CJUE, 3e ch., 15 décembre 2011, n° C-427/10
COUR DE JUSTICE DE L’UNION EUROPEENNE
Arrêt
PARTIES
Demandeur :
Banca Antoniana Popolare Veneta SpA
Défendeur :
Ministero dell'Economia e delle Finanze, Agenzia delle Entrate
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président de chambre :
M. Lenaerts
Avocat général :
M. Mazák
Juges :
MM. Juhász, Arestis (Rapporteur), von Danwitz, váby
Avocats :
Mes Fantozzi, Tieghi, Esposito
LA COUR (troisième chambre),
1 La demande de décision préjudicielle porte sur l'interprétation des principes de neutralité fiscale, d'effectivité et de non-discrimination relatifs à la taxe sur la valeur ajoutée (ci-après la "TVA").
2 Cette demande a été présentée dans le cadre d'un litige opposant Banca Antoniana Popolare Veneta SpA, incorporante la Banca Nazionale dell'Agricoltura SpA (ci-après "BAPV"), au Ministero dell'Economia e delle Finanze et à l'Agenzia delle Entrate (ci-après, ensemble, l'"administration fiscale"), au sujet du refus de cette dernière de rembourser à BAPV la TVA indue ayant grevé des prestations de recouvrement de contributions consortiales qu'elle a effectuées.
Le cadre juridique
La réglementation de l'Union
3 L'article 2 de la sixième directive 77-388-CEE du Conseil, du 17 mai 1977, en matière d'harmonisation des législations des États membres relatives aux taxes sur le chiffre d'affaires - Système commun de taxe sur la valeur ajoutée: assiette uniforme (JO L 145, p. 1), prévoyait:
"Sont soumises à la taxe sur la valeur ajoutée:
1. les livraisons de biens et les prestations de services, effectuées à titre onéreux à l'intérieur du pays par un assujetti agissant en tant que tel;
[...]"
4 L'article 13 B, sous d), points 2 et 3, de cette directive disposait:
"B. Autres exonérations
Sans préjudice d'autres dispositions communautaires, les États membres exonèrent, dans les conditions qu'ils fixent en vue d'assurer l'application correcte et simple des exonérations prévues ci-dessous et de prévenir toute fraude, évasion et abus éventuels:
[...]
d) les opérations suivantes:
[...]
2. la négociation et la prise en charge d'engagements, de cautionnements et d'autres sûretés et garanties ainsi que la gestion de garanties de crédits effectuée par celui qui a octroyé les crédits;
3. les opérations, y compris les négociations, concernant les dépôts de fonds, comptes courants, paiements, virements, créances, chèques et autres effets de commerce, à l'exception du recouvrement des créances".
5 Aux termes de l'article 13 C, premier alinéa, de ladite directive:
"C. Options
Les États membres peuvent accorder à leurs assujettis le droit d'opter pour la taxation:
[...]
b) des opérations visées sous B sous d) [...]"
6 L'article 21 de la sixième directive 77-388, intitulé "Redevables de la taxe envers le Trésor", énonçait, à son paragraphe 1, sous a):
"La taxe sur la valeur ajoutée est due:
1. en régime intérieur:
a) par l'assujetti effectuant une opération imposable autre que celles visées à l'article 9 paragraphe 2 sous e) et effectuées par un assujetti établi à l'étranger. Lorsque l'opération imposable est effectuée par un assujetti établi à l'étranger, les États membres peuvent prendre des dispositions prévoyant que la taxe est due par une autre personne. Un représentant fiscal ou le destinataire de l'opération imposable peuvent notamment être désignés à cet effet. Les États membres peuvent également prévoir qu'une personne, autre que l'assujetti, est solidairement tenue d'acquitter la taxe".
La réglementation nationale
7 L'article 10, paragraphe 5, du décret du président de la République nº 633 du 26 octobre 1972, instituant et régissant la taxe sur la valeur ajoutée (supplément ordinaire à la GURI nº 1, du 11 novembre 1972, p. 1, ci-après le "DPR nº 633-72"), dispose:
"Sont exonérées de la taxe:
[...]
5. les opérations relatives au recouvrement des impôts, y compris les opérations relatives aux versements de taxe effectués par des entreprises et des instituts de crédit pour le compte des contribuables, en vertu de dispositions légales particulières".
8 Aux termes de l'article 21 du décret législatif nº 546 du 31 décembre 1992, portant dispositions relatives à la procédure fiscale en application de la délégation donnée au gouvernement aux termes de l'article 30 de la loi nº 413 du 30 décembre 1991 (supplément ordinaire à la GURI nº 8, du 13 janvier 1993, p. 1):
"1. Sous peine d'irrecevabilité, le recours doit être introduit dans les soixante jours suivant la date de notification de l'acte attaqué. La notification de l'ordre de paiement vaut également notification du rôle.
2. Le recours contre le refus tacite de restitution visé à l'article 19, paragraphe 1, point g), peut être introduit à compter du quatre-vingt-dixième jour suivant la demande de restitution présentée dans les délais prévus par chaque loi fiscale et jusqu'à prescription du droit à restitution. En l'absence de dispositions spécifiques, la demande de restitution ne peut être présentée au-delà d'un délai de deux ans à compter du paiement ou de la date de survenance du fait générateur donnant lieu à remboursement, si cette dernière date est postérieure."
9 Conformément à l'article 2033 du code civil qui réglemente l'indu objectif:
"Quiconque a effectué un paiement indu a le droit de réclamer le remboursement de son paiement. Il a en outre droit aux intérêts à compter du jour du paiement si le bénéficiaire était de mauvaise foi, ou, si celui-ci était de bonne foi, à compter du jour de la demande (article 163 du code de procédure civile)."
10 L'article 2946 du code civil prévoit la prescription ordinaire:
"À l'exception des cas où la loi en dispose autrement, les droits s'éteignent par prescription passé un délai de dix ans."
11 Conformément à l'article 2935 du code civil, la prescription commence à courir à partir du jour où le droit peut être invoqué.
Le litige au principal et les questions préjudicielles
12 Durant les années 1984 à 1994, BAPV a fourni des prestations de recouvrement de contributions consortiales dues par les associés pour le compte de trois consortiums d'assainissement, à savoir des organismes publics régis par les lois nationales et régionales et chargés de réaliser des travaux d'infrastructure publique. Les rémunérations perçues en contrepartie de ces prestations ayant été assujetties à la TVA, BAPV a répercuté celle-ci sur ces consortiums. La TVA a été régulièrement versée par BAPV à l'administration fiscale selon les modalités prévues par la loi, ladite administration estimant à l'époque que l'activité de recouvrement de contributions consortiales ne relevait pas de l'exonération prévue à l'article 10, paragraphe 5, du DPR n° 633-72.
13 Par une circulaire datée du 26 février 1999, l'administration fiscale a fait savoir qu'elle modifiait son interprétation initiale de cette disposition en indiquant que les contributions consortiales étaient de nature fiscale, et que, par conséquent, les rémunérations dues par les consortiums pour les services de recouvrement de ces contributions devaient être considérées comme exonérées de TVA, au sens de l'article 10, paragraphe 5, du DPR nº 633-72.
14 Les consortiums d'assainissement ont donc sollicité auprès de SIFER SpA, société qui a succédé à BAPV, la restitution, à titre d'indu objectif, au sens de l'article 2033 du code civil, des sommes indûment payées au titre de la TVA sur lesdites rémunérations. À la suite du recours de l'un des consortiums devant le Tribunale civile di Ferrara, BAPV a été condamnée à rembourser lesdites sommes.
15 Pour sa part, BAPV a présenté à l'administration fiscale des demandes de remboursement de la TVA correspondant aux sommes qui lui avaient été réclamées par les preneurs de ses services. Devant le refus implicite qui lui a été opposé, BAPV a introduit devant la Commissione tributaria provinciale di Roma (commission provinciale de Rome statuant en matière fiscale) trois recours distincts, auxquels cette juridiction a fait droit.
16 Toutefois, l'administration fiscale ayant interjeté appel des trois décisions rendues, la Commissione tributaria regionale del Lazio (commission régionale du Latium statuant en matière fiscale), après jonction des appels, a jugé que BAPV était déchue du droit au remboursement, car sa demande de remboursement intervenait après l'expiration du délai de prescription spécifique de deux ans suivant le paiement de la TVA, prévu à l'article 21, paragraphe 2, du décret législatif nº 546 du 31 décembre 1992. À cet égard, ladite juridiction a indiqué que la circulaire administrative du 26 février 1999 ne pouvait pas constituer le fait générateur à partir duquel commençait à courir ce délai.
17 BAPV a formé un pourvoi en cassation devant la Corte suprema di cassazione contre cette décision.
18 La Corte suprema di cassazione a des doutes sur la compatibilité des règles de procédure nationales avec les principes directeurs en matière de TVA, eu égard à la circonstance que ces règles peuvent donner lieu à des situations telles que celle en cause en l'espèce, qui conduisent à la négation substantielle du droit au remboursement de la TVA indûment versée. En effet, cette juridiction relève que BAPV, qui a versé la TVA à l'administration fiscale, se trouve obligée, en application d'une décision d'une juridiction civile, de rembourser cette TVA à la personne qui s'en était acquittée, sans pouvoir en obtenir le remboursement de la part de l'administration fiscale. Ainsi, selon cette juridiction, les dispositions du droit national relatives aux modalités procédurales et les règles de droit matériel régissant le remboursement de la taxe indue aboutiraient à rendre pratiquement impossible l'exercice du droit au remboursement.
19 Dans ces conditions, la Corte suprema di cassazione a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour les questions préjudicielles suivantes :
"1) Les principes d'effectivité, de non-discrimination et de neutralité fiscale en matière de TVA font-ils obstacle à une réglementation ou une pratique nationale prévoyant que le droit de l'acquéreur/client au remboursement de la TVA versée à tort s'analyse, à la différence du droit exercé par le débiteur principal (fournisseur ou prestataire de services), en un droit à la répétition de l'indu objectif de droit commun, et que le délai prévu pour l'acquéreur/client est sensiblement plus long que celui retenu pour le débiteur principal, de sorte que la demande de l'acquéreur/client, introduite alors que le délai prévu pour le débiteur principal a expiré, puisse aboutir à la condamnation du débiteur principal au remboursement, sans que ce dernier ne puisse plus demander le remboursement auprès de l'administration des finances, et ce en l'absence de toute disposition permettant de coordonner les procédures engagées ou devant être engagées devant les différentes juridictions en vue de prévenir des conflits ou des désaccords ?
2) Indépendamment de l'hypothèse précédente, les principes susmentionnés sont-ils compatibles avec une pratique ou une jurisprudence nationale permettant qu'une décision ordonnant le remboursement soit prononcée à l'encontre du fournisseur/prestataire de services et en faveur de l'acquéreur/client, lorsque le fournisseur/prestataire de services n'a pas exercé l'action en remboursement auprès d'une autre juridiction dans les délais qui lui étaient impartis, en s'appuyant sur une interprétation jurisprudentielle, suivie par la pratique administrative, et selon laquelle l'opération est soumise à la TVA ?"
Sur les questions préjudicielles
Sur la première question
20 Par sa première question, la juridiction de renvoi demande, en substance, si les principes d'effectivité, de neutralité fiscale et de non-discrimination s'opposent à une réglementation nationale relative à la répétition de l'indu, telle que celle en cause au principal, qui prévoit un délai de prescription spécifique pour l'action en remboursement de droit fiscal qui est plus court que celui pour l'action de droit civil en répétition de l'indu, de sorte qu'un preneur de services exerçant une telle action à l'encontre d'un fournisseur de services pourrait obtenir le remboursement de la TVA indue auprès dudit fournisseur sans que ce dernier puisse à son tour en obtenir le remboursement auprès de l'administration fiscale.
21 À titre liminaire, il convient de relever que, en règle générale, la Cour n'examine pas le principe de neutralité fiscale afin de déterminer si le droit de l'Union s'oppose à une réglementation nationale prévoyant des délais de prescription pour demander le remboursement de la TVA (voir, en ce sens, arrêts du 19 novembre 1998, SFI, C-85-97, Rec. p. I-7447, points 22 à 36; du 11 juillet 2002, Marks & Spencer, C-62-00, Rec. p. I-6325, points 22 à 47, et du 21 janvier 2010, Alstom Power Hydro, C-472-08, Rec. p. I-623, points 14 à 22).
22 Dans l'arrêt du 15 mars 2007, Reemtsma Cigarettenfabriken (C-35-05, Rec. p. I-2425), la Cour a jugé que, en l'absence de réglementation communautaire en matière de demande de restitution de taxes indûment perçues, il appartenait à l'ordre juridique interne de chaque État membre de prévoir les conditions dans lesquelles ces demandes peuvent être exercées, ces conditions devant respecter les principes d'équivalence et d'effectivité, c'est-à-dire qu'elles ne doivent pas être moins favorables que celles concernant des réclamations semblables fondées sur des dispositions de droit interne ni aménagées de manière à rendre pratiquement impossible l'exercice des droits conférés par l'ordre juridique communautaire (point 37).
23 Au point 42 de l'arrêt Reemtsma Cigarettenfabriken, précité, la Cour a notamment dit pour droit que le principe d'effectivité ne s'oppose pas à une législation nationale en vertu de laquelle le fournisseur/prestataire de services peut seul demander le remboursement des sommes indûment versées au titre de la TVA aux autorités fiscales et le preneur de services peut exercer une action de droit civil en répétition de l'indu à l'encontre de ce fournisseur/prestataire de services.
24 La Cour a aussi reconnu la compatibilité avec le droit de l'Union de la fixation de délais raisonnables de recours, à peine de forclusion, dans l'intérêt de la sécurité juridique, qui protège à la fois le contribuable et l'administration concernés. En effet, de tels délais ne sont pas de nature à rendre pratiquement impossible ou excessivement difficile l'exercice des droits conférés par l'ordre juridique de l'Union (voir, en ce sens, arrêts du 17 novembre 1998, Aprile, C-228-96, Rec. p. I-7141, point 19, et du 30 juin 2011, Meilicke e.a., C-262-09, non encore publié au Recueil, point 56).
25 Ainsi en va-t-il d'un délai de prescription de deux ans, dès lors que ce délai est, en principe, de nature à permettre à tout assujetti normalement diligent de faire valablement valoir les droits qu'il tire de l'ordre juridique de l'Union (voir, en ce sens, arrêt Alstom Power Hydro, précité, points 20 et 21). Un tel constat vaut également pour un délai de prescription de deux ans dans le cadre du droit au remboursement de la TVA indûment versée à l'administration fiscale.
26 La Cour a également jugé que le principe d'effectivité n'est pas méconnu dans le cas d'un délai national de prescription prétendument plus avantageux pour l'administration fiscale que le délai de prescription en vigueur pour les particuliers (arrêt du 8 septembre 2011, Q-Beef et Bosschaert, C-89-10 et C-96-10, non encore publié au Recueil, point 42).
27 Par conséquent, prévoir un délai de prescription spécifique de deux ans pendant lequel l'assujetti peut réclamer à l'administration fiscale le remboursement de la TVA indue, alors que le délai de prescription des actions en répétition de l'indu objectif entre les particuliers est de dix ans, n'est pas, en soi, contraire au principe d'effectivité.
28 La Cour a cependant déjà jugé que, dans le cas où le remboursement de la TVA deviendrait impossible ou excessivement difficile, les États membres doivent prévoir les instruments nécessaires pour permettre au preneur de services de récupérer la taxe indûment facturée afin de respecter le principe d'effectivité (arrêt Reemtsma Cigarettenfabriken, précité, point 42).
29 Ces mêmes considérations doivent prévaloir lorsque l'impossibilité ou la difficulté excessive d'obtenir le remboursement de la TVA indue affecte, non pas le preneur de services, mais le fournisseur de ceux-ci.
30 Il résulte également de la jurisprudence que le principe d'effectivité serait méconnu dans l'hypothèse où l'assujetti n'aurait eu ni le droit d'obtenir le remboursement de la taxe concernée pendant le délai d'action dont il dispose à l'égard de l'administration fiscale, ni, à la suite d'une action en répétition de l'indu engagée postérieurement à l'expiration dudit délai par ses clients à son encontre, la possibilité de se retourner contre l'administration fiscale, de sorte que les conséquences des paiements indus de la TVA imputables à l'État seraient uniquement supportées par l'assujetti à cette taxe (voir, par analogie, arrêt Q-Beef et Bosschaert, précité, point 43).
31 De même, il a déjà été jugé qu'une autorité nationale ne peut exciper de l'écoulement d'un délai de prescription raisonnable si le comportement des autorités nationales, combiné avec l'existence d'un délai de prescription, aboutit à priver totalement une personne de la possibilité de faire valoir ses droits devant les juridictions nationales (voir, par analogie, arrêt Q-Beef et Bosschaert, précité, point 51).
32 Dans l'affaire au principal, il convient de souligner, tout d'abord, que, ainsi que l'a relevé la Commission européenne à l'audience, il aurait été impossible ou, à tout le moins, excessivement difficile pour BAPV d'obtenir, par une action introduite dans le délai de prescription de deux ans, la récupération de la TVA payée au cours des années 1984 à 1994, eu égard, notamment, à la position de l'administration fiscale, confirmée par la jurisprudence nationale selon les indications fournies par la juridiction de renvoi, qui excluait les services fournis par BAPV du champ de l'exonération prévue à l'article 10, paragraphe 5, du DPR nº 633-72.
33 Ensuite, en conférant un effet rétroactif à la circulaire du 26 février 1999, l'interprétation effectuée par la juridiction de renvoi, ainsi que par la décision de justice mentionnée au point 16 du présent arrêt, conduit à faire rétroagir le point de départ des actions en répétition à la date du paiement de la TVA, ce qui, compte tenu du délai de prescription de deux ans attaché à l'action en répétition d'indu ouverte au fournisseur du service à l'encontre de l'administration fiscale, a privé totalement ce dernier de la possibilité de récupérer la taxe indûment versée.
34 Enfin, il est constant que les consortiums ont engagé l'action en répétition de l'indu postérieurement au délai de prescription spécifique de deux ans dont disposait BAPV, à compter du paiement de la TVA selon l'interprétation jurisprudentielle susmentionnée, pour réclamer à l'administration fiscale le remboursement de la TVA indûment versée.
35 En effet, lesdits consortiums ont exercé l'action en répétition de l'indu à la suite de la publication de la circulaire du 26 février 1999 par laquelle l'administration fiscale a modifié son interprétation de la nature des opérations en cause au principal en les considérant désormais comme des opérations exonérées de TVA.
36 Par conséquent, il y a lieu de relever que, dans une situation telle que celle en cause au principal, BAPV supporte elle-même le paiement de la TVA indue sans avoir la possibilité de réclamer effectivement son remboursement auprès de l'administration fiscale du fait de l'expiration du délai de prescription spécifique de deux ans, alors même qu'une telle situation ne lui est pas imputable, mais tient au fait que, eu égard à ladite circulaire, les preneurs de services ont engagé une action en répétition de l'indu à l'encontre de BAPV après l'expiration dudit délai.
37 En effet, rien dans le dossier transmis par la juridiction de renvoi ne laisse supposer que BAPV n'aurait pas agi en tant qu'opérateur économique prudent et avisé en fournissant les opérations de recouvrement des contributions consortiales contre le paiement d'un prix comprenant la TVA et en versant la TVA à l'administration fiscale.
38 À cet égard, il ressort de la décision de renvoi que BAPV a correctement soumis à la TVA les opérations de recouvrement des contributions consortiales qu'elle a effectuées et a correctement versé cette taxe à l'administration fiscale, conformément à la pratique suivie par cette administration à l'époque de la facturation desdites opérations.
39 Le gouvernement italien a toutefois relevé que la question du statut de ces opérations au regard de la TVA faisait l'objet d'une controverse depuis un certain temps, si bien qu'un opérateur économique prudent et avisé ne pouvait avoir une confiance légitime dans le maintien de la soumission à la TVA de ces opérations.
40 Cependant, il y a lieu d'observer que ce n'est qu'avec la circulaire du 26 février 1999 qu'il est devenu clair que l'administration fiscale, qui est l'autorité administrative chargée d'assurer l'application de la législation concernée, a explicitement affirmé que les contributions consortiales avaient la nature d'une taxe et que les rémunérations dues par les consortiums devaient être considérées comme exonérées de TVA, au sens de l'article 10, paragraphe 5, du DPR n° 633-72. Dès lors, une telle circulaire a remis en cause, de manière rétroactive, l'imposition à la TVA des opérations de recouvrement de ces contributions.
41 Dans une telle situation, ladite administration doit tenir compte des situations particulières des opérateurs économiques et doit prévoir, le cas échéant, des adaptations à l'application de ses nouvelles appréciations juridiques sur lesdites opérations (voir, en ce sens, arrêt du 10 septembre 2009, Plantanol, C-201-08, Rec. p. I-8343, point 49).
42 Il ressort ainsi des considérations qui précèdent que le principe d'effectivité ne s'oppose pas à une réglementation nationale relative à la répétition de l'indu, qui prévoit un délai de prescription plus long pour l'action de droit civil en répétition de l'indu, exercée par le preneur de services à l'encontre du fournisseur de ces services, assujetti à la TVA, que le délai de prescription spécifique pour l'action en remboursement de droit fiscal, exercée par ce fournisseur à l'encontre de l'administration fiscale, pour autant que cet assujetti puisse effectivement réclamer le remboursement de cette taxe à cette administration. Cette dernière condition n'est pas remplie lorsque l'application d'une telle réglementation a pour conséquence de priver totalement l'assujetti du droit d'obtenir auprès de l'administration fiscale la récupération de la TVA indue qu'il a lui-même dû rembourser au preneur de ses services.
Sur la seconde question
43 Compte tenu de la réponse apportée à la première question, il n'y a pas lieu de répondre à la seconde question.
Sur les dépens
44 La procédure revêtant, à l'égard des parties au principal, le caractère d'un incident soulevé devant la juridiction de renvoi, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens. Les frais exposés pour soumettre des observations à la Cour, autres que ceux desdites parties, ne peuvent faire l'objet d'un remboursement.
Par ces motifs, la Cour (troisième chambre) dit pour droit:
Le principe d'effectivité ne s'oppose pas à une réglementation nationale relative à la répétition de l'indu, qui prévoit un délai de prescription plus long pour l'action de droit civil en répétition de l'indu, exercée par le preneur de services à l'encontre du fournisseur de ces services, assujetti à la taxe sur la valeur ajoutée, que le délai de prescription spécifique pour l'action en remboursement de droit fiscal, exercée par ce fournisseur à l'encontre de l'administration fiscale, pour autant que cet assujetti puisse effectivement réclamer le remboursement de cette taxe à cette administration. Cette dernière condition n'est pas remplie lorsque l'application d'une telle réglementation a pour conséquence de priver totalement l'assujetti du droit d'obtenir auprès de l'administration fiscale la récupération de la taxe sur la valeur ajoutée indue qu'il a lui-même dû rembourser au preneur de ses services.