu, la République de Pologne fait valoir que, dans son mémoire en réplique, la Commission a invoqué les dispositions de l'article 1er, paragraphe 3, de l'arrêté du ministre des Finances, ce qui reviendrait à invoquer, à ce stade avancé de la procédure en manquement engagée à son encontre, un grief nouveau, qui devrait être déclaré irrecevable.

25. À cet égard, il y a lieu de rappeler que la Cour peut examiner d'office si les conditions prévues à l'article 226 CE pour l'introduction d'un recours en manquement sont remplies (arrêts du 15 janvier 2002, Commission/Italie, C-439-99, Rec. p. I-305, point 8; du 4 mai 2006, Commission/Royaume-Uni, C-98-04, Rec. p. I-4003, point 16, et du 14 janvier 2010, Commission/République tchèque, C-343-08, Rec. p. I-275, point 25).

26. Dans ce cadre, il convient de considérer, en premier lieu, que le désaccord entre la Commission et la République de Pologne, s'agissant de l'appréciation des éléments factuels et juridiques du manquement allégué, ne saurait conduire à conclure à une insuffisance de définition de l'objet du présent recours. Au contraire, un tel désaccord perdurant au-delà du délai fixé par la Commission dans son avis motivé constitue la justification même de l'introduction d'un recours au titre de l'article 226 CE devant la Cour.

27. Par ailleurs, il y a lieu de constater que, ainsi que l'exigent l'article 21 du statut de la Cour de justice de l'Union européenne et l'article 38, paragraphe 1, sous c), du règlement de procédure, la Commission a, dans les conclusions de la requête introductive d'instance, clairement indiqué qu'elle reprochait à la République de Pologne la non-conformité à l'article 56 CE des articles 143, 136, paragraphe 3, et 136a, paragraphe 2, de la loi relative aux fonds de pension, définissant ainsi en des termes suffisamment précis l'objet du litige.

28. S'agissant, en second lieu, de l'invocation de l'article 1er, paragraphe 3, de l'arrêté du ministre des Finances, il ressort du dossier soumis à la Cour que cet arrêté constitue un texte d'application de l'article 143 de la loi relative aux fonds de pension faisant l'objet du présent recours. Dès lors, le fait que la Commission a explicité, dans son mémoire en réplique, un grief qu'elle avait déjà fait valoir de manière plus générale dans la requête n'a pas modifié l'objet du manquement allégué et n'a eu, par conséquent, aucune incidence sur la portée du litige (voir, en ce sens, arrêt du 11 novembre 2010, Commission/Portugal, C-543-08, non encore publié au Recueil, points 20, 21 et 23 ainsi que jurisprudence citée).

29. Eu égard aux considérations qui précèdent, il y a lieu de constater que le présent recours est recevable.

Sur le manquement allégué

Considérations liminaires

30. Lors de l'audience, la Commission, invitée par la Cour à préciser la portée du manquement allégué, a indiqué qu'elle limitait celui-ci à la seule restriction des mouvements de capitaux entre les États membres.

Sur l'applicabilité de l'article 56 CE

- Argumentation des parties

31. La Commission soutient que l'article 56 CE s'applique aux activités d'investissement des FPO eu égard à la jurisprudence de la Cour relative à la nomenclature annexée à la directive 88-361.

32. Elle relève également que, dans le cadre de l'aménagement de leur système de sécurité sociale, les États membres doivent respecter le droit de l'Union, ce qui impliquerait, en l'espèce, que, dans le choix de placements de leurs actifs, les FPO puissent jouir de la libre circulation des capitaux. À cet égard, l'article 137, paragraphe 4, CE ne saurait être valablement invoqué dans la mesure où il ne concernerait que les nouvelles dispositions adoptées en vertu de cet article et qu'il n'exclurait nullement l'obligation pour les États membres de respecter les libertés fondamentales garanties par le traité CE.

33. Selon la Commission, l'activité en cause ne saurait être exclue du champ de l'article 56 CE au motif que les FPO devraient être assimilés à des entités de droit public se substituant à l'État et n'exerçant pas, par conséquent, d'activité économique. Eu égard à leurs caractéristiques, les FPO devraient être considérés comme fonctionnant selon le principe de capitalisation et reposant sur des principes sans rapport avec le système de répartition, tel qu'il prévaut dans le cadre du premier pilier géré par le ZUS. Partant, les FPO devraient être qualifiés d'entreprises exerçant une activité économique.

34. Par ailleurs, la Commission exclut que l'article 295 CE soit de nature à soustraire la législation polonaise en cause à l'article 56 CE au motif que le véritable propriétaire des ressources tirées des cotisations est l'État. En effet, ces cotisations proviendraient en totalité de la part versée par le salarié et ouvriraient droit à ce dernier, lorsqu'il remplit les conditions fixées par la loi, au paiement du capital accumulé.

35. La République de Pologne se fondant sur l'article 137, paragraphe 4, CE, la nature non économique de l'activité en cause et l'article 295 CE soutient que la réglementation concernant les FPO ne relève pas du champ d'application du droit de l'Union et que, par conséquent, l'article 56 CE ne s'applique pas à l'activité en cause.

36. S'agissant, tout d'abord, de l'article 137, paragraphe 4, CE, la République de Pologne fait valoir qu'elle est seule compétente pour définir les principes de fonctionnement du système polonais de sécurité sociale obligatoire, y compris en ce qui concerne la politique d'investissement des FPO à l'étranger et les frais liés à ces investissements, qui ont pour objet de garantir l'équilibre financier de son système d'assurance retraite.

37. S'agissant, ensuite, de l'absence de caractère économique de l'activité des FPO, ledit État membre fait valoir que les libertés énoncées par le traité, en particulier à l'article 56 CE, ne s'appliquent pas à des domaines qui, comme en l'occurrence la sécurité sociale, relèvent, par leur nature, des prérogatives de l'État et n'ont pas directement une dimension commerciale. Or, le statut d'entités de droit public dépourvues de but lucratif des FPO et leur participation au système de retraite de base obligatoire devraient conduire à reconnaître à ces derniers un caractère exclusivement social.

38. S'agissant, enfin, de l'article 295 CE, la République de Pologne estime que ledit article permet à un État membre de choisir librement les modalités selon lesquelles il exerce les prérogatives attachées à la propriété des ressources publiques dont il dispose pour accomplir les missions qui lui incombent. Or, selon cet État membre, les sommes en cause constitueraient des ressources de nature publique, ce que les juridictions polonaises auraient confirmé.

- Appréciation de la Cour

39. Étant donné qu'il est constant que les opérations de placements ouvertes aux FPO constituent des "mouvements de capitaux", au sens de l'article 56 CE, il convient d'examiner les arguments invoqués par la République de Pologne visant à démontrer que, néanmoins, ces placements n'entrent pas dans le champ d'application de cette disposition.

40. S'agissant, en premier lieu, de l'argument selon lequel l'article 56 CE n'aurait pas vocation à s'appliquer aux activités d'investissement des actifs des FPO au motif que celles-ci seraient dépourvues de caractère économique, il convient de rappeler que la Cour a déjà jugé que des fonds de pension professionnelle fonctionnant selon le principe de la capitalisation exercent, nonobstant leur finalité sociale et le caractère obligatoire de l'affiliation au deuxième pilier du système de retraite dont ils relèvent, une activité économique (voir arrêt du 21 septembre 1999, Albany, C-67-96, Rec. p. I-5751, points 81 à 87). Conformément aux articles 2, 3, 27 et 29 de la loi relative aux fonds de pension, le régime en cause est fondé sur le principe de la capitalisation et les actifs des FPO sont gérés et placés par des PTE qui agissent à titre onéreux, sous la forme d'une société par actions. Les éléments, allégués par la République de Pologne, relatifs au contrôle prudentiel exercé par les autorités publiques sur les FPO et les PTE ainsi qu'à la garantie par l'État de la couverture des déficits éventuels des FPO, ne sont pas de nature à remettre en cause le caractère économique des activités en cause.

41. En ce qui concerne le caractère public ou privé des ressources affectées aux FPO et gérées par les PTE, même à admettre, comme le soutient la République de Pologne, la nature publique desdites ressources en dépit du fait que la source de celles-ci réside dans les cotisations de retraite prélevées auprès des employeurs des travailleurs concernés, une telle circonstance ne serait, en tout état de cause, pas suffisante par elle-même pour exclure l'applicabilité de l'article 56 CE aux opérations les concernant, ainsi que cela ressort de l'annexe I de la directive 88-361, aux termes de laquelle la notion de " mouvements de capitaux " vise, notamment, " les opérations portant sur les avoirs ou engagements des États membres et des autres administrations et organismes publics ".

42. Dès lors, ni l'absence alléguée de caractère économique des activités d'investissement des FPO ni le caractère prétendument public des fonds alimentant ceux-ci ne sauraient faire obstacle à l'application de l'article 56 CE.

43. S'agissant, en deuxième lieu, de l'argument de la République de Pologne selon lequel l'application de l'article 56 CE serait, en l'espèce, exclue sur le fondement de l'article 137, paragraphe 4, CE, qui interdit de porter atteinte à la faculté reconnue aux États membres de définir les principes fondamentaux de leur système de sécurité sociale ainsi que d'affecter sensiblement l'équilibre financier desdits régimes, il convient de relever que les interdictions ainsi édictées s'imposent aux " dispositions arrêtées en vertu [de ce dernier] article " (voir, en ce sens, arrêt Commission/République tchèque, précité, points 66 et 67). Or, tel n'est pas le cas de l'article 56 CE.

44. S'agissant, en troisième lieu, des allégations fondées sur l'article 295 CE, selon lequel " [l]e [...] traité ne préjuge en rien le régime de la propriété dans les États membres ", il doit être rappelé que, selon une jurisprudence constante, ledit article n'a pas pour effet de faire échapper les régimes de propriété existant dans les États membres aux règles fondamentales du traité (voir arrêt du 8 juillet 2010, Commission/Portugal, C-171-08, non encore publié au Recueil, point 64 et jurisprudence citée). Dès lors, si tant est que les sommes détenues par les FPO et investies par les PTE doivent être qualifiées de ressources publiques, l'article 295 CE ne saurait affranchir la République de Pologne du respect des règles relatives à la libre circulation des capitaux (voir, par analogie, arrêt du 4 juin 2002, Commission/Portugal, C-367-98, Rec. p. I-4731, point 48), pas plus qu'il ne pourrait d'ailleurs justifier une entrave à ces règles (voir, en ce sens, arrêt du 8 juillet 2010, Commission/Portugal, précité, point 64 et jurisprudence citée).

45. Dès lors, il convient de conclure que les dispositions en cause de la loi relative aux fonds de pension entrent dans le champ d'application de l'article 56 CE.

Sur les restrictions à la libre circulation des capitaux et leur justification

- Argumentation des parties

46. La Commission fait valoir que les dispositions mises en cause dans le cadre du présent recours constituent des restrictions aux mouvements des capitaux entre les États membres au sens de l'article 56 CE, dans la mesure où elles sont de nature à dissuader et dissuadent les investissements des FPO en dehors du territoire de la République de Pologne et à destination des autres États membres, ce que cette dernière ne contesterait pas et ainsi que cela ressortirait du faible niveau d'investissement des FPO dans les placements étrangers (1,1 %).

47. Sans remettre en cause la nécessité de garantir la sécurité des fonds accumulés sur les comptes de retraite des FPO, la Commission considère que de telles restrictions ne sauraient trouver de justification ni dans l'article 58, paragraphe 1, sous b), CE ni dans l'exigence impérieuse d'intérêt général que constitueraient la préservation de l'équilibre financier des FPO et la protection des intérêts des adhérents de ces derniers, en raison de leur caractère discriminatoire et, en tout état de cause, disproportionné.

48. La Commission exclut également que l'article 86, paragraphe 2, CE permette de déroger, en l'espèce, au principe de libre circulation des capitaux. À cet égard, tout en admettant que cet article puisse constituer une justification à une entrave à la libre circulation des capitaux, et que les FPO puissent être qualifiés de services d'intérêt économique général, cette institution relève, en premier lieu, que l'article 86, paragraphe 2, CE exige que la gestion de ces services soit confiée à des entités ayant la qualité d'entreprises, qualité que la République de Pologne exclut s'agissant des FPO. En deuxième lieu, la Commission considère que les FPO ne sont pas chargés par l'État de la fourniture de tels services. En troisième lieu et en tout état de cause, elle relève que l'application des règles relatives à la libre circulation des capitaux ne fait pas obstacle à l'exécution des missions dévolues aux FPO et que les restrictions litigieuses ne sauraient être jugées nécessaires et proportionnées pour garantir l'accomplissement de ces missions. En quatrième lieu, elle considère que lesdites restrictions affectent le développement des échanges dans une mesure contraire aux intérêts de l'Union en limitant considérablement la concurrence, en décourageant et en dissuadant les FPO d'agir plus efficacement.

49. La République de Pologne fait valoir que les restrictions en cause sont justifiées, en premier lieu, en application de l'article 58, paragraphe 1, sous b), CE ainsi que, en deuxième lieu, par une raison impérieuse d'intérêt général tenant, en substance, à la nécessité de garantir la stabilité et la sécurité des ressources transférées aux FPO. En troisième lieu, afin de justifier les restrictions litigieuses, cet État membre invoque l'article 86, paragraphe 2, CE.

- Appréciation de la Cour

50. Il convient, d'abord, d'examiner si les dispositions nationales en cause entraînent une restriction à la libre circulation des capitaux entre les États membres, en principe, interdite par l'article 56, paragraphe 1, CE.

51. Il est constant que l'article 143 de la loi relative aux fonds de pension, d'une part, plafonne les investissements des FPO effectués à l'étranger à 5 % de la valeur des actifs du FPO concerné et, d'autre part, fixe une liste des placements pouvant être réalisés à l'étranger plus réduite que celle des placements pouvant l'être sur le territoire polonais en application de l'article 141, paragraphe 1, de cette loi. Ce faisant, ledit article 143 impose aux FPO des limitations tant quantitatives que qualitatives s'agissant des investissements effectués en dehors du territoire national, et particulièrement dans les autres États membres.

52. Une telle disposition produit également un effet restrictif à l'égard des sociétés établies dans d'autres États membres en ce qu'elle constitue à leur encontre un obstacle à la collecte de capitaux en Pologne, dans la mesure où l'acquisition notamment d'actions ou de parts d'organismes de placement collectif est limitée (voir, par analogie, arrêt du 15 juillet 2004, Weidert et Paulus, C-242-03, Rec. p. I-7379, point 14).

53. De même, il ressort de l'article 136, paragraphe 3, de la loi relative aux fonds de pension que la valeur des placements réalisés par un FPO dans des parts émises par des organismes de placement collectif ayant leur siège à l'étranger, visés à l'article 143, paragraphe 1, de cette loi, ne doit pas être prise en compte lors de la détermination de la valeur des actifs nets gérés par le fonds concerné, laquelle valeur sert d'assiette pour la détermination des frais de gestion du fonds perçus par les PTE à titre de rémunération. En conséquence, une disposition telle que l'article 136, paragraphe 3, de ladite loi a pour effet de dissuader l'investissement des actifs des FPO dans des parts émises par des organismes de placement collectif ayant leur siège dans d'autres États membres, en ne leur permettant pas de percevoir une rémunération pour la gestion de tels actifs. En outre, conjugué à l'article 143 de la même loi, ledit article 136, paragraphe 3, renforce l'obstacle placé à la collecte de capitaux en provenance de Pologne par ces organismes.

54. Enfin, l'article 136a, paragraphe 2, de la loi relative aux fonds de pension énonce que les coûts équivalents aux redevances dues à des chambres de compensation étrangères ne peuvent être couverts qu'à concurrence des coûts correspondants dus aux chambres de compensation nationales. Cet élément est également susceptible de dissuader l'investissement des actifs des FPO dans d'autres États membres dès lors que, si des coûts tels que ceux en cause et exposés à l'étranger s'avèrent supérieurs à ceux exposés en Pologne, ils ne peuvent être intégralement couverts, contrairement aux coûts similaires générés par les chambres de compensation nationales.

55. Ensuite, quant à la justification des restrictions à la libre circulation des capitaux en cause, la Cour a itérativement jugé que la libre circulation des capitaux ne peut être limitée par une réglementation nationale que si elle est justifiée par l'une des raisons mentionnées à l'article 58 CE ou par des raisons impérieuses d'intérêt général au sens de la jurisprudence de la Cour (voir, en ce sens, arrêt du 14 février 2008, Commission/Espagne, C-274-06, point 35 et jurisprudence citée). De surcroît, en application de l'article 86, paragraphe 2, CE, " les entreprises chargées de la gestion de services d'intérêt économique général [...] sont soumises aux règles des traités [...] dans la limite où l'application de ces règles ne fait pas échec à l'accomplissement en droit ou en fait de la mission particulière qui leur est impartie [et à condition que l]e développement des échanges ne [s]oit pas affecté dans une mesure contraire à l'intérêt de l'Union ".

56. S'agissant, en premier lieu, de l'argument selon lequel les restrictions en cause seraient justifiées sur le fondement de l'article 58, paragraphe 1, sous b), CE en application duquel " l'article 56 ne porte pas atteinte au droit qu'ont les États membres [...] de prendre toutes les mesures indispensables pour faire échec aux infractions à leurs lois et règlements, notamment [...] en matière de contrôle prudentiel des établissements financiers ", il suffit de constater que, si les dispositions nationales en cause établissent certes le contenu matériel des règles prudentielles applicables aux FPO, elles n'ont, en revanche, aucunement pour objet de faire échec aux infractions aux lois et règlements en matière de contrôle prudentiel des établissements financiers. Lesdites dispositions ne sauraient, dès lors, relever de l'exception prévue audit article.

57. S'agissant, en deuxième lieu, de la justification alléguée au titre des raisons impérieuses d'intérêt général, il convient de reconnaître que l'intérêt de garantir la stabilité et la sécurité des actifs administrés par un fonds de pension, notamment par l'adoption de règles prudentielles, constitue une raison impérieuse d'intérêt général susceptible de justifier des restrictions à la libre circulation des capitaux.

58. Toutefois, de telles restrictions doivent être appropriées à l'objectif poursuivi et ne pas aller au-delà de ce qui est nécessaire pour atteindre l'objectif visé (arrêt du 11 octobre 2007, ELISA, C-451-05, Rec. p. I-8251, point 82 et jurisprudence citée).

59. En ce qui concerne, tout d'abord, les restrictions résultant de l'article 143 de la loi relative aux fonds de pension, la Commission soutient que les exigences prévues par la législation nationale en cause sont disproportionnées au regard de l'objectif poursuivi, dès lors que la diversification des investissements tant sur le plan géographique que par type de placements garantit la sécurité de ceux-ci. Par ailleurs, elle relève que la législation polonaise en cause permet d'effectuer des investissements à l'étranger uniquement dans des États membres de l'Union et de l'OCDE ou dans des États ayant conclu avec la République de Pologne des accords de promotion et de protection réciproques des investissements, et que le risque lié à la fluctuation des cours des devises étrangères à court terme ne justifie pas des mesures aussi restrictives. Enfin, selon la Commission, si des mesures sévères devaient être adoptées par l'État membre défendeur, elles devraient être identiques pour les placements dans les instruments financiers tant nationaux qu'étrangers.

60. La République de Pologne réfute l'argumentation selon laquelle la diversification géographique des placements constitue encore un instrument essentiel de réduction des risques, en raison de la mondialisation des marchés financiers. Elle insiste sur les risques de change liés aux importantes fluctuations du cours du zloty polonais et sur la nécessité d'adopter une approche particulièrement prudente dans la période initiale de fonctionnement du nouveau système de sécurité sociale polonais. Elle relève également qu'il est plus aisé, pour l'Autorité de surveillance des marchés, de mettre en œuvre des restrictions quantitatives que de contrôler une politique d'investissement fondée sur la " règle de l'investisseur prudent ".

61. À cet égard, il convient d'examiner si la République de Pologne a su démontrer que les limites quantitatives et qualitatives imposées par l'article 143 de la loi relatives aux fonds de pension sont appropriées à l'objectif visant à garantir la stabilité et la sécurité des actifs administrés par un fonds de pension et ne vont pas au-delà de ce qui est nécessaire pour atteindre l'objectif poursuivi.

62. S'agissant du risque de change, il est vrai que des fluctuations importantes du cours des monnaies étrangères peuvent avoir un impact considérable sur le rendement des investissements effectués en monnaie étrangère. Toutefois, il résulte de l'article 18, paragraphe 5, sous b), de la directive 2003-41 que les États membres sont tenus de ne pas empêcher les institutions de retraite professionnelle d'investir jusqu'à 30 % de leurs actifs dans des actifs libellés en monnaies étrangères et que, en application du paragraphe 6 de cet article, ce n'est que sur une base individuelle que les États membres peuvent imposer aux institutions établies sur leur territoire des règles de placement plus strictes que celles prévues au paragraphe 5 dudit article.

63. Quand bien même lesdites dispositions ne s'appliqueraient pas ratione materiae aux investissements des FPO, il n'en reste pas moins que la règle de 30 % a été établie par le législateur de l'Union pour des situations similaires.

64. Dans ces conditions, la République de Pologne aurait dû avancer, afin de justifier la limite quantitative de 5 % qui est largement inférieure aux 30 % estimés appropriés par le législateur de l'Union, des éléments spécifiques expliquant les raisons d'imposer la limite quantitative arrêtée.

65. Dans la mesure où la République de Pologne invoque, à ce titre, les difficultés des FPO à évaluer les risques liés aux investissements à l'étranger, il convient de relever que cette circonstance ne saurait justifier les restrictions quantitatives relatives aux investissements dans les titres émis dans les États membres. En effet, comme l'a soutenu la Commission, les législations des États membres en matière de publicité des informations sur les produits financiers ainsi que de protection des investisseurs et des consommateurs ont fait, dans une large mesure, l'objet d'une harmonisation à l'échelle de l'Union, facilitant la création d'un marché commun de capitaux européens.

66. De même, de telles mesures quantitatives ne sauraient être justifiées au motif qu'elles constituent un moyen plus aisé à mettre en œuvre par les autorités de contrôle nationales, et cela même dans le cadre d'un régime de sécurité sociale émergent.

67. Pour les mêmes raisons que celles visées au point 65 du présent arrêt, lesdites restrictions qualitatives ne peuvent pas être justifiées en ce qui concerne les investissements dans les titres émis dans les États membres.

68. En ce qui concerne, ensuite, les restrictions résultant des articles 136, paragraphe 3, et 136a, paragraphe 2, de la loi relative aux fonds de pension, force est de constater que la République de Pologne n'a fourni aucun élément permettant de démontrer à suffisance de droit que l'objectif poursuivi par lesdites dispositions ne pourrait pas être réalisé sans l'existence de ces dernières et qu'il ne pourrait pas l'être par des mesures moins restrictives de la liberté d'investissement des FPO dans les autres États membres.

69. En effet, ni l'absence de prise en compte de la valeur des placements réalisés dans des parts émises par des organismes de placement collectif ayant leur siège à l'étranger aux fins de la détermination des actifs nets du fonds servant d'assiette aux frais de gestion perçus par les PTE ni le plafonnement de l'imputation des coûts de transaction liés aux chambres de compensation étrangères à concurrence des coûts correspondants liés aux chambres de compensation nationales ne sauraient être justifiés par la nécessité, alléguée par la République de Pologne, de protéger les FPO du risque de supporter des coûts supplémentaires ou excessifs, dès lors que de tels coûts doivent en tout cas être pris en considération par l'investisseur dans le choix de ses investissements, indépendamment du lieu de ceux-ci.

70. S'agissant, en troisième lieu, des arguments fondés sur l'article 86, paragraphe 2, CE, il convient de rappeler que, selon une jurisprudence constante, il incombe à l'État membre qui invoque cet article de démontrer que l'ensemble des conditions d'application de cette disposition sont réunies (arrêt du 29 avril 2010, Commission/Allemagne, C-160-08, Rec. p. I-3713, point 126 et jurisprudence citée).

71. Or, si, certes, les FPO sont susceptibles d'être considérés comme assumant une mission d'intérêt économique général (voir, par analogie, arrêt Albany, précité, points 105 à 111), il convient néanmoins de souligner que la République de Pologne n'a pas démontré à suffisance de droit que les conditions d'application dudit article sont réunies. Notamment, elle n'a pas démontré dans quelle mesure l'application des règles du traité, en l'occurrence la libre circulation des capitaux entre les États membres, ferait échec à l'accomplissement en droit ou en fait des objectifs que les FPO poursuivent.

72. Il s'ensuit que l'argumentation de la République de Pologne fondée sur l'article 86, paragraphe 2, CE doit être écartée.

73. Dès lors, il convient de constater que, en maintenant en vigueur les articles 143, 136, paragraphe 3, et 136a, paragraphe 2, de la loi relative aux fonds de pension, en ce qu'ils restreignent les investissements des FPO polonais dans les autres États membres, la République de Pologne a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu de l'article 56 CE.

Sur les dépens

74. Aux termes de l'article 69, paragraphe 2, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s'il est conclu en ce sens. La Commission ayant conclu à la condamnation de la République de Pologne et cette dernière ayant succombé en ses moyens, il y a lieu de la condamner aux dépens.

Par ces motifs, la Cour (troisième chambre) déclare et arrête:

1) En maintenant en vigueur les articles 143, 136, paragraphe 3, et 136a, paragraphe 2, de la loi relative à l'organisation et au fonctionnement des fonds de pension (Ustawa o organizacji i funkcjonowaniu funduszy emerytalnych), du 28 août 1997, telle que modifiée, en ce qu'ils restreignent les investissements des fonds de pension ouverts polonais dans les autres États membres, la République de Pologne a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu de l'article 56 CE.

2) La République de Pologne est condamnée aux dépens.