CA Lyon, 8e ch., 15 novembre 2011, n° 10-05807
LYON
Arrêt
PARTIES
Demandeur :
Metu System France (SARL)
Défendeur :
Juwadis (SARL)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Vencent
Conseillers :
M. Defrasne, Mme Clément
Avoués :
SCP Aguiraud Nouvellet, Me Morel
Avocats :
Mes Guerinot, Levy
La société Juwadis est une société française spécialisée en hygiène aéraulique et entretien aéraulique. Elle achète et vend des produits ayant trait à la ventilation comme des trappes de visite.
Courant 2008 elle serait entrée en contact avec la société Mez Technik qui est une société allemande spécialisée dans la commercialisation d'accessoires pour gaines de ventilation.
Cette dernière aurait proposé à la société Juwadis de s'approvisionner auprès d'elle en trappes de visite de marque Metu fabriquées en Allemagne et de les lui vendre afin qu'elle même les commercialise en France. La société Juwadis aurait accepté l'offre de la société Mez Technik.
Courant 2009, la société Metu France, bénéficiaire d'un contrat d'exclusivité pour la France de tous les produits fabriqués par la société Metu Allemagne, menaçait la société Juwadis de représailles si elle ne cessait pas de s'approvisionner en dehors d'elle en trappes de visite Metu et de les commercialiser via son site Internet.
Une transaction amiable ayant semble-t-il échoué, la société Metu System France a assigné la société Juwadis devant le tribunal de commerce statuant en référé aux fins de voir ordonner la cessation de toute vente de produits Metu et voir désigner un expert afin d'évaluer son préjudice.
Par jugement en date du 19 juillet 2010, le Tribunal de commerce de Lyon déboutait la société Metu System France de l'ensemble de ses demandes aux motifs que :
- la société Juwadis n'avait commis aucune faute de nature à engager sa responsabilité en raison d'acte de parasitisme,
- la société Juwadis ne s'était pas livrée à des actes de concurrence déloyale à l'encontre de la société Metu System France.
La société Metu System France a relevé appel de cette décision.
Elle persiste à demander à la cour de condamner la société Juwadis, sous astreinte de 500 euro par infraction constatée, à cesser toute vente ou offre de vente de tout produit " Metu " sur le territoire français, et notamment via son site Internet www.juwadis.fr, de nommer tel expert qu'il plaira à la cour à l'effet de déterminer l'importance de son préjudice, de condamner la société Juwadis à verser à Metu System France, à titre de provision, la somme de 10 000 euro à titre de dommages et intérêts, de condamner la société Juwadis à faire publier, à ses frais exclusifs l'ordonnance à intervenir, de condamner la société Juwadis à verser à la société Metu System France la somme de 7 500 euro sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile.
Il est ainsi soutenu que dès le mois de mars 2009 la société Juwadis était parfaitement informée de l'exclusivité dont dispose la société Metu France sur les produits en litige alors que la commercialisation des produits Metu par la société Juwadis est effectuée via une procédure de démarchage particulièrement active, notamment envers les clients historiques et réguliers de la société Metu System France, à des tarifs particulièrement bas et par conséquent impossibles à proposer par la société Metu System France.
L'appelant veut y voir un acte de parasitisme et de concurrence déloyale sanctionnable, la société Juwadis proposant sur son site Internet, l'ensemble des références de trappes " Metu ", sans pour autant supporter les frais de publicité et de promotion qui sont à la charge de la seule société Metu System France.
De plus, en raison de son approvisionnement auprès d'un revendeur allemand bénéficiant de volumes importants, la société Juwadis serait en mesure de proposer des prix anormalement bas par rapport à ceux pratiqués par la société Metu System France, soit des prix inférieurs de près de 40 % en moyenne aux tarifs que peut proposer la société Metu System France.
Il s'agirait donc indiscutablement selon cette partie d'actes de parasitisme qui devraient être sanctionnés.
A l'opposé, la société Juwadis conclut à la parfaite confirmation de la décision déférée.
Concernant en premier lieu l'action en concurrence déloyale, il est affirmé que celle-ci ne peut être retenue en droit que si à la distribution hors réseau s'ajoute une faute imputable au distributeur hors réseau, tel que la qualité usurpée de distributeur ou le parasitisme.
En l'espèce, il serait manifeste que la société Juwadis n'aurait jamais cherché à acquérir la qualité de distributeur exclusif des produits Metu. Ce serait la société Mez Technik qui aurait démarché la société Juwadis et c'est auprès de la société Mez Technik, société intermédiaire, que la société Juwadis se serait fournie en produits Metu et non pas auprès du fabricant, la société Metu Meining AG.
Concernant le reproche de parasitisme, il est là encore soutenu que la société Metu France ne pourrait sérieusement prétendre qu'elle aurait été victime de concurrence parasitaire de la part de la société Juwadis alors même que cette dernière n'avait pas connaissance de l'existence d'un contrat de distribution exclusive conclu entre les sociétés Metu Allemagne et Metu System France. En outre la société Juwadis n'aurait jamais bénéficié des réseaux de distribution de la société Metu System France ni de ses frais de publicité et de promotion. Ce serait bien par le biais de son propre réseau de distribution et par la qualité de ses prestations que la société Juwadis aurait pu commercialiser des trappes de visite. Il ne pourrait donc pas être reproché à la société Juwadis de proposer des prix inférieurs à ceux pratiqués par Metu System France dans la mesure où ceux-ci seraient parfaitement conformes à ceux pratiqués dans ce marché alors que la marge pratiquée par la société Metu France serait anormalement élevée.
Il serait donc manifeste que la société Juwadis n'aurait pas commis de faute de nature à engager sa responsabilité en raison d'actes de parasitisme avérés, que la société Juwadis ne s'est pas livrée à des actes de concurrence déloyale à l'encontre de la société Metu System France, que dès lors, en l'absence de faute, il serait inutile de statuer sur un éventuel préjudice.
Sur quoi LA COUR,
Sur l'audience, il était unanimement reconnu par les deux parties que la société Juwadis avait cessé toute commercialisation des produits Metu depuis plusieurs mois.
Cette réalité, certes sans engagement formel pour l'avenir, oblige à relativiser l'urgence à agir et le trouble manifestement illicite mis en avant pour solliciter la compétence du juge des référés à l'effet d'obtenir l'interdiction judiciaire de toute commercialisation des produits de cette marque par la société Juwadis.
En droit, il est de jurisprudence constante qu'il appartient au juge saisi de refuser de considérer la revente par un distributeur non agréé comme constituant, en soi, un acte de concurrence déloyale.
Le seul fait d'avoir mis en vente ou vendu des produits relevant d'un réseau de distribution sélective ne constitue pas en soi un acte fautif.
Ainsi l'action en concurrence déloyale ne peut être retenue uniquement si à la distribution hors réseau s'ajoute une faute imputable au distributeur hors réseau, tel que la qualité usurpée de distributeur ou le parasitisme.
Au stade des référés où se place la cour, il n'appartient pas à la juridiction de dire s'il y a usurpation de qualité ou parasitisme mais de constater ou non l'existence de contestations sérieuses en ces deux domaines et éventuellement de faire cesser un trouble manifestement illicite.
Présentement, la société Metu France veut trouver des actes de concurrence déloyale dans le fait que par des courriers circulaires adressés à l'ensemble des clients de la société Metu System France, la société Juwadis se vante " d'élargir son offre de trappes de visites " en plus des trappes dites " Metu ".
Dans le même temps, la société Juwadis proposerait, sur son site Internet, l'ensemble des références de trappes " Metu ", sans pour autant supporter les frais de publicité et de promotions qui sont seul supportés par la société Metu System France.
Enfin, en raison de son approvisionnement auprès d'un revendeur allemand bénéficiant de volumes importants, la société Juwadis serait en mesure de proposer des prix anormalement bas par rapport à ceux pratiqués par la société Metu System France.
Mais le simple fait que la société Metu France ne rapporte pas la preuve définitive que la société Juwadis ait connu à l'époque considérée ne serait-ce que l'existence de cette société de distribution exclusive sur la France, qu'à aucun moment vis-à-vis de ses clients elle ne s'appuie sur la publicité élaborée par son adversaire, qu'au contraire elle fait clairement la démonstration de ce qu'elle-même a été démarchée par un gros distributeur avant d'entamer cette commercialisation, rend contestable la duplicité qui est nécessairement sous-jacente à tout acte de concurrence déloyale ou de parasitisme.
Quant aux prix pratiqués, outre qu'ils sont librement fixés, ils apparaissent s'inscrire dans la norme de ceux pratiqués pour des produits comparables par d'autres intermédiaires en Europe et la cour n'y voit pas a priori une volonté de nuire à la société Metu France.
Il y a donc lieu de dire et juger qu'en l'état de cette contestation sérieuse et en l'absence de tout trouble manifestement illicite, il n'y a pas lieu à référé.
En l'état il n'y a pas de légitimité à solliciter la mise en place d'une mesure d'expertise.
La décision déférée qui statue sur le fond du droit doit être réformée.
L'article 700 du Code de procédure civile doit recevoir application pour une somme de 1 500 euro au profit de la société Juwadis, les dépens doivent être mis à la charge de la société Metu System France.
Par ces motifs, Réforme la décision déférée et statuant à nouveau, Dit n'y a voir lieu à référé en l'état de contestations sérieuses et en l'absence d'un trouble manifestement illicite, Condamne la société Metu System France à payer à la société Juwadis la somme de 1 500 euro sur le fondement des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile, La condamne également aux entiers dépens de première instance et d'appel dont distraction pour ces derniers au profit de Maître Morel, avoué, en application de l'article 699 du Code de procédure civile.