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Décisions

CA Douai, 2e ch. sect. 1, 23 février 2012, n° 11-07697

DOUAI

Arrêt

Infirmation

PARTIES

Demandeur :

Cabinet Exid Expertises (SA)

Défendeur :

Européenne de Règlement (GIE), GCE Assurances (SA)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Parenty

Conseillers :

Mmes Valay-Briere, Delattre

Avocats :

SCP Deleforge, Franchi, SCP Carlier Regnier, Mes Wibaut, Desurmont, Laurent, Laveault, Siu-Billot, Gosset

T. com. Lille, du 17 févr. 2011

17 février 2011

Vu le jugement contradictoire du Tribunal de commerce de Lille du 17 février 2011 qui a constaté que les conditions d'application de l'article L. 442-6 relatif aux ruptures brutales de relations commerciales établies étaient réunies, débouté la Compagnie Ecureuil Assurances Iard (devenue CGE Assurances) de sa demande de non-application, fixé à 12 mois la durée de préavis, condamné la Compagnie Ecureuil Assurances Iard à réparer l'entier préjudice de la SARL Exid Expertises arrêté à la somme globale de 77 100 euro outre les intérêts de droit à compter de l'assignation valant sommation de payer, constaté que le GIE Européenne de Règlement (GIE EDR), appelée en garantie par CGE Assurances, était seul responsable de l'envoi du courrier du 1er février 2008, condamné le GIE Européenne de Règlement à garantir la SA GCE Assurances (CGEA) de toutes condamnations prononcées à son encontre, ordonné l'exécution provisoire, condamné la SA GCEA à payer à la SARL Exid Expertises, la somme de 3 000 euro en application de l'article 700 du Code de procédure civile, condamné le GIE Européenne de Règlement à payer à la SA GCEA, la somme de 3 000 euro en application de l'article 700 du Code de procédure civile, débouté les parties de toutes leurs autres demandes plus amples ou contraires, mis les frais et dépens de l'instance à l'entière charge du GIE Européenne de Règlement ;

Vu l'appel interjeté le 14 mars 2011, par le GIE Européenne de Règlement;

Vu l'ordonnance d'incident du 2 novembre 2011 de la Cour d'appel de Douai qui a constaté qu'elle n'était pas compétente pour statuer sur l'appel introduit par le GIE Européenne de Règlement ; renvoyé la cause et les parties devant la Cour d'appel de Paris saisie par le GIE Européenne de Règlement; le 25 juillet 2011, condamné le GIE Européenne de Règlement; à payer aux sociétés CGE Assurances et Exid Expertises la somme de 1 500 euro chacune en application de l'article 700 du Code de procédure civile, condamné le GIE Européenne de Règlement; aux dépens de la procédure incidente avec possibilité de recouvrement direct dans les conditions de l'article 699 du Code de procédure civile ;

Vu la requête en déféré déposée le 15 novembre 2011 par la société Cabinet Exid Expertises, aux termes de laquelle elle demande à la cour, sur le fondement des articles 916 du Code de procédure civile et D. 442-3 du Code de commerce, de déclarer recevable et bien fondée sa requête, d'infirmer partiellement l'ordonnance déférée, en ce qu'elle a renvoyé la connaissance de l'affaire devant la Cour d'appel de Paris, de dire l'appel enregistré le 14 mars 2011 par le GIE Européenne de Règlement irrecevable, et de le condamner aux dépens ;

Vu la requête en déféré du 17 novembre 2011 du GIE Européenne de Règlement, aux termes de laquelle il demande à la cour de déclarer recevable et bien fondée sa requête, à titre principal, de constater que la Cour d'appel de Douai est compétente en vertu des règles applicables au litige, dont l'article 8 du décret 2009-1384 du 11 novembre 2009, de déclarer recevable l'appel qu'elle a régularisé le 14 mars 2011 à l'encontre du jugement du Tribunal de commerce de Lille du 17 février 2011, à titre subsidiaire, de constater l'inapplicabilité de l'article D. 442-3 du Code de commerce, et de déclarer recevable l'appel qu'elle a régularisé le 14 mars 2011, à titre parfaitement subsidiaire, de dire que le délai d'appel a été valablement interrompu, et de renvoyer l'affaire devant la Cour d'appel de Paris, en tout état de cause, de condamner le cabinet Exid Expertises à lui payer la somme de 1 500 euro au titre de l'article 700 du Code procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens, dont distraction au profit de la SCP Thery-Laurent ;

Vu les conclusions de la société Cabinet Exid Expertises du 18 janvier 2012, aux termes desquelles elle sollicite de déclarer recevable sa requête en déféré, de confirmer l'ordonnance déférée en ce qu'elle a retenu que seule la Cour d'appel de Paris était compétente, de l'infirmer en ce qu'elle a renvoyé la connaissance de l'affaire devant la Cour d'appel de Paris, en conséquence, de déclarer irrecevable l'appel enregistré le 14 mars 2011 par le GIE Européenne de Règlement ; de le condamner à lui payer la somme de 1 500 euro en vertu de l'article 700 du Code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens ;

Vu les conclusions du GIE Européenne de Règlement du 19 janvier 2012, aux termes desquelles elle demande de constater que la Cour d'appel de Douai est compétente, de déclarer recevable l'appel qu'il a interjeté le 14 mars 2011, à titre subsidiaire, de constater l'inapplicabilité de l'article D. 442-3 du Code de commerce, de déclarer recevable l'appel interjeté le 14 mars 2011, à titre infiniment subsidiaire, de renvoyer l'affaire devant la Cour d'appel de Paris, et tout état de cause de condamner la société Cabinet Exid Expertises à lui payer la somme de 1 500 euro au titre de l'article 700 du Code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers frais et dépens de l'incident et du déféré, dont distraction au profit de la SCP Deleforge et Franchi, conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile ;

Vu les conclusions de la SA GCE Assurances, nouvellement dénommée BPCE Assurances du 25 janvier 2012, aux termes desquelles elle demande la confirmation de l'ordonnance déférée en ce que la Cour de céans s'est déclarée incompétente, y compris s'agissant de la procédure afférente à l'appel en garantie, son infirmation en ce qu'elle a renvoyé la cause et les parties devant la Cour d'appel de Paris, en conséquence de dire que l'appel interjeté le 14 mars 2011 par le GIE Européenne de Règlement est irrecevable, outre la condamnation du GIE Européenne de Règlement à lui régler la somme de 3 000 euro au titre de l'article 700 du Code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens d'appel dont distraction au profit de la SCP Carlier Regnier, conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile ;

SUR CE

Sur la jonction

Attendu que, dans un souci de bonne administration de la justice, et eu égard au lien étroit existant entre elles, il convient de joindre les procédures n° 11-08360 et n° 11-07697 ;

Sur la recevabilité des requêtes en déféré

Attendu que les requêtes en déféré de la société Cabinet Exid Expertises et du GIE Européenne de Règlement ont été faites dans les formes et délai légaux ;

Que l'ordonnance du conseiller de la mise en état statuant sur une exception de procédure, les dites requêtes en déféré sont recevables, conformément aux dispositions de l'article 916 du Code de procédure civile ;

Sur la compétence

Attendu que les sociétés Cabinet Exid Expertises et BPCE Assurances indiquent que les règles de compétence inscrites à l'article D. 442-3 du Code de commerce sont applicables à la procédure dont s'agit, comprenant l'appel en garantie du GIE Européenne de Règlement, conformément aux dispositions de l'article 333 du Code de procédure civile ; que pour critiquer l'ordonnance déférée, ils expliquent que le conseiller de la mise en état, en préférant se déclarer incompétent, plutôt que de déclarer l'appel du GIE Européenne de Règlement irrecevable, est venu à l'encontre de la jurisprudence, tant de la Cour d'appel de Paris, que de la deuxième Chambre civile de la Cour de cassation, selon laquelle la cour d'appel saisie, tenue de vérifier la régularité de sa saisine, doit déclarer l'appel irrecevable, lorsqu'elle a été saisie, alors qu'elle n'était pas territorialement compétente;

Que le GIE Européenne de Règlement estime quant à lui que l'appel d'une décision rendue sous le régime ancien des règles ordinaires de compétence, doit être régi par le même régime de règles de compétence, soutenant que la notion de procédure visée à l'article 8 du décret du 11 novembre 2009 englobe tant la première instance que l'appel ;

Qu'il prétend par ailleurs que l'article D. 442-3 du Code de commerce n'est pas applicable au cas de l'espèce, ayant été appelé en garantie par la société BPCE Assurances, non en raison d'une rupture brutale des relations contractuelles, mais en raison d'une mauvaise exécution du mandat qui lui avait été confié, et que dans ces conditions, le décret du 11 novembre 2009 ne lui est pas applicable ;

Attendu néanmoins que, l'article D. 442-3 du Code de commerce, issu du décret n° 2009-1384 du 11 novembre 2009 dispose que pour l'application de l'article L. 442-6, huit juridictions commerciales sont compétentes, dont celle de Lille, et que la cour d'appel compétente pour connaître des décisions rendues par ces juridictions est celle de Paris ;

Que le décret n° 2009-1384 du 11 novembre 2009 a prévu, en son article 8, au titre des dispositions transitoires, que la juridiction primitivement saisie demeure compétente pour statuer sur les procédures introduites antérieurement à la date d'entrée en vigueur du présent décret ;

Que contrairement à ce que prétend le GIE Européenne de Règlement, les procédures de première instance et d'appel sont distinctes, notamment en ce qu'elles sont introduites devant des juridictions et par des actes différents ;

Que le jugement du Tribunal de commerce de Lille du 17 février 2011, condamnant sur le fondement de l'article L. 442-6 du Code de commerce, à titre principal, la société CGEA, et au titre de l'appel en garantie, le GIE Européenne de Règlement est le résultat d'instances introduites avant la date d'entrée en vigueur du décret n°2009-1384 du 11 novembre 2009, à savoir le 1er décembre 2009 ;

Que cependant, la Cour d'appel de Céans a été saisie du recours formé contre ce jugement, par la déclaration d'appel du GIE Européenne de Règlement du 14 mars 2011, soit largement après l'entrée en vigueur dudit décret, modifiant les règles de compétence antérieures ;

Que s'agissant de règles de compétence applicables depuis le 1er décembre 2009, elles régissent, en conséquence, le litige dont s'agit, comprenant tant l'action principale, que son accessoire, à savoir, l'appel en garantie du GIE EDR, étroitement et nécessairement lié, étant rappelé que l'article 333 du Code de procédure civile dispose que le tiers mis en cause est tenu de procéder devant la juridiction saisie de la demande originaire ;

Qu'ainsi, comme l'a justement indiqué le conseiller de la mise en état, la Cour d'appel de Douai n'est pas compétente pour statuer sur l'appel interjeté par le GIE Européenne de Règlement le 14 mars 2011, la Cour d'appel de Paris étant la seule à pouvoir connaître des décisions rendues par les juridictions en application de l'article L. 442-6 du Code de commerce ; que néanmoins, du fait de cette incompétence, la Cour d'appel de Douai est en l'espèce dépourvue de tout pouvoir juridictionnel à l'égard du litige qui lui est soumis ; que ce défaut de pouvoir constituant une fin de non-recevoir, il convient de déclarer l'appel interjeté par le GIE Européenne de Règlement le 14 mars 2011, irrecevable ;

Sur le renvoi

Attendu que les sociétés Cabinet Exid Expertises et BPCE Assurances soutiennent que, la Cour d'appel de Douai se trouvant dépourvue de tout pouvoir juridictionnel à l'égard du litige soumis à elle par erreur, elle ne peut renvoyer la connaissance de l'affaire à la juridiction compétente ;

Qu'en réponse, le GIE Européenne de Règlement affirme que l'appel qu'elle a interjeté devant la Cour d'appel de Douai, même si cette dernière est incompétente, interrompt le délai de prescription en vertu de l'article 2241 du Code civil relatif à tous les délais pour agir et que, conformément aux dispositions des articles 96 du Code de procédure civile, la Cour d'appel de Douai doit renvoyer l'affaire devant la Cour d'appel de Paris ;

Attendu néanmoins que les dispositions de l'article 96 du Code de procédure civile ne pas sont applicables en l'espèce, dans la mesure où il ne s'agit pas d'une décision d'incompétence mais d'une fin de non-recevoir pour défaut de pouvoir juridictionnel de la juridiction saisie ; qu'en conséquence, la Cour de Céans n'a pas la possibilité de renvoyer l'examen de l'appel interjeté par le GIE Européenne de Règlement devant la Cour d'appel de Paris ;

Attendu que le GIE Européenne de Règlement, qui succombe, sera condamné aux dépens de l'incident et du déféré, avec possibilité de recouvrement direct dans les conditions de l'article 699 du Code de procédure civile ;

Attendu qu'il apparaît inéquitable de laisser à la charge des sociétés Cabinet Exid Expertises et BPCE Assurances, les frais exposés par elle dans le cadre de la procédure d'appel relative à l'incident et au déféré, non compris dans les dépens; que le GIE Européenne de Règlement sera condamné à leur payer chacun la somme de 2 500 euro au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ;

Par ces motifs, LA COUR, statuant publiquement, contradictoirement, par arrêt mis à disposition au greffe, Ordonne la jonction des procédures n° 11-08360 et n° 11-07697 ; Déclare recevables les requêtes en déféré de la société Cabinet Exid Expertises et du GIE Européenne de Règlement ; Infirme l'ordonnance déférée, Statuant à nouveau, Déclare irrecevable l'appel interjeté le 14 mars 2011 par le GIE Européenne de Règlement ; Déboute le GIE Européenne de Règlement de sa demande de renvoi devant la Cour d'appel de Paris ; Condamne le GIE Européenne de Règlement à payer aux sociétés Cabinet Exid Expertises et BPCE Assurances la somme de 2 500 euro chacun au titre de ses frais irrépétibles d'incident et de déféré ; Condamne le GIE Européenne de Règlement aux dépens de l'incident et du déféré, qui pourront être recouvrés, directement conformément à l'article 699 du Code de procédure civile.