ADLC, 27 juillet 2011, n° 11-A-12
AUTORITÉ DE LA CONCURRENCE
Avis
relatif à un accord interprofessionnel dans le secteur de la dinde
L'Autorité de la concurrence (commission permanente) ;
Vu la lettre, enregistrée le 1er juin 2011 sous le numéro 11/0042 A, par laquelle le ministre en charge de l'Economie, des Finances et de l'Industrie a saisi l'Autorité de la concurrence, en application du 4e alinéa de l'article L. 632-4 du Code rural et de la pêche maritime, d'une demande d'avis relative à un accord interprofessionnel, conclu le 3 novembre 2010, au sein de l'interprofession de la dinde française, définissant un contrat cadre applicable au secteur de la dinde ; Vu les articles 101 et 102 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne ; Vu le livre IV du Code de commerce relatif à la liberté des prix et de la concurrence ; Vu le Code rural et de la pêche maritime ; Le rapporteur, le rapporteur général adjoint, le commissaire du gouvernement et le représentant du ministère de l'Agriculture entendus lors de la séance de l'Autorité de la concurrence du 26 juillet 2011 ; Le représentant de l'interprofession de la dinde française entendu sur le fondement des dispositions de l'article L. 463-7 du Code de commerce ; Est d'avis de répondre à la demande présentée dans le sens des observations qui suivent :
I. Constatations
A. LA SAISINE
1. Par lettre du 31 mai 2011 enregistrée sous le numéro 11/0042 A, le ministre en charge de l'Economie, des Finances et de l'Industrie a transmis à l'Autorité sur le fondement de l'article L. 632-4, 4e alinéa du Code rural et de la pêche maritime, une demande d'avis relative à un accord interprofessionnel conclu le 3 novembre 2010 au sein de l'interprofession de la dinde française.
2. L'article L. 632-4 du Code rural et de la pêche maritime rend obligatoire la consultation de l'Autorité de la concurrence sur des projets d'accords conclus dans le cadre d'une organisation interprofessionnelle définissant des contrats types intégrant des clauses relatives aux modalités de détermination des prix, aux calendriers de livraison, aux durées de contrat et aux modalités de révision des conditions de vente. L'Autorité de la concurrence dispose alors d'un délai de deux mois pour statuer sur cet accord.
B. CADRE JURIDIQUE
3. La loi de modernisation de l'agriculture et de la pêche, ci-après, " LMAP ", du 27 juillet 2010, poursuit deux objectifs principaux en matière économique : stabiliser le revenu des agriculteurs et renforcer la compétitivité de l'agriculture.
4. Le présent accord est pris en vertu de l'article L. 632-2-1 du Code rural et de la pêche maritime qui stipule, à son alinéa 2, que les organisations interprofessionnelles reconnues " peuvent définir, dans le cadre d'accords interprofessionnels, des contrats types, dont elle peuvent demander l'extension à l'autorité administrative, intégrant des clauses types relatives aux modalités de détermination des prix, aux calendriers de livraison, aux durées de contrat, au principe de prix plancher, aux modalités de révision des conditions de vente en situation de fortes variations des cours des matières premières agricoles, ainsi qu'à des mesures de régulation des volumes dans le but d'adapter l'offre à la demande ".
5. Le comité interprofessionnel de la dinde française (ci-après, " Cidef "), qui réunit l'ensemble des acteurs de cette filière (nutrition, accouveurs, éleveurs, abattoirs et industriels), s'est fondé sur cet article pour soumettre le présent contrat cadre, afin d'en permettre l'extension par l'autorité administrative.
6. L'accord interprofessionnel prévoyant un contrat type est en vue de son extension soumis, par l'article L. 632-4, à l'avis préalable de l'Autorité de la concurrence. Les dispositions de l'accord étendu bénéficient alors de l'exemption des pratiques anticoncurrentielles prévues par l'article L. 420-4, premièrement, du Code de commerce, en application de l'article L. 623-5 du Code rural.
7. Ce dispositif existait avant la LMAP dans le Code rural (art. L. 632-3) sous une forme similaire, mais il n'était que très peu employé. Le Cidef est l'une des rares interprofessions qui utilisait ce dispositif.
8. La LMAP a introduit un autre dispositif de contractualisation, à l'article L. 631-24 du Code rural, qui a servi de base aux accords dans les secteurs laitier, des fruits et légumes et de l'ovin.
9. Ces contrats permettent de fixer pour plusieurs années les quantités et le prix protégeant ainsi l'agriculteur des variations brutales des cours et lui permettant de prévoir le niveau de ses revenus sur une période maximum de un à cinq ans. L'article L. 631-25 du Code rural prévoit un régime de sanction administrative dans l'hypothèse où un producteur ou un opérateur économique ne respecterait pas les dispositions d'un accord rendu obligatoire en application de l'article L. 631-24 du Code rural.
10. Les accords dans les secteurs mentionnés ci-dessus ont fait l'objet de deux avis favorables de l'Autorité de la concurrence (n° 10-A-28 et n° 11-A-03).
C. L'ORGANISATION ÉCONOMIQUE DE LA FILIÈRE DINDE
1. LA PRODUCTION DE DINDES
11. Au niveau mondial, les Etats-Unis sont les principaux producteurs de dindes pour l'année 2009 :
<EMPLACEMENT TABLEAU>
12. En Europe, la France est le deuxième producteur de dinde après l'Allemagne qui a produit 436 000 tonnes équivalent carcasses (tec) en 2010 :
<EMPLACEMENT TABLEAU>
13. En 2010, la France a produit 24 % de l'offre de dindes des 27 pays membres de l'Union européenne, soit 408 000 tec, dont la moitié est issue d'exploitations situées en Bretagne, principalement dans le Morbihan. Cette production est destinée à la consommation des ménages, à l'export et à la restauration hors domicile.
14. Au sein du secteur de la volaille de chair, la dinde représente 23 % du tonnage produit en 2009 en France :
<EMPLACEMENT GRAPHIQUE>
15. Il s'agit principalement d'une production dite " standard ", les dindes bénéficiant d'un label représentant moins de 1 % des animaux.
16. Il n'existe pas de réelle saisonnalité pour ce qui concerne la production de dindes. Seuls 1,5 million d'animaux sont destinés à devenir des dindes de Noël sur les 58 millions abattus en 2009. Cette part de l'activité est en baisse en raison notamment de la place prise par le chapon et le secteur ne cherche pas à développer ce type de production recherchant plutôt un lissage de l'activité sur l'ensemble de l'année.
17. En 2008, 3 150 exploitations étaient dédiées à l'élevage de dinde. Il s'agit essentiellement d'exploitations agricoles de dimension familiale. Le parc de bâtiments d'élevage est quasiment stable depuis 2006 après avoir subi de fortes baisses au début des années 2000.
18. Les éleveurs sont généralement regroupés au sein d'organisations de production (" OP "), qui établissent des relations contractuelles avec les transformateurs. Certaines de ces organisations ont des liens capitalistiques dans des sociétés de transformation.
19. Il existe une quarantaine d'OP regroupant en moyenne 200 éleveurs. Ces OP ne sont pas spécialisées dans la production de dinde et sont présentes sur l'ensemble du secteur de la volaille de chair.
20. Le processus de production est le suivant : le transformateur communique ses besoins en termes de quantité et de qualité à une organisation de production chargée de la mise en production auprès des éleveurs. L'OP commande ensuite la quantité nécessaire de dindonneaux d'un jour auprès d'un accouveur. Les éleveurs sont propriétaires des animaux mais ces derniers sont achetés par l'organisation de production. Le cycle d'élevage des dindes est de 6 mois.
21. L'alimentation des dindes est composée à 60 % de céréales et à 30 % de protéagineux. Pour l'année 2010, la production d'aliments pour dinde, principalement située en Bretagne, s'élevait à 1,460 million de tonnes. Il existe 20 usines de production d'aliments réalisant un chiffre d'affaires de 330 millions d'euros.
22. Les éleveurs sont rémunérés par le biais de contrat de prestations de service prenant en compte le travail effectué, le coût des soins et des bâtiments. Ils passent commande des quantités de nourriture nécessaires, mais ce sont les OP qui règlent les factures auprès des producteurs d'aliments. En revanche, les variations du prix des matières premières restent à la charge des transformateurs. Les contrats sont généralement établis pour une durée d'un an et les négociations se déroulent en début d'année. Par ailleurs, les éleveurs de dinde ne bénéficient d'aucune aide liée à la politique agricole commune.
23. Les éleveurs destinent généralement l'ensemble de leur production en cours à un seul transformateur selon le principe sanitaire dit de la " bande unique ".
24. Les éleveurs de dinde peuvent également produire des poulets et ne sont pas tous spécialisés. En revanche, la découpe de dinde présente des caractéristiques propres, ne permettant pas aux abattoirs de procéder à la transformation d'un autre type de volaille.
2. L'ABBATAGE ET LA TRANSFORMATION
25. L'abattage de dindes est caractérisé par une grande concentration du secteur. En effet, les seize premiers abattoirs totalisent 80 % du total du tonnage abattu.
26. Les principales entreprises de transformation sont les suivantes : LDC, Doux, Terrena, Ronsard (Coopagri) et Duc.
3. LA DISTRIBUTION ET LA CONSOMMATION
27. En 2010, les consommateurs ont effectué 83 % de leurs achats de dinde en GMS et le reste dans les boucheries et commerces spécialisés. L'escalope représente la moitié des achats de dinde.
4. CONJONCTURE
28. La filière dinde subit depuis le début des années 2000 une forte crise. En effet, entre 2000 et 2010 la production a diminué de 40 % du fait de problèmes sanitaires, de l'ouverture du marché européen au Brésil et du dynamisme de pays tels l'Allemagne et la Pologne.
29. Les exportations françaises de dindes ont fortement chuté depuis 2001 en raison notamment de l'augmentation de la production allemande alors que l'Allemagne était un marché important pour les producteurs français.
<EMPLACEMENT GRAPHIQUE>
30. La France reste donc exportatrice de dinde mais le solde pourrait dans les prochaines années devenir négatif, les exportations baissant de manière continue.
31. D'un point de vue sanitaire, de nombreuses difficultés ont altéré la compétitivité des producteurs. Depuis 2000, la filière a été confrontée à des interdictions qui ont eu un impact négatif sur la production : interdiction des graisses et farines animales, suppression des antihistaminiques, et suppression des antibiotiques régulateurs de flore digestive. Le Cidef estime que " Les adaptations ont été longues à se mettre en place: changement de souches, adaptation du régime alimentaire, réglage de l'ambiance dans les bâtiments. Il en est résulté une perte de compétitivité et une démotivation des éleveurs ".
32. La consommation de viande de dinde en France a baissé de 370 000 tec en 2006 à 306 000 tec en 2009, puis s'est légèrement redressée à 325 000 tec en 2010.
<EMPLACEMENT GRAPHIQUE>;
33. La part de la dinde dans la production de volailles en France diminue régulièrement :
<EMPLACEMENT TABLEAU>
34. La concurrence du poulet est un autre facteur du déclin de la production de dinde. En outre, 40 % des poulets consommés proviennent d'importations de pays où les coûts de production sont moindres qu'en France.
35. L'augmentation du coût des matières premières a également eu des effets sur le prix des aliments et par conséquent sur les coûts de production de la dinde.
5. LES ENJEUX DE LA CONTRACTUALISATION POUR LA FILIÈRE DINDE
36. Cet accord est la reprise de celui signé le 28 janvier 2004 et mis en application à partir du 19 juillet 2005. Le nouvel accord est presque identique au précédent de 2005 et n'opère que des modifications de forme.
37. Les deux accords successifs ont toutefois une finalité différente selon le Cidef. L'accord de 2004 cherchait à répondre à une surproduction affectant la filière dindes, tandis que l'accord actuel doit donner aux éleveurs un cadre juridique clair et stable au moment où ils doivent financer le renouvellement de leurs installations : " En 2005, la filière était surdimensionnée par rapport aux débouchés en raison de la contraction de nos ventes à la suite de l'ouverture des frontières européennes aux viandes d'importation. L'élargissement de l'UE a favorisé l'expansion de la production dans certains pays (Pologne notamment) disposant d'un fort potentiel agricole. L'accord cadre a été utile pour assurer la transition. Les données se sont inversées en 2010 et la filière doit désormais se réformer pour durer.
La revitalisation des structures impose plus de suivi et de technicité pour répondre à une demande caractérisée par des livraisons à flux tendu. Le contrat cadre est un outil pour mieux organiser la production ".
38. L'objectif de l'accord est donc de mettre en adéquation le niveau de production et le besoin prévisionnel et ainsi de sécuriser les débouchés des producteurs. Il permet également de moraliser les pratiques vis-à-vis des éleveurs. Enfin, il vise à inciter les éleveurs à produire un type d'animaux qui soit en lien avec la demande du marché et à améliorer les techniques de production.
39. Par ailleurs, le contrat permet de régler des formalités pratiques liées à la production et de la livraison et sert de texte de référence en cas de litige entre les organisations de producteurs et les transformateurs.
40. En revanche, cet accord n'a pas pour objectif, comme c'est le cas pour le secteur ovin, de structurer une filière qui est déjà organisée et de mettre en place des quantités d'achat minimum. Le ministère de l'Agriculture estime ainsi que la filière a su s'adapter aux nouveaux besoins des consommateurs (charcuterie de volailles, produits prêts à consommer) dans un contexte concurrentiel difficile.
II. Analyse
A. LE CHAMP D'APPLICATION DE L'ACCORD
41. Le contrat cadre ne porte que sur les relations entre les organisations de production et les transformateurs. Son objet est de " fixer les procédures de commande, de mise en production et d'enlèvement des dindes " entre les transformateurs et les organisations de production. Il prévoit également que " les aspects techniques et les modalités de facturation et de règlement font l'objet d'un contrat spécifique ".
42. Le présent accord concerne tous les types de dindes, quelle que soit leur qualité (standard, label, certifiée).
43. Le Cidef estime que l'accord de 2005 s'est appliqué à 85 % de la production non intégrée. La part restante représente la production destinée à des transformateurs étrangers ou effectuée par des petits transformateurs locaux dont les besoins hebdomadaires sont inférieurs à la capacité d'une ferme. La production destinée à des abattoirs étrangers répond généralement à des cahiers des charges plus exigeants.
44. La production organisée par les abattoirs auprès d'éleveurs intégrés qui représente environ 20 % des volumes n'est pas concernée par l'accord.
45. Selon le Cidef, cet accord n'implique aucunement la grande distribution et n'a pas vocation à être étendu à l'aval. Il vise principalement à améliorer la production. Les acteurs de la filière considèrent que les transformateurs sont au contact direct de la grande distribution et peuvent donc répondre aux besoins des consommateurs.
46. Le présent accord s'appliquera au moment des futures négociations qui se dérouleront en début d'année prochaine.
B. SUR LES CLAUSES DE L'ACCORD
46. Le contrat cadre établi par le Cidef ne prévoit aucune clause relative à des volumes minimaux, une durée d'engagement minimale ou la fixation de prix de vente.
47. Ses dispositions sont essentiellement techniques afin d'organiser la production de dindes. Seul le point concernant l'évolution du prix d'achat des dindes aux producteurs comporte un éventuel enjeu au regard des règles de concurrence.
1. LES CLAUSES TECHNIQUES DU CONTRAT CADRE
48. Dans l'article 1er qui définit l'objet du contrat le transformateur s'engage à commander à l'organisation de production la mise en place de quantités déterminées de dindes et à acheter la totalité de sa commande. L'organisation de production s'engage pour sa part à vendre au transformateur la totalité des lots commandés.
49. L'article 2 de l'accord organise la planification de la production par le transformateur.
50. L'article 3 (a) régit les modalités relatives à la commande qui doivent être écrites en précisant notamment :
- la semaine de la mise en place ou de l'abattage ;
- le nombre précis d'animaux à mettre en place (nombre facturé + 2 %) ;
- l'âge " objectif prévisionnel " et le poids moyen " objectif prévisionnel " à l'enlèvement, la souche et les éventuels critères spécifiques d'élevage (label, certification, charte de qualité de production ) ;
- le prix et les modalités de son évolution.
51. La disposition de l'article 3 (b) organise la traçabilité des produits, celle de l'article 3 (c) les règles d'enlèvement des lots et celles de l'article 3 (d) les responsabilités lors du transport des volailles.
52. L'article 3 (e) organise le classement et les saisies d'animaux non conformes. Les dindes sont soumises au respect d'un cahier des charges portant sur la taille, la qualité et l'état sanitaire. Les animaux non conformes sont rejetés par le transformateur, mais le contrat cadre lui impose d'informer l'OP et l'éleveur dès que la proportion d'animaux rejetés dépasse 1 % des livraisons. Cette clause encadre le pouvoir d'appréciation des animaux par le transformateur et alerte l'éleveur concerné sur les éventuels problèmes que traduit un taux de rejet important. Le seuil de 1 % est à rapprocher d'un taux de rejet effectif de 0,6 % constaté, selon le Cidef, pour les dindes retirées de l'abattage du fait de problèmes sanitaires ou de blessures.
53. L'article 4 du contrat type prévoit que les contrats sont conclus pour une durée précise, éventuellement renouvelable par tacite reconduction. Ces contrats sont généralement établis pour une année.
54. La durée du préavis pour dénoncer le contrat est de 6 mois. Elle correspond à un cycle d'élevage des animaux. Elle vise principalement à protéger les éleveurs et à leur assurer une sécurité dans leurs débouchés.
55. Les différentes dispositions permettent une planification de la production des dindes dont les volumes sont répartis entre les éleveurs de l'organisation de production afin de répondre à la demande des transformateurs.
2. LA CLAUSE PORTANT SUR LE PRIX D'ACHAT DES VOLAILLES À L'ORGANISATION DE PRODUCTION
56. L'article 3 (a) du contrat cadre prévoit que la commande passée par le transformateur au producteur précise : " Le prix et les modalités de son évolution : En cas de litige au moment de l'enlèvement, le prix payé est le prix négocié de la semaine de commande avec application de la variation d'un des indices matières premières ou aliment connu à la date de la commande et à la date de l'abattage ".
57. Dans le cas présent, le risque pour l'exercice effectif de la concurrence tient à l'indexation du prix d'achat des volailles par les transformateurs sur le prix des aliments pour celles-ci.
58. Lors de son récent avis n° 11-A-11 du 12 juillet 2011, relatif aux contrats dans les filières d'élevage, l'Autorité de la concurrence a reconnu le caractère licite de clauses de révision de prix dans des contrats au regard des règles de concurrence. Mais l'Autorité a dans le même temps appelé à la vigilance des opérateurs y recourant, ce type de clause ne devant pas devenir le support de pratiques anticoncurrentielles en matière de prix : " S'il est possible de prévoir des clauses de révision de prix, ce prix doit être déterminé dans des conditions permettant d'exclure tout risque d'entente sur les prix ".
59. Les informations utilisées pour l'indexation du prix de vente, afin de tenir compte des fluctuations du prix des aliments destinés aux volailles, ne peuvent pas provenir de valeurs de référence que l'organisme interprofessionnel diffuserait à ses membres. Dans ce cas, il s'agirait de consignes de l'organisme sur un élément essentiel du coût de production des volailles, empêchant ainsi chaque organisation de production d'évaluer individuellement ses propres coûts pour fixer ses prix de vente.
60. L'Autorité de la concurrence admet seulement qu'un organisme professionnel puisse diffuser des informations en matière de coûts ou de prix sous forme de mercuriales ou d'indices, c'est-à-dire des données passées, anonymes et suffisamment agrégées pour exclure l'identification d'un opérateur : " Les références qui comportent des indications élémentaires permettant aux entreprises de faciliter le calcul de leurs prix de revient ou celles qui expriment des prix constatés lors de transactions non individualisées, intervenues antérieurement et dans des conditions de concurrence normales (par exemple, les mercuriales) ou encore, celles qui sont établies à titre d'exemples et à partir de chiffres fictifs, sont licites " (avis 11-A-11 précité).
61. Concernant la clause de variation de prix des matières premières présente à l'article 3, le Cidef indique que " plusieurs indices peuvent être pris en référence selon les organisations de production : l'indice ITAVI est le plus couramment employé, mais l'indice IPAMPA est pris comme référence par certains fabricants d'aliments ". Pour sa part, le Cidef ne diffuse aucun indicateur.
62. Enfin, l'Autorité rappelle que la mise en place du contrat cadre ne doit pas conduire à une centralisation auprès du Cidef des contrats passés sur ces bases par les opérateurs. L'organisme interprofessionnel aurait alors connaissance des prix pratiqués, ce qui pourrait conduire à un alignement des prix de vente des dindes, voire déboucher sur des pratiques d'entente pour faire respecter un prix commun qui sont interdites par l'article L. 420-1 du Code de commerce.
CONCLUSION
63. L'accord cadre n'appelle pas d'observations particulières à l'exception de la clause relative à la détermination du prix et à ses modalités de variation qui ne doit pas permettre l'existence d'accords anticoncurrentiels sur les niveaux de prix pratiqués par les opérateurs de la filière.
64. L'Autorité de la concurrence émet un avis favorable à l'extension de l'accord interprofessionnel qui préserve la liberté de négociation des acteurs de la filière sur les principaux éléments du contrat cadre que sont la durée, les quantités et la détermination du prix.
Délibéré sur le rapport oral de M. Philippe Sauze, rapporteur, et l'intervention de M. Pierre Debrock, rapporteur général adjoint, par Mme Françoise Aubert, présidente de séance, Mme Elisabeth Flury-Hérard, vice-présidente et M. Patrick Spilliaert, vice-président.