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Décisions

ADLC, 9 décembre 2011, n° 11-DCC-189

AUTORITÉ DE LA CONCURRENCE

Décision

relative à la prise de contrôle exclusif d'actifs de la société SeaFrance et de la société LD Lines par la société DFDS

ADLC n° 11-DCC-189

9 décembre 2011

L'Autorité de la concurrence,

Vu le dossier de notification adressé au service des concentrations le 17 octobre 2011 et déclaré complet le 18 novembre 2011, relatif à la prise de contrôle exclusif par la société DFDS de certains éléments d'actifs de la société SeaFrance formalisée par une offre de reprise en date du 26 juillet 2011 et améliorée en date du 20 octobre 2011 et de certains éléments d'actifs de la société LD Lines formalisée par un protocole d'accord signé entre les sociétés DFDS et LDA en date du 26 juillet 2011 ; Vu le livre IV du Code de commerce relatif à la liberté des prix et de la concurrence, et notamment ses articles L. 430-1 à L. 430-7 ; Vu les éléments complémentaires transmis par les parties au cours de l'instruction ; Adopte la décision suivante :

I. Les entreprises concernées et l'opération

1. Le groupe DFDS est détenu par la Fondation Lauritzen, à hauteur de 36 %, et par le groupe A.P Moller-Maersk, à hauteur de 31 %, le solde correspondant à du capital flottant. DFDS est contrôlé par la Fondation Lauritzen conformément aux dispositions du pacte d'actionnaires conclu avec le groupe AP Moller-Maersk en 2009 lors de l'acquisition par la société DFDS de la société Norfolk (1). DFDS est un opérateur danois qui intervient dans le secteur du transport maritime en Europe du Nord. DFDS, via sa filiale DFDS Seaways, détient et opère 2 routes de transport de passagers (Copenhague-Oslo et Amsterdam-Newcastle) et 16 routes de transport de fret et passagers sur trois zones géographiques, la Mer du Nord (9 routes), la Mer Baltique (6 routes) et la Manche (une route, Douvres-Dunkerque).

2. La société LD Lines est une filiale à 100 % de la société Louis Dreyfus Armateurs (ci-après " LDA "). Elle est active sur le transport maritime de passagers et de fret. LD Lines est présente sur les liaisons Marseille-Tunis, Le Havre-Portsmouth, Dieppe-Newhaven et Gijon-Saint-Nazaire. La flotte de LD Lines est composée de six navires. LD Transmanche Ferries, filiale à 100 % de LD Lines, exploite la liaison Dieppe-Newhaven dans le cadre d'une délégation de service public.

3. La société SeaFrance est une filiale à 100 % de la SNCF qui exploite une flotte composée de quatre navires qui proposent des traversées entre la France et l'Angleterre pour le transport de passagers et de fret. SeaFrance est présente sur la ligne Calais-Douvres.

4. L'opération notifiée consiste en l'acquisition par DFDS du contrôle exclusif, d'une part, des actifs de SeaFrance, dans le cadre d'une offre de reprise déposée devant le Tribunal de commerce de Paris le 26 juillet 2011, et améliorée le 20 octobre 2011, à la suite de la procédure de redressement judiciaire ouverte le 30 juin 2010 et d'autre part, de LD Lines dans le cadre d'un protocole d'accord signé entre les sociétés DFDS et LDA le 26 juillet 2011.

5. Cette opération est plus précisément structurée de la façon suivante :

- création d'une société holding détenue à [...] % par DFDS et à [...] % par LDA et de sa filiale, la société SPC ;

- acquisition par SPC des actifs SeaFrance,

- apport par DFDS à SPC des actifs correspondants à l'exploitation des activités de transport de passagers et de marchandise sur la ligne Douvres-Dunkerque.

- apport par LDA à SPC de LD Lines.

6. En ce qui concerne le contrôle exclusif de DFDS, le protocole d'accord prévoit que la société holding et SPC seront toutes deux gérées par un conseil d'administration composé de cinq membres, dont trois représentants de la société DFDS et deux représentants de la société LDA. Le président du conseil d'administration sera nommé par la société DFDS. L'ensemble des décisions seront prises à la majorité simple au sein du conseil d'administration, à l'exception d'un nombre limité de décisions (2) qui nécessiteront l'accord d'un représentant de chacun des deux actionnaires. Les droits de véto ainsi consentis à LDA ne relèvent pas de la détermination de la stratégie de la société holding ou de celle de la société SPC et n'excèdent pas ce qui est normalement consenti à des actionnaires minoritaires afin de protéger leurs intérêts financiers. Par conséquent, DFDS détiendra un contrôle exclusif sur la société holding et sur SPC et donc sur les actifs de LD Lines et de SeaFrance.

7. En ce qui concerne le caractère unique de l'opération, les parties indiquent que les accords ont été conclus de manière simultanée et que le protocole d'accord signé entre LDA et DFDS organise les modalités d'acquisition tant des actifs LD Lines et DFDS que des actifs SeaFrance. L'apport par LDA et DFDS de leurs actifs à la société SPC est donc conditionné par l'acquisition des actifs SeaFrance. Les parties se sont en effet engagées :

- dans le cadre de la " phase 1 " de l'opération, à constituer la société holding et la société SPC et à déposer une offre de reprise des actifs SeaFrance devant le tribunal de commerce de Paris,

8. Par conséquent, et conformément à la communication consolidée de la Commission, les opérations sont interdépendantes et constituent une concentration unique par laquelle la société DFDS procède à l'acquisition du contrôle exclusif des actifs SeaFrance et des actifs LD Lines.

9. Les entreprises concernées ont réalisé ensemble un chiffre d'affaires hors taxes consolidé sur le plan mondial de plus de 150 millions d'euros au dernier exercice clos (Fondation Lauritzen : [...] milliards d'euros pour l'exercice 2010 ; actifs LD Lines : [...] millions d'euros pour le même exercice (3) et actifs SeaFrance : [...] millions d'euros). Au moins deux de ces entreprises ont réalisé, en France, un chiffre d'affaires supérieur à 50 millions d'euros (Fondation Lauritzen : [...] millions d'euros pour l'exercice 2010 ; actifs SeaFrance : [...] millions d'euros pour le même exercice). Compte tenu de ces chiffres d'affaires, l'opération ne revêt pas une dimension communautaire. En revanche, les seuils de contrôle mentionnés au I de l'article L. 430-2 du Code de commerce sont franchis. Cette opération est donc soumise aux dispositions des articles L. 430-3 et suivants du code de commerce relatifs à la concentration économique.

II. Délimitation des marchés pertinents

10. Les activités des parties à l'opération se chevauchent sur les marchés de services de transport de fret et de transport de passagers entre l'Angleterre et l'Europe continentale. Le groupe DFDS propose également des services effectués dans les terminaux, des services de logistique et une activité de commissionnement de transport, activités situées en amont des marchés sur lesquels la nouvelle entité sera active.

A. Les marchés du transport de passagers entre l'Angleterre et l'Europe continentale

1. Marché de produits

11. Dans ses décisions antérieures (4), la Commission européenne a constaté que le marché des passagers en voyage d'agrément et celui des passagers voyageant pour affaires étaient distincts, ces deux groupes de voyageurs ayant des exigences différentes : les personnes voyageant pour affaires recherchent la rapidité, le confort et la fréquence, tandis que celles qui effectuent un voyage d'agrément accordent plus d'importance au prix.

12. Concernant les passagers en voyage d'agrément devant être transportés sur les liaisons transmanche de courte distance, la Commission a considéré (5) que le service " Le Shuttle " (service de ferroutage dans le tunnel sous la Manche) offert par la société Eurotunnel et les services de transport maritime par transbordeurs étaient substituables et faisaient donc partie du même marché de produit. La Commission a en revanche considéré que l'Eurostar n'appartenait pas au marché en cause puisque pour la plupart des passagers voyageant par ferry, embarquer leur véhicule à bord est d'une importance majeure, service que n'offre pas l'Eurostar.

13. Tous les concurrents et quasiment tous les clients confirment que cette définition de marché est toujours pertinente. Concernant plus particulièrement la pression concurrentielle exercée par le transport de passagers via le tunnel sous la Manche, la plupart des répondants considèrent que cette pression existe bien sur la zone transmanche de courte distance tout en étant plus limitée sur les autres zones.

14. Il n'y a pas lieu, en l'espèce, de remettre en cause ces délimitations de marché.

2. Marchés géographiques

15. La Commission a examiné les services de transport de passagers entre le continent européen et l'Angleterre et a constaté (6) qu'en raison de leur nombre, de leur fréquence, de leur temps de traversée et de leur prix, les lignes exploitées dans le Pas-de-Calais ne sont substituables ni aux routes de la Manche Ouest ni à celles de la Mer du Nord, hormis en ce qui concerne le cas particulier des routes Newhaven-Dieppe et Ramsgate-Ostende dont le temps de trajet est relativement court et qui pourraient donc être incluses dans le marché du trafic transmanche de courte distance.

16. La Commission a par conséquent identifié trois marchés géographiques :

- La zone transmanche de courte distance (7), comprenant les liaisons entre Angleterre et France ou Belgique de courte distance, c'est-à-dire les routes du Pas-de-Calais (entre Douvres, Folkestone, Ramsgate et Newhaven, d'une part et Calais, Dieppe, Boulogne et Dunkerque, de l'autre) et les services traversant le " détroit belge " (Ramsgate-Ostende) ;

- La Mer du Nord (8), comprenant les routes maritimes entre les ports de la côte Est de l'Angleterre, les ports de la Belgique et des Pays-Bas ;

- La Manche Ouest (9), comprenant les routes maritimes reliant les ports de la côte Sud de l'Angleterre et ceux des côtes nord de la France (situées plus au Sud que le Pas-de-Calais).

17. Elle a cependant estimé (10) que les opérations de transport réalisées sur la Manche Ouest et la Mer du Nord étaient contraintes par la concurrence des services proposés dans la zone transmanche de courte distance mais que l'inverse n'était pas vrai, ces marchés étant donc caractérisés par une substituabilité asymétrique. Le test de marché a confirmé cette analyse.

La Commission a donc analysé les marchés de transport de passagers en voyage d'agrément sur les zones suivantes : " zone transmanche de courte distance ", " Manche Ouest + zone transmanche de courte distance " " Mer du Nord + zone transmanche de courte distance " (11). En l'espèce, les activités des parties ne se recoupent que sur les deux premières zones.

18. En ce qui concerne le cas particulier des lignes Newhaven-Dieppe et Ramsgate-Ostende, leur inclusion dans les zones concernées est discutée par les acteurs du marché :

- par rapport aux lignes de la zone transmanche de courte distance à partir du Pas-de-Calais, tant Newhaven-Dieppe que Ramsgate-Ostende sont des traversées plus longues. Ainsi, alors que la traversée Douvres-Calais dure 80 à 90 minutes en transbordeur, la traversée Coquelles-Fokelstone par Le Shuttle environ 35 minutes et la traversée Douvres-Dunkerque 120 minutes, les traversées Newhaven-Dieppe et Ramsgate-Ostende durent 240 minutes. En outre, les fréquences offertes sur ces deux lignes sont très inférieures à celles offertes sur les routes du Pas-de-Calais (12) ;

- par rapport à la zone Manche Ouest, les routes Le Havre-Portsmouth, Cherbourg-Portsmouth ou Caen-Portsmouth sont peu éloignées de la route Newhaven-Dieppe et les temps de traversée offerts par l'ensemble de ces routes sont proches (195 minutes pour Le Havre-Portsmouth, 180 minutes pour Cherbourg-Portsmouth, 345 minutes pour Caen-Portsmouth contre 240 minutes pour Newhaven-Dieppe) ;

- par rapport aux autres routes de la zone Mer du Nord, la route Ramsgate-Ostende est beaucoup plus rapide (la seule autre traversée entre la Belgique et l'Angleterre est la route Zeebrugge-Hull dont le temps de traversée est de 840 minutes et la route la plus courte en temps de traversée est la route Harwich-Hoek van Holland qui dure 390 minutes).

19. En l'espèce, la question de la segmentation géographique du marché du transport de passagers en voyage d'agrément entre l'Angleterre et le continent européen peut toutefois être laissée ouverte dans la mesure où les conclusions de l'analyse concurrentielle demeurent inchangées quelle que soit l'hypothèse retenue.

B. Les marchés du transport de fret entre l'Angleterre et l'Europe continentale

1. Marché de produits

20. Les parties proposent des services de fret de marchandises unitarisées (par opposition aux marchandises en vrac) entre le Royaume-Uni et l'Europe continentale. Pour le transport, les marchandises unitarisées se présentent sous diverses formes : camions accompagnés d'un chauffeur, remorques non accompagnées ou conteneurs.

21. Ces marchandises peuvent être transportées entre l'Angleterre et l'Europe continentale soit par voie maritime, sur des transbordeurs rouliers (13) (navires " ro-ro " pour roll-on/roll-off ou navires " ro-pax " qui transportent également des passagers) ou sur des navires à manutention verticale (14) (" lo-lo " pour lift-on/lift-off) soit via le tunnel sous la Manche, par les services de fret Le Shuttle et les trains de marchandises. Les parties considèrent que le marché du transport de fret doit comprendre l'ensemble de ces moyens de transport.

22. La Commission n'avait pas distingué, dans ses premières décisions (15), entre les différents moyens de transport, considérant un marché unique du transport de fret entre l'Angleterre et le continent européen. Depuis, elle s'est interrogée, dans la décision DFDS/Norfolk (16), sur la pertinence d'une segmentation entre le transport par navires " ro-ro " (incluant les navires " ro-pax ") et le transport par navires " lo-lo ", tout en laissant cette question ouverte. La question de l'inclusion du transport de fret sur les bateaux de croisière a également été soulevée.

23. Le test de marché réalisé à l'occasion de la présente opération n'apporte pas de réponse conclusive à ces questions. Du point de vue de la demande, les différents modes de transport présentent des caractéristiques différentes sans que l'effet de ces différences sur leur substituabilité puisse être précisé. Certains produits tels que les tuyaux, les voiture ou encore le bois ne peuvent être transportés en conteneurs. Le transport par " ro-ro " est souvent plus rapide ce qui peut constituer un élément clé pour le transport de marchandises périssables. La longueur des trajets, et donc les zones géographiques, déterminent aussi le choix du type de navire : le transport en camions accompagnés est trop onéreux sur les longs trajets de la Manche Ouest et de la Mer du Nord pour lesquels les trafics roll-on/roll-off non accompagnés et les solutions de transports de type lift-on/lift-off sont préférés. En revanche, les traversées rapides de la zone transmanche de courte distance sont favorables aux transports soumis à des contraintes de délais et attirent l'essentiel du trafic roll-on/roll-off accompagné. En tout état de cause, les parties ne sont présentes que sur le marché du transport de fret par " ro-ro " et ont fourni leurs parts de marché sur ce segment. En l'absence de problème de concurrence, la question d'une éventuelle délimitation des marchés selon les types de navire utilisés peut être laissée ouverte.

24. L'OFT (17) s'est également interrogé sur une possible segmentation du marché entre fret unitarisé accompagné et fret unitarisé non accompagné. En l'espèce et dans la mesure où l'opération concerne plus particulièrement la zone transmanche de courte distance la quasi-totalité du trafic sur cette zone consiste en du fret accompagné et cette distinction n'aurait pas d'effet sur l'analyse concurrentielle (18).

25. Par ailleurs, le test de marché a confirmé l'analyse menée dans de précédentes décisions en ce qui concerne la pression concurrentielle entre le transport par rail et les transports maritimes, le service Le Shuttle d'Eurotunnel étant considéré comme un concurrent direct des opérateurs maritimes actifs sur le marché du transport de marchandises entre l'Angleterre et le continent.

26. La question de la segmentation du marché du transport de fret peut cependant être laissée ouverte dans la mesure où les résultats de l'analyse concurrentielle ne s'en trouvent pas affectés.

2. Marchés géographiques

27. Comme pour le transport de passagers, différentes délimitations géographiques ont été envisagées dans de précédentes décisions s'agissant du marché du transport de fret reliant l'Angleterre au continent européen (19), soit en considérant les lignes de la zone transmanche de courte distance, les lignes de la Manche Ouest et les lignes de la Mer du Nord comme trois marchés distincts, soit en constatant que la concurrence s'exerçait entre les lignes de la Manche Ouest et les lignes de la zone transmanche de courte distance, d'une part, et entre ces dernières et les lignes de la Mer du Nord, d'autre part, soit en retenant un marché global sur l'ensemble des liaisons Angleterre-Europe continentale.

28. En l'espèce, l'analyse concurrentielle demeurant inchangée quelle que soit la délimitation retenue, la question de la définition géographique des marchés du transport de fret entre l'Angleterre et le continent européen peut être laissée ouverte. Les activités des parties se chevauchent uniquement dans la zone transmanche de courte distance et l'analyse sera menée sur cette zone et sur la même zone élargie à la Mer du Nord, ainsi que sur un marché global Angleterre-Europe continentale.

C. Le marché des services effectués dans les terminaux

29. Le marché des services effectués dans les terminaux a été défini (20) par la Commission européenne comme celui des services de manutention et de stockage du fret comprenant (i) les services de chargement et de déchargement des navires et (ii) le transbordement. La Commission a en outre considéré, d'une part, que les terminaux exploités en eau peu profonde (" short-sea terminal ") devaient être distingués des terminaux situés en eaux profondes (" deep-sea terminal ") et, d'autre part, qu'une distinction devait être effectuée entre les terminaux pour les navires " ro-ro " et les terminaux pour les navires " lo-lo ".

30. En ce qui concerne la définition géographique du marché, la Commission a parfois retenu une définition très large du marché (correspondant à la zone de chalandises entre l'Europe du Nord et la Méditerranée) mais a également analysé le marché dans sa dimension géographique la plus étroite soit la zone de chalandise du port en cause, tout en laissant la question ouverte.

31. La délimitation exacte du marché des services effectués dans les terminaux comme la question de la dimension géographique de ce marché peuvent également en l'espèce être laissées ouvertes dans la mesure où les conclusions de l'analyse concurrentielle demeurent inchangées quelle que soit l'hypothèse retenue.

D. Le marché de la logistique

32. La pratique décisionnelle française a défini les services de logistiques comme associant " les différents maillons d'une chaîne d'approvisionnement de marchandises entre un point d'origine et un point d'arrivée, et ce afin de gérer de manière optimale le flux et le stockage desdites marchandises. Cette activité peut s'assimiler à une offre globale, dans la mesure où elle combine un ensemble de services tels que, notamment, le stockage, l'inventaire des stocks, la prise de commande et le transport de marchandises en un temps et un lieu définis par le client " (21). S'il n'est pas nécessaire de segmenter le marché des services logistiques par catégorie de produits dans la mesure où la majorité des opérateurs de logistique peuvent s'adapter facilement aux exigences de l'offre et de la demande quelle que soit la catégorie de produits (22), l'existence de marchés distincts concernant certains produits qui nécessitent un traitement particulier, tels les produits " grand froid " (23), a été reconnue (24).

33. En ce qui concerne la définition géographique du marché, la pratique décisionnelle nationale comme communautaire a considéré (25) que le marché des services de logistique est de dimension nationale, au regard des contraintes réglementaires et linguistiques existantes. S'agissant des produits " grand froid ", les autorités de concurrence nationale ont néanmoins retenu une dimension régionale (26).

34. La délimitation exacte du marché de la logistique comme la question de la dimension géographique de ce marché peuvent toutefois être laissées ouvertes dans la mesure où les conclusions de l'analyse concurrentielle demeurent inchangées quelle que soit l'hypothèse retenue.

E. Le marché du commissionnement de transport

35. Selon les autorités de concurrence française et européenne, l'activité de commissionnement de transport (ou " freight forwarding ") se définit comme " l'organisation du transport de marchandises (pouvant inclure, outre le transport lui-même, divers autres services, tels que le dédouanement ou le magasinage) pour le compte de clients en fonction de leurs besoins " (27). Au sein du commissionnement de transport, les autorités de concurrence ont déjà considéré (28) une segmentation plus fine de ce marché selon (i) le mode de transport utilisé soit par voie aérienne, maritime ou terrestre (incluant le transport ferroviaire et routier) ou selon (ii) le caractère national ou international du transport.

36. La Commission européenne (29) considère que le marché du commissionnement de transport revêt une dimension géographique nationale, compte tenu notamment de l'existence de barrières linguistiques et règlementaires, même si elle n'exclut pas une définition plus large au niveau de l'Espace Economique Européen.

37. En l'espèce, la question de la segmentation de ce marché comme celle de sa délimitation géographique peuvent être laissées ouvertes dans la mesure où les conclusions de l'analyse concurrentielle demeurent inchangées quelle que soit l'hypothèse retenue.

III. Analyse concurrentielle

A. Effets horizontaux

38. L'opération entraîne des chevauchements d'activité sur les marchés du transport de passagers et de fret entre l'Angleterre et l'Europe continentale.

39. La nouvelle entité sera active sur les routes suivantes : Douvres-Dunkerque (actuellement opérée par DFDS), Douvres-Calais (actuellement opérée par SeaFrance), Newhaven-Dieppe (actuellement opérée par LD Lines) et Portsmouth-Le Havre (actuellement opérée par LD Lines). Les lignes Douvres-Dunkerque et Douvres-Calais font partie de la zone transmanche de courte distance. La ligne Portsmouth-Le Havre est incluse dans la zone de la Manche Ouest. Quant à la ligne Newhaven-Dieppe, son rattachement à l'une ou l'autre de ces deux zones fait débat. L'analyse sera donc effectuée dans l'un et l'autre cas. Les activités des parties se chevauchent donc sur les zones " transmanche de courte distance " et " Manche Ouest + zone transmanche de courte distance ".

1. Sur les marchés du transport de passagers entre l'Angleterre et l'Europe continentale

40. Les parts de marché (30) des parties et de leurs principaux concurrents sont, sur ces zones (31) :

<emplacement tableau>

41. Ainsi, sur le marché du transport de passagers, la nouvelle entité détiendra une part de marché comprise entre [20-30] % et [20-30] % selon les zones retenues et demeurera, en tout état de cause, le troisième acteur derrière les sociétés P&O et Eurotunnel.

42. La zone transmanche de courte distance est actuellement caractérisée par l’existence de fortes surcapacités détenues tant par les parties que par P&O et Eurotunnel (32). Si l’opération peut conduire à une baisse des capacités de la nouvelle entité (non reprise du bateau SeaFrance Molière et réorganisation des capacités (33), les capacités globales devraient être maintenues dans la mesure où P&O lance actuellement de nouveaux superferries et où Eurotunnel indique que la fréquence des navettes pour le transport de passagers passera prochainement de 3 à 4 par heure à 5 par heure. L’existence de fortes capacités disponibles favorise, comme l’a déjà noté la Commission sur ce marché, l’exercice d’une vive concurrence entre les opérateurs et la disparition d’un offreur n’aura dans ce contexte pas d’incidence négative sur le niveau des prix. En outre, il convient de relever que, quelle que soit la délimitation des marchés en cause, l’opération ne concerne pas les plus proches offreurs, et le nombre d’offreurs sur la route Calais-Douvres reste égal à trois (en incluant Eurotunnel), DFDS comme LDLines n’étant pas présents sur cette route.

43. Par conséquent, la concentration n’est pas de nature à porter atteinte à la concurrence dans le secteur du transport de passagers sur la zone transmanche de courte distance ou sur la zone « Manche Ouest + zone transmanche de courte distance » par le biais d’effets horizontaux.

2. SUR LES MARCHÉS DU TRANSPORT DE FRET ENTRE L’ANGLETERRE ET L’EUROPE CONTINENTALE

44. Les activités des parties se chevauchent, selon la définition géographique des marchés retenue, sur la zone transmanche de courte distance, la zone « Manche Ouest + zone transmanche de courte distance » ou sur un marché global des liaisons entre Angleterre et Europe continentale.

45. Les parts de marché des parties et de leurs principaux concurrents sont sur ces zones (34)

<EMPLACEMENT TABLEAU>

46. Ainsi, sur le marché du transport de fret, la nouvelle entité détiendra une part de marché comprise entre [30-40] % et [30-40] % selon les zones retenues sur les segments « transmanche de courte distance » et « Manche Ouest + zone transmanche de courte distance » et d’environ [20-30] % sur la zone Anglo-continentale. Elle ne sera pas, en tout état de cause, le premier acteur sur aucune de ces zones. Elle restera légèrement derrière la société Eurotunnel et fera jeu égal avec la société P&O. Sur une zone plus large que la zone transmanche de courte distance, d’autres opérateurs sont présents tels que Stena, Brittany Ferries, Condor, Cobelfret, etc.

47. L’analyse développée ci-dessus pour le transport de passagers est également applicable au transport de fret. Notamment, du fait des fortes surcapacités qui existent actuellement, une forte concurrence s’exerce aujourd’hui entre les opérateurs et elle ne devrait pas être remise en cause par l’opération (35). Cette analyse est partagée par la plupart des acteurs interrogés dans le cadre du test de marché.

48. Par conséquent, la concentration n’est pas de nature à porter atteinte à la concurrence dans le secteur du transport de fret entre Angleterre et continent européen par le biais d’effets horizontaux.

B. EFFETS COORDONNÉS

49. Conformément à la jurisprudence communautaire (36) et à la pratique décisionnelle des autorités nationales de concurrence (37), une opération peut aussi modifier la nature de la concurrence sur le marché de telle sorte que les entreprises qui, jusque-là, ne coordonnaient pas leur comportement, soient beaucoup plus susceptibles de le faire ou, si elles coordonnaient déjà leurs comportements, puissent le faire plus facilement. De tels effets sont possibles lorsque, sur un marché oligopolistique ou sur un marché fortement concentré, une opération de concentration a comme résultat que, prenant conscience des intérêts communs, chaque membre de l’oligopole concerné considérerait possible, économiquement rationnel et donc préférable d’adopter durablement une même ligne d’action sur le marché dans le but de vendre au-dessus des prix concurrentiels, sans devoir procéder à la conclusion d’un accord ou recourir à une pratique concertée au sens des articles L. 420-1 du code de commerce ou 101 CE et ce sans que les concurrents actuels ou potentiels, ou encore les clients et les consommateurs, puissent réagir de manière effective.

50. La coordination est plus probable sur des marchés où il est relativement simple de parvenir à une compréhension mutuelle de ses modalités d’exercice. En outre, trois conditions cumulatives doivent être réunies pour que la coordination soit durable : (i) un degré suffisant de transparence du marché permettant à chaque oligopoleur de connaître le comportement de chacun des autres membres afin de s’assurer qu’aucun ne s’en écarte (condition de détection) ; (ii) une pérennisation de la coordination en raison d’une menace de représailles incitant chaque oligopoleur à ne pas s’écarter de la ligne de conduite commune (condition de dissuasion) ; et (iii) une absence de remise en cause efficace de la coordination par des concurrents actuels et potentiels et par les consommateurs (condition de non contestation).

51. En l’espèce, les trois premiers acteurs (P&O, Eurotunnel et DFDS/SeaFrance/LD Lines) détenant ensemble à l’issue de l’opération, sur certains marchés et segments du transport de fret et de passagers en voyage d’agrément, une part de marché cumulée d’environ 90 %, il convient de déterminer si les critères posés par la jurisprudence sont remplis sur ces marchés.

1. SUR LES MARCHÉS DU TRANSPORT DE PASSAGERS

52. Dans les décisions P&O/Stena Lines, la Commission a examiné les risques de création ou de renforcement d’une position dominante collective entre, à l’époque, P&O et Eurotunnel sur le marché du transport de passagers en voyage d’agrément sur la zone transmanche de courte distance. Plusieurs caractéristiques du marché apparaissaient toutefois de nature à rendre une coordination peu probable : l’asymétrie des parts de marché entre Eurotunnel et P&O, la différence entre les structures de coûts des acteurs, et l’existence de capacités disponibles. Elle avait également noté l’entrée d’un nouvel opérateur (Norfolkline).

53. En l’espèce, si l’opération conduit à une plus grande symétrie des parts de marchés de la nouvelle entité, d’Eurotunnel et de P&O (38), deux des facteurs cités ci-dessus subsistent.

54. Il s’agit en premier lieu de la différence de structure de coût. La Commission européenne avait noté (39) qu’Eurotunnel et P&O offraient des services de transport qui présentaient des caractéristiques différentes et étaient, de ce fait, exposés à des facteurs de coût différents (40). Les coûts d’exploitation du service Le Shuttle se situaient ainsi à un niveau plus faible que ceux de P&O et nettement inférieur à ceux de Stena.

55. Les parties considèrent que l’évolution du marché n’a pas remis en cause cette situation, voire l’a accentué en raison notamment du durcissement de la réglementation sur les émissions de carbone et l’augmentation du cours des produits pétroliers qui impactent les seuls opérateurs maritimes (dont les navires fonctionnent exclusivement au fioul lourd) et non la société Eurotunnel, cette dernière faisant circuler exclusivement des locomotives électriques sur la liaison fixe sous la Manche. La société Eurotunnel souligne également ce point qui accentue les différences entre elle-même et les opérateurs maritimes (41) : « Le système de transport d’Eurotunnel utilise exclusivement l’électricité d’origine décarbonée, une source d’énergie qui n’émet pratiquement pas de gaz à effet de serre. Indépendants des hydrocarbures fossiles, les tarifs d’Eurotunnel ne seront donc jamais affectés par les variations du prix du fuel ni par l’apparition des taxes environnementales qui pèsent de plus en plus sur les coûts d’exploitation des ferries. Sans parler des importants investissements que devront engager les compagnies maritimes pour adapter leur mode de propulsion au durcissement de la réglementation sur les émissions de carbone ». Le recours des opérateurs de ferries aux énergies fossiles implique également, selon P&O, une grande volatilité des coûts en particulier en référence au coût de l’électricité supportée par Eurotunnel. En outre, concernant les droits portuaires, qui constituent une part importante des coûts d’exploitation d’une liaison maritime, les parties mettent en avant la constante progression des tarifs du port de Douvres qui, malgré la baisse d’activité sur le marché, renchérit les coûts des opérateurs maritimes à tel point que les opérateurs présents sur Douvres ont entamé une procédure à l’encontre du Dover Harbour Board.

56. Par ailleurs, il existe également des facteurs de différenciation entre opérateurs de ferries. En effet, certains opérateurs maritimes opérant sous pavillon français tels SeaFrance et LD Lines bénéficient d’aides directes ou indirectes telles, notamment, des charges sociales réduites pour le personnel maritime, une exonération de taxe sur les carburants, etc. Les variations importantes qui ont affecté le taux de change livre sterling / euro sont également un élément de différenciation entre opérateurs dont le compte d’exploitation est libellé en euro (tels que SeaFrance, LD Lines ou encore Eurotunnel) et ceux dont le compte est libellé en livre (tel P&O).

57. Par conséquent, il existe donc toujours une importante asymétrie en terme de structure de coût entre la société Eurotunnel et P&O et la nouvelle entité. Or, comme l’indique la Commission (42), des entreprises dont les structures des coûts diffèrent risquent moins d’agir en parallèle. Cette asymétrie rend en effet difficile pour les opérateurs la définition d’un équilibre collusif, ceux-ci pouvant plus difficilement parvenir à une conception commune des modalités de coordination.

58. En second lieu, et comme cela a déjà été mentionné ci-dessus, les différents acteurs du marché disposent toujours d’importantes réserves de capacités. Ainsi, les taux de remplissage de la société DFDS sont d’environ [40-50] % pour le trafic passagers et [60-70] % pour le trafic fret sur la ligne Douvres-Dunkerque. Pour LD Lines, ils sont d’environ [40-50] % pour le trafic passagers et [50-60] % pour le trafic fret sur la ligne Dieppe-Newhaven. Ces surcapacités existent également en haute saison (août), DFDS indiquant que son taux de remplissage ne dépasse pas alors [50-60] %. Les parties précisent que, même pendant les périodes de pointe (43), la très grande fréquence des traversées (24 pour DFDS, 120 pour Eurotunnel et environ 40 pour P&O par jour) permet aux clients de trouver facilement une traversée en décalant légèrement leur heure de départ.

59. Dans la récente décision de la Commission relative à l’aide à la restructuration de SeaFrance (44), les précisions suivantes sur les taux d’utilisation des capacités des différents opérateurs maritimes sont apportées : « […] Ce niveau de taux de remplissage, entre [proche de 80] % n’a jamais été atteint pas SeaFrance. Entre 2000 et 2010, des taux supérieurs à [proche de 80] % n’ont été atteints qu’en 2000 (79,1 %) et 2007 ([<85] %). S’agissant de autres années, les taux sont inférieurs à [75-80] % et descendent jusqu’à [65-70] %. […] Par ailleurs, les concurrents directs de SeaFrance ne semblent pas être en mesure non plus d’atteindre ces taux d’après les estimations produites par les autorités françaises dans la note du 4 mai 2011 (niveau de coefficient de remplissage maximal : [70-80] % pour P&O, [50-60] % pour DFDS). Ces coefficients semblent d’autant plus optimistes que le marché du transport sur le Détroit semble connaître des surcapacités au vu des niveaux de coefficients de remplissage présentés par les acteurs présents sur le Détroit ».

60. La société Eurotunnel indique également dans ses documents de référence récents que le taux de remplissage de ses navettes passagers a atteint 60 % en 2008, 54 % en 2009 et 55 % en 2010 tandis que celui de ses navettes camions s’est établi à 76 % en 2008 et 52 % en 2009.

61. Si la possible non reprise du SeaFrance Molière affectera négativement les capacités disponibles sur la zone transmanche de courte distance (baisse de 6 à 7 % des capacités totales disponibles sur la zone transmanche de courte distance selon les parties), les surcapacités demeureront toutefois encore importantes. En effet, les concurrents interrogés indiquent disposer de larges capacités disponibles. P&O précise notamment qu’elle va augmenter début 2012 de 10-20 % ses capacités dans la mesure où elle va lancer un nouveau navire, le « Spirit of France » ce qui lui permettra encore plus facilement de faire face à toute hausse de la demande. Eurotunnel indique, d’une part, que la capacité du tunnel sous la Manche n’est utilisé qu’à hauteur de 57 % (maintenance comprise) ce qui permet d’absorber des trafics supplémentaires importants sans qu’aucun investissement ne soit nécessaire et, d’autre part, que P&O a acquis deux superferries de grande capacité. Eurotunnel indique également prévoir de passer prochainement de 3 à 4 départs par heure pour les navettes passagers à 5 départs par heure. En outre, les concurrents précisent qu’actuellement, la cessation de l’activité de SeaFrance a été absorbée sans difficulté, sans impact sur la qualité des services offerts et sans hausse de prix par les autres opérateurs.

62. Comme l’avait noté la Commission (45), l’existence de larges capacités excédentaires ne favorise pas la coordination du comportement des différents opérateurs : « un exploitant de transbordeurs a tout intérêt à maximiser la capacité de chaque navire pour faire baisser les coûts unitaires. Il doit donc fixer les prix de manière à maximiser le revenu tiré du niveau de capacité qu’il choisit d’exploiter […]. Les prix peuvent être modifiés plus rapidement et avec plus de souplesse que les capacités. Les entreprises confrontées à un excédent de capacités seront normalement tentées de diminuer les prix pour utiliser ces capacités excédentaires ».

63. L’opération n’est donc pas de nature à porter atteinte à la concurrence par le biais d’effets coordonnés sur le marché du transport de passagers sur la zone transmanche de courte distance.

2. SUR LES MARCHÉS DU TRANSPORT DE FRET

64. De la même façon que sur le marché du transport de passagers, l’opération se traduira par une symétrie des parts de marché de la nouvelle entité, d’Eurotunnel et de P&O sur le marché du transport de fret sur la zone transmanche de courte distance incluant Newhaven-Dieppe et Ramsgate-Ostende.

65. Cependant, comme cela a été développé pour le transport de passager, l’existence de surcapacités sur les marchés du transport de fret et les différences entre les structures de coût entre Eurotunnel rendent peu crédibles un risque de coordination des comportements sur ce marché.

66. De plus, la pertinence, sur le marché du fret, d’une zone restreinte aux liaisons transmanche de courte distance est plus limitée que pour le transport de passagers et la présence sur les autres lignes anglo-continentales d’opérateurs actifs à la fois sur le transport de passagers et sur le transport de fret, tels que Stena, Brittany Ferries mais aussi d’opérateurs spécialisés dans le fret tels que Cobelfret ou Man Lines, constitue un facteur de déstabilisation d’une éventuelle coordination.

67. Par ailleurs, il apparaît que le marché du fret est peu transparent dans la mesure où les prix sont presque tous négociés individuellement entre l’opérateur et le transporteur routier et où aucune grille tarifaire n’est disponible. Certains clients indiquent de plus disposer d’un certain pouvoir de négociation vis-à-vis des opérateurs maritimes, ce que confirment ces opérateurs.

68. Enfin, les barrières à l’entrée sont considérées comme étant moins élevées sur le marché du transport de fret que sur celui du transport de passagers du fait notamment du coût plus faible des bateaux, du caractère moins saisonnier de la demande et des coûts marketing moins élevés.

69. L’opération n’est donc pas de nature à porter atteinte à la concurrence par le biais d’effets coordonnés sur le marché du transport de fret sur la zone transmanche de courte distance.

C. EFFETS VERTICAUX

70. Seul le groupe DFDS est présent sur les marchés des services de terminaux, du commissionnement de transport et des services de logistique. Ni SeaFrance ni les actifs LDA ne sont actifs sur ces marchés.

71. L’intégration verticale d’une entreprise ou son renforcement peut porter atteinte à la concurrence lorsque celle-ci détient, sur un ou plusieurs des marchés concernés, un pouvoir de marché substantiel qui peut servir de point d’appui à un effet de levier (soit sur le marché amont pour un verrouillage par les intrants et sur le marché aval pour un verrouillage de la clientèle). L’Autorité considère qu’il est peu probable qu’une entreprise ayant une part de marché inférieure à 30 % sur un marché donné puisse verrouiller un marché en aval ou en amont de celui-ci.

72. Or, les parties précisent que, quelle que soit la définition de marché retenue, les parts de marché de DFDS sur ces marchés amont seront très faibles et largement inférieures à 25 %. Ainsi :

- s’agissant du marché des services offerts dans les terminaux, les parties indiquent qu’il s’agit principalement d’une utilisation interne de ces services par DFDS et que les parts de marché de DFDS sont de ce fait inférieures à 5 % quelle que soit la définition de marché retenue ;

- s’agissant du marché du commissionnement de transport, les parties indiquent que les parts de marché de DFDS sont inférieures à 2 % quel que soit le marché domestique considéré et à 1 % sur le marché transfrontalier (notamment le marché Angleterre/France) ;

- s’agissant enfin du marché des services de logistique, les parties indiquent qu’il s’agit d’une activité très limitée pour DFDS dont les parts de marché sont inférieures à 1 % quelle que soit la définition du marché concerné.

73. L’opération n’est donc pas de nature à porter atteinte à la concurrence par le biais d’effets verticaux.

DECIDE

Article unique : L’opération notifiée sous le numéro 11-186 est autorisée.

Notes :

1. Voir la décision de la Commission européenne COMP/M.5756 DFDS/ NORFOLK du 17 juin 2010.

2. Le protocole d'accord liste (article 3.3.(2)) les décisions concernées par ces droits de véto :

- toute émission d'actions ou de titres convertibles en action,

- toute modification du protocole d'accord ou des statuts des sociétés,

- l'approbation des termes et conditions des contrats conclus entre la société holding et SPC avec les sociétés de DFDS et LDA,

- l'achat et/ou la vente d'actions ou autres titres, valeurs mobilières ou obligations de toutes sociétés extérieures à la Société Holding ou à la société SPC,

- la nomination (ou la révocation) des commissaires aux comptes,

- tout paiement d'avance de tout prêt octroyé par une société du groupe DFDS ou du groupe LDA, à l'exception des paiements simultanés réalisés auprès de chaque Partie au pro rata du montant prêté par chacune des Parties respectivement; et

- la soumission à une procédure de liquidation, redressement judiciaire ou une restructuration ou toute autre action similaire.

- dans le cadre de la " phase 2 " de l'opération, et sous réserve de la décision du tribunal de commerce de Paris de retenir leur offre de reprise, à procéder aux apports à la société SPC des actifs LD Lines et des actifs DFDS.

3. Le chiffre d'affaires des parties a été calculé en utilisant une méthode analogue à celle retenue notamment par la Commission européenne dans sa décision COMP/M.4439 Ryanair / Aer Lingus du 27 juin 2007, à savoir l'affectation " du chiffre d'affaires selon un pourcentage de 50/50 au pays d'origine et au pays de destination finale afin de tenir compte du caractère transfrontalier du service fourni (" méthode du 50/50 ") ".

4. Voir notamment les décisions de la Commission européenne 1999/421/CE du 26 janvier 1999, relative à une procédure d'application de l'article 85 du traité CE (Affaire IV/36.253, P&O/Stena Line), COMP/M.2838 du 07 aout 2002 P&O/Stena Lines holding limited et COMP/M.5756 du 17 juin 2010 DFDS/Norfolk.

5. Voir les décisions de la Commission 1999/421/CE et COMP/M.2883 précitées.

6. Voir notamment la décision de la Commission 1999/421/CE précitée.

7. Ou zone " Short Sea " dans les décisions de la Commission.

8. Ou zone " North Sea " dans les décisions de la Commission.

9. Ou zone " Western Channel " dans les décisions de la Commission.

10. Voir notamment la décision de la Commission COMP/M.2883 précitée.

11. Voir la décision COMP/M.5756 précitée.

12. Ainsi, sur la route Douvres-Dunkerque de DFDS et la route Douvres-Calais de SeaFrance, la fréquence va de 8 à 12 départs par jour, elle est de 23 pour la route Douvres-Calais de P&O et de 3 à 4 départs par heure pour les passagers et 6 pour le fret pour Eurotunnel. Par contre la fréquence n'est que de 2 allers retours par jour sur les routes Dieppe-Newhaven et Ramsgate-Ostende.

13. Ces navires sont utilisés pour transporter entre autres des camions et remorques chargés grâce à une ou plusieurs rampes d'accès.

14. Les marchandises placées dans des conteneurs sont chargés dans les navires par des grues.

15. Voir les décisions de la Commission 1999/421/CE et COMP/M.2883 précitées.

16. Voir la décision de la Commission COMP/M.5756 précitée.

17. Voir notamment l'acquisition par Stena AB d'actifs de DFDS sur la mer d'Irlande ME/4790/10.

18. Le fret non-accompagné ne représente en effet que 1,6 % du trafic total sur la zone transmanche de courte distance (étude IRN Ferrystat décembre 2010).

19 Voir les décisions de la Commission 97/84/CE du 30 octobre 1996 relative à une procédure d'application de l'article 85 du traité CE (IV/34.503 - Compagnies de ferries - Surtaxes monétaires) et 1999/421/CE et COMP/M.2838 précitées.

20 Voir notamment les décisions de la Commission européenne COMP/M.3973 CMA CGM/Delmas du 1er décembre 2005 et COMP/M.5756 précitée.

21. Voir notamment la décision du ministre des finances et de l'industrie C2005-36 du 6 janvier 2006 au conseil de la société STEF-TFE, relative à une concentration dans le secteur de l'entreposage frigorifique et les décisions de l'Autorité de la concurrence 10-DCC-48 du 2 juin 2010 relative à la prise de contrôle exclusif de la société Amonite SAS par la société Manuloc SA et 11-DCC-79 du 16 mai 2011 relative à la prise de contrôle conjoint de Transcosatal Finances par les sociétés Satar, Chabas et STEF-TFE Transport.

22. Voir notamment les décisions de la Commission européenne COMP/M.2831 DSV/TNT Logistics/DSV Logistics du 27 juin 2002 et COMP/M.4786 Deutsche Bahn/Transfesa du 18 mars 2008 ainsi que la décision du ministre n°2005-110 en date du 29 novembre 2005 aux conseils de la société Norbert Dentressangle, relative à une concentration dans les secteurs du transport routier de marchandises et de la logistique.

23. Voir notamment la lettre du ministre n° C2005-36 précitée.

24. Voir notamment les décisions C2005-36 ainsi que les décisions de la Commission COMP/M. 3553 Logista / Etinera / Terzia du 4 octobre 2004 et COMP/M.4786 précitée.

25. Voir notamment les décisions de la Commission européenne COMP/M.3492 Exel / Tibbet & Britten du 3 août 2004 et COMP/M.3496 TNT Forwarding Holding / Wilson logistics du 2 août 2004.

26. Voir notamment la lettre du ministre n° C2005-36 et la décision de l'Autorité 11-DCC-79 précitées.

27. Voir notamment les décisions de la Commission européenne COMP/M.1794 Deutsche Post/Air Express International du 7 février 2000, COMP/M.3603 UPS/Menlo du 10 décembre 2004 et COMP/M.4045 Deutsche Bahn/Bax Golbal du 22 décembre 2005, COMP/M.5480 Deutsche Bahn/PCC Logistics du 12 juin 2009 ainsi que la décision de l'Autorité de la concurrence n° 09-DCC-40 du 4 septembre 2009 relative à l'acquisition par Geodis d'agences commerciales de Cool Jet.

28. Voir notamment les décisions de la Commission européenne COMP/M.3971 Deutsche Post Exel du 24 novembre 2005, COMP/M. 4045 précitée, COMP/M.4746 Deutsche Bahn/EWS du 6 novembre 2007, COMP/M.4786 précitée, COMP/M.5096 RCA/MAV CARGO du 28 novembre 2008 et COMP/M.5480 précitée.

29. Voir notamment les décisions de la Commission européenne COMP/M3971, COMP/M.4045, COMP/M.4786, COMP/M.5096 et COMP/M.5480 précitées.

30. Les parts de marché sont présentées en nombre de passagers transportés. Elles pourraient également être calculées en nombre de véhicules (voitures particulières et bus) transportées Dans ce second cas, les parts de marché des différents opérateurs sont globalement similaires, la part de marché de la société P&O étant néanmoins quelque peu réduite.

31. Données IRN Ferrystat de décembre 2010, estimation des parties et réponses des concurrents au test de marché.

32 Les taux de remplissage des bateaux sont précisés à la section sur les effets coordonnés.

33 Le business plan établi par les repreneurs prévoit le déploiement des trois navires SeaFrance repris sur les routes Douvres-Calais et Douvres-Dunkerque :

- le navire Nord-Pas-de-Calais sera transféré sur la route Douvres-Dunkerque et ses rotations sur cette route seront augmentées,

- un navire Ro-Pax actuellement exploité par DFDS sur la route Douvres-Dunkerque sera transféré sur la route Douvres-Calais,

- les navires Berlioz et Rodin seront maintenus sur la route Douvres-Calais.

L’offre de reprise présentée par DFDS et LDA ne porte pas sur le navire Le Molière. Les parties indiquent ne pas disposer d’information sur le sort de ce navire. Dans l’hypothèse d’un retrait de ce navire de la zone transmanche de courte distance, cela entrainerait une réduction des surcapacités sur cette zone mais les parties indiquent que celles-ci demeureraient toutefois encore importantes.

34 Données IRN Freight Ferrystat de décembre 2010, estimation des parties et réponses des concurrents au test de marché. Certaines données sont néanmoins manquantes et les parties n’ont pas été en mesure d’évaluer les volumes de fret unitarisé transportés par certains concurrents tels FinnLines (présent sur la Mer du Nord), Celtic (présent sur la Manche ouest), Cobelfret (présent sur la Mer du Nord), etc. Néanmoins ces acteurs sont actifs (bien que faiblement au regard des quantités transportées sur la zone transmanche de courte distance). Les parts de marché des parties et de leurs principaux concurrents sont donc faiblement surévaluée sur les zones « Manche Ouest + transmanche de courte distance » et anglo-continentale.

35 Voir les développements sur le marché du transport de voyageurs et les développements de la section sur les effets coordonnés.

36 Voir notamment la décision du TPICE T-342/99 du 6 juin 2002, Airtours plc. contre Commission et la décision de la CJCE du 10 juillet 2008 C-430-06, IMPALA.

37 Voir la décision du Conseil d’Etat du 31 juillet 2009, Fiducial Audit et Fiducial Expertise n°305903 et les décisions du Conseil de la concurrence 07-D-13 du 6 avril 2007 relative à de nouvelles demandes de mesures conservatoires dans le secteur du transport maritime entre la Corse et le continent, 07-D-13 du 6 avril 2007 relative à de nouvelles demandes de mesures conservatoires dans le secteur du transport maritime entre la Corse et le continent et 10-DCC-11 du 26 janvier 2010 relative à la prise de contrôle exclusif par le groupe TF1de la société NT1 et Monte-Carlo Participations (groupe AB).

38 Sur la zone transmanche de courte distance incluant Newhaven-Dieppe et Ramsgate-Ostende, elles détiendront respectivement 27,4 %, 36 % et 35,5 %.

39 Voir la décision de la Commission 1999/421/CE précitée.

40 Voir la décision de la Commission M.2838 précitée « Also the cost structures are not similar, neither with regard to the composition of costs nor to the cost base. Eurotunnel and P&O offers transport services with different characteristics and are exposed to different cost factors which further reduces the likelihood of co-ordination »;

41 Voir le rapport d'activité 2010 de la société Eurotunnel en page 30.

42 Voir la décision de la Commission 1999/421/CE précitée.

43 Vendredi soir et samedi matin au départ de Douvres, et dimanche après-midi vers Douvres, principalement au mois d’août.

44 Voir la décision de la Commission SA.32600 précitée.

45 Voir la décision de la Commission 1999/421/CE précitée.