Livv
Décisions

CA Poitiers, 1re ch. civ., 13 janvier 2012, n° 10-02711

POITIERS

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

UK Glass Eels Ltd

Défendeur :

Viviers de Massigny (SARL)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Martin-Pigalle

Conseillers :

Mmes Contal, Kamianecki

Avoués :

SCP Paille Thibault Clerc, SCP Musereau, Mazaudon, Provost-Cuif

Avocats :

Me Jeannin, SCP Beauchard-Bodin-Demaison-Garrigues-Giret-Hidreau-Lefevre

T. com. Niort, du 28 avr. 2010

28 avril 2010

Faits et procédure

La société de droit anglais UK Glass Eels Ltd, spécialisée dans le négoce international d'alevins d'anguilles, est entrée en contact avec Mme Jacqueline Bonnet, disposant d'une ferme aquacole à Saint Pompain (79) et d'un réseau d'achat auprès de pêcheurs, mareyeurs et professionnels locaux.

Par contrat du 30 septembre 1997 il a été décidé de mettre en place une station de stockage, de traitement et d'emballage d'alevins d'anguilles dans les locaux de Mme Bonnet, moyennant le paiement d'une redevance annuelle de 1 525 euro pendant dix ans au profit de la société UK Glass Eels, fournisseur du matériel et financier des travaux. Le transfert de la propriété de la station a été convenu entre les parties.

Par avenant du 30 novembre 2008 la SARL Les Viviers de Massigny s'est substituée à Mme Bonnet.

Par contrat du 7 mai 1999 les parties ont décidé de la mise en place de plusieurs services, dont l'utilisation par la société UK Glass Eels de la station, la fourniture par la société Les Viviers de Massigny d'informations et d'assistance commerciale, cette dernière s'engageant à traiter la société UK Glass Eels comme son client préférentiel. Il a été prévu qu'en contrepartie, la société UK Glass Eels, outre le paiement du prix des alevins, verserait à la société Les Viviers de Massigny une rémunération annuelle de 1 525 euro.

Courant 2007 les relations contractuelles se sont dégradées.

Le 30 octobre 2007 la société Les Viviers de Massigny a décidé de sa dissolution.

Par jugement du 28 avril 2010 le Tribunal de commerce de Niort, sur assignation de la société Les Viviers de Massigny délivrée le 17 mai 2009, a notamment dit que la société UK Glass Eels Ltd avait rompu brutalement les relations commerciales avec la société Les Viviers de Massigny, et l'a en conséquence condamnée à lui payer la somme de 58 510 euro au titre du préjudice subi, outre celle de 2 000 euro au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.

LA COUR

Vu l'appel interjeté par la société UK Glass Eels Ltd ;

Vu les conclusions du 3 novembre 2011 par lesquelles l'appelante demande notamment à la cour, au visa de l'article 442-6 5° du Code de commerce :

- d'infirmer la décision déférée, et statuant à nouveau,

- à titre principal, de constater que la société Les Viviers de Massigny a gravement manqué à ses engagements contractuels en livrant des marchandises de mauvaise qualité, de constater qu'elle a mis fin au contrat les liant, de la débouter en conséquence de l'ensemble de ses prétentions,

- à titre subsidiaire de constater que les demandes d'indemnisation de la société Les Viviers de Massigny sont infondées et exorbitantes, et de limiter son préjudice à la somme de 18 115 euro,

- en tout état de cause et à titre reconventionnel, de constater que les manquements contractuels de la société Les Viviers de Massigny ont causé à son co-contractant un préjudice financier extrêmement lourd, pouvant être chiffré à la somme de 139 750 euro, de constater qu'elle ne s'est pas acquittée des deux dernières annuités de sorte que le matériel installé reste la propriété du fournisseur, de condamner la société Les Viviers de Massigny à lui payer la somme de 140 250 euro en indemnisation de son préjudice et de la condamner à restituer le matériel listé en pièce n° 2, de condamner la société Les Viviers de Massigny à lui payer la somme de 5 000 euro à titre de dommages-intérêts pour procédure abusive ;

Vu les conclusions du 2 novembre 2011 par lesquelles la société Les Viviers de Massigny, représentée par son liquidateur amiable, sollicite notamment, au visa des articles 1134, 1315 et 1604 du Code Civil et de l'article L. 442-6 5° du Code de commerce, l'entier débouté de la société UK Glass Eels, la confirmation de la décision déférée en ce qu'elle a retenu que la société UK Glass Eels avait brutalement rompu les relations commerciales, sa réformation sur l'indemnisation du préjudice subi, la société UK Glass Eels devant être condamnée à lui payer la somme de 273 908 euro à titre de dommages intérêts ;

SUR CE

Les parties admettent l'une et l'autre être liées par deux conventions, la première, intitulée "accord", signée le 30 septembre 1997 par la société UK Glass Eels et Mme Bonnet, un avenant en date du 30 novembre 2008 ayant remplacé l'entreprise de Mme Bonnet par la SARL Les Viviers de Massigny, et la seconde, intitulée "accord de services" signée le 7 mai 1999 par la société UK Glass Eels et la SARL Les Viviers de Massigny.

Le contrat en date du 30 septembre 1997 a prévu notamment que, après une étude de faisabilité et une saison d'essai effectuées entre novembre 1997 et avril 1998, la société UK Glass Eels mettait en place, en prenant à sa charge les coûts de développement initiaux, une station de stockage, de traitement et d'emballage d'alevins d'anguilles dans les locaux de la société Les Viviers de Massigny, à l'usage exclusif de cette dernière, et que la propriété du matériel composant cette station serait transférée avant la saison de pêche 1999, vers la société Les Viviers de Massigny moyennant le paiement par celle-ci et pendant dix ans d'une somme correspondant au dixième de la facture de ce matériel.

La liste de ce matériel a été dressée et le montant de la facture établie le 1er octobre 1999 s'est élevé à 100 000 F.

Le contrat en date du 7 mai 1999, a pris en considération l'utilisation de la station de stockage et d'emballage "propriété de la société Les Viviers de Massigny", la fourniture par cette société à la société UK Glass Eels d'informations commerciales et d'une assistance commerciale relatives au négoce d'alevins d'anguilles et son traitement comme "client préférentiel" pour énoncer que la société UK Glass Eels s'engageait "à titre de paiement de ces services à verser à la société Les Viviers de Massigny une somme annuelle minimale de 10 000 F, pouvant être augmentée de manière proportionnelle au niveau du service rendu par accord entre les parties". Il a été précisé que le contrat était valable pour une période de deux ans à compter de sa signature, qu'il prenait effet le 31 octobre 1999 et se trouvait renouvelable par tacite reconduction.

Il a été convenu dans l'article 3 qu'il pouvait être mis fin à l'accord, par consentement écrit entre les deux parties, avec un préavis de douze mois.

Il n'est pas soutenu que le contrat signé le 7 mai 1999 a remplacé celui en date du 30 septembre 1997, aucune mention ne permettant d'ailleurs de faire valoir cette argumentation.

En outre le premier contrat a rappelé que la société UK Glass Eels avait pour "activité principale le négoce (importation, exportation, élevage, expertise...) d'alevins d'anguilles (pibales, civelles) et d'anguillettes, et qu'elle était spécialisée dans l'exportation de ces mêmes alevins vers l'Europe et l'Asie à des fins d'élevage ou de projets de repeuplement, qu'elle avait conçu et développé des méthodes spécifiques de stockage, traitement, emballage et transport relatives aux anguillidés", que Mme Bonnet, devenue le représentant de la société Les Viviers de Massigny, était "une entreprise de mareyage spécialisée dans les alevins d'anguilles, disposant d'un réseau de pêcheurs dans la région et d'une connaissance particulière des réseaux de commercialisation de ce même produit en Fance", ces doubles compétences et activités expliquant l'articulation des deux contrats dans un but économique.

La société UK Glass Eels précise d'ailleurs dans ses écritures que l'élevage des anguilles présente une spécificité dans la mesure où ce poisson ne se reproduit pas en captivité et qu'il exige donc une capture préalable des alevins, qu'ainsi elle s'est trouvée intéressée par Mme Bonnet, celle-ci se trouvant en rapport avec de nombreux pêcheurs. La société UK Glass Eels ajoute que l'objet de leur accord en date du 7 mai 1999, accord qu'elle qualifie de "coopération" ou de "partenariat", était de laisser collecter les alevins auprès des pêcheurs par Mme Bonnet, celle-ci devant ensuite les stocker dans la station mise en place, puis les revendre à la société UK Glass Eels, ce que ne contredit pas la société Les Viviers de Massigny. Cette dernière s'étant également engagée à traiter son co-contractant comme "client préférentiel", il s'en déduit que toute la production de la société Les Viviers de Massigny était réservée à la société UK Glass Eels, ce qui caractérise un lien de dépendance économique les revenus d'exploitations du fournisseur étant constitués des contreparties financières versées par la société UK Glass Eels.

Il est ainsi établi que les parties étaient liées par des relations commerciales en place depuis plusieurs années, stables et régulières, fondées sur une logique de collaboration professionnelle précise.

La société UK Glass Eels soutient que "les relations contractuelles entre les parties n'ont jamais été sereines et fructueuses, hormis lors des toutes premières années". Toutefois elle procède sur ce point par simple affirmation, et ne produit aucune pièce permettant de conforter cette allégation.

Plus particulièrement, aucune des clauses du contrat signé le 7 mai 1999 ne prévoit expressément que la société Les Viviers de Massigny ait l'obligation de "recruter le personnel nécessaire pour emballer les alevins d'anguilles devant être exportés par la société UK Glass Eels et assurer ce transfert".

C'est par interprétation des termes contractuels que l'appelante reproche à son co-contractant de l'avoir "contrainte d'affecter ses propres salariés à l'emballage des alevins d'anguilles et à leur transfert". En effet les termes du contrat visent seulement une assistance commerciale et une fourniture d'informations relatives au négoce, donc à la vente des alevins, non à leur emballage et leur transfert, et il est précisé au titre des services (dont la contrepartie est définie par le paiement d'une somme annuelle minimale de 10 000 F par la société UK Glass Eels) une "utilisation de la station de stockage et d'emballage propriété de la société Les Viviers de Massigny" ce qui signifie une utilisation du matériel par la partie société UK Glass Eels sans autre exigence relative à la mise à disposition du personnel.

En outre, la société UK Glass Eels n'a pas développé ce grief pour mettre en demeure son co-contractant d'exécuter certaines obligations à peine de rupture du contrat.

Contrairement à ce que soutient la société UK Glass Eels, elle a bien annoncé à la société Les Viviers de Massigny par mail du 24 juin 2007 qu'elle envisageait de "fermer l'opération à Massigny". Ce courrier, qui précise en introduction, que les 10 années écoulées ont été "intéressantes" et que la société Les Viviers de Massigny a été "un bon partenaire en Fance", évoque une analyse des coûts, une production insuffisante et une mortalité excessive des civelles en 2007, ainsi que la fermeture de l'aéroport de Niort, pour conclure à la possibilité de sauver 100 000 à 130 000 euro si l'affaire de Massigny est fermée, un "accord" devant être recherché sur ce point.

C'est en contradiction avec les termes de ce courrier, et de manière inopérante que la société UK Glass Eels soutient que ce mail comporte une mise en garde ou une mise en demeure de son co-contractant, dans le but de le faire réagir et d'améliorer la qualité des alevins, dès lors qu'elle y relève, sans se prévaloir d'un manquement contractuel caractérisé, la production insuffisante et la mortalité excessive, mais aussi d'autres facteurs, pour annoncer ses objectifs financiers et la possibilité, par la fermeture du site, d'y parvenir. Elle y exprime d'autant plus sa volonté de mettre fin à l'accord conclu le 7 mai 1999, qu'elle propose à la société Les Viviers de Massigny de rechercher une solution amiable, cette démarche étant conforme à l'article 3 du contrat signé.

Si la société Les Viviers de Massigny n'a pas répondu à ce mail, il n'est pas soutenu que son silence soit fautif et en tout état de cause, l'article 3 a énoncé que le délai de préavis, pour mettre fin au contrat, était de 12 mois, ce qui en l'espèce situait son expiration au 24 juin 2008.

Or, dès le 13 août 2007, la société UK Glass Eels a adressé à la société Les Viviers de Massigny une lettre recommandée avec accusé de réception valant mise en demeure.

Dans ce courrier, rédigé en anglais mais dont la sincérité de la traduction libre produite aux débats n'est pas discutée, elle excipe de plusieurs manquements contractuels, concernant plus particulièrement la qualité médiocre des poissons livrés, leur mortalité exagérée, la perte financière ainsi subie, ainsi que le non-paiement des redevances annuelles concernant la fourniture des équipements, et met en demeure la société Les Viviers de Massigny de lui payer les sommes de 170 167 euro et de 120 000 euro au titre des pertes d'affaires, de respecter ses obligations contractuelles et d'établir un compte d'exploitation exhaustif. Elle ajoute qu'à défaut elle considérera que "les contrats sont résiliés en raison de leur rupture par la société Les Viviers de Massigny" et qu'elle "entamera toutes actions judiciaires".

La société Les Viviers de Massigny fait valoir avec pertinence que les reproches allégués dans ce courrier n'ont jamais été exprimés auparavant, dès lors que la société UK Glass Eels ne produit aucune pièce pour étayer ces manquements contractuels, que ce soit en ce qui concerne la qualité des poissons fournis ou les conditions de leur transport et qu'elle ne justifie pas plus avoir réclamé antérieurement et vainement le paiement des redevances.

Ces inexécutions contractuelles en tant que telles n'ont même pas été invoquées dans le mail du 24 juin 2007 déjà discuté.

Si les pièces comptables de la société UK Glass Eels caractérisent une perte de chiffre d'affaires, il n'est pas démontré que la qualité des alevins achetés à la société Les Viviers de Massigny soient en cause, les mentions et annotations portées sur ces registres comptables de manière unilatérale ne pouvant être à elles seules probantes. En outre, le mail du 24 juin 2007 a là aussi pris en compte d'autres facteurs pour expliquer la perte financière subie par la société UK Glass Eels.

La société UK Glass Eels qui se prévaut d'une traçabilité des produits, communique des lettres de réclamations de ses clients, ayant justifié l'établissement d'avoirs, mais ne communique aucune pièce permettant de vérifier l'origine exacte des produits concernés, alors qu'elle ne conteste pas dans ses écritures (p. 5 in fine) avoir d'autres fournisseurs que la société Les Viviers de Massigny.

Plus particulièrement la société UK Glass Eels ne démontre pas que "pour la saison 2004/2005 la quantité et la qualité des poissons fournis par la société Les Viviers de Massigny se sont dégradées", ni que "pour la saison 2006/2007 la quantité a été diminuée de moitié et le taux de mortalité s'est avéré de plus en plus élevé", dès lors qu'elle n'a pas fait constater de manière objective ces faits, qu'elle les cite en outre de manière générale et approximative et qu'elle ne peut se contenter de produire sur ce point ses pièces comptables, ainsi que déjà relevé. La comparaison avec les produits livrés par d'autres de ces fournisseurs n'est pas plus déterminante, sauf à procéder aussi par affirmation, dès lors que les conditions de ces relations commerciales avec des tiers ne sont pas connues, et qu'aucune constatation technique, expertale et objective n'a été réalisée.

La société UK Glass Eels souligne les précautions nécessaires à la capture des alevins et produit une attestation de M. Ronald John Roberts vétérinaire spécialisé dans la pathologie des poissons, qui explique que les civelles sont très délicates, en raison de la transparence et de la fragilité de leur peau et qu'ainsi les lésions de l'épiderme compromettent leur survie.

La société UK Glass Eels ne justifie pas avoir refusé les livraisons des poissons morts ou en mauvais état, compte tenu de dommages subis à la peau, l'un et l'autre de ces désordres étant visibles et apparents.

Alors qu'elle insiste sur les exigences des procédures de collecte et de conservation des alevins pour éviter une mortalité excessive, la société UK Glass Eels n'établit pas non plus avoir organisé "plusieurs" réunions avec la société Les Viviers de Massigny et "des" pêcheurs pour protester de la quantité et de la qualité des produits, l'attestation isolée de "la société Gulf Stream" (pièce n° 5) ne suffisant pas à caractériser cette argumentation.

M. Ray, dont la copie de la CNI est annexée, confirme par attestation distincte avoir rédigé et signé l'attestation précitée, en sa qualité de gérant de la société Gulf Stream, ce qui rend le témoignage recevable.

Si cette pièce n° 5 confirme que le 25 janvier 2007 une réunion s'est tenue entre les représentants des Sociétés Gulf Stream, UK Glass Eels et Les Viviers de Massigny, il s'en évince seulement que les poissons fournis par M. Ray étaient de mauvaise qualité et que ce pêcheur a été mis en garde et avisé qu'il pourrait être mis un terme à son contrat d'approvisionnement par la société Les Viviers de Massigny.

Ce document ne permet pas d'établir que les conditions de capture, puis de stockage de la société Les Viviers de Massigny aient été antérieurement critiquées, dans leur ensemble et de manière réitérée, sans qu'elle envisage une réaction adaptée pour remédier aux problèmes signalés. Il démontre en revanche que la société Les Viviers de Massigny surveillait la qualité des alevins qui lui étaient fournis par les pêcheurs.

La société UK Glass Eels soutient que "la baisse de la qualité des alevins s'est poursuivie malgré les observations formulées" en se prévalant de sa pièce n° 10, qui n'est autre que la mise en demeure du 13 août 2007, sans être en mesure de communiquer un avertissement antérieur.

M. Roberts précise que "parmi les anguilles qui semblent normales, une proportion variable mourra par la suite en fonction du mode de capture et également du soin avec lequel elles auront été traitées et stockées... et du transport", ce qui implique des causes multiples de mortalité, et à plusieurs stades de la chaîne de production mais aussi de revente.

La société UK Glass Eels, professionnel spécialisé dans l'emballage et le transport des anguillidés, ne peut tout à la fois souligner avoir dû se charger avec son personnel, précisément de ces opérations d'emballage et de transport, et reprocher à la société Les Viviers de Massigny des manquements dans leur exécution. Elle ne justifie pas plus avoir refusé des livraisons provenant de la société Les Viviers de Massigny avant de procéder à l'exportation des produits vers ses propres clients.

C'est vainement que la société UK Glass Eels soutient qu'elle a découvert une mortalité excessive une fois les alevins transférés dans les bassins de ces clients, la délivrance étant exécutée au moment de la livraison, et non de la revente, et ayant été acceptée sans réserve par l'intéressée, ainsi que déjà observé dans les précédents motifs.

En conséquence la société UK Glass Eels ne démontrant pas que la société Les Viviers de Massigny a "gravement et à plusieurs reprises manqué à son obligation de livrer des alevins de bonne qualité" c'est à tort qu'elle a invoqué ce grief dans sa mise en demeure du 13 août 2007.

La société UK Glass Eels a reproché également à la société Les Viviers de Massigny une inexécution de ses obligations financières.

S'agissant des avances sur commandes, la société UK Glass Eels reconnaît qu'elle a été remboursée.

C'est sans pertinence qu'elle souligne que ce paiement est intervenu après mise en demeure, dès lors qu'elle ne justifie pas l'avoir réclamé avant le 13 août 2007, le mail du 24 juin 2007 ne faisant aucune allusion à une telle prétention.

Le 13 août 2007 la société UK Glass Eels a imparti à son co-contractant un délai de 5 jours pour s'acquitter du paiement de sommes importantes, à savoir celles de 170 167 euro et 120 000 euro, au titre de son indemnisation, mais c'est sans lui fournir de pièce justificative. Par le même courrier, elle lui réclamait dans les mêmes conditions de mise en demeure, le remboursement "d'une somme de 44 365 euro + les sommes impayées au titre des 10 dernières années" ainsi que "les paiements correspondant à la redevance annuelle sur les équipements", toujours sans détailler, ni chiffrer plus précisément, ni justifier de ses demandes.

Le 5 septembre 2007 le conseil de la société UK Glass Eels a réitéré cette mise en demeure, en réclamant notamment les sommes de 170 167 euro et de 160 000 euro (au lieu de 120 000 euro) au titre de l'indemnisation des préjudices financiers et celle de 51 000 euro au titre des soldes des comptes ("près de 48 000 euro au titre des avances" et "3 000 euro au titre du solde 2006") ainsi que le paiement des deux derniers loyers annuels de l'équipement, le tout sans annexer de justificatifs à ces demandes.

Compte tenu des motifs déjà développés pour exclure les manquements contractuels de la société Les Viviers de Massigny dans la fourniture des alevins, c'est à juste titre que son conseil a répliqué, par lettre du 24 septembre 2007 que "les récriminations" de la société UK Glass Eels intervenaient après plusieurs années de collaboration sans reproche, qu'elles n'étaient pas fondées et qu'il sollicitait un délai pour vérifier et apurer les comptes.

Avisée d'un "remboursement dans les meilleurs délais", la société UK Glass Eels a été destinataire, le 8 octobre 2007, d'un chèque en date du 28 septembre 2007, d'un montant de 51 235,19 euro, tiré sur le compte de la société Les Viviers de Massigny, établi à l'ordre de la Carpa.

Le 7 novembre 2007 il a été précisé à la société UK Glass Eels que cette somme incluait à hauteur de 48 190,29 euro le trop versé sur les livraisons d'alevins, la somme de 3 044,90 euro correspondant au solde de la réclamation par mise en demeure.

Par réponse du 26 décembre 2007 la société UK Glass Eels a considéré que les comptes à partir desquels elle avait chiffré sa réclamation n'étaient que provisoires et a sollicité l'établissement et la remise des comptes définitifs.

Force est de constater que la société UK Glass Eels ne développe aucune argumentation devant la cour pour critiquer le montant de ce paiement, en date du 28 septembre 2007. Alors qu'elle ne produit aucune pièce permettant de vérifier le montant de sa créance, elle reconnaît toutefois dans ses écritures que la somme de "plus de 50 000 euro", "due au titre des sommes reçues à titre d'avance" et dont elle ne détaille pas le calcul, a été restituée.

Compte tenu de ses motifs, il s'en déduit de manière suffisante que la somme de 48 190,29 euro a satisfait à la prétention relative au remboursement des avances.

En conséquence la société Les Viviers de Massigny est fondée à soutenir que la somme de 3 044,90 euro complémentaire correspond aux deux loyers (10 000 F/an) restant dus sur la fourniture des équipements, (la société UK Glass Eels persistant à procéder par affirmation, comme dans son courrier du 26 décembre 2007, pour exclure ces loyers du montant de ses réclamations telles qu'exprimées dans ces courriers).

L'accord signé le 30 septembre 1997 a prévu que la somme de 100 000 F correspondant à la fourniture de l'équipement devait être remboursée sur 10 ans, à compter du 31 octobre 1999.

Ainsi la société Les Viviers de Massigny a payé les deux derniers loyers avant le terme, sans que la société UK Glass Eels puisse ainsi lui reprocher un retard de paiement.

Dès lors qu'il s'évince tant des termes contractuels, que de la mise en demeure du 13 août 2007, que le transfert de la propriété des équipements est parfait une fois la totalité de la facture du 1er octobre 1999 remboursée, c'est sans pertinence que la société UK Glass Eels sollicite la restitution du matériel mis à disposition de la société Les Viviers De Massigny.

Elle sera donc déboutée de cette prétention, la décision déférée étant confirmée de ce chef.

Il se déduit de l'ensemble de ces motifs que la société Les Viviers de Massigny, à laquelle aucun manquement contractuel n'a été sérieusement reproché, a été mise en demeure brutalement dès le 13 août 2007 de s'acquitter dans les 5 jours de sommes importantes, la société UK Glass Eels l'avisant qu'à défaut, elle considérerait les contrats résolus par une rupture de son fait.

Cette mise en demeure, dont il a déjà été relevé qu'elle n'avait été précédée d'aucun avertissement, qui en outre n'était assortie d'aucun justificatif tout en impartissant un délai de paiement extrêmement bref, s'est trouvée très rapidement réitérée dès le 15 septembre 2007, les sommes réclamées étant de surcroît revues à la hausse sans qu'aucun justificatif ne soit annexé.

Ces deux mises en demeure caractérisent une rupture brutale et injustifiée donc fautive des relations contractuelles par la société UK Glass Eels au sens de l'article L. 442-6 du Code de commerce.

Au surplus dans la lettre du 7 novembre 2007 la société Les Viviers de Massigny a demandé à la société UK Glass Eels de lui passer des commandes ce qui démontre qu'elle était disposée à poursuivre les relations contractuelles. Il lui a été répondu le 26 décembre 2007 que de telles commandes n'étaient pas envisageables sans information préalable "sur les conditions auxquelles la société Les Viviers de Massigny entendait contracter et vendre des anguilles".

Les motifs déjà exposés ayant exclu tout manquement contractuel de la société Les Viviers de Massigny dans la fourniture des alevins, c'est à tort que la société UK Glass Eels a exigé de nouvelles garanties pour passer d'autres commandes.

En revanche les conditions ainsi posées par la société UK Glass Eels confirment qu'elle n'envisageait pas de poursuivre ses commandes conformément aux termes contractuels arrêtés le 7 mai 1999, mais sur de nouvelles bases, ce qui caractérise encore plus une rupture des relations commerciales de son fait.

Dès lors que la société Les Viviers de Massigny traitait la société UK Glass Eels comme son "client préférentiel", et que la société UK Glass Eels admet ne pas avoir passé de nouvelle commande pour la saison 2007, la société Les Viviers de Massigny s'est trouvée privée d'un client primordial avec lequel elle travaillait depuis 1997, et a ainsi perdu les revenus attachés à cette relation commerciale.

Soumise à cette perte financière et incertaine de l'issue des mises en demeure de la société UK Glass Eels la société Les Viviers de Massigny a choisi de s'orienter le 30 octobre 2007 vers une liquidation amiable, sans qu'il puisse en résulter un comportement fautif de sa part.

C'est tout aussi vainement que la société UK Glass Eels, qui exigeait une nouvelle définition des termes contractuels, soutient que seule la liquidation amiable l'a empêchée de passer des commandes et qu'ainsi la rupture est intervenue à l'initiative de la société Les Viviers de Massigny.

En conséquence la décision déférée sera confirmée en ce qu'elle a retenu l'existence d'une rupture fautive imputable à la société UK Glass Eels.

L'issue de l'appel rend mal fondées les demandes reconventionnelles d'indemnisation de la société UK Glass Eels qui en sera déboutée.

Le contrat signé le 7 mai 1999 était d'une durée de deux ans, renouvelable par tacite reconduction.

L'article 3 a prévu que la fin de l'accord pouvait intervenir par consentement écrit des deux parties, avec un préavis de 12 mois, sans énoncer les conséquences du non-respect de ce préavis.

Il s'en déduit que la volonté contractuelle était seulement de limiter à un an le délai pendant lequel les parties pouvaient anticiper, avec ou sans accord amiable, les effets d'une rupture et que la société Les Viviers de Massigny doit caractériser la réalité du préjudice allégué.

Les motifs déjà développés ont retenu que le préavis expirait le 24 juin 2008 et qu'il n'avait pas été respecté, de manière fautive, par la société UK Glass Eels.

En conséquence, la société Les Viviers de Massigny peut seulement prétendre à l'indemnisation du préjudice né de ce manquement, notamment en raison de l'arrêt des commandes dès 2007.

La société Les Viviers de Massigny soutient que sur les trois dernières années de collaboration avec la société UK Glass Eels elle a réalisé une marge brute moyenne de 136 954 euro. Elle précise que les exercices sont clos à la fin de la saison précédente, soit en juin de chaque année. Elle produit seulement des soldes intermédiaires de gestion faisant apparaître un résultat net comptable de 19 688 euro au 30 juin 2005, de 23 278 euro au 30 juin 2006 et 11 379 euro au 30 juin 2007.

Elle procède ainsi par simple affirmation pour estimer son préjudice à la somme de 273 908 euro.

La cour s'estime suffisamment informée, au vu des pièces produites pour fixer à 18 115 euro, moyenne des résultats nets comptables des trois dernières années antérieures à la rupture contractuelle, l'indemnisation due par la société UK Glass Eels.

La décision déférée sera réformée en ce sens et la société Les Viviers de Massigny sera donc déboutée du surplus de sa prétention d'indemnisation.

L'issue de l'appel rend vaine l'argumentation de la société UK Glass Eels sur le caractère abusif de la procédure engagée par la société Les Viviers de Massigny et elle sera déboutée de ses prétentions d'indemnisation de ce chef.

Par ces motifs, Confirme la décision déférée en ce qu'elle a retenu le caractère abusif de la rupture des relations contractuelles par la société UK Glass Eels et condamné la société UK Glass Eels à indemniser la société Les Viviers de Massigny du préjudice en résultant, La Reforme sur le seul montant de l'indemnisation et statuant à nouveau sur ce point, Condamne la société UK Glass Eels Ltd à payer à la société Les Viviers de Massigny la somme de 18 115 euro en indemnisation du préjudice ainsi subi, Y ajoutant, Condamne la société UK Glass Eels Ltd à payer à la société Les Viviers de Massigny une somme complémentaire de 3 000 euro au titre de l'article 700 du Code de procédure civile, Déboute les parties du surplus de leurs prétentions, Condamne la société UK Glass Eels Ltd aux dépens d'appel et autorise l'application de l'article 699 du Code de procédure civile.