Cass. crim., 30 novembre 2011, n° 10-85.291
COUR DE CASSATION
Arrêt
PARTIES
Demandeur :
X
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Louvel
Rapporteur :
Mme Canivet-Beuzit
Avocat général :
M. Boccon-Gibod
Avocats :
SCP Hémery, Thomas-Raquin, SCP Baraduc, Duhamel
LA COUR : - Statuant sur le pourvoi formé par X contre l'ordonnance n° 140 du qui a confirmé l'ordonnance du juge des libertés et de la détention ayant autorisé des opérations de visite et saisie en vue de rechercher la preuve de pratiques anticoncurrentielles ; - Vu les mémoires produits, en demande et en défense ;
Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles L. 450-1, L. 450-4, L. 450-6 du Code de commerce, 591, 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs et manque de base légale ;
" en ce que l'ordonnance attaquée a confirmé celle du juge des libertés et de la détention du Tribunal de grande instance de Paris, en date du 18 novembre 2008, ayant autorisé des visites et saisies dans différents locaux de X et de ses filiales, afin de rechercher la preuve des agissements qui entrent dans le champ de la pratique prohibée par les articles L. 420-2 du Code de commerce et 82 du Traité de Rome relevés dans le secteur du transport ferroviaire de marchandises, ainsi que toute manifestation de ces agissements prohibés ;
" aux motifs que : Sur la prétendue violation de l'article L. 450-6 du Code de commerce ; que X demande au délégataire du premier président d'annuler l'ordonnance du 18 novembre 2008 qui n'aurait pas respecté les dispositions de l'article L. 450-6 du Code de commerce dans sa rédaction issue de l'ordonnance du 13 novembre 2008 qui dispose qu'à la demande écrite du rapporteur général de l'Autorité de la concurrence, l'autorité dont dépendent les agents mentionnés au II de l'article L. 450-1 met sans délai à sa disposition en nombre et pour la durée qu'il a indiqués les agents nécessaires à la réalisation des opérations mentionnées à l'article L. 450-4 ; qu'il est soutenu que les dispositions de cet article, immédiatement applicables, n'ont pas été respectées dès lors que tant la requête que l'ordonnance se réfèrent aux dispositions anciennes selon lesquelles les enquêteurs étaient directement désignés par l'autorité dont dépendent les agents visés à l'article L. 450-1 ; mais que l'ordonnance déférée a mentionné à l'endroit des requérants, en l'occurrence M. Marcellesi, chef de la direction nationale des enquêtes de concurrence, de consommation et de répression des fraudes (DNECCRF) et de M. Dahan, rapporteur général au Conseil de la concurrence : Leur laissons le soin de désigner, chacun pour ce qui le concerne, parmi les agents mentionnés à l'article L. 450-1 du Code de commerce habilités par l'article précité, ceux respectivement placés sous leur autorité pour effectuer les visites et saisies autorisées ; que, ce faisant, le premier juge n'a aucunement enfreint les dispositions nouvelles de l'article L. 450-6 du Code de commerce dans sa rédaction issue de l'ordonnance du 13 novembre 2008 puisque, en précisant que les agents enquêteurs de la direction nationale des enquêtes de concurrence, de consommation et de répression des fraudes seront désignés par leur directeur, sous l'autorité duquel ils se trouvent, il n'exclut aucunement leur mise à disposition sur demande écrite du rapporteur général de l'Autorité de la concurrence ; que le juge n'a aucunement indiqué que l'agent effectuera son enquête sous l'autorité de son directeur ; que les évènements intervenus postérieurement au prononcé de l'ordonnance ne peuvent conduire à son annulation dès lors qu'ils n'en constituent pas la suite nécessaire ; que la demande de nullité présentée à ce titre doit être rejetée ;
" alors qu'en application de l'article L. 450-6 du Code de commerce dans sa rédaction issue de l'ordonnance n° 2008-1161 du 13 novembre 2008 applicable en la cause, le rapporteur général de l'Autorité de la concurrence fait réaliser lui-même les opérations de visites et saisies prévues à l'article L. 450-4 du Code de commerce et, s'il a besoin d'enquêteurs qui ne relèvent pas de ses services d'instruction, il peut recourir aux agents mentionnés au II de l'article L. 450-1 du même Code, c'est-à-dire aux fonctionnaires habilités à cet effet par le ministre chargé de l'Environnement qui, sur sa demande écrite, seront mis à sa disposition et relèveront donc de sa propre autorité ; qu'en l'espèce, l'ordonnance du 18 novembre 2008 a autorisé les opérations de visites et saisies sollicitées conjointement par le chef de la direction nationale des enquêtes de concurrence, de consommation et de répression des fraudes et le rapporteur général en indiquant leur laisser le soin de désigner, chacun pour ce qui le concerne, parmi les agents mentionnés à l'article L. 450-1 du Code de commerce habilités par l'article précité, ceux respectivement placés sous leur autorité pour effectuer les visites et saisies autorisées, sans constater que le rapporteur général de l'Autorité de la concurrence avait, sur demande écrite, sollicité de la direction nationale des enquêtes de concurrence, de consommation et de répression des fraudes la mise à sa disposition des agents mentionnés au II de l'article L. 450-1 qui agiraient sous son autorité ; que l'ordonnance a en outre constaté qu'un certain nombre de directeurs inter-régionaux ou régionaux nommément désignés, tous habilités par l'article L. 450-1, leur apporteront leur concours et désigneront parmi les agents mentionnés à l'article L. 450-1 du Code de commerce et habilités ceux respectivement placés sous leur autorité pour effectuer les visites et saisies autorisées, ce qui impliquait que ces agents agiraient sous l'autorité desdits directeurs et non du rapporteur général de la concurrence ; que l'ordonnance du 18 novembre 2008 ne respectait pas ainsi les dispositions de l'article L. 450-6 du Code de commerce dans sa nouvelle rédaction applicable au jour de son prononcé ; qu'en décidant du contraire, le délégué du premier président de la Cour d'appel de Paris a violé les textes susvisés " ;
Sur le second moyen de cassation, pris de la violation des articles 6 et 8 de la Convention européenne de sauvegarde des Droits de l'Homme et des libertés fondamentales, L. 450-4 du Code de commerce, 591 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs et manque de base légale ;
" en ce que l'ordonnance attaquée a confirmé celle du juge des libertés et de la détention du Tribunal de grande instance de Paris, en date du 18 novembre 2008, ayant autorisé des visites et saisies dans différents locaux de X et de ses filiales, afin de rechercher la preuve des agissements qui entrent dans le champ de la pratique prohibée par les articles L. 420-2 du Code de commerce et 82 du Traité de Rome relevés dans le secteur du transport ferroviaire de marchandises, ainsi que toute manifestation de ces agissements prohibés ;
" aux motifs que : Sur les prétendues violations de l'article L. 450-4 du Code de commerce ; qu'il est fait grief à l'ordonnance déférée d'avoir adopté une simple motivation générale démontrant l'absence de contrôle effectif du juge ; mais que l'ordonnance déférée, qui comprend 11 pages et à laquelle il convient de se reporter, ne comporte pas une motivation générale mais se réfère au contraire aux circonstances de l'espèce ; qu'il est indifférent que les termes de l'ordonnance soient identiques à ceux de la requête ou à une première ordonnance prononcée le 13 novembre 2008 dès lors que tant la motivation que le dispositif de l'ordonnance sont réputés établis par le juge qui les a rendus, ce dernier faisant sien le projet d'ordonnance qui, le cas échéant, lui a été soumis ; que l'absence de contrôle effectif ne saurait se déduire du fait que l'ordonnance a été rendue le jour même de son dépôt accompagné de pièces volumineuses ;
" alors que le juge qui autorise une visite et des saisies de documents doit vérifier de manière concrète que la demande d'autorisation qui lui est soumise est fondée ; que fait peser un doute légitime sur l'exercice effectif de ce contrôle et, partant, sur l'impartialité du juge qui l'a rendue, l'ordonnance dont le délai dans lequel elle a été rendue et la motivation laissent objectivement penser que le juge qui l'a signée s'est contenté d'enregistrer et de signer le projet qui lui était présenté par le requérant, sans même consulter les pièces qui y étaient jointes ; qu'il appartient au juge d'appel de vérifier qu'un contrôle effectif de la demande a bien été exercé ; qu'en se bornant en l'espèce à retenir de façon générale et abstraite que la motivation et le dispositif de l'ordonnance sont réputés établis par le juge qui l'a rendue, ce dernier faisant sien le projet d'ordonnance qui, le cas échéant, lui a été soumis, et que l'absence de contrôle effectif ne saurait se déduire du fait que l'ordonnance a été rendue le jour même de son dépôt, accompagnée de pièces volumineuses, sans rechercher concrètement, comme il y était invité, si la motivation même de l'ordonnance ne faisait pas planer un doute légitime sur le contrôle effectif du bien-fondé de la requête exercé par le juge qui l'a rendue et, partant, sur l'impartialité de celui-ci, le délégué du premier président de la cour d'appel, qui a ainsi refusé d'exercer le contrôle de fait qui est le sien en tant que juge d'appel, a violé les textes susvisés " ;
Attendu que le moyen est inopérant dès lors que les dispositions de l'article L. 450-6 du Code de commerce dans leur rédaction issue de l'article 1er de l'ordonnance du 13 novembre 2008, n'étaient pas encore en vigueur à la date de la décision du 18 novembre 2008 ayant autorisé les opérations de visite et saisie ; que l'article 5 de cette ordonnance prévoyait en effet que les membres du Conseil de la concurrence seraient maintenus dans leurs fonctions jusqu'à la première réunion de l'Autorité de la concurrence, laquelle n'a pu avoir lieu qu'après la nomination par décrets des 14 janvier et 27 février 2009, du président et des membres de cette Autorité, et que le Conseil de la concurrence et le ministre chargé de l'Economie exerceraient jusqu'à cette date les compétences qui leur étaient respectivement dévolues par les dispositions législatives et réglementaires en vigueur à la date de publication de ladite ordonnance ;
Et attendu que l'ordonnance est régulière en la forme ;
Rejette le pourvoi.