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Décisions

Cass. com., 21 février 2012, n° 09-15.438

COUR DE CASSATION

Arrêt

Cassation

PARTIES

Demandeur :

Aria (SAS)

Défendeur :

Eastman chemical BV (SARL)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Favre

Rapporteur :

Mme Mandel

Avocat général :

M. Carre-Pierrat

Avocats :

Me Copper-Royer, SCP Bénabent

Paris, 25e ch. A, du 25 mars 2009

25 mars 2009

LA COUR : - Attendu, selon l'arrêt attaqué, que le 7 juin 1999, la société Aria, qui distribuait déjà les résines de la société Mc Worther, a conclu avec cette société un contrat de représentation pour la commercialisation de résines poudres produites en Europe ; qu'à la suite du rachat des titres de la société Mc Worther par la société Eastman chemical (société Eastman), cette dernière a mis fin au contrat de représentation à effet au 31 décembre 2001 ; que le 1er janvier 2002 un nouveau contrat de représentation non exclusive a été conclu, pour la France et pour une durée indéterminée, entre les sociétés Eastman et Aria ; que, parallèlement, cette dernière est restée le distributeur de la société Eastman ; que le 25 octobre 2002, la société Eastman a notifié à la société Aria la cessation du contrat de représentation à effet au 31 décembre 2002 et a également mis fin à la relation de distribution ; que la société Aria ayant demandé le paiement d'indemnités pour rupture du contrat de représentation et du contrat de distribution, la société Eastman, à titre reconventionnel, a réclamé le paiement de factures ;

Sur le second moyen : - Attendu que la société Aria fait grief à l'arrêt de l'avoir déboutée de sa demande d'indemnité de rupture du contrat de distribution, alors, selon le moyen : 1°) que seule une inexécution suffisamment grave de ses obligations par une partie, caractérisant l'impossibilité de poursuivre une relation commerciale établie, est susceptible de justifier sa rupture brutale et unilatérale par son cocontractant ; que cette rupture ne saurait s'expliquer par la simple existence de relations devenues conflictuelles entre les parties ; que pour dénier purement et simplement à la société Aria tout droit à indemnité au titre de la rupture du contrat de distribution, la cour d'appel s'est cependant bornée à relever l'existence d'un désaccord entre les parties sur le montant de l'indemnité due au titre de " la rupture du contrat de représentation ", justifiant selon elle l'arrêt des livraisons par la société Eastman faute de règlement d'un arriéré de factures par la société Aria ; qu'en statuant ainsi sans rechercher si l'inexécution du contrat de distribution ainsi imputée à la société Aria revêtait une gravité suffisante, caractérisant l'impossibilité de le poursuivre, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des dispositions de l'article L. 442-6 I du Code de commerce et de l'article 1184 du Code civil ; 2°) qu'engage la responsabilité de son auteur et l'oblige à réparer le préjudice causé le fait d'avoir rompu brutalement et unilatéralement toute relation commerciale établie sans que la victime de ladite rupture n'ait à établir qu'elle bénéficiait d'une exclusivité ; qu'en déboutant, dès lors, la société Aria de son droit à indemnité au titre de la rupture du contrat de distribution, motifs pris de ce que " la société Aria ne démontre pas qu'elle bénéficiait d'une clause d'exclusivité pour la distribution des produits ", la cour d'appel a violé les dispositions de l'article L. 442-6 I du Code de commerce ; 3°) que la société Aria faisait valoir, aux termes de ses conclusions récapitulatives d'appel que pendant leurs relations contractuelles, la société Eastman avait, à son insu, pris contact avec l'une de ses clientes, la société Borio pour lui proposer de lui vendre directement ses produits ; qu'à l'appui de ses conclusions, la société Aria avait produit une lettre adressée par la société Eastman à Akzo Boiro du 18 novembre 2002 aux termes de laquelle la société Eastman vous " propose d'établir une relation directe sans intermédiaire, pour tous les produits de la marque Eastman (...) " ; que la cour d'appel a cependant débouté la société Aria de tout droit à indemnité au titre de la rupture du contrat de distribution motifs pris de ce qu'elle n'établirait pas que la société Eastman aurait tenté de prendre directement contact avec l'une de ses clientes, la société Boiro ; qu'en statuant ainsi aux seuls motifs que la société Aria ne verse aux débats qu'un mail de protestation de sa part adressé à " la société Eastman le 27 mars 2003 ", sans avoir nul égard à la lettre parfaitement explicite adressée par la société Eastman à la société Boiro du 18 novembre 2002 telle que régulièrement produite, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des dispositions de l'article L. 442-6 I du Code de commerce ;

Mais attendu que l'arrêt relève que si la société Eastman, après avoir accepté de poursuivre les relations commerciales avec la société Aria pour la distribution de ses produits jusqu'au 30 juin 2004, a cessé ses livraisons fin avril 2003, c'est après lui avoir demandé, par lettre du 25 mars 2003, de régler le montant de ses factures impayées qui s'élevait à 130 000 euro ; qu'il constate qu'alors que la société Eastman admettait lui devoir une somme de 54 357,86 euro, au titre de l'indemnité de rupture du contrat de représentation, la société Aria, en dépit d'une mise en demeure de régler, après compensation, la somme de 75 779,94 euro, s'est abstenue sans motif légitime ; qu'il relève enfin que la société Aria, qui ne bénéficiait d'aucune exclusivité de distribution, ne démontrait pas que la société Eastman eût cherché à contacter l'un de ses clients pour lui vendre des produits à un prix inférieur ; qu'en l'état de ces constatations et appréciations, la cour d'appel qui ne s'est pas fondée sur la seule absence de clause d'exclusivité et qui a caractérisé un manquement grave de la société Aria à ses obligations envers la société Eastman a pu, sans avoir à s'expliquer sur les éléments de preuve qu'elle écartait des débats, statuer comme elle a fait ; que le moyen n'est pas fondé ;

Et attendu que le premier moyen, pris en sa première branche, ne serait pas de nature à permettre l'admission du pourvoi ;

Mais sur le premier moyen, pris en sa seconde branche : - Vu l'article 1134 du Code civil ; - Attendu que pour fixer à 54 357,86 euro, la somme due par la société Eastman à la société Aria au titre de l'indemnité de rupture du contrat de représentation et, après compensation partielle des dettes réciproques, condamner la seconde à payer à la première la somme de 157 307,76 euro, l'arrêt retient que, selon les modalités de l'article 19 du contrat du 7 juin 1999, cette indemnité doit être calculée sur la base des commissions de l'année 2001 ;

Attendu qu'en se déterminant ainsi, alors qu'il résulte des conclusions des parties que la somme retenue correspond aux commissions pour la période du 1er janvier au 25 octobre 2002, la cour d'appel, qui n'a pas recherché quelles étaient les commissions pour l'année 2001, n'a pas donné de base légale à sa décision ;

Par ces motifs : Casse et annule, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 25 mars 2009, entre les parties, par la Cour d'appel de Paris ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit les renvoie devant la Cour d'appel de Paris autrement composée.