CJUE, 1re ch., 20 octobre 2011, n° C-94/10
COUR DE JUSTICE DE L’UNION EUROPEENNE
Arrêt
PARTIES
Demandeur :
Danfoss A/S, Sauer-Danfoss ApS
Défendeur :
Skatteministeriet
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président de chambre :
M. Tizzano
Avocat général :
Mme Kokott
Juges :
MM. Safjan (rapporteur), Borg Barthet, Levits, Kasel
Avocats :
Mes Kristjánsson, Hansen, Møllin, Vistisen, Albenzio, Mantle
LA COUR (première chambre),
1. La demande de décision préjudicielle porte sur l'interprétation du droit de l'Union en matière de répétition de l'indu et de responsabilité de l'État membre du fait de la perception d'une taxe incompatible avec ce droit.
2. Cette demande a été présentée dans le cadre d'un litige opposant Danfoss A/S (ci-après " Danfoss ") et Sauer-Danfoss ApS (ci-après " Sauer-Danfoss ") au Skatteministeriet (ministère des Contributions), au sujet du refus de ce dernier de leur accorder le remboursement d'une taxe sur les huiles minérales perçue en violation du droit de l'Union et la réparation du préjudice subi du fait de la perception de ladite taxe illégale.
Le cadre juridique
Le droit de l'Union
3. La directive 92-12-CEE du Conseil, du 25 février 1992, relative au régime général, à la détention, à la circulation et aux contrôles des produits soumis à accise (JO L 76, p. 1), dispose à son article 1er:
" 1. La présente directive fixe le régime des produits soumis à accise et autres impositions indirectes frappant directement ou indirectement la consommation de ces produits, à l'exclusion de la taxe sur la valeur ajoutée et des impositions établies par la Communauté.
2. Les dispositions particulières portant sur les structures et les taux des droits des produits soumis à accise figurent dans des directives spécifiques. "
4. Aux termes de l'article 3, paragraphes 1 et 2, de cette directive:
" 1. La présente directive est applicable, au niveau communautaire, aux produits suivants tels que définis dans les directives y afférentes:
- les huiles minérales,
- l'alcool et les boissons alcooliques,
- les tabacs manufacturés.
2. Les produits mentionnés au paragraphe 1 peuvent faire l'objet d'autres impositions indirectes poursuivant des finalités spécifiques, à condition que ces impositions respectent les règles de taxation applicables pour les besoins des accises ou de la taxe sur la valeur ajoutée pour la détermination de la base d'imposition, le calcul, l'exigibilité et le contrôle de l'impôt. "
5. L'article 1er de la directive 92-81-CEE du Conseil, du 19 octobre 1992, concernant l'harmonisation des structures des droits d'accises sur les huiles minérales (JO L 316, p. 12), dispose:
" 1. Les États membres appliquent aux huiles minérales une accise harmonisée conformément à la présente directive.
2. Les États membres fixent leurs taux conformément à la directive 92-82-CEE concernant le rapprochement des taux d'accises sur les huiles minérales. "
6. En vertu de l'article 8, paragraphe 1, de la directive 92-81:
" 1. Outre les dispositions générales de la directive 92-12-CEE concernant les utilisations exonérées de produits soumis à accises et sans préjudice d'autres dispositions communautaires, les États membres exonèrent les produits suivants de l'accise harmonisée, selon les conditions qu'ils fixent en vue d'assurer l'application correcte et claire de ces exonérations et d'empêcher la fraude, l'évasion ou les abus:
a) les huiles minérales utilisées autrement que comme carburant ou combustible;
b) les huiles minérales fournies en vue d'une utilisation comme carburant pour la navigation aérienne autre que l'aviation de tourisme privée.
[...] "
7. La communication de la Commission, du 7 novembre 1990, sur la proposition de directive du Conseil concernant l'harmonisation des structures des droits d'accises sur les huiles minérales [COM(90) 434 final], précisait explicitement que les lubrifiants et les huiles hydrauliques bénéficient de l'exonération prévue par la directive 92-81.
Le droit national
8. Aux fins de la transposition des directives 92-12 et 92-81, le législateur danois a adopté la loi n° 1029, du 19 décembre 1992, relative à la taxation des huiles minérales (ci-après la " loi THM "). L'article 1er, premier alinéa, de ladite loi prévoyait:
" Les produits pétroliers sont soumis à un droit d'accise sur le territoire national. Le taux est fixé comme suit:
[...]
12) Lubrifiants, huiles hydrauliques et autres produits similaires: 1,78 DKK par litre. "
9. L'accise sur les huiles lubrifiantes et hydrauliques était due par les compagnies pétrolières, mais l'exposé des motifs de la loi THM pronostiquait que cette taxe serait répercutée sur les acheteurs des huiles taxées.
10. À la suite du prononcé de l'arrêt du 10 juin 1999, Braathens (C-346-97, Rec. p. I-3419), confirmé par l'arrêt du 25 septembre 2003, Commission/Italie (C-437-01, Rec. p. I-9861), duquel il résulte que l'instauration d'une imposition indirecte des produits exonérés de l'accise harmonisée priverait de tout effet utile l'article 8, paragraphe 1, sous b), de la directive 92-81 et ne saurait donc être fondée sur l'article 3, paragraphe 2, de la directive 92-12, les autorités fiscales danoises ont décidé de suspendre administrativement la perception de la taxe sur les huiles lubrifiantes et hydrauliques, avec effet au 1er décembre 2001. La loi n° 395, du 6 juin 2002, en a décidé la suppression avec effet au 1er décembre 2001 également.
Le litige au principal et les questions préjudicielles
11. Entre le 1er janvier 1995 et le 30 novembre 2001, Danfoss a acheté des huiles lubrifiantes auprès de différentes entreprises pétrolières danoises qui, après s'être acquittées de la taxe sur les huiles minérales auprès du Trésor danois, en avaient répercuté la totalité du montant sur Danfoss, soit 6 108 054 DKK.
12. Entre le 1er janvier 1998 et le 30 novembre 2001, Danfoss a revendu une partie de ces huiles à Sauer-Danfoss en incluant dans le prix de vente de celles-ci le montant de la taxe sur les huiles minérales pour un total de 1 686 096 DKK.
13. À la suite de la suppression de la taxe sur les huiles minérales, Danfoss et Sauer-Danfoss ont réclamé aux autorités fiscales danoises le remboursement de la partie du prix total des huiles lubrifiantes qu'elles avaient achetées correspondant à la taxe illégale, soit respectivement 6 108 054 et 1 686 096 DKK, en précisant toutefois que, si Danfoss obtenait la totalité du montant réclamé aux autorités fiscales, elle verserait à Sauer-Danfoss le montant de 1 686 096 DKK correspondant à la partie du prix de vente de Danfoss constituant la taxe sur les huiles minérales incluse dans ce prix et que Sauer-Danfoss retirerait dans ce cas sa réclamation. La réclamation de cette dernière présente donc un caractère subsidiaire par rapport à celle de Danfoss.
14. Il ressort par ailleurs de la décision de renvoi que les sociétés pétrolières n'ont réclamé aucun remboursement de l'accise ayant grevé les huiles lubrifiantes vendues à Danfoss.
15. À l'appui de leurs réclamations, les requérantes au principal ont fait valoir que, ayant dû supporter les conséquences financières de la taxe illicite, le principe d'effectivité du droit de l'Union commanderait qu'elles seules et non les compagnies pétrolières soient en droit d'en exiger le remboursement. Elles ont également réclamé à l'État danois réparation du préjudice subi du fait de la perception de ladite taxe.
16. Les demandes des requérantes au principal ont été rejetées. Selon les autorités danoises, en effet, le droit à répétition de l'indu prévu par le droit de l'Union ne bénéficie qu'à l'assujetti direct et non aux maillons ultérieurs de la chaîne commerciale, qui n'étaient pas tenus eux-mêmes de payer la taxe et n'ont d'ailleurs versé eux-mêmes aucun montant au Trésor, dont ils pourraient demander le remboursement.
17. Quant au droit à réparation, les autorités danoises ont exclu toute indemnisation parce que, s'agissant de la période antérieure au prononcé de l'arrêt Braathens, précité, l'incompatibilité de la taxe prévue par la loi THM n'était pas suffisamment évidente pour que sa perception soit de nature à engager la responsabilité de l'État et, concernant la période postérieure à ce prononcé, parce qu'il serait impossible de déterminer à quel stade du maillon de la chaîne de distribution le préjudice a été subi et qu'il n'y aurait donc pas de lien de causalité direct. En effet, en cas de répercussion de la taxe indue, la question de savoir si et, le cas échéant, dans quelle mesure certaines entreprises ou certains utilisateurs déterminés, situés en aval de la chaîne de distribution, supporteront effectivement la charge de cette taxe dépendrait de plusieurs facteurs, notamment de la politique de prix pratiquée, s'agissant des produits concernés, par l'assujetti et par chacun des agents économiques situés en aval, de la manière dont lesdits produits sont utilisés et de l'état de la concurrence sur le marché concerné.
18. Les requérantes au principal ont alors saisi d'un recours contre les décisions de rejet de leurs demandes le Vestre Landsret, qui a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour les questions préjudicielles suivantes:
" 1) Le droit de l'Union s'oppose-t-il à ce qu'un État membre rejette une demande de remboursement introduite par une entreprise [sur laquelle a été répercuté un] droit d'accise contraire à une directive, au motif que, comme dans l'espèce au principal, ce n'est pas cette entreprise qui a versé ledit droit d'accise au Trésor public ?
2) Le droit de l'Union s'oppose-t-il à ce qu'un État membre rejette une demande d'indemnité introduite par une entreprise [sur laquelle a été répercuté un] droit d'accise contraire à une directive, pour les motifs invoqués en l'espèce (à savoir que ladite entreprise n'a pas subi un préjudice direct et qu'il n'y a pas de lien de causalité direct entre un éventuel préjudice et le fait générateur susceptible d'engager la responsabilité) ? "
Sur les questions préjudicielles
Sur la première question
19. Par sa première question, la juridiction de renvoi demande, en substance, à la Cour si un État membre peut s'opposer à une demande de remboursement formée par un opérateur sur lequel le montant de la taxe indue a été répercuté, au motif qu'il n'en est pas le redevable et qu'il ne s'est donc pas acquitté de son montant auprès des autorités fiscales.
20. Afin de répondre à cette question, il convient de rappeler d'emblée que le droit d'obtenir le remboursement de taxes perçues par un État membre en violation du droit de l'Union est la conséquence et le complément des droits conférés aux justiciables par les dispositions du droit de l'Union prohibant de telles taxes. L'État membre est donc tenu, en principe, de rembourser les impositions perçues en violation du droit de l'Union (voir arrêts du 9 novembre 1983, San Giorgio, 199-82, Rec. p. 3595, point 12; du 28 janvier 2010, Direct Parcel Distribution Belgium, C-264-08, Rec. p. I-731, point 45, ainsi que du 6 septembre 2011, Lady & Kid e.a., C-398-09, non encore publié au Recueil, point 17).
21. Toutefois, par exception au principe du remboursement de taxes incompatibles avec le droit de l'Union, la restitution de droits indûment perçus peut être refusée uniquement lorsque celle-ci entraînerait un enrichissement sans cause des ayants droit, à savoir lorsqu'il est établi que la personne astreinte au paiement desdits droits les a effectivement répercutés directement sur l'acheteur (voir, en ce sens, arrêt Lady & Kid e.a., précité, points 18 et 20).
22. En effet, dans de telles conditions, c'est non pas l'assujetti qui a supporté la charge de la taxe indûment perçue, mais l'acheteur sur lequel la charge a été répercutée. Dès lors, rembourser à l'assujetti le montant de la taxe qu'il a déjà perçu de l'acheteur équivaudrait pour lui à un double paiement susceptible d'être qualifié d'enrichissement sans cause, sans qu'il soit pour autant remédié aux conséquences de l'illégalité de la taxe pour l'acheteur (arrêts du 14 janvier 1997, Comateb e.a., C-192-95 à C-218-95, Rec. p. I-165, point 22, et Lady & Kid e.a., précité, point 19).
23. Il en appert que le droit à répétition de l'indu tend à remédier aux conséquences de l'incompatibilité de la taxe avec le droit de l'Union en neutralisant la charge économique qu'elle a fait indûment peser sur l'opérateur qui l'a, en définitive, effectivement supportée.
24. Cela étant précisé, il importe également de rappeler que, conformément à une jurisprudence constante, en l'absence de réglementation de l'Union en matière de demandes de restitutions de taxes, il appartient à l'ordre juridique interne de chaque État membre de prévoir les conditions dans lesquelles celles-ci peuvent être exercées, sous la réserve, néanmoins, du respect des principes d'équivalence et d'effectivité (voir arrêts du 6 octobre 2005, MyTravel, C-291-03, Rec. p. I-8477, point 17, et du 15 mars 2007, Reemtsma Cigarettenfabriken, C-35-05, Rec. p. I-2425, point 37).
25. À cet égard, compte tenu de la finalité du droit à répétition de l'indu telle que rappelée au point 23 du présent arrêt, le respect du principe d'effectivité commande que les conditions d'exercice de l'action en répétition de l'indu soient fixées par les États membres en vertu du principe de l'autonomie procédurale, de telle manière que la charge économique de la taxe indue puisse être neutralisée.
26. Dans cette perspective, il a déjà été jugé que, si l'acheteur final est, en vertu du droit interne, en mesure d'obtenir le remboursement, par l'assujetti, du montant de la taxe qui a été répercuté sur lui, ledit assujetti doit, à son tour, être en mesure d'en obtenir le remboursement par les autorités nationales (voir arrêt Comateb e.a., précité, point 24). De même, un système juridique national permettant au fournisseur qui a versé par erreur aux autorités fiscales la TVA d'en demander le remboursement et au preneur de services d'exercer une action de droit civil en répétition de l'indu à l'encontre de ce dernier respecte le principe d'effectivité, dès lors qu'il permet audit preneur qui a supporté la charge de la taxe facturée par erreur d'obtenir le remboursement des sommes indûment versées (voir arrêt Reemtsma Cigarettenfabriken, précité, point 39).
27. Il en découle qu'un État membre peut, en principe, s'opposer à une demande de remboursement d'une taxe indue formulée par l'acheteur final sur lequel elle a été répercutée, au motif que ce n'est pas ledit acheteur qui l'a versée aux autorités fiscales, pourvu que celui-ci, qui en supporte, en définitive, la charge, puisse, en vertu du droit interne, exercer une action civile en répétition de l'indu à l'encontre de l'assujetti.
28. Toutefois, si le remboursement par l'assujetti s'avérait impossible ou excessivement difficile, notamment en cas d'insolvabilité de ce dernier, le principe d'effectivité exigerait que l'acheteur soit en mesure de diriger sa demande de remboursement directement contre les autorités fiscales et que, à cet effet, l'État membre prévoie les instruments et modalités procédurales nécessaires (voir arrêt Reemtsma Cigarettenfabriken, précité, point 41).
29. Il convient donc de répondre à la première question en ce sens qu'un État membre peut s'opposer à une demande de remboursement d'une taxe indue formulée par l'acheteur sur lequel elle a été répercutée, au motif que ce n'est pas ledit acheteur qui l'a versée aux autorités fiscales, pourvu que celui-ci puisse, en vertu du droit interne, exercer une action civile en répétition de l'indu à l'encontre de l'assujetti et que le remboursement par ce dernier de la taxe indue ne soit pas pratiquement impossible ou excessivement difficile.
Sur la seconde question
30. Par sa seconde question, la juridiction demande à la Cour si un État membre peut rejeter une demande d'indemnité formée par une entreprise sur laquelle une taxe indue a été répercutée par l'assujetti, au motif qu'un lien de causalité direct entre la perception de cette taxe par l'État et le préjudice subi par ladite entreprise est d'emblée exclu.
31. Ce faisant, la juridiction de renvoi invite la Cour à préciser si la décision librement prise par l'assujetti de répercuter la taxe indue en aval peut être considérée comme rompant ledit lien de causalité direct entre le fait de l'État membre et le préjudice subi par l'acheteur.
32. Il convient, à titre liminaire, de rappeler qu'il n'appartient pas à la Cour de qualifier juridiquement les requêtes introduites par les demanderesses au principal devant la juridiction de renvoi de demande en remboursement de taxe indue ou de demande en réparation du préjudice subi (voir arrêts du 8 mars 2001, Metallgesellschaft e.a., C-397-98 et C-410-98, Rec. p. I-1727, point 81, et du 12 décembre 2006, Test Claimants in the FII Group Litigation, C-446-04, Rec. p. I-11753, point 201), et qu'une action en indemnité peut coexister avec une action en répétition de l'indu (voir, en ce sens, arrêt Comateb e.a., précité, point 34).
33. Il importe également de rappeler que la reconnaissance aux particuliers lésés d'un droit à réparation du préjudice subi du fait de la violation du droit de l'Union par un État membre est subordonnée à la réunion de trois conditions, à savoir que la règle de droit de l'Union violée a pour objet de conférer des droits auxdits particuliers, que la violation de cette règle est suffisamment caractérisée et qu'il existe un lien de causalité direct entre cette violation et le préjudice subi par les particuliers (voir arrêts du 26 janvier 2010, Transportes Urbanos y Servicios Generales, C-118-08, Rec. p. I-635, point 30, et du 9 décembre 2010, Combinatie Spijker Infrabouw-De Jonge Konstruktie e.a., C-568-08, non encore publié au Recueil, point 87).
34. Concernant l'exigence d'un lien de causalité direct, il appert d'une jurisprudence constante qu'il appartient, en principe, au juge national de vérifier si le préjudice allégué découle de façon suffisamment directe de la violation du droit de l'Union par l'État membre (voir arrêts du 5 mars 1996, Brasserie du pêcheur et Factortame, C-46-93 et C-48-93, Rec. p. I-1029, point 65; du 13 mars 2007, Test Claimants in the Thin Cap Group Litigation, C-524-04, Rec. p. I-2107, point 122, et du 17 avril 2007, AGM-COS.MET, C-470-03, Rec. p. I-2749, point 83).
35. Néanmoins, la Cour peut, afin de donner à la juridiction de renvoi une réponse utile, lui fournir les indications qu'elle juge nécessaires (voir, en ce sens, arrêts du 18 janvier 2001, Stockholm Lindöpark, C-150-99, Rec. p. I-493, point 38, et du 18 juin 2009, Stadeco, C-566-07, Rec. p. I-5295, point 43).
36. Dans cette optique, il importe de relever qu'un système juridique national tel que celui en cause au principal, selon lequel un lien de causalité direct peut être établi uniquement entre la perception par l'État d'une taxe indue et le préjudice subi par l'assujetti, ne saurait entendre l'exigence dudit lien de telle manière que l'obtention de la réparation du préjudice subi soit rendue pratiquement impossible ou excessivement difficile.
37. Il en résulte qu'un tel système juridique national est, en principe, conforme au principe d'effectivité, pourvu que l'acheteur, sur lequel l'assujetti a répercuté la charge de ladite taxe, puisse, sur le fondement du droit interne, diriger son action en réparation du préjudice subi de ce fait contre ledit assujetti.
38. Toutefois, par analogie avec ce qui a été rappelé au point 28 du présent arrêt, si la réparation, par l'assujetti, du préjudice subi par l'acheteur qui a supporté la charge économique de la taxe indue répercutée sur lui s'avérait impossible ou excessivement difficile, notamment en cas d'insolvabilité de l'assujetti, le principe d'effectivité exigerait que ledit acheteur soit en mesure de diriger sa demande d'indemnité directement contre l'État, sans que ce dernier puisse valablement lui opposer l'absence de lien de causalité direct entre la perception de la taxe indue et le préjudice subi par l'acheteur.
39. Il convient donc de répondre à la seconde question en ce sens qu'un État membre peut rejeter une demande d'indemnité introduite par l'acheteur sur lequel l'assujetti a répercuté une taxe indue, motif pris de l'absence de lien de causalité direct entre la perception de ladite taxe et le préjudice subi, pourvu que l'acheteur puisse, sur le fondement du droit interne, diriger ladite demande contre l'assujetti et que la réparation, par ce dernier, du préjudice subi par l'acheteur ne soit pas pratiquement impossible ou excessivement difficile.
Sur les dépens
40. La procédure revêtant, à l'égard des parties au principal, le caractère d'un incident soulevé devant la juridiction de renvoi, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens. Les frais exposés pour soumettre des observations à la Cour, autres que ceux desdites parties, ne peuvent faire l'objet d'un remboursement.
Par ces motifs, la Cour (première chambre) dit pour droit:
Les règles du droit de l'Union doivent être interprétées en ce sens que:
1) un État membre peut s'opposer à une demande de remboursement d'une taxe indue formulée par l'acheteur sur lequel elle a été répercutée, au motif que ce n'est pas ce dernier qui l'a versée aux autorités fiscales, pourvu que celui-ci puisse, en vertu du droit interne, exercer une action civile en répétition de l'indu à l'encontre de l'assujetti et que le remboursement par ce dernier de la taxe indue ne soit pas pratiquement impossible ou excessivement difficile;
2) un État membre peut rejeter une demande d'indemnité introduite par l'acheteur sur lequel l'assujetti a répercuté une taxe indue, motif pris de l'absence de lien de causalité direct entre la perception de ladite taxe et le préjudice subi, pourvu que l'acheteur puisse, sur le fondement du droit interne, diriger ladite demande contre l'assujetti et que la réparation, par ce dernier, du préjudice subi par l'acheteur ne soit pas pratiquement impossible ou excessivement difficile.