CA Nancy, 2e ch. com., 14 décembre 2011, n° 10-02664
NANCY
Arrêt
PARTIES
Demandeur :
Ambiances Cuisines et Bains (SARL)
Défendeur :
Gérard
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président de chambre :
M. Cunin
Conseillers :
M. Bruneau, Mme Zecca-Bischoff
Avoués :
SCP Millot-Logier, Fontaine, SCP Leinster Wisniewski Mouton
Avocats :
Mes Cuny, Souchal
Exposé du litige
La SARL Ambiances Cuisines et Bains a conclu le 18 mai 2005 avec Monsieur Christian Gérard, exerçant sous l'enseigne Signalisation Intérieure et Extérieure, un contrat portant sur la réalisation et l'installation de dix panneaux publicitaires dans la région d'Epinal, pour une durée de trois ans, moyennant la somme de 3 000 euro HT la première année, et 2 700 euro HT les deux années suivantes, le paiement de cette somme se faisant par règlements semestriels.
Estimant que Monsieur Gérard ne remplissait pas ses obligations contractuelles, la SARL Ambiances Cuisines et Bains a refusé de régler les sommes postérieures au premier semestre 2006.
Par courrier du 6 novembre 2006, Monsieur Christian Gérard a résilié le bail et réclamé la somme de 4 439,91 euro au titre des pénalités contractuellement prévues.
Sans réponse de la SARL Ambiances Cuisines et Bains, Monsieur Christian Gérard a saisi le président du Tribunal de commerce d'Epinal aux fins de se voir délivrer une injonction de payer ; ce magistrat a fait droit à la demande pour une somme principale de 4 431,23 euro.
La SARL Ambiances Cuisines et Bains a formé opposition à cette ordonnance.
Par jugement du 9 mars 2010, le Tribunal de commerce d'Epinal a confirmé l'ordonnance contestée, au motif notamment que si Monsieur Christian Gérard n'avait pas rempli intégralement ses obligations contractuelles, la SARL Ambiances Cuisines et Bains avait en contrepartie obtenu des avoirs.
La SARL Ambiances Cuisines et Bains a interjeté appel de cette décision.
Prétentions et moyens des parties
Par conclusions déposées le 4 janvier 2011, la SARL Ambiances Cuisines et Bains demande de voir réformer le jugement entrepris en toutes ses dispositions.
Elle expose que la clause contractuelle fondant la demande de Monsieur Christian Gérard et prévoyant que le non-paiement d'une facture à son échéance entraîne de plein droit l'exigibilité totale et immédiate des clauses du contrat et la facturation de l'intégralité de la période est abusive dans la mesure où le droit à indemnité de l'annonceur en cas d'inexécution de ses obligations par l'afficheur est strictement limité ; qu'il existe donc un déséquilibre au détriment de l'annonceur, et un avantage excessif au profit de l'afficheur ; que la clause contestée doit être réputée non écrite ; que cette clause est par ailleurs contraire aux dispositions de l'article L. 442-6 4° du Code de commerce ; que Monsieur Christian Gérard a manqué à ses obligations et qu'au titre de l'exception d'inexécution la SARL Ambiances Cuisine et Bains était fondée à interrompre ses paiements ; qu'enfin, la SARL Ambiances Cuisines et Bains a subi du fait des manquements de Monsieur Christian Gérard un préjudice qu'il convient d'indemniser.
La SARL Ambiances Cuisines et Bains demande donc de voir débouter Monsieur Christian Gérard de ses demandes, et de le condamner à lui payer la somme de 5 000 euro à titre de dommages et intérêts, outre la somme de 1 000 euro sur le fondement des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile.
Aux termes de conclusions déposées le 8 août 2011, Monsieur Christian Gérard conclut à la confirmation de la décision entreprise.
Il soutient en premier lieu qu'il a rempli ses obligations contractuelles ; que si des difficultés ponctuelles ont pu apparaître, la SARL Ambiances Cuisines et Bains a bénéficié d'avoirs, et qu'elle n'a donc subi aucun préjudice.
En deuxième lieu, Monsieur Christian Gérard soutient d'une part que les dispositions de l'article L. 442-6 2° du Code de commerce sont inapplicables en l'espèce dans la mesure où la SARL Ambiances Cuisines et Bains n'est pas un " partenaire commercial ", mais un simple co-contractant ; que d'autre part la clause contestée est justifiée par l'existence de frais de pose, de fabrication des panneaux et par la poursuite des baux sur les terrains où ils sont implantés, et qu'en conséquence il n'existe aucun déséquilibre économique dans l'exigence de paiement d'une prestation réalisée.
En troisième lieu, Monsieur Christian Gérard fait valoir qu'il a bénéficié d'une procédure de redressement judiciaire, que la SARL Ambiances Cuisines et Bains n'a pas déclaré sa créance au titre de la demande en dommages et intérêts et qu'elle ne peut donc aujourd'hui ni solliciter condamnation ni voir fixer sa créance à ce titre.
Monsieur Christian Gérard demande donc de voir débouter la SARL Ambiances Cuisines et Bains de ses demandes, fins et conclusions, de la voir condamnée à lui payer les sommes de 1 000 euro à titre de dommages et intérêts pour résistance abusive et de 1 000 euro au titre des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile.
L'ordonnance de clôture a été rendue le 21 octobre 2011.
Motifs de la décision
- Sur l'exception d'inexécution
Attendu que la SARL Ambiances Cuisines et Bains soutient que Monsieur Christian Gérard a manqué à ses obligations contractuelles, notamment en n'installant pas le nombre de panneaux prévus, et en ne répondant pas aux contestations formulées par les bailleurs ;
Qu'elle verse aux débats :
- une lettre émanant de la SARL Mediavo Expressions, en date du 9 février 2007, aux termes de laquelle cette société, sous-traitant de Monsieur Christian Gérard, se plaint de n'être pas réglée de l'achat des panneaux publicitaires, et menace de les démonter,
- une attestation établie par Monsieur Laurent Rémy, bailleur d'un emplacement loué par Monsieur Gérard, faisant état de ce qu'il n'a pas été réglé par celui-ci des loyers concernant les emplacements attribués à la SARL Ambiances Cuisines et Bains,
- un constat établi le 30 octobre 1997 par Maître Lonchamp, huissier de justice à Epinal, faisant état de l'absence de panneaux publicitaires à Epinal, Golbey et Les Forges ;
Mais attendu que ces éléments n'établissent pas la démonstration, qui incombe à la SARL Ambiances Cuisines et Bains, de ce que Monsieur Christian Gérard a manqué à ses obligations contractuelles à son égard ; que les éléments précédemment évoqués n'établissent pas en quoi d'éventuels manquements de Monsieur Gérard vis-à-vis de tiers ont entraîné des conséquences sur l'exécution du contrat objet du litige ; qu'en particulier, le constat d'huissier a été établi postérieurement à la résiliation du contrat ;
Attendu par ailleurs que s'il n'est pas contesté que des panneaux n'ont pas été implantés avenue de Saint-Dié à Epinal, Monsieur Christian Gérard a émis à ce titre un avoir d'une somme de 322,92 euro le 28 août 2006 ;
Qu'en conséquence, il y a lieu de confirmer la décision sur ce point ;
- Sur les clauses abusives et le moyen tiré de l'application de l'article L. 442-6 -2° du Code de commerce
Attendu que la SARL Ambiances Cuisines et Bains soutient que les clauses prévoyant l'exigibilité totale et immédiate des clauses du contrat et la facturation de l'intégralité de la période en cas de résiliation ou de non-paiement d'une facture à l'échéance constituent des clauses abusives qui doivent être réputées non écrites ;
Mais attendu que les dispositions de l'article L. 132-1 du Code de la consommation ne s'appliquent pas aux contrats conclus entre professionnels et non professionnels lorsque l'objet du contrat possède un rapport direct avec l'activité professionnelle du co-contractant ;
Qu'en l'espèce, le contrat ayant pour objet la fourniture d'une prestation de publicité, il présente un rapport direct avec l'activité professionnelle de la SARL Ambiances Cuisines et Bains ;
Que cette disposition est inapplicable au présent litige ;
Attendu par ailleurs que la SARL Ambiances Cuisines et Bains soutient que les clauses contestées manifestent la volonté de son co-contractant de la soumettre ou de tenter de la soumettre à des obligations créant un déséquilibre significatif dans les droits et obligations des parties, pratiques prohibées par les dispositions de l'article L. 442-6 -2° (et non L. 442-6 -4°) du Code de commerce ;
Mais attendu d'une part que ce texte est postérieur à la date de la résiliation ;
Que d'autre part, il ressort du contrat que cette clause est justifiée en ce que les frais importants de pose et de fabrication des panneaux publicitaires, objet du contrat, sont répartis sur une période de trois ans ; que cette disposition, examinée au regard de l'économie générale du contrat, n'apparaît pas comme créant un déséquilibre significatif au détriment de la SARL Ambiances Cuisines et Bains ;
Attendu que, compte tenu de ce qui précède, il y a lieu de confirmer la décision entreprise en toutes ses dispositions ;
Attendu que, compte tenu de ce qui précède, il y a lieu de rejeter la demande présentée par la SARL Ambiances Cuisines et Bains tendant à l'octroi de dommages et intérêts ;
Attendu qu'aucun élément du dossier ne caractérise la résistance abusive de la SARL Ambiances Cuisines et Bains alléguée par Monsieur Gérard ; qu'il convient de rejeter la demande sur ce point ;
Attendu qu'il apparaît inéquitable de laisser à la charge de Monsieur Christian Gérard l'intégralité des frais par lui exposés et non compris dans les dépens ; qu'il convient de faire droit à la demande selon les modalités indiquées au dispositif ;
Attendu enfin que la SARL Ambiances Cuisines et Bains supportera les dépens de première instance et d'appel, lesquels seront directement recouvrés par la société civile professionnelle Leinster, Wisniewski et Mouton, avoués associés, conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile ;
Par ces motifs, LA COUR, statuant publiquement par arrêt contradictoire et en dernier ressort, Confirme en toutes ses dispositions le jugement rendu le 9 mars 2010 par le Tribunal de commerce d'Epinal ; Rejette les autres demandes ; Condamne la SARL Ambiances Cuisines et Bains à payer à Monsieur Christian Gérard la somme de mille euro (1 000 euro) sur le fondement des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile ; Dit que la SARL Ambiances Cuisines et Bains supportera les dépens de premier instance et d'appel, lesquels seront directement recouvrés par la société civile professionnelle Leinster, Wisniewski et Mouton, avoués associés, conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile.