Livv
Décisions

ADLC, 1 février 2012, n° 12-DCC-13

AUTORITÉ DE LA CONCURRENCE

Décision

Relative à la création d'une entreprise commune de plein exercice par les sociétés Euralis Coop, SAS Aramis et Agro Participations AB

ADLC n° 12-DCC-13

1 février 2012

Maître,

Vous avez notifié le 16 mai 2011 au service des concentrations de l'Autorité de la concurrence la création par les sociétés Euralis Coop, SAS Aramis et Agro Participations AB d'une entreprise commune dénommée Axso. Cette opération est formalisée par le projet de statuts de la société Axso, un projet de règlement intérieur et des lettres d'intention en date des 15, 18 et 22 avril 2011.

Euralis Coop, société de tête du groupe Euralis, est une société coopérative agricole, dont le capital est détenu par environ 12 000 adhérents. L'activité d'Euralis et de ses différentes filiales est organisée autour de quatre grands pôles : productions agricoles et distribution, gastronomie, traiteur et semences. Euralis est active dans différents secteurs de l'agroalimentaire, aussi bien en France qu'à l'étranger, avec notamment la production et la commercialisation de semences et de divers produits issus de l'agriculture et de l'élevage (céréales, légumes, volailles...), ainsi que la transformation de produits alimentaires (foie gras, plats cuisinés).

La SAS Aramis est une holding détenue à 100 % par la coopérative Maïsadour. Maïsadour est une société coopérative agricole dont le capital est détenu par environ 7 400 adhérents. Elle est présente, au travers de différentes filiales, dans les secteurs des céréales, de l'agrofourniture, des légumes, des semences, de la nutrition et de la production animale, de la transformation et commercialisation de produits du terroir ainsi que de la distribution d'articles de jardinage, bricolage et aménagements extérieurs.

La SAS Agro Participations AB est une holding détenue à 100 % par la coopérative Vivadour.

Vivadour est une société coopérative, dont le capital est détenu par environ 5 200 adhérents.

Vivadour, directement ou au travers de ses différentes filiales, est active dans les secteurs de la production animale, des semences, de la viticulture et de la distribution grand public. L'opération consiste en la création par ces trois coopératives d'une société par actions simplifiée, Axso, qui aura pour objet toute opération d'achats et de vente d'engrais et d'amendements minéraux en vue de la revente par cette entreprise commune aux sociétés membres des groupes coopératifs précités, mais aussi à des tiers.

Le II de l'article L. 430-1 du Code de commerce dispose que "la création d'une entreprise commune accomplissant de manière durable toutes les fonctions d'une entité économique autonome constitue une concentration au sens du présent article". Aussi, pour que l'opération en cause constitue une concentration au sens de l'article L. 430-1, la nouvelle entreprise doit être une entreprise "de plein exercice" (1) et par conséquent opérer "sur un marché, en y accomplissant les fonctions qui sont normalement exercées par les autres entreprises présentes sur ce marché" (2).

La Commission européenne indique dans sa communication consolidée que "la forte présence des sociétés mères sur des marchés situés en aval de celui sur lequel l'entreprise commune intervient est un facteur à prendre en compte afin d'apprécier si une entreprise commune est "de plein exercice", dès lors que cette présence occasionne des ventes ou des achats notables entre les sociétés mères et l'entreprise commune". Le fait que, pendant une phase de démarrage uniquement, l'entreprise commune soit presque totalement tributaire des ventes à ses sociétés mères ou des achats auprès de celles-ci ne remet normalement pas en cause son caractère "de plein exercice". Mais cette phase de démarrage ne devra pas, en principe, dépasser une durée de trois ans, en fonction des conditions spécifiques qui règnent sur le marché en question.

En l'espèce, les ventes aux coopératives fondatrices revêtiront un caractère durable dans la mesure où celles-ci s'engagent à se fournir exclusivement auprès de Axso en engrais et amendements minéraux et ce, aussi longtemps qu'elles demeureront dans la structure commune.

Dès lors, la Commission européenne précise que "lorsque les ventes de l'entreprise commune à ses sociétés mères doivent revêtir un caractère durable, la question essentielle est de savoir si l'entreprise commune est appelée à jouer un rôle actif sur le marché indépendamment de ces ventes et peut être considérée comme étant économiquement autonome d'un point de vue fonctionnel. À cet égard, la part relative des ventes aux sociétés mères dans la production totale de l'entreprise commune est un facteur important". Lorsque l'entreprise commune réalise moins de 50 % de son chiffre d'affaires avec des tiers, la Commission indique qu'"il convient, pour déterminer l'autonomie fonctionnelle de l'entreprise commune, d'examiner au cas par cas si sa relation avec les sociétés mères est vraiment de type commercial. À cet effet, il faut démontrer que l'entreprise commune fournit ses biens ou services à celui qui les valorise le plus et qui paie le plus cher et qu'elle traite en toute indépendance avec ses sociétés mères, sur la base de conditions commerciales normales". Pour déterminer le rapport entre les ventes aux sociétés mères et celles aux tiers, la Commission prend en considération les comptes antérieurs et les plans d'entreprise dûment étayés et, lorsque des ventes substantielles à l'égard des tiers sont difficilement prévisibles, la structure du marché.

En l'espèce, les ventes aux sociétés mères représenteront une part très importante des ventes de la structure commune. En effet, selon les projections des parties, les ventes de l'entreprise commune à destination de tiers seraient limitées, pour la première année d'exercice, à environ 8,6 % du total, pour l'année suivante, à environ 13,6 % et pour la troisième année, à environ 25 %. De plus, si la part des ventes aux tiers pour la première année s'appuie directement sur les débouchés actuels des coopératives fondatrices - elles fournissent actuellement Agrifert situé à Seignosse (40), Fertiprod situé à Perpignan (66) et Windfert situé à Gisors (27) - débouchés susceptibles d'être apportés à l'entreprise commune, les projections pour les années suivantes ne sont pas étayées d'éléments précis. Les parties ne font mention que d'une déclaration d'intérêt émanant d'un seul client et non chiffrée.

Par conséquent, au vu des éléments développés ci-dessus, l'entreprise commune issue de l'opération, Axso, ne peut être considérée comme étant de plein exercice et sa création ne constitue pas une concentration au sens de l'article L. 430-1.

En conséquence, l'opération n'est pas soumise au contrôle des concentrations prévu aux articles L. 430-3 et suivants du Code de commerce.

1 Les caractéristiques que doit présenter une entreprise commune pour pouvoir être qualifiée d'entreprise de plein exercice sont énumérées dans la communication consolidée de la Commission européenne (point 94 à 100) et les lignes directives de l'Autorité de la concurrence (paragraphes 54 à 56).

2 Lignes directrices de l'Autorité de la concurrence relatives au contrôle des concentrations, § 55.3 En outre, les caractéristiques des marchés concernés sont peu favorables au développement significatif des ventes de l'entreprise commune auprès des tiers. Les ventes d'engrais sont en effet réalisées dans une large partie par les coopératives agricoles auprès de leurs adhérents qui sont souvent liés par des obligations d'approvisionnement. De ce fait, comme le confirment les parties, l'activité d'Axso auprès de tiers serait essentiellement limitée à l'approvisionnement de petits négociants qui n'achètent pas directement auprès des fabricants.