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Décisions

ADLC, 29 juin 2011, n° 11-A-10

AUTORITÉ DE LA CONCURRENCE

Avis

portant sur la mise en place d'un tarif social permettant l'accès des personnes aux revenus modestes aux services Internet haut débit

ADLC n° 11-A-10

29 juin 2011

L'Autorité de la concurrence (section III),

Vu la demande d'avis du 8 mars 2011, présentée par le ministre de l'Economie, des Finances et de l'Industrie, en application de l'article L. 462-1 du Code de commerce, enregistrée à l'Autorité de la concurrence sous le numéro 11/0020 A ; Vu le livre IV du Code de commerce ; Vu les autres pièces du dossier ; Le rapporteur, le rapporteur général, le commissaire du Gouvernement entendus lors de la séance du 1er juin 2011 ; Les représentants de la société France Télécom, de l'Association Française des Opérateurs de Réseaux et de Services de Télécommunications (ci-après AFORST), ainsi que de l'Autorité de Régulation des Communications Electroniques et des Postes (ci-après ARCEP), entendus sur le fondement de l'article L. 463-7 du Code de commerce ; Est d'avis de répondre à la demande présentée dans le sens des observations suivantes :

1. Par lettre en date du 8 mars 2011 enregistrée sous le numéro 11/0020 A, le ministre chargé de l'Economie a sollicité l'avis de l'Autorité de la concurrence " au sujet de l'analyse sous l'angle du droit de la concurrence de la mise en place d'un tarif social permettant l'accès des personnes aux revenus les plus modestes aux services d'Internet haut débit ".

2. Après avoir présenté les marchés de l'accès Internet haut débit (I.A), puis avoir fait un diagnostic de ce qu'il est aujourd'hui convenu d'appeler la " fracture numérique " (I.B) et décrit l'offre sociale existante (I.C), l'Autorité présentera la demande d'avis du ministre chargé de l'Economie (contexte et enjeux) (I.D). Dans un second temps, l'Autorité examinera les différentes solutions envisageables, compatibles avec le droit de la concurrence, pour lutter efficacement contre la " fracture numérique " (II.A et II.B). Elle formulera enfin ses observations et principales recommandations sur le projet de labellisation d'offres sociales à destination des plus modestes, tel qu'envisagé par le gouvernement (II.C). Pour répondre pleinement à la demande des pouvoirs publics, une annexe portant sur la mise en œuvre d'un test de ciseau tarifaire pour la mise en place d'un tarif social de l'accès Internet haut débit a été insérée à la fin du présent avis.

I. Constatations

A. Le marché de l'accès Internet haut débit

3. Comme le rappelait l'Autorité dans son avis n° 11-A-051, les offres haut débit2, initialement limitées à la seule fourniture d'un accès à Internet, se sont considérablement enrichies au long de la décennie. Les offres commercialisées par les opérateurs sur le marché résidentiel sont aujourd'hui le plus souvent des offres triple play ou plus généralement des offres multiservices dont le prix de référence s'établit autour de 30 euros par mois. Ces offres fournissent, en sus d'un accès à Internet à haut débit, un service téléphonique de voix sur large bande ainsi que, pour les clients éligibles, un nombre croissant de services audiovisuels (chaînes gratuites de télévision, vidéo à la demande, télévision de rattrapage, bouquets de chaînes payantes). Les opérateurs proposent également toute une gamme de services multimédias additionnels : antivirus, contrôle parental, espace de stockage, messagerie électronique, coffre-fort numérique, routeur Wifi, serveur FTP, compte SIP, etc.

4. En France, la paire de cuivre du réseau téléphonique de France Télécom est le principal réseau de boucle locale (dernier maillon du réseau jusqu'à l'abonné) utilisé pour la fourniture de ces services (plus de 90 % des accès haut débit), par le biais de la technologie DSL (ADSL notamment). Le câble coaxial, qui concentre environ 5 % des accès, constitue aujourd'hui la principale alternative. Au total, environ 21,7 millions de foyers français sont abonnés au haut débit.

5. Les opérateurs et fournisseurs souhaitant commercialiser, sur les marchés de détail, des services Internet haut débit disposent de plusieurs possibilités, en fonction du niveau d'investissement qu'ils sont prêts à consentir :

- s'appuyer sur leur propre infrastructure de boucle locale3 ;

- installer leurs propres noeuds de réseaux sur une boucle locale louée à un opérateur tiers4 ;

- acheter sur le marché de gros des accès activés par un opérateur tiers (on parle aussi d'offre d'accès au flux de données ou bitstream)5 ;

- acheter une offre en " marque blanche "6.

B. DIAGNOSTIC SUR LE FOSSÉ NUMÉRIQUE EN FRANCE

1. ETAT DES LIEUX

6. Avant d'envisager les solutions pour combler le fossé numérique en France, il convient au préalable de définir ce que l'on entend par " fracture numérique ". En effet, ce terme, qui désigne de manière très générale la disparité d'accès aux technologies de l'information et de la communication (TIC), notamment Internet, peut revêtir des problématiques très diverses dont les dimensions sont tout à la fois culturelles, sociales et géographiques. Réintroduire la question du diagnostic apparaît donc comme un préalable indispensable à tout examen d'une solution visant à réduire le fossé numérique.

a) Définition et indicateurs de mesure de la fracture numérique

7. Le fossé numérique peut être défini comme " une inégalité face aux possibilités d'accéder et de contribuer à l'information, à la connaissance et aux réseaux, ainsi que de bénéficier des capacités majeures de développement offertes par les TIC. Ces éléments sont quelques-uns des plus visibles du fossé numérique, qui se traduit en réalité par une combinaison de facteurs socio-économiques plus vastes, en particulier l'insuffisance des infrastructures, le coût élevé de l'accès, l'absence de formation adéquate, le manque de création locale de contenus et la capacité inégale de tirer parti, aux niveaux économique et social, d'activités à forte intensité d'information "7.

8. Ainsi, l'existence et l'évolution d'une fracture numérique au sein d'une population peuvent être appréhendées en tenant compte d'indicateurs généraux, tels que le taux d'équipement des ménages en micro-ordinateurs, le nombre de personnes disposant d'un accès Internet haut débit et très haut débit, le nombre de personnes téléphonant sur large bande (box), etc.

b) D'un point de vue social, le fossé numérique concerne notamment les personnes âgées, les non diplômés et les personnes à revenus modestes

9. Plusieurs études ont récemment été publiées sur la fracture numérique :

- La dernière étude publiée par le Centre de Recherche pour l'Etude et l'Observation des Conditions de Vie (ci-après CREDOC) portant sur la diffusion des TIC8 permet ainsi de donner un premier aperçu du fossé numérique :

<EMPLACEMENT GRAPHIQUE>

Selon cette étude, il ressort que 24 % des ménages français ne possèdent pas de micro-ordinateur à domicile et que, parmi les foyers équipés d'un micro-ordinateur, 92% disposent d'un accès Internet haut débit ;

- Le rapport du CREDOC note par ailleurs que la progression constante de la diffusion d'Internet n'empêche pas un certain nombre d'inégalités de perdurer. L'âge, le niveau de diplôme, les revenus ou la taille du foyer sont autant de facteurs qui influent sur l'existence d'un accès à Internet à domicile, comme l'illustre le graphique suivant :

<EMPLACEMENT GRAPHIQUE>

- Un récent rapport du Centre d'Analyses Stratégiques portant sur le fossé numérique9 rappelle quant à lui que 31,5 % des Français ne possèdent pas d'ordinateur à domicile et 37,1 % n'ont pas accès à Internet. Une fracture qui correspond, selon le CAS, non pas à un, mais à trois fossés, liés à la possession des outils et à leur usage. Le premier fossé concerne l'aspect générationnel (15 % des plus de 75 ans ont une connexion Internet contre 84 % pour les 15-24 ans). Le deuxième groupe de population à être fragilisé est celui des personnes aux faibles revenus (28 % d'entre elles ont accès à Internet contre 87 % pour les revenus les plus élevés). Enfin, le fossé culturel prive les moins instruits des possibilités de l'outil informatique.

- Enfin, une récente étude publiée conjointement par l'Association Française des Utilisateurs des Télécommunications (AFUTT) et l'Agence nouvelle des solidarités actives (ANSA)10 dresse un état des lieux de l'exclusion numérique et insiste sur le fait qu'être connecté représente aujourd'hui pour les personnes à faibles revenus un " besoin fondamental ".

10. Ainsi, la lutte contre la fracture numérique pose autant la question de l'éducation (apprentissage et maîtrise des TIC) que du prix des services et surtout des équipements (problématique de solvabilité de la demande, question de la bancarisation des personnes à faible revenus) ou de l'égal accès à ces services sur le territoire (conditions d'accès à la boucle locale de France Télécom, régulation des tarifs de gros).

c) D'un point de vue géographique, le fossé numérique touche essentiellement les départements d'outre-mer

11. La " fracture numérique " n'est pas seulement sociale, elle est également géographique. Il existe en effet de nombreuses disparités locales, régionales, nationales, voire mondiales qui concernent l'inégal accès de la population aux TIC.

12. Si, en France, on oppose volontiers les zones rurales (ou zones non dégroupées) aux zones urbaines (ou zones dégroupées), la plus grande inégalité territoriale concerne en réalité les départements d'outre-mer, comme le montrent les récents rapports et études publiés sur le sujet :

- Dans les conclusions du groupe de travail animé par le sénateur Jean-Paul Virapoullé, relatif à la réduction de la " fracture numérique " entre les départements d'outre-mer et la métropole, rendues le 19 avril 2011, il est ainsi rappelé que " les départements d'outre-mer souffrent d'une fracture numérique qui pénalise leur développement social, éducatif, économique " et que " le rapport qualité / prix de l'Internet haut débit [y] est beaucoup plus bas qu'en métropole " ;

- Dans son rapport relatif à l'outre-mer publié en janvier 201011, l'ARCEP constate pour sa part que les spécificités des territoires d'outre-mer se traduisent par un moindre développement12. Selon l'ARCEP, plusieurs facteurs peuvent expliquer ce décalage : (i) la taille des marchés et des acteurs plus faible outre-mer ; (ii) un niveau moins élevé de performance du réseau et de qualité de service des offres de gros du haut débit ; (iii) les surcoûts induits par la nécessité d'avoir recours à des câbles sous-marins, coûteux et complexes à déployer, pour acheminer des flux de données en croissance constante entre ces territoires et le reste du monde. Par ailleurs, il convient de noter que la population titulaire de minima sociaux y est plus importante qu'en métropole. L'ARCEP observait qu'en 2008 la part des bénéficiaires du revenu minimum d'insertion (RMI) dans la population totale était environ cinq fois supérieure au ratio métropolitain correspondant pour des prestations équivalentes.

13. Ainsi, outre-mer, les contraintes techniques, notamment liées à la question des câbles sous-marins, se doublent-elles d'inégalités de revenus qui rendent particulièrement sensible la question des tarifs sociaux relatifs aux offres d'accès Internet haut débit.

2. MESURES POUVANT ÊTRE ENVISAGÉES PAR LES POUVOIRS PUBLICS POUR LUTTER CONTRE LA FRACTURE NUMÉRIQUE

14. Si les acteurs publics et privés peuvent favoriser l'inclusion sociale en baissant le coût de l'accès Internet à domicile à travers l'instauration de tarifs sociaux, ce n'est évidemment pas le seul moyen. Comme évoqué précédemment, de nombreuses personnes ne disposent pas d'un accès Internet chez elles simplement parce qu'elles n'en voient pas l'utilité ou qu'elles ne possèdent pas les compétences informatiques leur permettant de profiter des possibilités offertes par les TIC. Pour que les personnes actuellement en situation " d'exclusion numérique " puissent accéder aux services Internet, il est également possible d'accompagner les usages.

a) Le développement des Espaces Publics Numériques (EPN)

15. Les Espaces publics numériques (EPN) assurent un service non commercial d'accès à Internet et d'accompagnement du grand public à l'utilisation des nouvelles technologies et usages numériques. Ils sont implantés dans des structures culturelles ou sociales, telles que des bibliothèques, médiathèques, centres socioculturels ou maisons des jeunes.

16. Les EPN, et plus globalement les lieux d'accès publics au numérique, proposent, gratuitement ou à tarifs très bas, des activités d'initiation et d'accompagnement aux usages numériques par le biais d'ateliers collectifs (création de mail, conception d'un journal de quartier, etc.) ou de cours individuels. Ils permettent également de bénéficier d'un apprentissage des bases et d'une assistance dans la consultation des services publics en ligne et la recherche d'emploi sur Internet.

17. Selon le rapport du CAS précité, la France compte aujourd'hui plus de 4 000 espaces qui contribuent à la démocratisation de l'accès public à Internet et trois grands réseaux nationaux d'EPN :

- le réseau des Espaces culturels multimédias (ECM), soutenu par le ministère de la Culture ;

- le réseau des points Cyb, du ministère de la Jeunesse et des Sports ;

- et principalement, le réseau Cyber-base lancé par la Caisse des dépôts.

18. Il convient de noter que les EPN ne se substituent pas à un équipement à domicile : ils constituent une modalité complémentaire d'accès et surtout un lieu d'apprentissage. L'AFUTT estime ainsi que 50 % des personnes se rendant à des ateliers dans les EPN possèdent un ordinateur connecté à domicile.

b) Le rôle des collectivités locales

19. Certaines collectivités développent des projets couplant un accès au matériel (mise à disposition d'un ordinateur et/ou d'une connexion à moindre prix) et un accompagnement, que ce soit dans des quartiers d'habitat populaire ou en milieu rural. Ces initiatives locales peuvent également être encouragées car elles permettent de créer du lien et de rendre un vrai service aux personnes concernées. L'étude AFUTT-ANSA précitée recense notamment les initiatives du Conseil général de l'Eure (projet A l'Eure d'Internet) et du Conseil général des Deux-Sèvres.

c) Les offres ciblées sur le logement social

20. Une première réflexion sur la mise en place d'un label " Logement social numérique " a été lancée en 2009. Ce label, qui semble aujourd'hui encore à l'étude, porterait sur l'équipement, les usages et les services et serait attribué aux projets immobiliers des bailleurs sociaux. Les financements de l'État accordés à ces projets pourraient dépendre de la qualité de cet environnement numérique.

21. Cette initiative vise à encourager les bailleurs à équiper les logements sociaux en accès aux technologies numériques et permettre ainsi le développement de l'accès à l'Internet haut débit dans le parc HLM français. Les bailleurs sociaux seraient invités à proposer à leurs locataires un accès à Internet, de préférence à haut débit, dont le coût, plus faible qu'un abonnement normal, serait compris dans les charges.

22. Depuis le mois de décembre 2009, les habitants de ces logements sociaux bénéficient d'un accompagnement pour le branchement des appareils et pour la mise en route du système, et d'apprentissage des usages d'Internet et du multimédias. Ils reçoivent également un équipement composé d'ordinateurs recyclés. Ces initiatives, bien qu'encore limitées, se développent à l'instigation des collectivités locales et des bailleurs sociaux.

d) La mise en place de tarifs sociaux

23. La baisse du prix de l'accès aux services Internet pour les personnes défavorisées fait partie de l'éventail des solutions permettant de lutter efficacement contre la fracture numérique. L'Autorité ne disposant pas d'un diagnostic précis du fossé numérique, ni d'une évaluation des différents moyens pour y remédier, elle n'est pas en mesure d'apprécier si la mise en place de tels tarifs peut jouer un rôle central ou non dans la lutte contre la fracture numérique. Néanmoins, l'Autorité est saisie de cette seule question par le gouvernement, si bien que tous les développements qui suivent y sont consacrés.

C. DESCRIPTION DE L'OFFRE SOCIALE ACTUELLE

1. LE SERVICE UNIVERSEL ISSU DU CADRE COMMUNAUTAIRE

24. Les directives du " paquet télécom " de 2002 ont instauré un service universel dans le secteur des communications électroniques, prenant la suite des services publics instaurés dans les différents Etats membres avant l'ouverture à la concurrence du secteur.

25. Aujourd'hui, le service universel des communications électroniques fournit à tous :

- un service téléphonique de qualité à un prix abordable13 ;

- un service de renseignements et un annuaire d'abonnés, sous formes imprimée et électronique ;

- l'accès à des cabines téléphoniques publiques installées sur le domaine public ;

- des mesures particulières en faveur des utilisateurs finaux handicapés.

26. Le service universel est fourni dans des conditions tarifaires et techniques prenant en compte les difficultés particulières rencontrées dans l'accès au service téléphonique par certaines catégories de personnes, en raison notamment de leur niveau de revenus et en proscrivant toute discrimination fondée sur la localisation géographique de l'utilisateur.

27. La composante " service téléphonique " du service universel garantit à chacun la fourniture d'un service téléphonique de qualité à un prix " abordable " : ce service doit assurer le raccordement ainsi que l'acheminement des communications téléphoniques, des communications par télécopie et des communications de données à des débits suffisants pour permettre l'accès à Internet à bas débit (56 Kbit/s).

28. Le cadre communautaire définit une procédure de désignation des opérateurs chargés d'en assurer les différentes composantes. Ces opérateurs sont subventionnés par un fonds de service universel, qui peut être abondé par des contributions de l'ensemble des opérateurs.

29. En France, c'est France Télécom qui a été désigné, par arrêté du 1er décembre 2009, pour la fourniture de chacune des composantes du service universel, à l'exception des annuaires (Pages Jaunes). Au titre de la composante " service téléphonique ", France Télécom propose un abonnement à son réseau téléphonique commuté (RTC) dit " abonnement principal ", ainsi que des communications au " tarif de base ".

2. L'OFFRE SOCIALE ACTUELLE

30. Les tarifs de l'offre téléphonique " de base " comprennent un tarif social mis en place de manière à éviter les phénomènes d'exclusion d'accès au service téléphonique. Actuellement, la réduction sociale téléphonique (RST) est octroyée si la personne qui en fait la demande répond aux deux conditions cumulatives suivantes :

- être allocataire d'un minimum social ou être invalide ;

- avoir souscrit un abonnement au service téléphonique fixe auprès d'un opérateur de communications électroniques.

31. L'avantage tarifaire consiste en une réduction de la facture téléphonique de la personne bénéficiaire. Le montant de la réduction accordée est fixé par arrêté du ministre chargé des communications électroniques. Conformément à l'article L. 35-3 du code des postes et des communications électroniques, les coûts nets imputables aux obligations de service universel sont financés par le fonds de service universel alimenté par les contributions des opérateurs de communications électroniques.

32. A la différence des autres composantes du service universel, ce tarif social peut être, en principe, proposé par un grand nombre d'opérateurs, selon un mécanisme de pay or play. Concrètement, si un opérateur choisit de proposer la réduction sociale téléphonique, le coût net de fourniture de cette offre est déduit de sa contribution au fonds de service universel. En pratique, toutefois, seul l'opérateur en charge de la composante " téléphonie " du service universel, c'est-à-dire France Télécom, propose cette réduction tarifaire aux consommateurs. Aucun autre opérateur ne participe actuellement au dispositif.

33. Aujourd'hui, le fonds de service universel compense le coût de la réduction sociale téléphonique à hauteur de 4,21 euros HT (soit 5,04 euros TTC). En pratique, le montant de l'abonnement social est de 5,43 euros HT (soit 6,49 euros TTC), comparé à un abonnement standard de 13,38 euros HT (soit 16 euros TTC), France Télécom prenant à sa charge le financement de la différence (soit 3,74 euros HT ou 4,47 euros TTC).

34. S'agissant des DOM, l'abonnement social s'élève, comme pour la métropole, à 5,43 € HT (soit 5,89 € TTC), pour un abonnement principal de 13,38 € HT (soit 14,52 € TTC). Les différences de prix payés par les consommateurs finaux résultent des différences de taux de TVA qui ne sont pas les mêmes en métropole (19,6%) et dans les DOM (8,5%).

D. LE PROJET DE LABELLISATION SOUMIS À L'AUTORITÉ

1. CONTEXTE DE LA SAISINE

35. Dans sa lettre de saisine, le ministre chargé de l'Economie indique que le gouvernement souhaite développer les tarifs sociaux afin de lutter contre la fracture numérique touchant les foyers les plus modestes. Ces tarifs sociaux de l'accès Internet haut débit revêtent un enjeu à la fois social et technologique. D'un point de vue social, l'accès Internet haut débit conditionne en effet l'accès à l'information, à l'éducation et à l'emploi. Sur un plan technologique, la téléphonie sur IP se substitue petit à petit à la téléphonie traditionnelle, ce qui, d'après le ministre chargé de l'économie, conduit les consommateurs à se détourner de l'offre sociale existante.

36. Il convient en effet de constater qu'à la fin de l'année 2010, moins de 15 % des bénéficiaires potentiels de la réduction tarifaire sur les abonnements de téléphonie fixe (328 209 sur un total de 2,5 millions de personnes) l'utilisent et qu'aucun opérateur ne commercialise une offre de réduction sociale alternative à France Télécom. L'évolution du parc d'abonnements sociaux de l'opérateur historique est récapitulée dans le tableau suivant :

Evolution du nombre de bénéficiaires de l'offre sociale de France Télécom (2008-2010)

<EMPLACEMENT TABLEAU>

2. LE PROJET DE LABELLISATION DES OFFRES SOCIALES POUR L'ACCÈS INTERNET HAUT DÉBIT

a) La mise en place d'un label social pour la téléphonie mobile (mars 2011)

37. Le 7 mars 2011, s'est tenue à Bercy une table ronde destinée à mettre en œuvre un " tarif social mobile ". Lors de cette table ronde, les opérateurs présents14 ont signé une convention par laquelle ils s'engagent à proposer dans les six mois une offre respectant les conditions d'un cahier des charges qui précise et définit les conditions d'éligibilité, ainsi que les caractéristiques des offres qui pourront être labellisées " tarif social mobile ". Celles-ci doivent :

- au minimum être accessibles aux allocataires du Revenu de Solidarité Active (RSA) " socle "15 ;

- apporter une garantie minimum de prix et de services offerts16.

38. Pour les consommateurs, l'offre " tarif social mobile " est sans engagement de durée et ne comprend aucun frais d'activation du service, ni aucun frais de résiliation. L'abonné est averti dès qu'un appel ou l'envoi d'un SMS conduit à une facturation supérieure à 10 € pour le mois en cours. De plus, son accès au service est bloqué dès que la facturation atteint 15 € (il peut décider de débloquer cet accès s'il le souhaite). Enfin, si l'abonné cesse d'être éligible à l'offre " tarif social mobile ", l'opérateur doit l'informer des offres qui lui sont les plus adaptées et la migration vers ces nouvelles offres est subordonnée à son accord express.

b) Vers la mise en œuvre d'un tarif social de l'accès Internet haut débit

39. Cette convention portant sur le " tarif social mobile " est présentée par le ministère de l'économie, des finances et de l'industrie comme la première étape d'un dispositif prévu pour s'étendre à l'Internet.

40. En effet, la table ronde du 7 mars 2011 a été l'occasion d'annoncer, pour ce qui concerne l'accès Internet haut débit, la mise à l'étude d'une solution souple consistant à labelliser les offres de marché les plus attractives. Cette solution consiste, comme pour le " tarif social mobile ", à labelliser des offres dont le prix serait inférieur à un certain plafond17, pour un ensemble de services donnés, à destination des personnes aux revenus les plus modestes et répondant à un cahier des charges précis.

41. Le ministre chargé de l'Economie note toutefois que le lancement de telles offres sociales d'accès Internet haut débit à bas prix est susceptible de soulever des interrogations sous l'angle du droit de la concurrence. Ces interrogations portent notamment sur " la possibilité pour un opérateur qui serait en position dominante, au regard de la jurisprudence relative aux effets anticoncurrentiels dits de ciseaux tarifaires, d'aligner le prix de son offre sociale sur le prix d'offres sociales concurrentes ". Aussi, paraît-il nécessaire au ministre saisissant que l'Autorité apporte des précisions sur la grille d'analyse qu'elle appliquerait pour apprécier la conformité d'offres sociales au droit de la concurrence.

42. Dans ce cadre, la saisine invite l'Autorité à se prononcer sur :

- le périmètre des offres sur lequel le test de ciseau serait appliqué (marchés pertinents) ;

- les analyses de coûts qui s'imposeraient dans le cadre d'un tarif social conventionnel non compensé ;

- le degré de vraisemblance - compte tenu de la faible profitabilité supposée des offres sociales qui viseront une demande peu solvable - d'une stratégie et d'effets anticoncurrentiels liés à de telles offres sociales ;

- la façon dont l'Autorité pourrait prendre en compte des justifications objectives avancées par un opérateur pour l'alignement des tarifs de son offre sociale sur celui des offres concurrentes.

c) Projet de loi renforçant les droits et la protection des consommateurs

43. Parallèlement à ces travaux, le gouvernement a souhaité renforcer le droit de la consommation concernant l'achat de biens et de services, afin de renforcer la confiance des consommateurs et leur capacité à faire jouer la concurrence entre opérateurs. Le titre Ier (articles 1 à 6) du projet de loi contient différentes dispositions visant à renforcer les droits des consommateurs dans divers secteurs de la consommation courante, tels que la grande distribution, l'immobilier, l'énergie, les télécommunications et la santé.

44. L'article 5 concerne notamment la création d'un tarif social Internet afin de tenir compte des évolutions des modes d'utilisation des services téléphoniques. L'article 4 vise à permettre à tous les opérateurs de proposer une offre sociale spécifique pour permettre aux foyers les plus modestes d'accéder à l'Internet haut débit dans des conditions attractives.

45. L'article 5 du projet de loi, tel qu'il ressort du texte adopté par le Conseil des ministres, dispose en effet que " l'article L. 33-9 du code des postes et des communications électroniques est complété par un alinéa ainsi rédigé : des conventions conclues après avis de l'Autorité de la concurrence entre l'État et les fournisseurs d'accès à l'Internet peuvent déterminer les conditions dans lesquelles ceux-ci fournissent une offre tarifaire spécifique à destination des personnes rencontrant des difficultés particulières dans l'accès à l'Internet à haut débit en raison de leur niveau de revenu. "

46. L'avis de l'Autorité de la concurrence sur ces conventions serait donc désormais requis.

II. Analyse

A. LA MISE EN PLACE DE MÉCANISMES SOCIAUX À DESTINATION DES PLUS FRAGILES EST COMPATIBLE AVEC LE DROIT DE LA CONCURRENCE

47. Avant de formuler ses observations et recommandations sur le projet de labellisation d'offres sociales d'accès Internet haut débit, tel qu'envisagé par le gouvernement, l'Autorité de la concurrence souhaite rappeler que la mise en place de mécanismes sociaux à destination des plus fragiles peut toujours être rendu compatible avec le droit de la concurrence. Comme elle a déjà pu le faire dans ses précédents avis18, l'Autorité précisera quelles sont les conditions d'une telle intervention publique, dans son principe (1) puis dans sa mise en œuvre (2).

1. L'INTERVENTION DES POUVOIRS PUBLICS EST LÉGITIME DÈS LORS QU'ELLE VISE À CORRIGER UNE DÉFAILLANCE DE MARCHÉ

a) Introduction aux notions d'intérêt économique général et de service universel

48. Dans l'espace communautaire, la définition de l'intérêt général revient aux Etats membres : " Il relève essentiellement de la responsabilité des pouvoirs publics au niveau approprié : local, régional ou national, de définir, dans la plus grande transparence, les missions des services d'intérêt général ". Dans les domaines qui ne sont pas spécifiquement couverts par le droit communautaire, les Etats membres bénéficient donc d'une latitude importante pour définir l'intérêt général et concevoir leurs politiques, la seule limite étant le contrôle effectué par la Commission pour vérifier qu'il n'y a pas d'erreur manifeste.

49. Le marché étant néanmoins en mesure de satisfaire, sans intervention réglementaire, nombre de besoins fondamentaux, la mise en place d'un service universel portant sur certains services d'intérêt général ne peut être justifiée que lorsque " les mécanismes du marché pourraient ne pas être à même d'assurer une fourniture satisfaisante de ces services "19. Les pouvoirs publics peuvent alors " établir un certain nombre de prestations de services spécifiques destinées à répondre à ces besoins sous forme d'obligations de services d'intérêt général. […] Le cas le plus classique est l'obligation de service universel ".

50. Ainsi, le service universel apparait-il comme un mode particulier de prestation de services d'intérêt économique général20. Dans ce cadre, la non-satisfaction de la demande, au niveau, au prix et selon les modalités requis par les pouvoirs publics, par les seuls mécanismes de marché conditionne l'instauration d'un service universel.

b) L'instauration d'un service universel peut permettre de corriger les défaillances du marché

51. L'incapacité du marché à fournir les services essentiels à tous les consommateurs peut résulter de différentes défaillances. Ainsi, pour une qualité minimale du service considéré donnée, la mise en œuvre d'un service universel devient nécessaire lorsque le prix permettant de couvrir le coût encouru pour servir certains consommateurs est trop élevé au regard de leurs capacités financières.

52. Ce cas peut se produire dans plusieurs circonstances. Tout d'abord, l'isolement dans l'espace de certains consommateurs peut rendre particulièrement coûteuse une couverture géographique complète du territoire (composante géographique du service universel). Ensuite, la capacité financière insuffisante de certains consommateurs peut limiter ou empêcher leur accès au service, rendant la couverture de ces consommateurs à faibles ressources impossible par les mécanismes de marché : la composante sociale du service universel vise ainsi à servir ces consommateurs afin d'éviter leur exclusion du service. Le prix abordable de service universel est alors défini par les pouvoirs publics de façon à permettre à tous de consommer au plus à ce prix : il sera par conséquent inférieur au coût de service de certains consommateurs.

53. Ainsi, la mise en place d'un service universel repose sur une double hypothèse : elle suppose que les pouvoirs publics aient préalablement décidé d'ériger certains services en services économiques d'intérêt général, mais également que le secteur en question, lorsqu'il fonctionne selon un mode normalement concurrentiel, ne réussit pas à assurer une fourniture satisfaisante des besoins en termes de couverture géographique, de qualité et de prix abordable.

54. Une appréciation négative au terme d'une telle évaluation peut justifier l'instauration d'un service universel.

2. LES MODALITÉS DE L'INTERVENTION PUBLIQUE DOIVENT LIMITER LES RISQUES DE DISTORSIONS CONCURRENTIELLES

55. L'Autorité tient à rappeler que l'instauration d'un service universel est compatible avec les règles de la concurrence tant que les mécanismes d'attribution et de financement ne provoquent pas de distorsions concurrentielles.

56. La question de la mise en œuvre d'un service universel a déjà été abordée par le Conseil de la concurrence dans les secteurs des télécommunications et de la poste. Dans son avis n° 03-A-06 du 16 mai 2003, le Conseil s'est prononcé sur la définition d'un service universel non concurrentiel : " le service universel non concurrentiel correspond à un service qui ne peut être rendu par le marché à un prix abordable pour l'ensemble de la population et répondant à certains critères qualitatifs. Cette carence justifie le recours à un financement public, normalement prohibé pour les entreprises opérant sur les marchés concurrentiels. Les questions essentielles relatives au service universel non concurrentiel sont donc d'abord la délimitation de son champ, puis la mesure de son coût et le choix de son mode de financement ". Le service universel non concurrentiel peut donc échapper à certaines des règles de la concurrence notamment en ce qui concerne les aides d'Etat du fait de la protection partielle offerte par l'article 106 du TFUE. Néanmoins, les fournisseurs de service universel sont des entreprises et sont dès lors soumis aux règles de concurrence prévues aussi bien par le Traité européen que par le droit national.

57. S'agissant de la désignation du prestataire et des modes de financement du service universel, l'Autorité renvoie à la lecture de son avis n° 05-A-08 précité. Elle rappelle notamment que :

- L'attribution des obligations de service universel peut être effectuée selon trois modalités : (i) la désignation d'un unique opérateur ; (ii) la mise aux enchères de la prestation du service universel ; (iii) l'instauration d'un mécanisme optionnel, dit de pay or play ;

- Les mécanismes de financement pouvant être utilisés sont au nombre de quatre : (i) les droits spéciaux ou exclusifs ; (ii) l'aide financière directe via le budget de l'État ; (iii) les contributions des opérateurs du marché via un fonds de service universel ; (iv) l'établissement de subventions croisées implicites.

58. Parmi les différents modes d'attribution, le mécanisme de pay or play est probablement celui qui est le plus vertueux car il est à la fois économiquement efficace (il empêche théoriquement les opérateurs de service universel de surestimer leurs coûts), socialement équitable (les contributions des opérateurs restent raisonnables eu égard à l'objectif d'abordabilité du service) et neutre d'un point de vue concurrentiel (le mécanisme n'empêche pas l'entrée de concurrents plus efficaces que l'opérateur historique). Par ailleurs, il apporte aux opérateurs une sécurité financière et permet une certaine prévisibilité (le mécanisme repose sur des règles transparentes qui autorisent des investissements de long terme).

59. Cependant, le mécanisme de pay or play est plus exigeant pour les pouvoirs publics : ceux-ci doivent vérifier que le service universel est fourni dans des conditions d'accès et de qualité acceptables par tous les opérateurs.

B. LA MISE EN PLACE D'UN TARIF SOCIAL DANS LE CADRE DU SERVICE UNIVERSEL CONSTITUE UNE OPTION NATURELLE

60. Avant de se prononcer sur le projet de labellisation, l'Autorité aborde l'hypothèse, qui serait la plus naturelle, d'une extension du mécanisme de service universel au tarif social de l'accès Internet haut débit. En effet, compte tenu de ce qui précède, les difficultés d'accès à Internet pour les ménages les plus modestes caractérisent une carence du marché et l'Etat est pleinement légitime pour y répondre.

61. Dans ce cadre, la mise en place d'un tarif social de l'Internet dans le cadre du service universel (1) présenterait l'avantage de prolonger le dispositif existant, notamment le principe de pay or play qui favorise la concurrence et l'efficience dans la fourniture du service, comme l'Autorité le rappelait dans son avis n° 05-A-08. Néanmoins, compte tenu des spécificités du cadre sectoriel propre aux communications électroniques, issu du " paquet télécom " de 2002, l'Autorité aborde une autre hypothèse qui est l'extension de l'éligibilité du tarif social téléphonique aux offres multiservices (2).

1. LA MISE EN PLACE D'UN TARIF SOCIAL DE L'ACCÈS INTERNET HAUT DÉBIT DANS LE CADRE DU SERVICE UNIVERSEL

62. Comme le mentionne un récent rapport du Centre d'Analyse Stratégique publié en avril 201121, une solution consisterait, en modifiant la loi, à élargir la notion de service universel des communications électroniques à l'Internet haut débit. Elle garantirait " l'accès de tous au réseau à un prix raisonnable et permettrait à l'État d'imposer aux opérateurs la mise en place d'un tarif social de l'Internet prenant en compte les difficultés particulières rencontrées (…) par certaines catégories de personnes, en raison notamment de leur niveau de revenu ".

63. Le rapport précité précise toutefois que cette extension n'est pas envisageable " sans une modification préalable de la directive relative au service universel des communications électroniques, qui n'intègre pas aujourd'hui les services Internet à haut débit dans son champ ". Une telle modification n'a pas été prévue lors de la révision du " paquet télécom " de fin 2009. Néanmoins, la Commission européenne a lancé le 2 mars 2010 une consultation publique visant à déterminer les conditions éventuelles d'un tel élargissement à l'ensemble de l'Union européenne. Elle devrait en présenter les conclusions dans le courant du premier semestre 2011 et indiquer les modifications qu'elle envisage d'apporter à la directive.

64. En l'état actuel des textes, un service universel de l'accès à Internet haut débit, intégrant une composante sociale, ne serait pas compatible avec le " paquet télécom ", dès lors que son financement est assuré par le secteur. Autrement dit, l'extension du service universel ne pourrait se faire qu'à condition d'être financée par la puissance publique. Il s'agirait pour l'Etat de subventionner la demande en s'adressant directement aux personnes éligibles, sans modifier les offres de marché existantes. L'inconvénient d'une telle mesure résiderait dans son coût de financement qui n'est pas neutre pour les finances publiques.

2. L'EXTENSION DE L'ÉLIGIBILITÉ DU TARIF SOCIAL TÉLÉPHONIQUE AUX OFFRES MULTISERVICES

65. Comme le constate le Gouvernement, le public auquel sont destinées les offres sociales téléphoniques se détourne de ces dernières au profit d'offres multiservices à haut débit combinant notamment les services téléphoniques et l'accès à Internet. Cette situation soulève la question des offres éligibles au subventionnement par le fonds de service universel.

66. Tant pour des raisons d'efficacité du dispositif que de neutralité technologique, le gouvernement pourrait étudier la possibilité qu'une offre multiservices haut débit puisse être éligible à la réduction sociale, dès lors qu'elle comprendrait l'accès au service téléphonique et une offre de communications téléphonique. En pratique, il s'agirait de modifier le I de l'article R. 20-34 du code des postes et des communications électroniques, par exemple dans le sens qui suit : " Les personnes physiques qui ont droit au revenu de solidarité active (…) ou qui perçoivent l'allocation de solidarité spécifique ou l'allocation aux adultes handicapés et qui ont souscrit un abonnement au à une offre comprenant la fourniture d'un service téléphonique fixe auprès de l'opérateur qui les dessert, autorisé selon les conditions fixées au II, bénéficient, sur leur demande, d'une réduction de leur facture téléphonique. (…) ".

67. Cette solution suppose de pouvoir identifier le coût net spécifique de la composante téléphonique dans l'offre groupée : comme l'accès à Internet haut débit ne figure pas dans le périmètre actuel du service universel, il n'est en effet pas possible de faire porter la réduction tarifaire sur l'ensemble des offres multiservices. Dans ce cadre, il appartiendrait à l'ARCEP de valider les hypothèses de calcul sous-jacentes à une telle évaluation.

68. Enfin, cette solution devra être validée par la Commission européenne, qui conduit actuellement un examen détaillé de la transposition française du mécanisme de service universel.

C. PRÉCAUTIONS À PRENDRE POUR LA MISE EN PLACE D'UN LABEL EN DEHORS DU CHAMP DU SERVICE UNIVERSEL

69. Après avoir souligné les risques concurrentiels de la mise en place d'un mécanisme de labellisation (1), l'Autorité examinera les conditions les moins défavorables à la mise en place d'un label à destination des ménages les plus modestes (2).

1. LES RISQUES CONCURRENTIELS DE LA MISE EN PLACE D'UN LABEL

70. Schématiquement, le Gouvernement propose de labelliser les offres des fournisseurs dont le prix ne dépasserait pas un certain plafond pour un ensemble minimal de services. Le label, bien qu'étant un dispositif facultatif, peut néanmoins altérer les choix des opérateurs, en les incitant à proposer des offres éligibles au label pour bénéficier des retombées en termes d'image. Ce schéma présente l'avantage d'offrir une certaine souplesse et de faire financer les tarifs sociaux par le marché.

71. Pour autant, le marché de l'accès Internet haut débit est marqué par une forte domination de France Télécom sur les marchés de gros du dégroupage et du bitstream et, pour certains segments de clientèle, sur les marchés de détail. Sur la clientèle résidentielle, les parts de marché du groupe France Télécom demeurent notamment prépondérantes dans les zones de faible densité, ainsi que pour les clients souhaitant conserver un abonnement téléphonique. Le groupe France Télécom pourrait donc tirer avantage à la mise en place de tarifs produisant des effets de ciseau tarifaire (a) ou de pratiques de couplage (b). Il convient donc que la mise en place d'un label ne vienne pas valider implicitement de telles pratiques.

a) L'effet de ciseau tarifaire22

72. Un ciseau tarifaire (ou " squeeze ") résulte de la structure des prix pratiqués par un opérateur verticalement intégré en position dominante sur le marché amont d'un bien intermédiaire auquel ses concurrents doivent avoir accès sur un (ou des) marché(s) aval(s) pour y exercer une concurrence effective. Il existe un effet de ciseau tarifaire lorsque l'écart entre les prix amont et aval que l'opérateur intégré pratique ne laisse pas un espace économique suffisant pour permettre à des concurrents efficaces d'opérer de manière viable en aval.

73. Des pratiques de ciseau tarifaire ont été condamnées à plusieurs reprises sur le marché de l'accès Internet haut débit, notamment en Espagne et en Allemagne23. La compression des marges exercée sur les opérateurs alternatifs permet à l'opérateur historique de monopoliser le marché de détail de l'accès Internet haut débit. Ces pratiques n'induisent pas de réelles pertes pour l'opérateur historique car ce dernier ne supporte pas le tarif de gros facturé en amont aux concurrents pour l'accès au réseau (dégroupage ou bitstream). Le coût marginal de l'accès au réseau, qui correspond aux coûts de production interne, est en effet très inférieur au tarif de gros, qui rémunère en grande partie des investissements passés.

74. Des pratiques de ce type pourraient être mises en œuvre en France. Comme il a été vu précédemment, le réseau de France Télécom apparaît comme le principal réseau de boucle locale utilisé pour la fourniture des services Internet haut débit (plus de 90 % des accès haut débit), par le biais de la technologie DSL (ADSL notamment). Les opérateurs alternatifs qui souhaitent commercialiser, sur les marchés de détail, des services d'accès à haut débit et à très haut débit valables sur l'ensemble du territoire (en particulier, dans les zones dites non dégroupées) sont aujourd'hui contraints d'acheter sur le marché de gros des offres dites de dégroupage ou de bitstream.

75. Le label envisagé par le gouvernement ne viserait que la clientèle des titulaires du RSA-socle. Cette clientèle ne constitue pas la priorité marketing des opérateurs et on peut s'interroger sur l'intérêt qu'aurait France Télécom à pratiquer, pour cette clientèle, un tarif de détail qui induirait un effet de ciseau. Néanmoins, il peut être économiquement rationnel de pratiquer une discrimination du troisième degré en offrant à ce public un tarif d'accès à Internet moins onéreux, couvrant les coûts marginaux, mais pas les coûts complets. Ce type de tarif peut inciter cette clientèle, aujourd'hui peu abonnée à Internet, à se connecter, générant ainsi une marge brute positive pour l'opérateur historique. Sachant que les titulaires du RSA représentent aujourd'hui un peu plus de deux millions de clients potentiels (soit 10 % du parc actuel), cela peut constituer un relai de croissance non négligeable dans le contexte actuel de stagnation du marché. En outre, les titulaires du RSA-socle n'ont pas vocation à rester dans cette situation toute leur vie active, alors que la durée moyenne d'un abonnement Internet chez un opérateur est de cinq à dix ans. La réduction sociale peut donc être partiellement compensée par une réduction des frais commerciaux, notamment des coûts d'acquisition des clients. Enfin, France Télécom bénéficierait des avantages immatériels (image de marque) induits par le label " tarif social de l'accès Internet haut débit ", ce qui rendrait sa position d'autant plus avantageuse, voire profitable.

76. Pour une part, les opérateurs alternatifs pourraient réaliser le même calcul, en acceptant de pratiquer des tarifs sociaux en dessous de leurs coûts, dans l'espoir de bénéficier des mêmes retombées en termes de fidélisation et d'image de marque. Néanmoins, il s'agirait de stratégies nettement plus risquées dans la mesure où ces opérateurs supporteraient des pertes financières réelles, alors que les retombées en termes d'image de marque demeurent incertaines.

b) Le couplage avec l'offre sociale téléphonique

77. Si le label devait concerner des offres d'accès à Internet conditionnées à un abonnement téléphonique, alors France Télécom pourrait être tentée d'opérer un couplage commercial avec son offre sociale d'abonnement téléphonique. Celle-ci s'adresse en effet au même public et est, aujourd'hui, la seule à bénéficier de la réduction sociale au titre du service universel. La combinaison de l'offre sociale téléphonique et de l'offre labellisée d'accès à Internet pourrait donc constituer la solution la plus attractive pour les titulaires des minima sociaux.

78. Les opérateurs sont certes en mesure de commercialiser des offres sociales téléphoniques, notamment en utilisant l'offre de gros de revente de l'abonnement (VGAST) d'Orange. Néanmoins, en pratique, les abonnés Internet qui souhaitent conserver un abonnement téléphonique sont aujourd'hui très majoritairement clients de France Télécom, ce qui pourrait résulter d'un attachement à la marque de l'opérateur historique.

2. LES CONDITIONS NÉCESSAIRES POUR LIMITER LES DISTORSIONS DE CONCURRENCE DANS LE CADRE DU LABEL ENVISAGÉ PAR LE GOUVERNEMENT

a) Le champ du label

79. Si les pouvoirs publics décident d'établir un tarif social pour l'accès Internet haut débit sous forme de label, l'impact de ce dernier sur le fonctionnement du marché dépend de plusieurs facteurs.

Le public visé

80. Si le tarif social était accessible à tous sans condition, l'ensemble des consommateurs seraient en situation d'arbitrer entre ce tarif et les autres offres proposées sur le marché. Le tarif social pourrait ainsi perturber le fonctionnement normal du marché dans son ensemble.

81. Pour limiter les risques de distorsion concurrentielle, il serait préférable de limiter les conditions d'éligibilité de ces offres. Le label pourrait ainsi par exemple s'adresser aux titulaires de minima sociaux, tels que le RSA-socle (comme c'est actuellement le cas dans le cadre du service universel téléphonique) ou la Couverture Maladie Universelle Complémentaire (comme c'est notamment le cas pour les tarifs de première nécessité du gaz et de l'électricité)24.

Les services offerts

82. Les offres haut débit se sont considérablement enrichies ces dernières années. Ainsi, plus le champ du label est large en termes de services concernés, plus le fonctionnement du marché peut être perturbé.

83. Pour répondre à la demande du gouvernement de favoriser l'accès du plus grand nombre à l'accès Internet haut débit et au constat selon lequel le tarif social téléphonique ne correspond plus à la demande sociale, il paraît nécessaire d'inclure dans le label non seulement l'accès Internet, mais aussi des communications téléphoniques en " voix sur large bande ", c'est-à-dire empruntant le réseau haut débit. En revanche, l'inclusion des services audiovisuels ne semble pas impérative, compte tenu de la couverture très étendue de la TNT. Cette inclusion pourrait en outre perturber le fonctionnement du marché car les services audiovisuels enrichis constituent un facteur important de différenciation entre opérateurs et d'animation du marché. Enfin, pour limiter les risques de couplage, il convient que l'offre ne soit pas subordonnée à la souscription à un abonnement téléphonique.

84. Finalement, il serait préférable que le tarif social se limite à des offres double play, combinant l'accès Internet haut débit et communications téléphoniques, et qui ne soient pas subordonnées à la souscription à un abonnement téléphonique.

Les territoires concernés

85. Inversement, il serait regrettable que le champ du label exclut certains territoires, particulièrement l'outre-mer, qui souffre d'un retard dans l'accès à Internet haut débit.

86. L'ARCEP notait dans son rapport précité de janvier 2010, que le dispositif de tarif social téléphonique était peu opérant dans les DOM. En effet, certaines offres incluant un service de téléphonie fixe apparaissaient alors plus intéressantes que l'offre d'abonnement du prestataire de service universel, notamment, pour des clients ayant une forte consommation d'appels à destination des téléphones fixes, celles comprenant des communications téléphoniques fixes illimitées. Pour ces raisons, l'ARCEP proposait que le volet concernant les offres sociales du service universel puisse être mis à jour en favorisant l'accès des habitants de l'outre-mer les plus défavorisés aux offres de téléphonie sur large bande dans le cadre d'offres multiservices. Il s'agit en réalité de la même proposition que celle formulée par l'Autorité dans le présent avis pour l'ensemble du territoire national (cf. § 65 à 68).

b) Le tarif maximum

87. Le gouvernement envisage de ne labelliser que les offres dont le tarif serait inférieur à un certain plafond pour un ensemble de prestations données. Il convient que ce tarif maximum n'induise pas d'effet de ciseau tarifaire.

88. Selon l'AFORST, association qui rassemble des opérateurs concurrents de France Télécom, un tarif maximum de 20 € TTC génèrerait un effet de ciseau. L'AFORST indique en effet que le coût du dégroupage s'élève en 2011 à 9 € HT, auquel il conviendrait d'ajouter : (i) des " petits tarifs " (tels que la location de l'espace dans les locaux de France Télécom) pour un coût de 3,31 € HT ; (ii) des frais d'accès aux services pour un coût de 1,42 € HT ; (iii) un coût de collecte à hauteur d'environ 6 € HT ; (iv) la TVA ; ce qui aboutirait à un coût supérieur à 20 € TTC. L'AFORST ajoute que le coût en zone non dégroupée est encore plus important. Autrement dit, selon l'AFORST, un plafond fixé à 20 € TTC ne permettrait pas à des opérateurs concurrents de France Télécom de proposer des offres éligibles au label.

89. Dans le cadre de cet avis et en l'absence d'information précise sur les coûts de France Télécom, l'Autorité n'est pas en mesure de valider le calcul de l'AFORST. L'Autorité de la concurrence souhaite rappeler qu'un test de ciseau tarifaire ne peut être conduit de manière abstraite et générale et que les hypothèses retenues dans ce cadre doivent être dûment justifiées au regard des circonstances de l'espèce :

- Tout d'abord, le seul constat d'un effet de ciseau sur une offre donnée ne suffit pas à caractériser l'existence d'une pratique anticoncurrentielle : si les opérateurs alternatifs peuvent servir d'autres pans d'un même marché de manière profitable, les pertes supportées sur un segment de clientèle pourraient en principe être compensées par les marges générées sur d'autres. En l'espèce, il conviendrait donc d'apprécier si les offres labellisées sont substituables à d'autres offres d'accès à Internet haut débit présentes sur le marché ou si elles délimitent une activité spécifique.

- De plus, les coûts pris comme référence sont en principe les coûts dits " incrémentaux ", c'est-à-dire ceux qui n'auraient pas été supportés si l'activité n'avait pas été exercée, et non les coûts complets : lorsque les concurrents sont en mesure d'amortir leurs coûts communs ou joints sur plusieurs activités, il n'y a pas de raison de définir de manière arbitraire une quote-part de ces coûts qui devrait être imputée à telle ou telle activité. En l'espèce, il conviendrait donc d'évaluer quels sont les coûts spécifiquement engendrés par la fourniture d'offres labellisées, compte tenu des investissements déjà consentis par les opérateurs pour assurer d'autres activités.

- Par ailleurs, le test doit intégrer l'ensemble des revenus potentiellement générés par l'offre et non les seuls revenus du tarif facial : il convient in fine d'apprécier la rentabilité de l'offre et de l'activité et non d'un tarif pris isolément. En l'espèce, il conviendrait donc de prendre en compte d'éventuels frais d'accès aux services facturés sur le marché de détail, ainsi que des revenus annexes, par exemple pour les communications téléphoniques.

90. Pour répondre pleinement à la demande du gouvernement de disposer d'un cadre d'analyse prévisible sur les possibilités de mise en œuvre du label, l'Autorité de la concurrence a annexé au présent avis des orientations relatives à la conduite d'un test de ciseau tarifaire au cas d'espèce. Ces orientations répondent aux principales questions qui se posent dans un tel exercice, comme celles signalées ci-dessus.

91. A partir de ces orientations et des éléments de coûts et de revenus qu'il pourra recueillir auprès des acteurs, le gouvernement pourra établir un niveau de tarif plafond du label compatible avec le droit de la concurrence. Compte tenu de sa connaissance du secteur et de ses missions, l'Autorité de régulation des communications électroniques et des postes (ARCEP) pourra utilement contribuer à l'exercice.

92. S'agissant d'un avis, l'Autorité de la concurrence signale que ces orientations ne constituent qu'une analyse préalable, en l'état actuel du dossier. Elles ne lient pas l'Autorité dans le cadre d'éventuels contentieux futurs, au vu notamment d'éventuelles circonstances nouvelles, de droit et de fait, qui seraient portées à sa connaissance.

c) Les autres conditions contractuelles des offres labellisées

93. Dans le cadre du tarif social mobile, le Gouvernement a souhaité encadrer certaines conditions contractuelles de fourniture des offres, notamment les durées d'engagement, et introduire des mécanismes de contrôle des dépenses.

94. De tels encadrements sont bien évidemment positifs pour les consommateurs. Mais s'agissant d'offres proposées sans subvention publique, ces modalités peuvent décourager leur fourniture par les acteurs du marché. Il appartient ainsi au Gouvernement de trouver le bon équilibre entre le contenu des offres et les incitations du marché à les fournir. A cet égard, l'analyse pourrait être très différente entre le marché du mobile, caractérisé par des prix et des marges élevés, ainsi que d'importantes durées d'engagement, et celui du haut débit, plutôt concurrentiel et soumis à la contrainte du test de ciseau tarifaire.

95. S'agissant du label haut débit, il conviendra a minima de veiller à ce que les bénéficiaires du label puissent aisément changer d'opérateur lors de leur sortie du dispositif. Les offres du label ne devraient donc contenir aucune durée d'engagement ni aucun frais de résiliation dès lors que le client ne remplirait plus les critères d'éligibilité au label.

d) Les conditions d'octroi du label

96. Il importe que les conditions d'octroi du label soient transparentes et non discriminatoires, notamment que les exigences du label en termes de contenu, de prix et de couverture géographique soient claires et connues d'avance.

97. S'agissant de la couverture géographique, l'Autorité de la concurrence rappelle ses recommandations en matière de marchés publics : si la recherche d'une certaine taille critique peut être pertinente pour des questions d'efficacité et d'émulation dans l'allotissement, la délimitation de lots de trop grande taille peut créer des barrières à l'entrée et limiter le nombre d'opérateurs capables de répondre à un appel d'offres et, partant, l'intensité concurrentielle de ce dernier.

98. En l'espèce, l'Autorité de la concurrence relève que les conditions d'exercice de la concurrence (niveau de prix, opérateurs présents, etc.) sont assez hétérogènes entre la métropole, la zone Réunion-Mayotte et la zone Antilles-Guyane. Ceci pourrait amener le gouvernement à définir trois zones distinctes. Compte tenu des contraintes de coût locales, résultant notamment de l'acheminement du trafic Internet par des câbles sous-marins, le contenu du label pourrait différer entre ces trois zones.

99. En revanche, il ne paraît pas nécessaire de subdiviser la métropole, par exemple entre zones dégroupées et zones non dégroupées, comme certains acteurs l'ont évoqué dans le cadre de l'instruction. Les principaux opérateurs haut débit sont en effet en mesure de proposer des offres sur l'ensemble du territoire métropolitain (à l'exception des zones d'ombres).

CONCLUSION

100. A titre liminaire, l'Autorité insiste sur la nécessité d'établir un diagnostic portant sur la fracture numérique. Celle-ci ne se limite pas à la seule question des personnes à faible revenu, mais se double d'inégalités générationnelle et culturelle. D'un point de vue géographique, ces inégalités touchent tout particulièrement les habitants des départements d'outre-mer. Parallèlement à la mise en place d'un tarif social, des mesures visant à promouvoir les espaces publics numériques et le développement d'offres à destination des bailleurs sociaux sont des pistes qui peuvent également être explorées si l'on souhaite résorber ces inégalités.

101. S'agissant de la mise en place de mécanismes sociaux à destination des plus fragiles, l'Autorité de la concurrence rappelle que de tels mécanismes peuvent toujours être rendus compatibles avec le droit de la concurrence. L'intervention des pouvoirs publics est légitime, dès lors qu'elle vise à corriger une défaillance de marché concernant un service économique d'intérêt général, ce qui est bien le cas en l'espèce. Néanmoins, quels que soient les modes d'attribution et de financement retenus, ceux-ci doivent introduire le moins de distorsions de concurrence possibles.

102. A cet égard, l'extension du dispositif actuel de service universel à la tarification sociale de l'accès à Internet haut débit constitue la solution naturelle pour répondre aux objectifs visés par le gouvernement. Le service universel permet en effet de subventionner des niveaux de prix abordables, que le marché ne permettrait pas spontanément d'atteindre. Le mécanisme de pay or play, retenu en France pour mettre en œuvre ce service universel, permet en outre de le faire financer par les acteurs du marché tout en donnant à chacun d'entre eux la possibilité de participer à la fourniture du service. Ce mécanisme permet ainsi de combiner les objectifs de cohésion sociale, de respect de la concurrence, d'efficacité économique et de limitation des dépenses publiques.

103. L'inclusion du haut débit dans le champ du service universel n'est cependant pas possible en l'état actuel des directives communautaires du " paquet télécom ". La Commission européenne a lancé le 2 mars 2010 une consultation publique visant d'ailleurs à déterminer les conditions d'un élargissement du service universel au haut débit pour l'ensemble de l'Union européenne à l'avenir. En revanche, le Gouvernement pourrait, sans attendre les résultats de cette consultation, étendre l'éligibilité de la réduction sociale actuelle, prévue pour le service téléphonique, aux offres multiservices haut débit incluant ce service. Sous réserve de l'appréciation de la Commission européenne, une telle extension paraît compatible avec le cadre communautaire.

104. Une labellisation, sans subvention, d'offres des opérateurs prévoyant un tarif social à destination des bénéficiaires de minima sociaux, constitue une alternative. Cette option soulève des risques concurrentiels, compte tenu de la position particulière de l'opérateur historique sur les marchés de gros et de détail du haut débit. La labellisation ne pourra donc être rendue compatible avec le droit de la concurrence que si les mécanismes mis en place permettent de prévenir les risques évoqués plus haut, notamment celui d'un effet de ciseau tarifaire.

105. Le projet de loi renforçant les droits et la protection des consommateurs, adopté par le Conseil des ministres le 1er juin, prévoit que les projets de conventions entre l'Etat et les opérateurs pour la mise en œuvre du label sont préalablement soumis pour avis à l'Autorité de la concurrence. Plutôt qu'une notification préalable de ces projets, au fil de l'eau, l'Autorité préfèrerait donner un avis général sur le cadre dans lequel doivent être négociées ces conventions. Une telle procédure aurait l'avantage de répondre plus en amont à la demande des pouvoirs publics de disposer d'éléments d'analyses prévisibles quant à la compatibilité du label avec le droit de la concurrence.

106. C'est la raison pour laquelle, en sus des éléments généraux contenus dans le présent avis, l'Autorité publie, en annexe de celui-ci, des orientations relatives à la conduite d'un test de ciseau tarifaire. A partir de ces orientations et des éléments de coûts et de revenus recueillis sur le marché, le gouvernement, avec le cas échéant l'appui du régulateur sectoriel, sera ainsi en mesure d'examiner plus avant les niveaux de prix qui pourraient être compatibles avec les règles de concurrence et d'apprécier in fine leur caractère adapté au regard des objectifs de cohésion sociale poursuivis.

Délibéré sur le rapport oral de M. Henry-Pierre Mélone et l'intervention de M. Sébastien Soriano, rapporteur général adjoint, par Mme Anne Perrot, vice-présidente, présidente de séance, Mmes Reine-Claude Mader-Saussaye, Carole Xueref et M. Thierry Tuot, membres.

ANNEXE

ORIENTATIONS PORTANT SUR LA MISE EN OEUVRE D'UN TEST DE CISEAU TARIFAIRE POUR LA MISE EN PLACE D'UN TARIF SOCIAL DE L'ACCÈS INTERNET HAUT DÉBIT

I. Généralités sur le ciseau tarifaire25

A. DÉFINITION

107. Lorsqu'un bien intermédiaire est nécessaire à l'exercice de la concurrence sur des marchés en aval, les autorités de concurrence veillent à ce que l'opérateur dominant verticalement intégré ne profite pas de sa position en amont pour augmenter les coûts des concurrents non intégrés et les empêcher d'entrer ou de se développer en aval. Elles vérifient ainsi qu'une entreprise active uniquement sur les marchés aval, et aussi efficace que l'opérateur intégré sur ces marchés, peut répliquer les prix de détail de ce dernier sans subir de perte. Ces tests, dits de ciseau tarifaire, ne portent pas sur le niveau absolu des prix de l'entreprise dominante, mais sur l'écart entre les prix amont et aval qu'elle pratique : cet écart doit laisser un espace économique suffisant pour permettre à des concurrents efficaces d'opérer de manière viable en aval.

B. PRINCIPES ECONOMIQUES ET JURIDIQUES

1. LE TEST DE CISEAU TARIFAIRE

108. L'objet d'un test de ciseau est de mettre en évidence un effet d'éviction causé par la politique tarifaire d'un opérateur verticalement intégré. Concrètement, il s'agit de calculer le niveau de profitabilité de la branche aval d'un tel opérateur dans l'hypothèse où celle-ci paierait le prix intermédiaire facturé à ses concurrents par la branche amont. Cette définition ne fait intervenir que la situation de l'entreprise intégrée ; la logique sous-jacente est celle du " test de l'opérateur aussi efficace "26.

109. Les trois éléments constitutifs d'un test sont les recettes et les coûts liés à l'activité de l'entreprise intégrée sur le marché aval et le prix du bien intermédiaire facturé par la branche amont. La jurisprudence27 a posé les principes utiles pour déterminer dans chaque cas le périmètre pertinent et la méthode d'évaluation de ces trois éléments. Pour des raisons de précision, les calculs doivent parfois être menés sur des segments fins de marché ; néanmoins, lorsque l'équilibre économique des contrats permet des compensations entre les différents segments, le résultat du test doit être évalué au niveau agrégé, sur la base de l'ensemble de la clientèle de l'opérateur dominant sur le marché pertinent considéré.

a) La référence à la situation de l'opérateur intégré

110. Pour que la structure tarifaire adoptée par un opérateur dominant engendre un effet de ciseau tarifaire au sens du droit de la concurrence, il suffit de constater que la branche aval de l'opérateur intégré, si elle devait acquérir le bien intermédiaire au prix facturé par la branche amont, réalise des pertes en vendant le bien final. Il s'ensuit qu'une entreprise non intégrée qui aurait les mêmes coûts sur le marché aval et qui devrait se fournir auprès de la branche amont de l'opérateur intégré pour la prestation intermédiaire, ne pourrait pas opérer de manière viable.

111. Le test du " concurrent aussi efficace " ne se réfère donc pas à un concurrent réel, mais à un concurrent hypothétique qui aurait les mêmes coûts et la même structure de clientèle sur le marché aval que l'opérateur verticalement intégré. Le test consiste à vérifier qu'un tel concurrent pourrait profitablement répliquer les tarifs de détail de l'opérateur intégré. Le choix d'un concept de coût détermine l'espace économique qui doit être laissé aux concurrents non intégrés sur le marché aval, cet espace étant mesuré par la différence des tarifs amont et aval de l'opérateur intégré.

b) Le périmètre pertinent des coûts et des recettes

112. Pour apprécier l'effet d'exclusion de la tarification d'un opérateur intégré, un test de ciseau compare les coûts et les recettes d'une entreprise efficace qui souhaite répliquer les mêmes offres de détail que l'opérateur intégré. Les recettes doivent donc, en principe, comprendre l'ensemble des sources de revenu accessibles à un concurrent potentiel d'efficacité égale sur le marché aval. Elles proviennent de la vente du ou des produits susceptibles d'intéresser les consommateurs : le périmètre précis des produits concernés est donc déterminé par la demande exprimée par les consommateurs ; il est lié à la délimitation du marché de produit en aval.

113. La méthode des coûts incrémentaux, qui vise à évaluer les coûts supplémentaires induits pour la production d'un service par rapport aux coûts déjà induits par la production d'un portefeuille d'autres services, semble particulièrement adaptée pour apprécier la rentabilité de l'activité concernée par rapport à un scénario hypothétique dans lequel cette activité ne serait pas exercée. C'est pourquoi on recourt généralement aux coûts incrémentaux pour mener à bien des tests de ciseau tarifaire28.

c) Niveau de segmentation et d'agrégation

114. Les trois composantes d'un test de ciseau (recettes amont, recettes aval, coût incrémental en aval) peuvent dépendre de manière complexe des quantités produites ou consommées. Lorsque les recettes ou les coûts varient de manière non linéaire avec les quantités, il n'est pas possible de déterminer le niveau unitaire des recettes ou des coûts en divisant simplement les recettes ou les coûts totaux par les quantités. Une segmentation, parfois fine, de la clientèle de l'opérateur intégré peut être nécessaire pour évaluer les recettes et les coûts. Les trois composantes du test sont alors évaluées sur des profils de clients : on calcule les coûts et les recettes pour chaque profil, mais le test s'apprécie et s'interprète en moyenne, de manière agrégée, sur l'ensemble de la clientèle de l'opérateur intégré. Cette approche autorise des compensations entre groupes de clients, lesquelles reflètent l'équilibre économique des contrats de l'opérateur intégré.

2. L'EXAMEN DES EFFETS DE CISEAU AU REGARD DU DROIT DE LA CONCURRENCE

115. Le seul constat de la présence d'un effet de ciseau ne suffit pas à caractériser une infraction ; plusieurs conditions doivent en effet être satisfaites pour qu'une pratique de ciseau constitue un abus de position dominante :

- En premier lieu, l'opérateur intégré doit disposer d'un fort pouvoir de marché en amont ;

- En deuxième lieu, le bien intermédiaire doit être objectivement nécessaire pour l'exercice de la concurrence en aval ;

- En troisième lieu, un ciseau tarifaire étant, par essence, une pratique de groupe, il doit exister un degré suffisant de coordination entre les branches amont et aval de l'opérateur dominant29 ;

- En quatrième lieu, lorsque des lois ou des réglementations contraignent sa politique tarifaire, l'opérateur intégré doit disposer d'une marge de manœuvre suffisante pour être en mesure de supprimer l'effet de ciseau.

116. Lorsque toutes ces conditions sont vérifiées, l'effet potentiel d'exclusion est présumé et l'Autorité de concurrence n'a pas la charge de prouver l'existence d'effets réels. La pratique est alors considérée comme abusive, sauf si l'entreprise mise en cause peut démontrer qu'elle permet des gains d'efficacité qui compensent l'atteinte portée à la concurrence.

117. A cet égard, l'arrêt de la Cour de l'Union du 17 février 2011 portant sur l'affaire TeliaSonera précitée, précise qu'" il ne saurait être exigé d'apporter la preuve de la possibilité [pour l'entreprise dominante] de récupérer ses pertes éventuelles afin de pouvoir établir l'existence d'un abus. " Il dispose par ailleurs que " (…) c'est la compression des marges qui est, en l'absence de justification objective, susceptible en elle-même, de constituer un abus (…). En particulier, cette compression peut résulter non seulement d'un prix anormalement bas sur le marché de détail, mais également d'un prix anormalement élevé sur le marché de gros. Par conséquent, une entreprise qui se livre à une pratique tarifaire aboutissant à la compression des marges de ses concurrents ne subit pas nécessairement des pertes "30.

II. Mise en œuvre d'un test de ciseau tarifaire pour la mise en place d'un tarif social de l'accès Internet haut débit

118. Avant de déterminer le périmètre des coûts et des revenus pertinents à prendre en compte pour la mise en œuvre d'un test de ciseau tarifaire portant sur la mise en place d'un tarif social de l'accès Internet haut débit à destination des personnes aux revenus modestes (II.B), il convient tout d'abord de définir les marchés amont et aval dont il est question (II.A).

A. DÉFINITION DES MARCHÉS AMONT ET AVAL

1. MARCHÉ AVAL

119. Comme indiqué dans son avis n° 10-A-1331, l'Autorité n'a pas exclu qu'il faille distinguer, au sein du marché de détail du haut débit à destination de la clientèle résidentielle, les offres multiservices incluant des services audiovisuels enrichis, d'une part, et les offres mono play et double play, d'autre part. Dans cette hypothèse, c'est bien sur ce second marché que devrait être conduit le test de ciseau tarifaire. En outre, il est vraisemblable qu'il faille, dans ce cadre, définir un marché limité aux titulaires de minima sociaux, dès lors que des offres spécifiques seraient réservées à ces derniers.

a) Point de départ de l'analyse

120. Il convient en premier lieu de rappeler les spécificités de l'exercice ici mené. La présente analyse vise en effet à définir le marché pertinent sur lequel devrait être conduit un test de ciseau portant sur des offres qui n'existent pas encore et dont les caractéristiques peuvent seulement être anticipées. De manière prospective, l'Autorité fait donc l'hypothèse qu'en plus des offres actuelles, notamment des offres triple play " classiques " (qui peuvent être souscrites sans contrainte d'éligibilité), il existera sur le marché des offres double play labellisées autour de 20 euros TTC par mois qui seront proposées aux titulaires du RSA socle.

121. La délimitation du marché pertinent part du marché le plus petit possible, à savoir le marché des offres double play labellisées à destination des bénéficiaires du RSA socle. Puis, il s'agit d'examiner la substituabilité de ces offres du côté de la demande et du côté de l'offre afin de déterminer quel est l'ensemble des produits substituables.

122. L'analyse peut appeler la mise en œuvre de la méthode dite du " test du monopoleur hypothétique " (en anglais SSNIP pour Small but Significant and Non-transitory Increase in Price). Du côté de la demande, ce test consiste à étudier les effets qu'aurait sur les consommateurs une augmentation légère mais sensible et durable du prix d'un service (de l'ordre de 5 à 10 %), de manière à déterminer par exemple s'il existe des services considérés par les demandeurs comme substituables aux services à examiner. L'utilité essentielle de cet outil réside dans son caractère conceptuel ; sa mise en œuvre n'implique donc pas d'étude économétrique systématique poussée.

123. Ainsi, il convient d'analyser le comportement des clients sous l'hypothèse d'une augmentation légère, mais sensible et durable des offres double play à destination des bénéficiaires du RSA socle. Différents types de substitution sur les marchés de détail sont envisageables :

- Substitution par une offre triple play " classique " sans condition d'éligibilité ;

- Substitution par une offre triple play d'entrée de gamme.

b) Non substituabilité par une offre triple play " classique " sans condition d'éligibilité

124. Comme indiqué dans le cadre du présent avis, le prix de référence pour une offre triple play " classique " proposant l'accès Internet haut débit, la téléphonie illimitée et l'accès à des services télévisuels enrichis se situe, pour la métropole, aux alentours de 30 euros TTC par mois. Dans ce cas de figure, le bénéficiaire du RSA socle peut donc arbitrer entre une offre double play labellisée comprise, après prise en compte de l'hypothèse SSNIP, entre 21 et 22 euros TTC par mois et une offre triple play " classique " à 30 euros TTC.

125. Selon la dernière étude publiée par le CREDOC portant sur la diffusion des TIC32, il convient d'observer que 64 % des Français disposent d'au moins deux canaux d'accès possibles à la télévision. Parmi ces canaux, le service antenne classique est celui qui est le plus couramment cité (66 % des accès en 2010), suivie de près par la TNT (53 % des accès). La technologie ADSL ne concernerait quant à elle que 31 % des accès en 2010.

126. Ainsi, au vu de ces différents chiffres, on peut supposer qu'une majorité des bénéficiaires du RSA socle peut accéder aux services télévisuels autrement que par ADSL. Malgré l'augmentation de 10 % du prix de l'offre double play labellisée, ils n'ont globalement pas intérêt à migrer vers une offre triple play " classique " qui reste plus onéreuse. On peut donc conclure à une non substituabilité des offres double play labellisées par les offres triple play " classiques " sans condition d'éligibilité.

c) Substituabilité partielle par une offre triple play d'entrée de gamme

127. Les offres d'entrée de gamme auxquelles il est ici fait référence sont les suivantes :

- Les offres Numéricâble : pour 19,90 € par mois, le câblo-opérateur propose une offre triple play d'entrée de gamme, limitée notamment aux chaînes de la TNT gratuite et à quelques chaînes locales et disponible à la condition de disposer d'un décodeur TNT33 ;

- L'offre Alice : pour 19,90 € par mois, Alice, en zones dégroupées et sous réserve d'un engagement de 18 mois, donne accès aux services Internet haut débit, à la téléphonie illimitée vers les postes fixes de 60 destinations et à un bouquet de 60 chaînes de télévision.

128. Ces offres triple play d'entrée de gamme présentent un certain nombre de restrictions. Ainsi, les offres de Numéricâble sont, par définition, limitées à l'empreinte du réseau câblé éligible au triple play qui ne concerne aujourd'hui que 40 % de la population. S'agissant de l'offre Alice, celle-ci n'est proposée qu'en zone dégroupée et en contrepartie d'un engagement de durée de 18 mois. Par ailleurs, il convient de noter que cette offre s'accompagne de frais d'activation et de résiliation du service.

129. Ainsi, si le prix de l'offre double play labellisée venait à augmenter de 20 à 22 euros TTC par mois, certains bénéficiaires du RSA socle pourraient choisir de migrer vers une offre triple play d'entrée de gamme malgré les conditions dégradées du service, à condition toutefois qu'ils soient situés dans une zone couverte par une telle offre. On peut donc admettre une certaine substituabilité entre les offres double play labellisées et les offres triple play d'entrée de gamme, mais cette substituabilité ne semble que partielle et imparfaite. En tout état de cause et compte tenu de l'attrait relatif des offres susmentionnées, leur inclusion dans le marché pertinent ne semble pas pouvoir fondamentalement modifier les résultats du test de ciseau tarifaire.

130. Il résulte de ce qui précède que le marché des offres d'accès Internet double play à destination des titulaires du RSA socle est susceptible de constituer un marché pertinent au sens du droit de la concurrence.

2. MARCHÉS AMONT

131. Les services liés à l'Internet haut débit pour les titulaires de minima sociaux s'articulent autour de deux marchés de gros identifiés par la Commission européenne dans sa recommandation du 17 décembre 200734 :

- le marché de la " fourniture en gros d'accès (physique) à l'infrastructure du réseau (y compris l'accès partagé ou totalement dégroupé) en position déterminée ", aussi appelé " marché 4 " ;

- le " marché de la fourniture en gros d'accès à large bande ", appelé " marché 5 ".

132. Ces deux marchés de gros incluent les offres de services qui permettent aux clients finaux d'accéder à Internet ou à d'autres services avec des débits de données importants en position fixe. Le premier marché comprend notamment les offres de dégroupage (partiel ou total) de France Télécom, tandis que le second marché inclut, pour les zones non dégroupées, les offres de bitstream de ce même opérateur.

133. Pour une description plus détaillée de ces marchés, l'Autorité renvoie à la lecture de son avis n° 11-A-0535 qu'elle a rendu le 8 mars 2011.

B. COÛTS ET REVENUS PERTINENTS A PRENDRE EN COMPTE DANS LE CADRE D'UNE OFFRE D'ACCES INTERNET HAUT DEBIT DOUBLE PLAY A DESTINATION DES TITULAIRES DE MINIMA SOCIAUX

134. Le but de cette partie n'est pas de mettre en œuvre le test de ciseau tarifaire, mais d'aider les pouvoirs publics à déterminer une fourchette de prix dans laquelle pourrait se situer le plafond du label.

1. RECOURS AUX COÛTS INCRÉMENTAUX

135. Les titulaires du RSA " socle seul " représentant environ 1,3 million de personnes pour un total de 21,7 millions de foyers connectés en haut débit, il est justifié, pour mener à bien le test de ciseau, de ne retenir dans le périmètre des coûts pertinents que les coûts incrémentaux liés à la fourniture de la nouvelle offre labellisée. Cela revient à poser comme standard d'efficacité qu'un opérateur qui fournit le label a déjà investi dans un réseau haut débit pour desservir la clientèle résidentielle et qu'elle rentabilise déjà ces investissements par ce biais. La clientèle des titulaires de minima sociaux étant peu solvable en l'état actuel des tarifs, on peut en effet supposer que l'effet de " cannibalisation " des offres existantes par le label sera limité, de sorte que le seuil de rentabilité de fourniture du label se situe au niveau des coûts supplémentaires engendrés par cette nouvelle activité.

136. Toutefois, si la population concernée par les tarifs sociaux devait être sensiblement plus large que les seuls titulaires du RSA socle, il conviendrait de s'interroger sur l'opportunité de mener un test de ciseau en prenant une autre référence de coûts. On ne peut en effet pas exclure la présence d'effets de seuil obligeant par exemple un opérateur à redimensionner son réseau pour absorber les nouveaux clients concernés par l'offre labellisée.

2. COÛTS PERTINENTS À PRENDRE EN COMPTE POUR LE TEST DE CISEAU

137. Il convient notamment de distinguer :

- En amont, les coûts d'accès et de collecte ;

- En aval, les coûts d'acquisition et de gestion des clients.

a) Les coûts amont d'accès et de collecte

138. Les coûts d'accès et de collecte sont déterminés en grande partie par les tarifs des offres de gros de France Télécom sur les marchés amont. Ils ne sont pas les mêmes, selon que l'opérateur recourt à l'offre de dégroupage de France Télécom ou à son offre de bitstream. Le détail de chacune de ces offres se trouve spécifié dans l'offre de référence de l'opérateur historique.

139. Pour mener à bien le test de ciseau tarifaire, il s'agit de déterminer un coût incrémental moyen pondéré entre ces deux options. Le dégroupage supposant de réaliser des investissements significatifs, les opérateurs alternatifs ne peuvent y recourir dans les zones les moins denses du territoire, où les économies d'échelle sont les plus faibles. En l'absence de données précises sur la répartition des titulaires du RSA socle sur l'ensemble du territoire, l'hypothèse d'une répartition globalement équivalente à celle de la population dans son ensemble peut être faite.

140. En France métropolitaine, la proportion des clients en dégroupage chez les opérateurs alternatifs est comprise entre 80 et 90 %. En considérant un opérateur aussi efficace qu'Orange et disposant donc d'économies d'échelle supérieures à celle de ses concurrents, cette proportion est encore supérieure.

Cas du dégroupage

141. Les charges qui sont supportées par un opérateur au titre du dégroupage sont répertoriées dans le modèle réglementaire du coût de l'accès dégroupé qui a été publié et développé par l'ARCEP en octobre 2008 et dont une notice explicative est disponible sur le site internet du régulateur sectoriel36. Parmi les postes de coûts identifiés, seuls les suivants sont en principe à comptabiliser dans les coûts incrémentaux liés à la fourniture du label :

- Le tarif mensuel de location de la paire de cuivre en accès " total " (actuellement de 9 €/accès/mois), puisqu'il s'agit de fournir sur le marché de détail une offre non conditionnée à la souscription d'un abonnement téléphonique ;

- Les frais d'accès au service, qui sont supportés lors de l'activation de la ligne du client ;

- Une partie des coûts du DSLAM, qui est l'équipement actif installé dans les locaux de France Télécom : si le châssis semble constituer en première approximation un coût fixe, les cartes qui y sont insérées varient quant à elles en fonction du nombre d'accès activés et doivent être comptabilisées dans les coûts incrémentaux ;

- Parmi les " petits tarifs ", liés aux prestations connexes relatives à l'occupation des locaux de France Télécom dans le cadre du dégroupage, certains paraissent relever de coûts fixes (location des emplacements, lien " intra-bâtiment ", mise à disposition de badges pour accéder aux sites), tandis que d'autres varient en principe en fonction du nombre d'accès activés (énergie pour alimenter les DSLAM, climatisation pour les refroidir, câbles de renvoi pour les connecter au réseau de collecte) ;

- En revanche, les coûts d'ingénierie liés à l'installation et à la maintenance des équipements dans les locaux de France Télécom sont supportés indépendamment de la fourniture du label et ne paraissent donc pas relever des coûts incrémentaux ;

- De la même manière, la collecte étant généralement réalisée dans le cadre du dégroupage par un lien en fibre optique, son coût incrémental semble nul.

Cas du bitstream

142. Les charges qui sont supportées par un opérateur au titre du bitstream sont uniquement celles de l'offre de gros de France Télécom. Ces charges doivent en principe être comptabilisées dans les coûts incrémentaux :

- les tarifs liés à l'accès (abonnement mensuel et frais d'accès au service) ;

- les tarifs de collecte, qui dépendent de la bande passante réservée ou consommée par l'opérateur, qui dépend elle-même du nombre d'accès activé.

b) Les coûts aval d'acquisition et de gestion des clients

143. Les postes de charges liés à l'acquisition et la gestion des clients sont énumérés dans le modèle réglementaire de coût du FAI (Fournisseur d'Accès Internet) qui a été publié et développé par l'ARCEP en novembre 2007 et dont une notice explicative est disponible sur le site internet du régulateur sectoriel37.

144. Parmi ces postes de coûts, seuls les suivants sont en principe à comptabiliser dans les coûts incrémentaux liés à la fourniture du label :

- La distribution, la commercialisation, le service après-vente, la facturation et la gestion des impayés sont des opérations qui concernent tous les clients et qui correspondent la plupart du temps à des charges variables. Ces charges doivent donc être prises en compte dans les coûts incrémentaux ;

- Il en va de même en principe pour les postes techniques dont les charges varient en fonction du nombre de clients, comme les serveurs et l'hébergement, ainsi que l'achat de bande passante pour assurer la connectivité à Internet ;

- Les communications téléphoniques en voix sur large bande impliquent l'achat de prestations de gros, notamment de terminaison d'appel sur les autres réseaux. Ces charges doivent être prises en compte dans les coûts incrémentaux ;

- Le coût du modem mis à disposition se décompose entre des charges fixes (conception, recherche et développement, etc.) et des charges variables (matériaux, production, etc.). Seules ces dernières doivent en principe être prises en compte dans les coûts incrémentaux ;

- Les coûts de publicité, de communication et de promotion supportés par l'opérateur pour la fourniture du label devraient en principe être faibles. Le gouvernement est en effet susceptible d'assurer une partie de la communication en promouvant le label. Les éventuelles charges supplémentaires sont en outre susceptibles d'être compensées par des avantages immatériels liés à l'image de marque.

3. REVENUS PERTINENTS À PRENDRE EN COMPTE POUR LE TEST DE CISEAU

145. L'ensemble des revenus générés par le label sur le marché aval doivent être pris en compte dans le calcul. Il s'agit notamment des revenus générés auprès du client final : abonnement mensuel hors taxe, frais d'accès au service, communications téléphoniques, service après-vente le cas échéant.

1 Avis n° 11-A-05 du 8 mars 2011 relatif à une demande d'avis de l'Autorité de régulation des communications électroniques et des postes (ARCEP) portant sur le troisième cycle d'analyse des marchés de gros du haut débit et du très haut débit.

2 On parle généralement d'accès à haut débit à partir de 512 kb/s ou 2 Mb/s et d'accès à très haut débit à partir de 30 ou 50 Mb/s. 3

3 C'est le cas de France Télécom, qui peut fournir des services à haut débit sur la paire de cuivre sur une zone recouvrant plus de 98% de la population française et de Numéricâble sur les réseaux câblés (moins de 40% de la population).

4 C'est l'option retenue par de nombreux opérateurs (SFR, Free, Bouygues Télécom, Completel, Axione, etc.), qui connectent les paires de cuivre de leurs clients à leurs équipements actifs de technologie DSL installés au niveau des centraux téléphoniques de France Télécom ; cette option, dite de dégroupage, est disponible sur une zone qui couvre au total environ 80 % de la population française à ce jour ; pour relier les centraux téléphoniques à leurs plateformes de services, les opérateurs de dégroupage doivent s'appuyer sur un réseau de collecte, détenu en propre (dégroupage total) ou loué à un tiers (dégroupage partiel).

5 C'est ce que font généralement les opérateurs alternatifs en complément de couverture des options précédentes. Les flux de données peuvent être livrés au fournisseur de services par l'opérateur tiers en un seul point (livraison nationale) ou de manière moins agrégée pour les fournisseurs qui s'appuient sur des réseaux de collecte (livraison infranationale, par exemple régionale ou départementale).

6 Cette offre s'appuie non seulement sur le réseau, mais aussi sur la plateforme de services de l'opérateur offreur, comme le font Darty et Auchan auprès de Numéricâble.

7 Michel Elie, Le fossé numérique. L'Internet, facteur de nouvelles inégalités ?, Problèmes politiques et sociaux, La Documentation française, n° 861, août 2001, p. 32.

8 La diffusion des technologies de l'information et de la communication dans la société française (2010), Rapport réalisé à la demande du Conseil Général de l'Industrie, de l'Energie et des Technologies (Ministère de l'Economie, de l'Industrie et de l'Emploi) et de l'Autorité de Régulation des Communications Electroniques et des Postes, Enquête " Conditions de vie et Aspirations des Français ", n° 269, Décembre 2010.

9 Le fossé numérique en France, Rapport du Gouvernement au Parlement établi en application de l'article 25 de la loi n° 2009-1572 du 17 décembre 2009 relative à la lutte contre la fracture numérique, Centre d'Analyse Stratégique, Avril 2011.

10 L'accès de tous aux télécommunications, Quelles offres pour quels besoins ?, Dossier technique, AFUTT-ANSA, Juin 2011. 6

11 Rapport de l'ARCEP au Parlement et au Gouvernement relatif au secteur des communications électroniques outre-mer, Janvier 2010.

12 L'ARCEP note qu'en 2008, les services d'accès à Internet (bas débit et haut débit) y représentaient 590 000 lignes pour un chiffre d'affaires estimé à 130 millions d'euros environ. Or, outre-mer, ces marchés se caractérisent par des offres significativement plus chères qu'en métropole, pour un niveau de service moindre. L'ARCEP ajoute que, même si la tendance est à une amélioration de ces offres, sous l'effet de la concurrence, au cours de ces dernières années, cette situation est vécue comme discriminatoire par la population et ses représentants en raison d'écarts persistants avec la métropole.

13 Ce service assure l'acheminement des communications téléphoniques, des communications par télécopie et des communications de données à des débits suffisants pour permettre l'accès à Internet, en provenance ou à destination des points d'abonnement, ainsi que l'acheminement gratuit des appels d'urgence. Les conditions tarifaires incluent le maintien, pendant une année, en cas de défaut de paiement, d'un service restreint comportant la possibilité de recevoir des appels ainsi que d'acheminer des appels téléphoniques aux services gratuits ou aux services d'urgence au bénéfice du débiteur saisi en application de la loi n° 91-650 du 9 juillet 1991 portant réforme des procédures civiles d'exécution et du débiteur qui fait l'objet de mesures prévues aux articles L. 331-1 et suivants du code de la consommation. Toute personne obtient, sur sa demande, l'abonnement au service d'un opérateur chargé du service universel dans les conditions prévues par le présent code. Le propriétaire d'un immeuble ou son mandataire ne peut s'opposer à l'installation de la ligne d'abonné demandée par son locataire ou occupant de bonne foi.

14 Orange France, SFR, Bouygues Telecom, Oméa Telecom, Transatel, Coriolis Telecom, Auchan Telecom, NRJ Mobile, Call In Europe.

15 Il s'agit du revenu minimum dont bénéficient les foyers inactifs. Au 31 décembre 2010, le nombre de bénéficiaire du " RSA socle seul " s'est élevé à 1 337 969. En ajoutant à ce chiffre le nombre de titulaires du " RSA activité " et du " RSA socle et activité ", le RSA a concerné à la même date 2 068 370 personnes.

16 Le label " tarif social mobile " garantit, quel que soit le format de l'offre (forfait, forfait bloqué, carte prépayée, tarification au volume), la possibilité d'être appelé à tout moment, 40 minutes de communication et 40 SMS, pour un tarif mensuel plafonné à 10 € TTC.

17 Le prix mensuel retenu se situerait, selon les propos du premier ministre rapportés par la presse le 19 janvier 2011, " aux alentours de 20 euros ".

18 cf. Avis n° 05-A-08 du 31 mars 2005 relatif à une demande d'avis de la Confédération de la Consommation, du Logement et du Cadre de Vie portant sur les conditions dans lesquelles pourrait être envisagée la mise en place d'un service bancaire de base.

19 Communication de la Commission, Les services d'intérêt général en Europe, 20.9.2000, COM/2000/580.

20 Selon la Commission européenne (Livre Vert de la Commission sur les services d'intérêt général, 21.5.2003 COM(2003) 270), " la notion de service universel porte sur un ensemble d'exigences d'intérêt général dont l'objectif est de veiller à ce que certains services soient mis à la disposition de tous les consommateurs et utilisateurs sur la totalité du territoire d'un État membre, indépendamment de leur position géographique, au niveau de qualité spécifié et, compte tenu de circonstances nationales particulières, à un prix abordable ". Les points essentiels qui ressortent de cette définition sont donc l'accès de chacun à certains services jugés essentiels, la couverture de l'ensemble du territoire, la spécification d'un niveau de qualité et enfin la notion de prix abordable.

21 Le fossé numérique en France, Rapport du Gouvernement au Parlement établi en application de l'article 25 de la loi n° 2009-1572 du 17 décembre 2009 relative à la lutte contre la fracture numérique, Centre d'Analyse Stratégique, Avril 2011.

22 Pour plus de précisions sur la question du ciseau tarifaire, l'Autorité renvoie aux développements qui ont été insérés en annexe du présent avis.

23 cf. Comm. CE, 4 juillet 2007, Wanadoo Espana / Telefonica, affaire COMP/38.784 et affaire C-280/08 P., 14 octobre 2010, Deutsche Telekom AG contre Commission européenne.

24 La CMU-C a couvert en 2010 plus de 4,2 millions de personnes, dont 3,63 millions en métropole et 580 000 dans les départements d'outre-mer. Elle permet à toute personne résidant en France de façon stable et régulière et dont les ressources annuelles (pour une personne seule) sont inférieures à 7 611 euros, de bénéficier d'une protection complémentaire gratuite.

25 Pour ce qui concerne les pratiques de ciseau tarifaire, l'Autorité renvoie à l'étude thématique qu'elle a publiée sur le sujet dans le cadre de son rapport annuel 2008 (p. 145 à 178).

26 D'autres tests existent, comme celui de l'" opérateur concurrent raisonnablement efficace ", mais ils ne sont pas considérés dans ce document.

27 Affaire Deutsche Telekom : Décision de la Commission 2003/707/CE du 21 mai 2003 (COMP/C-1/37 451, 37 578, 37 579) - Deutsche Telekom AG), JO L.263 du 14/10/2003, pp. 9-41. Arrêt du Tribunal de première instance, aff. T-271/03, 10 avril 2008.

Affaire Telefonica : Décision de la Commission du 4 juillet 2007 (COMP/38 784 - Wanadoo España vs. Telefonica).

Affaire Tenor : Décision 04-D-48 du Conseil de la concurrence du 14 octobre 2004 relative à des pratiques mises en œuvre par France Télécom, SFR, Cegetel et Bouygues Telecom. Arrêts de la cour d'appel de Paris du 12 avril 2008 et du 27 janvier 2011. Arrêts de la Cour de cassation du 10 mai 2006 et du 3 mars 2009.

Affaire Connect ATM : Décision 00-MC-01 du Conseil de la concurrence du 18 février 2000 relative à une demande de mesures conservatoires présentée par la société 9 Telecom Réseau, confirmée par l'arrêt de la cour d'appel de Paris du 30 mars 2000. Décision 04 D 18 du 13 mai 2004 concernant l'exécution de la décision 00-MC-01, confirmée par l'arrêt de la cour d'appel de Paris du 11 janvier 2005 et l'arrêt de la Cour de cassation du 14 mars 2006. Décision 05 D 59 du 7 novembre 2005 relative à des pratiques mises en œuvre par la société France Télécom dans le secteur de l'Internet haut débit, confirmée par l'arrêt de la cour d'appel de Paris du 4 juillet 2006, et par l'arrêt de la Cour de cassation du 23 octobre 2007.

Affaire Direct Energie : Décision 07-MC-04 du Conseil de la concurrence du 28 juin 2007 relative à une demande de mesures conservatoires de la société Direct Énergie. Décision 07 D 43 du 10 décembre 2007 relative à des pratiques mises en œuvre par Électricité de France.

Affaire TeliaSonera : Arrêt de la Cour de l'Union du 17 février 2011 Konkurrensverket contre TeliaSonera Sverige AB C-52/09.

28 Les coûts incrémentaux d'un service ou élément A représentent les coûts encourus pour produire A en sus du portefeuille de produits existants. Dans cette acception, les coûts incrémentaux se rapprochent de la notion de coût marginal, sauf que le coût marginal correspond aux coûts nécessaires pour la production supplémentaire d'une petite quantité d'un produit déjà produit par ailleurs. La Commission précise (§ 80 de sa communication relative à l'application de l'article 102) que le critère de coût de référence pour effectuer un test de ciseau est le " coût marginal moyen de long terme " (CMMLT), en anglais LRAIC pour long run average incremental cost. Dans la mesure où il ne prend pas en compte les coûts communs aux différentes activités, le CMMLT est inférieur au coût total moyen dans le cas d'une entreprise multi-produits.

29 En conséquence, l'examen des pratiques au regard du droit de la concurrence demande d'apprécier l'unité économique de l'entreprise dominante et son degré d'intégration verticale ; la forme juridique précise des sociétés en cause est secondaire. Dans la plupart des affaires de ciseau, l'intégration verticale est évidente, car c'est la même entité qui fournit la prestation intermédiaire aux opérateurs tiers et le service aux consommateurs.

30 Affaire TeliaSonera : Arrêt de la Cour de l'Union du 17 février 2011 Konkurrensverket contre TeliaSonera Sverige AB C-52/09 (§ 97 à 100).

31 Avis n°10-A-13 du 14 juin 2010 relatif à l'utilisation croisée des bases de clientèle.

32 La diffusion des technologies de l'information et de la communication dans la société française (2010), Rapport réalisé à la demande du Conseil Général de l'Industrie, de l'Energie et des Technologies (Ministère de l'Economie, de l'Industrie et de l'Emploi) et de l'Autorité de Régulation des Communications Electroniques et des Postes, Enquête " Conditions de vie et Aspirations des Français ", n°269, Décembre 2010.

33 Numéricâble propose également une offre SUN (Service Unique Numérique) à 4 EUR HT par mois permettant aux résidents d'habitations collectives (immeubles) de bénéficier d'une offre triple play comprenant un accès à Internet illimité de 2 Mbps, une ligne téléphonique (permettant la réception d'appels et l'émission d'appels d'urgence), ainsi qu'un bouquet de télévision (comprenant les chaînes gratuites de la TNT, de la TNT HD et une trentaine de radios). L'offre est cependant contractualisée par le gestionnaire de l'immeuble collectif (bailleur social, syndicat de copropriété). De par la nature des demandeurs, cette offre ne se situe a priori pas sur le même marché que les offres à destination des consommateurs.

34 Recommandation C(2007)5406 portant sur les marchés pertinents pour les analyses des marchés.

35 Avis n° 11-A-05 du 8 mars 2011 relatif à une demande d'avis de l'Autorité de régulation des communications électroniques et des postes (ARCEP) portant sur le troisième cycle d'analyse des marchés de gros du haut débit et du très haut débit.

36 cf. Consultation publique sur le modèle réglementaire du coût de l'accès dégroupé, Notice explicative - Version mise à jour en octobre 2008.

37 cf. Consultation publique sur le modèle réglementaire de coût des FAI, Notice explicative - Version mise à jour en novembre 2007.