Cass. soc., 19 janvier 2012, n° 10-20.708
COUR DE CASSATION
Arrêt
Cassation
PARTIES
Demandeur :
Laboratoire Phyt's-LPC (Sté)
Défendeur :
Guillaume
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Linden (faisant fonctions)
Rapporteur :
M. Hénon
Avocat général :
Mme Taffaleau
Avocats :
SCP Gatineau, Fattaccini, SCP Masse-Dessen, Thouvenin
LA COUR : - Attendu, selon l'arrêt attaqué, que M. Guillaume a été engagé le 1er novembre 1984 en qualité de VRP exclusif par la société Laboratoires de recherche JP. Llopart, aux droits de laquelle est venue la société Laboratoire Phyt's-LPC ; qu'il a été licencié le 30 août 2007 pour insuffisance de résultats et non-atteinte de ses objectifs ; qu'il a saisi la juridiction prud'homale de demandes au titre de la rupture et de la contrepartie pécuniaire à la clause de non-concurrence ;
Sur le premier moyen : - Attendu que l'employeur fait grief à l'arrêt de dire le licenciement sans cause réelle et sérieuse et de le condamner à payer une somme à ce titre, alors, selon le moyen : 1°) que pour juger que M. Guillaume avait réalisé un chiffre d'affaires d'un montant de 267 221,96 euro au premier semestre de l'année 2007, la cour d'appel a estimé qu'il fallait ajouter aux 260 951 euro reconnus par l'employeur la somme de 6 270,96 euro réalisée par la société Boutique nature, en contravention avec l'exclusivité reconnue à M. Guillaume sur son secteur ; qu'en statuant ainsi sans expliquer de quel élément elle tirait qu'une exclusivité de vente avait été consentie à M. Guillaume sur son secteur, quand une telle exclusivité n'avait nullement été stipulée dans le contrat de travail du salarié, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 1134 du Code civil et L. 1232-1 du Code du travail ; 2°) que pour calculer la croissance de chiffre d'affaires réalisée par M. Guillaume, la cour d'appel a ajouté la somme réalisée par la société Boutique nature au chiffre d'affaires réalisé par le salarié au premier semestre 2007 mais n'a pas ajouté cette somme au chiffre d'affaires réalisé par le salarié au premier semestre 2006 ; qu'elle a dès lors comparé des éléments qui n'étaient pas comparables, privant ainsi sa décision de base légale au regard de l'article L. 1232-1 du Code du travail ; 3°) que pour juger que M. Guillaume n'avait réalisé un chiffre d'affaires que d'un montant de 236 084 euro sur le premier semestre de l'année 2006, la cour d'appel a jugé qu'il fallait retrancher à la somme de 246 084 euro reconnue par l'employeur la somme de 10 000 euro correspondant à une commande qui avait ensuite fait l'objet d'un avoir, ce qui avait gonflé artificiellement le résultat du premier semestre ; qu'en statuant ainsi, quand les tableaux produits par l'employeur établissaient que la commande litigieuse, passée en juillet 2006, n'avait impacté que les comptes du second semestre de l'année 2006, de sorte qu'elle ne pouvait en aucun cas avoir gonflé artificiellement le résultat du premier semestre, la cour d'appel a méconnu l'obligation faite au juge de ne pas dénaturer les documents de la cause ; 4°) que le juge a l'obligation d'examiner l'ensemble des griefs invoqués dans la lettre de licenciement, laquelle fixe les limites du litige ; qu'en l'espèce, la lettre de licenciement reprochait à M. Guillaume une très faible croissance, de 2 %, en comparant le "cumul janvier/juillet 2006" et le "cumul janvier/juillet 2007" ; qu'en procédant à un calcul comparant le premier semestre 2006 (c'est-à-dire la période de janvier à juin 2006) et le 1er semestre 2007 (c'est à dire la période de janvier à juin 2007) pour juger que les chiffres avancés par l'employeur étaient erronés, la cour d'appel a violé l'article L. 1232-6 du Code du travail ; 5°) que pour juger que le VRP remplaçant M. Guillaume avait eu une croissance de 15,90 % au 1er semestre de l'année 2008 par rapport au chiffre réalisé par M. Guillaume au premier semestre de l'année 2007, la cour d'appel a ajouté au chiffre réalisé par M. Guillaume la somme correspondant au chiffre réalisée par la société Boutique nature, sans ajouter cette somme au chiffre réalisé par le nouveau VRP ; qu'elle a dès lors comparé des éléments qui n'étaient pas comparables, privant ainsi sa décision de base légale au regard de l'article L. 1232-1 du Code du travail ; 6°) que le graphique produit par la société Laboratoire Phyt's-LPC faisait apparaître qu'entre le premier semestre 2005 et juillet 2007, le chiffre d'affaires de M. Guillaume avait progressé de 27 %, quand le chiffre d'affaires de ses sept collègues VRP avait bondi respectivement de 840 %, 218 %, 76 %, 232 %, 293 % et 45 %, seul le chiffre d'affaire de Mme Manson progressant seulement de 30 % sur la période ; qu'en jugeant pourtant qu'il ressortait de ce graphique que la croissance de 27 % réalisée par M. Guillaume était "comparable à celle de ses collègues", la cour d'appel a dénaturé ce graphique et, partant, méconnu l'obligation faite au juge de ne pas dénaturer les documents de la cause ; 7°) que dans ses conclusions d'appel, l'employeur avait expliqué que la situation de Mme Manson ne pouvait pas être comparée à celle des autres VRP, d'abord parce qu'elle n'avait pas le même statut, étant agent commercial et non salariée, ensuite parce qu'elle avait réalisé un chiffre d'affaires bien supérieur à celui de M. Guillaume ; qu'en appréciant pourtant la situation de M. Guillaume à l'une des performances de Mme Manson, sans répondre à ce moyen péremptoire soutenant que les deux situations n'étaient pas comparables, la cour d'appel a violé l'article 455 du Code de procédure civile ; 8°) que la cour d'appel a relevé qu'entre le premier semestre 2006 et le premier semestre 2007, les performances de M. Guillaume étaient très inférieures à celles des autres VRP de la société ; qu'en refusant pourtant de conclure à l'existence d'une insuffisance professionnelle imputable au salarié, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations au regard de l'article L. 1232-1 du Code du travail ; 9°) que l'insuffisance professionnelle du salarié est caractérisée lorsqu'il n'a pas atteint les objectifs réalistes qui lui ont été assignés et qu'il a acceptés, et que les résultats insuffisants obtenus ne s'expliquent par aucune faute de l'employeur ni aucune autre cause extérieure au salarié ; qu'en l'espèce, il était reproché au salarié de ne pas avoir atteint ses objectifs fixés pour 2007 ; que la cour d'appel a estimé que les objectifs fixés au salarié en 2007, et acceptés par lui, n'étaient pas irréalistes d'une part, que l'insuffisance des résultats du salarié ne pouvait d'autre part s'expliquer ni par la concurrence d'un autre VRP, ni par des commandes passées directement, ni par des ventes sur Internet à des prix inférieurs à ceux imposés, ni encore par des visites exigées l'employeur, que les résultats du salarié étaient enfin inférieurs à la moyenne de ceux réalisés par les autres VRP de la société, son successeur ayant lui-même connu une progression de son chiffre d'affaires ; qu'en affirmant ensuite que l'insuffisance professionnelle du salarié n'était pas établie parce que ses résultats passés étaient honorables, la cour d'appel a violé l'article L. 1232-1 du Code du travail ;
Mais attendu qu'ayant relevé que les performances honorables du salarié ne permettaient pas de caractériser une insuffisance professionnelle, la cour d'appel a décidé dans l'exercice des pouvoirs qu'elle tient de l'article L. 1235-1 du Code du travail que le licenciement ne procédait pas d'une cause réelle et sérieuse ; que le moyen n'est pas fondé ;
Mais sur le second moyen : - Vu l'article 17 de l'accord national interprofessionnel des VRP du 3 octobre 1975 ; - Attendu que pour déterminer le montant de l'indemnité compensatrice de non-concurrence, l'arrêt prend comme base l'ensemble des sommes perçues par le salarié en 2007, déduction faite des frais réels ;
Attendu, cependant, que la rémunération mensuelle moyenne des douze derniers mois servant de base au calcul de la contrepartie pécuniaire spéciale à la clause de non-concurrence prévue par l'article 17 de l'accord national interprofessionnel des VRP est exclusive de l'indemnité compensatrice de congés payés ;
Qu'en se déterminant comme elle l'a fait, sans rechercher si, comme elle y était invitée, les sommes qu'elle prenait comme base de calcul ne comprenaient pas l'indemnité compensatrice de congés payés, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à da décision ;
Par ces motifs : Casse et annule, mais seulement en ce qu'il condamne la société Laboratoire Phyt's-LPC à payer à M. Guillaume la somme de 18 749,64 euro au titre de la clause de non-concurrence, outre 1 874,96 euro au titre des congés payés afférents, l'arrêt rendu le 19 mai 2010, entre les parties, par la Cour d'appel de Toulouse ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la Cour d'appel de Toulouse, autrement composée.