CA Montpellier, 2e ch., 18 janvier 2011, n° 10-07825
MONTPELLIER
Arrêt
Confirmation
PARTIES
Demandeur :
Azur Bâtisseur (SAS)
Défendeur :
SCMGS (Sté)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Bachasson
Conseillers :
Mme Olive (Rapporteur), M. Chassery
Avocats :
Mes Clément, Sonnier
FAITS et PROCEDURE - MOYENS et PRETENTIONS DES PARTIES
La société SCMGS exerçant sous l'enseigne Zigliani Bâtisseur exploite une entreprise de construction de maisons individuelles.
Elle a employé deux agents commerciaux dans son établissement sis à Narbonne, en l'occurrence M. Frédéric Mercier (contrat du 15 novembre 2005) et M. Jacques Bufante (contrat du 4 juin 2008).
M. Mercier a démissionné le 9 janvier 2009 et M. Bufante a été licencié le 29 janvier 2009.
La 20 février 2009, M. Robec, qui avait conclu un contrat de construction de maison individuelle le 7 août 2008, a informé la société SCMGS qu'il renonçait à l'exécution du contrat en raison de difficultés financières en lien avec des problèmes familiaux et du refus de sa banque de lui octroyer un prêt. Le 10 mars 2009, cette dernière lui a restitué l'acompte de 3 000 euro qu'il avait versé.
Par la suite, elle a appris que M. Robec avait construit la maison projetée et avait confié la construction à la société Azur Bâtisseur, constituée par MM. Mercier et Bufante, en mars 2009.
Le 25 septembre 2009, l'huissier de justice, M. Chertin qu'elle a mandaté, a notamment constaté lors d'une connexion Internet faite à partir de l'ordinateur équipant son cabinet sis à Montpellier que la page d'accueil du site créé par la société Azur Bâtisseur contenait la photo d'une maison individuelle en tous points identique à celle figurant sur la page d'accueil du site de la société SCMGS.
Invoquant des actes de concurrence déloyale et de parasitisme par détournement de clientèle et par usurpation de ses clichés et de ses réalisations, la société SCMGS a fait assigner la société Azur Bâtisseur devant le Tribunal de commerce de Montpellier, par acte du 18 janvier 2010, afin d'obtenir paiement de 55 000 euro à titre de dommages et intérêts et de l'enjoindre à cesser les agissements reprochés sous astreinte.
La société Azur Bâtisseur a soulevé l'incompétence territoriale.
Par jugement du 27 août 2010 le tribunal a rejeté l'exception d'incompétence et a invité les parties à conclure au fond.
La société Azur Bâtisseur a formé contredit le 8 septembre 2010 en demandant à la cour de renvoyer l'affaire devant le Tribunal de commerce de Narbonne, territorialement compétent et de lui allouer une somme de 2 000 euro, sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile.
Elle soutient essentiellement que :
- la faculté ouverte par l'article 46 du Code de procédure civile de saisir la juridiction du lieu où le dommage a été subi n'est pas accordée en fonction du domicile ou du siège social de la victime mais en considération du lieu où le dommage l'a effectivement atteinte ;
- la juridiction dans le ressort de laquelle le dommage est survenu ne saurait être assimilée au lieu où les conséquences financières ont été enregistrées ;
- la société SCMGS vise un seul détournement de clientèle, à savoir le chantier de M. Robec qui se situe à Bize Minervois (11) ainsi que l'utilisation de clichés et de réalisations trouvés sur son site Internet sous l'intitulé " exemples de chantiers et de réalisations Azur Bâtisseur aux alentours de Narbonne, Perpignan, Béziers et Carcassonne " ;
- la ville de Montpellier ou ses alentours n'est pas mentionnée dans la mesure où son activité est circonscrite aux environs de Narbonne, ce qui exclut tout fait dommageable pouvant lui être imputé dans le ressort du Tribunal de commerce de Montpellier ;
- la jurisprudence citée par la société SCMGS n'est pas applicable en l'espèce puisqu'elle concerne les actions en contrefaçon et des litiges où le site Internet est constitutif du fait dommageable.
La société SCMGS a conclu à la confirmation du jugement et à l'allocation de la somme de 2 500 euro, au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.
Elle rétorque en substance que :
- l'action en concurrence déloyale fondée sur l'article 1382 du Code civil, lui permet de saisir, à son choix, la juridiction du lieu où demeure la défenderesse ou la juridiction du lieu du fait dommageable ou celle dans le ressort de laquelle le dommage a été subi ;
- le fait dommageable est subi dans l'ensemble des lieux dans lesquels l'acte de concurrence déloyale est diffusé sur Internet ;
- le constat dressé par Maître Chertin, huissier de justice à Montpellier, le 25 septembre 2009, révèle qu'il a consulté depuis son bureau, le site Internet d'Azur Bâtisseur sur lequel sont diffusées des photographies représentant des constructions réalisées par elle, ce qui justifie l'usurpation reprochée ;
- la localisation de l'immeuble de M. Robec n'est pas déterminante de compétence, étant précisé que par le biais de la diffusion d'images et textes sur Internet, le champ d'intervention de la société Azur Bâtisseur ne s'est pas limité à la zone géographique de Narbonne et de ses alentours ;
- la réalisation du constat d'huissier sur un site Internet suffit à prouver l'accessibilité de ce dernier à partir d'un endroit géographique donné et détermine la compétence territoriale de la juridiction compétente pour statuer sur l'action en concurrence déloyale.
MOTIFS DE LA DECISION
Aux termes de l'article 46 du Code de procédure civile, le demandeur peut saisir à son choix, outre la juridiction du lieu où demeure le défendeur, en matière délictuelle, la juridiction du lieu du fait dommageable ou celle dans le ressort de laquelle le dommage a été subi.
Au soutien de l'action en concurrence déloyale et en parasitisme fondée sur l'article 1382 du Code civil, la société SCMGS reproche à la société Azur Bâtisseur, deux séries de faits, un détournement de clientèle d'une part et une utilisation usurpée de clichés et réalisations diffusées sur le site Internet créé par celle-ci, d'autre part.
Le constat d'huissier établi à Montpellier le 25 septembre 2009 révèle notamment qu'une photographie de maison individuelle illustre le site Internet de la société Azur Bâtisseur identique à celui figurant sur le site de la société SCMGS et que d'autres clichés diffusés sur le site Azur Bâtisseur correspondraient à des chantiers réalisés par Zigliani.
Dès lors et dans la mesure où la société SCMGS reproche à la société Azur Bâtisseur d'avoir usurpé ses clichés et réalisations en les diffusant sur le réseau Internet, ce qui caractériserait selon elle un acte parasitaire, c'est à juste titre qu'elle considère que le fait dommageable a été subi à Montpellier, lieu où effectivement les informations litigieuses ont été mises à la disposition de l'huissier instrumentaire, lors d'une utilisation du site.
Le Tribunal de commerce de Montpellier étant territorialement compétent, le jugement entrepris doit être confirmé et le contredit rejeté.
La société Azur Bâtisseur qui supportera les frais de l'instance en contredit, en application de l'article 88 du Code de procédure civile, doit être condamnée à payer à la défenderesse, la somme de 1 500 euro, sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile et verra sa demande, de ce chef, rejetée.
Par ces motifs : LA COUR, statuant publiquement et contradictoirement, Rejette le contredit comme étant infondé ; Confirme le jugement du Tribunal de commerce de Montpellier en date du 27 août 2010 ; Condamne la société Azur Bâtisseur à payer à la société SCMGS la somme de 1 500 euro, sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile ; Déboute la société Azur Bâtisseur de sa demande fondée sur l'article 700 du Code de procédure civile ; Condamne la société Azur Bâtisseur aux frais de l'instance en contredit.