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Décisions

CA Paris, Pôle 5 ch. 9, 26 janvier 2012, n° 10-24855

PARIS

Arrêt

PARTIES

Demandeur :

Saphir ambulances (SARL), Inter Europe ambulances (SARL)

Défendeur :

De Fontaine, Gillard, Ambulances Sainte Marie (SA)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Monin-Hersant

Conseillers :

MM. Loos, Picque

Avoués :

SCP Naboudet-Hatet, SCP Hardouin

Avocats :

Mes Joyeux, Behr, SELARL Cloix & Mendes-Gil, SELARL Cabinet Bga

T. com. Paris, du 26 oct. 2010

26 octobre 2010

Faits et de la procédure

Par acte sous seing privé en date du 17 juin 2005, Mme Monique De Fontaine, épouse Gillard (Mme De Fontaine) et Mme Marie-Isabelle Gillard, associées des sociétés d'ambulances Inter Europe ambulances (IEA ci-après) et Ambulances Sainte Marie, ont cédé à la société Saphir Ambulances la totalité des parts qu'elles détenaient dans la société IEA pour un montant de 225 000 euro. Cet acte a comporté une garantie de passif.

Suite à un contrôle fiscal de la société IEA en cours au moment de la cession et pour lequel une somme de 35 000 euro avait été provisionnée, par acte du 18 juillet 2008 la société Saphir Ambulances et la société IEA ont fait assigner en paiement Mme De Fontaine, Mme Gillard ainsi que la société Ambulances Sainte Marie en invoquant principalement un rehaussement d'impôt non totalement couvert par la provision et des actes de concurrence déloyale.

* * *

Vu le jugement prononcé le 26 octobre 2010 par le Tribunal de commerce de Paris qui a :

- condamné solidairement Mme De Fontaine et Mme Gillard à verser à la société Saphir Ambulances la somme de 10 394,09 euro au titre de la garantie de passif et une indemnité de 3 000 euro au titre d'une insuffisance de comptabilisation des provisions pour créances douteuses,

- débouté "Mme De Fontaine, Mme Gillard et la société Ambulances Sainte Marie de leur demande de dommages-intérêts pour concurrence déloyale" (en réalité la société IEA),

- rejeté les demandes présentées sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile,

- ordonné l'exécution provisoire,

Vu l'appel déclaré le 23 décembre 2010 par les sociétés Saphir Ambulances et IEA,

Vu les conclusions déposées le 20 avril 2011 par les sociétés Saphir Ambulances et IEA,

Vu les dernières conclusions déposées le 20 octobre 2011 par Mme De Fontaine, Mme Gillard et la société Ambulances Sainte Marie, intimés,

Sur ce, LA COUR

Considérant que l'acte de cession du 17 juin 2005 comporte un article 7 dénommé "Garantie de passif" aux termes duquel les cédantes se sont engagées à "indemniser le cessionnaire de tout passif, charge, perte ou dommage, direct ou indirect, quels qu'ils soient, ayant leur origine ou leur cause dans des faits antérieurs à la cession, qui n'auraient pas figuré à la situation comptable de la société arrêtée au 30 avril 2005 visée par les parties ou qui n'auraient pas expressément été déclarés et mentionnés au jour de la cession, et qui viendrait à se déclarer ultérieurement"; qu'il y est précisé que l'indemnité "sera égale au montant du passif, charge, perte ou dommage subis par la société ou par le cessionnaire, déduction faite de l'économie d'impôt qui en résulterait directement (...)" ; qu'il est également mentionné que la garantie pourra être invoquée par le cessionnaire jusqu'au 31 décembre 2007;

Considérant que les sociétés Saphir Ambulances et IEA demandent à la cour de condamner solidairement Mme De Fontaine et Mme Gillard à verser à la société Saphir Ambulances la somme de 47 566,92 euro, au titre de la garantie de passif et, subsidiairement, 44 499,94 euro si l'économie d'impôt relative au rehaussement de TVA devait être prise en compte; qu'elles réclament également la condamnation des mêmes à verser à la société Saphir Ambulances la somme de 6 840,55 euro au titre de l'absence de comptabilisation des provisions pour créances douteuses et aux deux sociétés la somme de 80 438 euro au titre de la concurrence déloyale et de l'indemnité d'éviction; qu'elles réclament enfin, et en toute hypothèse, la condamnation des intimées à leur verser la somme de 7 000 euro sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile;

Considérant que Mme De Fontaine, Mme Gillard et la société Ambulances Sante Marie demandent à la cour la confirmation du jugement en ce qu'il les a condamnées à payer 10 394,09 euro à la société Saphir Ambulances et en ce qu'il a débouté les sociétés Saphir Ambulances et IEA de leurs autres demandes ; qu'elles sollicitent également l'infirmation du jugement en ce qu'il les a condamnées à verser une indemnité de 3 000 euro pour insuffisance de provision pour créances douteuses soutenant qu'aucune somme ne doit être allouée à ce titre;

Considérant que les appelantes soutiennent que de nouveaux postes de passif sont apparus depuis la cession au titre de l'impôt sur les sociétés des années 2002 et 2003, en raison de l'annulation du crédit de TVA et du rappel de TVA déductible, au titre de la taxe professionnelle de l'année 1998, augmenté du coût de l'avis à tiers détenteur ainsi que pour les frais de constitution de la société;

Mais considérant que les intimées ne contestent pas être redevables des sommes retenues par le tribunal à la suite du contrôle fiscal de la société ayant porté sur l'IS 2002 (2 293 euro), l'IS 2003 (2 671 euro) et la taxe professionnelle 1998 (5 430,09 euro) soit au total 10 394,09 euro ; que, d'autre part, la demande de remboursement du crédit de TVA de 16 142 euro a justement été rejetée par les premiers juges puisque cette créance, dont la décision d'annulation a été retenue par les services fiscaux lors de la proposition de rectification du 28 juin 2005, ne figurait déjà plus dans les comptes arrêtés au 30 avril 2005;

Considérant que les premiers juges ont également justement retenu que les cédantes étaient également redevables de la somme de 125 euro au titre de frais administratifs leur incombant néanmoins acquittés par les cessionnaires ; que cette condamnation sera rajoutée dès lors qu'elle ne figure pas le dispositif du jugement déféré;

Considérant, sur les provisions pour impayés et clients douteux, qu'il n'est pas contesté que cette réclamation a été présentée postérieurement au 31 décembre 2007 et ne peut donc plus être invoquée au titre de la garantie de passif ; que les appelantes fondent dès lors leur réclamation portant sur un montant de 6 840,55 euro sur le vice du consentement et plus particulièrement sur le dol, soutenant que l'absence de provision dans les comptes sociaux arrêtés au 30 avril 2005 des factures émises et non recouvrées pour l'année 2004 et les quatre premiers mois de l'année 2005 a constitué un agissement déloyal et dolosif;

Mais considérant que les appelantes qui se contentent d'affirmer que des créances émises n'ont pas été réglées et qui ne justifient même pas de vaines tentatives de recouvrement ne prouvent aucunement les motifs qui auraient dû conduire à les provisionner et, surtout, en quoi l'absence de provision résulte d'une volonté délibérée de tromper son contractant sur la sincérité des comptes de la société cédée; que la réticence dolosive n'étant pas prouvée, cette demande doit être rejetée; que la faute invoquée à titre subsidiaire sur le fondement de l'article 1382 du Code civil n'est pas plus établie ; que le jugement qui a alloué à ce titre la somme de 3 000 euro doit être infirmé;

Considérant que les appelantes soutiennent qu'une perte n'aurait pas été comptabilisée au motif que les comptes ont comporté des immobilisations corporelles calculées sur une flotte de 5 véhicules alors qu'au jour de la cession la société ne détenait que 3 véhicules et que la cession des 2 véhicules n'a pas reçu de traduction comptable;

Mais considérant que l'acte de cession mentionne en son article 6 que la société dispose de trois véhicules d'ambulance et de trois agréments ; que le montant des cessions des 2 véhicules ayant figuré au crédit du grand livre des comptes portant sur la période du 1er janvier au 31 décembre 2004, les conséquences de cette opération ont été clôturées au 31 décembre 2004 rendant vaine l'argumentation des appelantes selon laquelle le montant des immobilisations incorporelles aurait dû être diminué entre le 31 décembre 2004 et le 30 avril 2005; que cette demande a ainsi été justement rejetée par les premiers juges;

Considérant enfin que les appelantes prétendent que les cédantes ont violé la garantie de non éviction dès lors que l'ensemble des salariés a quitté l'entreprise en un mois pour rejoindre la société Ambulances Sainte Marie avec l'aide des cédantes, l'acte de cession ayant limité à deux le nombre de salariés ayant l'intention de démissionner; que, selon elles, le débauchage massif du personnel qui a créé une désorganisation de l'entreprise constitue un acte de concurrence déloyale qui doit être sanctionné sur le fondement de l'article 1382 du Code civil, la société IEA soutenant avoir subi un préjudice de 80 438 euro correspondant à une baisse du chiffre d'affaires mensuel pendant les 5 mois postérieurs à la cession;

Mais considérant que les intimées font valoir à juste titre que l'article 6 de l'acte de cession mentionne que la société compte à son effectif trois chauffeurs ambulanciers titulaires du certificat de capacité, un titulaire du brevet national et une secrétaire ; qu'il est précisé "que certains d'entre eux ont à ce jour manifesté leur intention de démissionner de leurs fonctions et pourraient être repris par une autre société d'ambulance contrôlée par Mme Monique De Fontaine. M. Jean-Luc Corvo, ès qualités, reconnaît en avoir été parfaitement informé et renonce en conséquence à exercer à l'encontre des cédants tout recours ou contestation à ce titre." ; qu'il en résulte que les cessionnaires dénoncent une situation dont ils ont été parfaitement informés; qu'en l'absence de toute clause de non concurrence, le seul recrutement d'anciens salariés ne constitue pas une faute alors qu'il n'est pas prouvé que l'acquéreur n'ait pas été en mesure de poursuivre son activité économique; que le jugement déféré doit être confirmé en ce qu'il a rejeté les demandes présentées sur ce fondement;

Par ces motifs: Infirme le jugement déféré en ce qu'il a condamné solidairement Mme De Fontaine et Mme Gillard à verser à la société Saphir Ambulances la somme de 3 000 euro au titre d'une insuffisance de comptabilisation des provisions pour créances douteuses ; Déboute la société Saphir Ambulances de cette demande; Confirme le jugement déféré pour le surplus; y ajoutant: Condamne solidairement Mme De Fontaine et Mme Gillard à verser à la société Saphir Ambulances la somme de 125 euro pour frais; Rejette toutes autres demandes; Condamne solidairement Mme De Fontaine, Mme Gillard et la société Ambulances Sainte Marie aux dépens et accorde à la SCP Naboudet-Hatet, avoués, le bénéfice des dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile.