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Décisions

CA Paris, Pôle 1 ch. 1, 24 novembre 2011, n° 11-13332

PARIS

Arrêt

PARTIES

Demandeur :

Winning Market France (Sté)

Défendeur :

WM System (Sté)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Perie

Conseillers :

Mmes Guihal, Dallery

Avocats :

Mes Chevalier, Airieau

T. com. Créteil, du 21 juin 2011

21 juin 2011

Vu le jugement du Tribunal de commerce de Créteil du 21 juin 2011 qui, saisi par la société Winning Market France WM France d'une demande principale de condamnation de la société WM System à des dommages et intérêts d'un montant de 350 000 euro pour rupture abusive du contrat de distribution exclusive en France des produits de la société italienne les liant depuis 1997, a dit l'exception d'incompétence soulevée au profit du Tribunal de Reggio Emilia recevable et bien fondée, renvoyant les parties à mieux se pourvoir ;

Vu le contredit formé par la société Winning Market France WM France (WM France) qui prie la cour de déclarer le Tribunal de commerce de Créteil compétent par application de la loi française et de l'article 5 a) du traité de Rome désignant comme compétent le tribunal du lieu où l'obligation qui sert de base à la demande a été ou doit être exécutée ; en conséquence de renvoyer l'affaire devant cette juridiction et de condamner la société WM System à lui verser 1 500 euro au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ;

Vu les conclusions de la société WM System qui sollicite au visa des articles 74 et 75 du Code de procédure civile, du Règlement du Conseil n° 44-2001 du 22 décembre 2000 (Bruxelles I) et de la Convention de Rome du 19 juin 1980, la confirmation du jugement entrepris et la condamnation de la contredisante à lui verser 5 000 euro au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ;

Sur quoi,

Considérant que le contredit s'inscrit dans le cadre d'un litige opposant une société française, WM France à une société italienne la société WM System dont il est constant que la première était distributeur de 1997 à 2008 sur le marché français des rampes de véhicules utilitaires produites et commercialisées par la seconde ; qu'il est fait grief à la société italienne d'avoir rompu de façon abusive le contrat de distribution exclusive non écrit dont bénéficiait la société française depuis cette date, la société WM System observant pour sa part n'avoir jamais conféré expressément à la société WM France un droit de distribution exclusive et l'avoir informée qu'à partir du 1er juillet 2008, elle se réservait la possibilité de fournir ses produits pour la revente, même à des entreprises sur le territoire français sans lui devoir de commissions ;

Considérant que pour accueillir l'exception d'incompétence soulevée par la société italienne, le tribunal de commerce a estimé que le contrat de distribution exclusive dont se prévalait la société WM France n'étant ni un contrat de vente, ni une fourniture de services, "la loi compétente [était] celle du pays où se situe l'établissement qui doit fournir la prestation caractéristique, consistant aux termes du contrat-cadre, pour la société italienne, à assurer l'exclusivité de la distribution des produits de la partie française", qu'il en a déduit que l'obligation pesait sur la société WM System, domiciliée en Italie ; que, ce faisant, le tribunal de commerce a fait application du règlement (CE) n° 44-2001 du Conseil du 22 décembre 2000 s'appliquant aux conflits de juridictions et de la Convention de Rome du 19 juin 1980 s'appliquant aux conflits de lois ;

Considérant que s'agissant d'une action intentée postérieurement à son entrée en vigueur, le règlement (CE) n° 44-2001 du Conseil du 22 décembre 2000 est applicable en l'espèce ; que c'est à bon droit que le tribunal a fait application de l'article 5 1) a) et c) du règlement, le contrat de distribution exclusive allégué ne constituant ni une vente de marchandises ni une fourniture de services ; que l'article 5 1) a) prévoit en matière contractuelle la possibilité qu'une personne domiciliée sur le territoire d'un Etat membre soit attraite dans un autre Etat membre devant le tribunal du lieu où l'obligation qui sert de base à la demande a été ou doit être exécutée ;

Que la détermination de ce lieu passe par la recherche de la loi applicable ; que l'article 4-2 de la Convention de Rome qui désigne comme loi applicable aux obligations contractuelles celle du pays où se situe l'établissement qui doit fournir la prestation caractéristique conduit, s'agissant en l'espèce pour la société italienne d'assurer l'exclusivité de la distribution des produits à la partie française, à faire application de la loi italienne pour rechercher selon cette loi, le lieu où l'obligation qui sert de base à la demande doit s'exécuter et ainsi déterminer la compétence internationale ;

Considérant que l'article 1182 du Code civil italien produit par la société WM System dispose :

"Lieu d'exécution, - Si le lieu d'exécution de l'obligation n'est pas déterminé par la convention, ou par les usages en la matière et qu'il ne peut se déduire de la nature de la prestation ou d'autres circonstances, il convient d'appliquer les règles suivantes :

L'obligation de remettre une chose certaine et déterminée est réputée être exécutée au lieu où se trouve la chose après exécution de l'obligation.

L'obligation ayant pour objet une somme d'argent est réputée être exécutée au domicile qu'a le créancier au moment de son exigibilité. (...)

Dans les autres cas, l'obligation est réputée être exécutée au domicile qu'a le débiteur au moment de l'exigibilité de son obligation."

Qu'en vertu de ce dernier alinéa l'obligation, s'agissant d'un contrat de distribution exclusive, est réputée être exécutée au domicile de la société italienne débitrice ; qu'ainsi le lieu où l'obligation qui sert de base à la demande devait s'exécuter, se trouve en Italie ;

Qu'il s'ensuit que le Tribunal de commerce de Créteil s'étant à juste titre déclaré incompétent, le contredit est rejeté ;

Considérant que la somme de 3 000 euro doit être allouée à la société WM System au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ;

Par ces motifs : LA COUR, Rejette le contredit ; Condamne la société Winning Market France WM France à verser à la société WM System la somme de 3 000 euro au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ; La condamne aux dépens du contredit.