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Décisions

CA Orléans, premier président, 8 novembre 2011, n° 11-00290

ORLÉANS

Ordonnance

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Raffejeaud

Avocats :

Mes Krovnikoff, Thomas

TGI Orléans, JLD du 11 janv. 2011

11 janvier 2011

Rappel de la procédure:

Vu l'appel en date du 27 janvier 2011 de l'ordonnance rendue par le juge des libertés et de la détention du Tribunal de grands instance d'Orléans en date du 11 janvier 2011,

Vu le recours en date du 27 janvier 2011 contre les opérations de visite et saisie autorisées par l'ordonnance susvisée,

Vu l'avis de la date d'audience donné aux parties par le greffier de la cour d'appel le 31 mars 2011,

Dans le cadre d'une enquête relative à la recherche de pratiques anticoncurrentielles dans le secteur des transports scolaires et routiers de voyageurs dans le département du Loiret, la Direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi (la DIRECCTE) a sollicité et obtenu du juge des libertés et de la détention d'Orléans, par ordonnance en date du 11 janvier 2011, l'autorisation de procéder ou faire procéder à des opérations de visite et saisie dans les locaux de la société X.

Les opérations autorisées ont été effectuées le 18 janvier 2011.

La société X a régulièrement interjeté appel de l'ordonnance du juge des libertés et de la détention et formé un recours contre les opérations de visite et saisie, le 27 janvier 2011.

Elle a fait grief au premier juge de ne pas avoir vérifié le bien-fondé de la requête, d'avoir autorisé des opérations de visite et saisie en l'absence de présomptions de l'existence des pratiques recherchées, ainsi que d'avoir donné au dispositif de son ordonnance un objet général et indéterminé.

Elle nous a demandé, en conséquence, d'annuler l'ordonnance entreprise, d'ordonner la restitution immédiate des documents saisis dans ses locaux, de condamner la DIRECCTE à lui payer une somme de 15 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.

A titre subsidiaire, elle a conclu à un sursis à statuer dans l'attente de la production par la DIRECCTE de l'e-mail adressé au juge des libertés et de la détention le 5 janvier 2011, ainsi que de ses deux pièces jointes.

La DIRECCTE s'est attachée à réfuter l'argumentation de l'appelante pour conclure à la confirmation de l'ordonnance entreprise,

Le ministère public a conclu dans le même sens.

Ce qui va suivre rendant inutiles de plus longs développements, nous renvoyons aux écritures des parties concernant leurs observations sur le recours formé contre les opérations de visite et saisie.

Sur ce,

Attendu qu'il convient dans l'intérêt d'une bonne administration de la justice de joindre les dossiers 11-290 et 11-777;

Attendu que, selon l'article L. 450-4 du Code de commerce, le juge doit vérifier que la demande d'autorisation qui lui est soumise est fondée; cette demande doit comporter tous les éléments d'information en possession du demandeur de nature à justifier la visite;

Qu'il s'évince encore des articles 6 §1 et 8 de la Convention européenne des Droits de l'Homme, et des libertés fondamentales (CEDH) que le juge ne doit pas pouvoir être suspecté de partialité et qu'il ne peut être porté atteinte au respect du domicile que pour des motifs sérieux au regard de l'objet de la demande;

Attendu qu'en l'espèce, il ressort des pièces produites que la DIRECCTE ayant convenu avec le juge des libertés et de la détention de lui présenter sa requête le 11 janvier 2011 à 14:30, elle lui a adressé, par e-mail du 5 janvier 2011, une copie de sa requête et un projet d'ordonnance ; que le 11 janvier 2011, à l'heure convenue, l'Administration a présenté officiellement sa requête et a transmis ses pièces; que l'ordonnance a été rendue le jour-même vers 16:00, conforme au projet de la DIRECCTE, le juge se bornant à apposer de façon manuscrite son nom en première page de l'ordonnance pré-rédigée, ainsi qu'en dix-septième et dernière page, la date de l'ordonnance et la date avant laquelle les opérations autorisées devraient être effectuées;

Attendu que la pratique des ordonnances pré-rédigées par l'Administration qui, sous couvert de faciliter la tâche du magistrat tend en réalité à orienter sa décision, est à proscrire absolument en ce qu'elle constitue une ingérence de l'Administration dans les pouvoirs dévolus à l'autorité judiciaire et est ainsi contraire au droit du justiciable à un tribunal indépendant et impartial;

Que les dérives auxquelles conduit cette pratique sont ici manifestes, dès lors qu'il est évident que le premier juge n'a pas pu examiner sérieusement les pièces produites en à peine une heure et demie, et que l'on peut même légitimement s'interroger sur le point de savoir s'il a lu le projet d'ordonnance qu'il a validé, alors qu'il l'a signé tel quel sans même corriger les erreurs matérielles qu'il contenait;

Que le premier juge n'a ainsi pas rempli son office et que son ordonnance mérite donc l'annulation;

Attendu que cette annulation entraînant ipso facto l'annulation des opérations de visite et de saisie autorisées, le recours contre ces opérations devient sans objet;

Attendu qu'il convient de débouter la société X de sa demande au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.

Par ces motifs: Statuant publiquement par mise à disposition au greffe et contradictoirement, Ordonnons la jonction des dossiers n° 11-290 et 11-777; Vu les articles L. 450-4 du Code de commerce, 6 § 1 et 8 de la CEDH, Annulons l'ordonnance déférée en ce qu'elle a autorisé des opérations de visite et de saisie dans les locaux de la société X ; Ordonnons la restitution immédiate à la société X des documents saisis dans ses locaux; Disons sans objet le recours contre les opérations de visite et de saisie; Déboutons la société X de sa demande fondée sur les dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile; Condamnons la DIRECCTE aux dépens.