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Décisions

ADLC, 16 janvier 2012, n° 12-DCC-04

AUTORITÉ DE LA CONCURRENCE

Décision

Relative à la prise de contrôle exclusif de la société Financière Massart par la société Guy Dauphin Environnement

ADLC n° 12-DCC-04

16 janvier 2012

L'Autorité de la concurrence,

Vu le dossier de notification adressé complet au service des concentrations le 12 décembre 2011, relatif à la prise de contrôle exclusif de la société Financière Massart par la société Guy Dauphin Environnement, formalisée par un protocole d'accord en date du 14 octobre 2011 ; Vu le livre IV du Code de commerce relatif à la liberté des prix et de la concurrence, et notamment ses articles L. 430-1 à L. 430-7 ; Vu les éléments complémentaires transmis par les parties au cours de l'instruction ; Adopte la décision suivante :

I. Les entreprises concernées et l'opération

1. Guy Dauphin Environnement (ci-après, "GDE") est une société est active dans le secteur du recyclage des métaux ferreux et non ferreux et de manière marginale de papiers, de cartons et de matières plastiques. Elle dispose de 50 sites de collecte en France répartis principalement dans les régions Rhône-Alpes, Provence-Alpes-Côte-D'azur, Bretagne, Pays-de-la-Loire, Poitou-Charentes, Aquitaine, Île-de-France, Basse-Normandie et Nord-Pas-de-Calais. GDE est contrôlée par la société Ecore BV, qui détient des filiales exploitant des sites de collecte en Roumanie, en Hongrie, en Suisse, en Chine et en Inde.

2. Financière Massart est la société de tête du groupe Massart, actif dans le secteur du recyclage des métaux ferreux et non ferreux. Sa principale filiale, la société anonyme Métalifer, contrôle 12 sites répartis dans l'Est de la France, en Alsace, en Lorraine et en Champagne.

3. En vertu du protocole d'accord en date du 14 octobre 2011, l'opération consiste en l'acquisition de la totalité du capital et des droits de vote de la société Financière Massart par GDE.

4. En ce qu'elle se traduit par la prise de contrôle exclusif du groupe Massart par la société GDE, l'opération notifiée constitue une concentration au sens de l'article L. 430-1 du Code de commerce. Les entreprises concernées ont réalisé ensemble un chiffre d'affaires hors taxes consolidé sur le plan mondial de plus de 150 millions d'euro au dernier exercice clos (Ecore BV : 1,28 milliard d'euro pour l'exercice clos au 30 septembre 2011 ; Groupe Massart : 137,6 millions d'euro pour l'exercice clos au 31 mars 2011). Chacune de ces entreprises a réalisé, en France, un chiffre d'affaires supérieur à 50 millions d'euro (Ecore BV : 436,9 millions d'euro pour l'exercice clos au 30 septembre 2011 ; Groupe Massart : 71,4 millions d'euro pour l'exercice clos au 31 mars 2011). Compte tenu de ces chiffres d'affaires, l'opération ne revêt pas une dimension communautaire. En revanche, les seuils de contrôle mentionnés au I de l'article L. 430-2 du Code de commerce sont franchis. Cette opération est donc soumise aux dispositions des articles L. 430-3 et suivants du Code de commerce relatifs à la concentration économique.

II. Délimitation des marchés pertinents

5. Les groupes GDE et Massart sont simultanément actifs dans le secteur de la gestion des déchets, en particulier dans le secteur du recyclage (collecte, traitement et valorisation) des métaux ferreux et non ferreux.

A. LES MARCHES DE LA GESTION DES DÉCHETS

6. Selon la pratique décisionnelle, le secteur de la propreté comporte autant de marchés de services que de grands types de déchets (1). Ainsi, les déchets banals, à savoir les déchets ménagers et les déchets industriels et commerciaux qui ne présentent pas de caractère toxique ou dangereux, sont distingués des déchets industriels spéciaux, à savoir les déchets d'origine industrielle dont la toxicité minérale ou organique nécessite l'utilisation d'équipements spécifiques en matière de traitement. En outre, les déchets industriels spéciaux font l'objet de procédures de contrôle et de réglementation particulières qui les distinguent des déchets banals.

7. La gestion des déchets recouvre les activités de collecte, de transport, de traitement, de réutilisation et d'élimination, dans le but de réduire leurs effets sur la santé humaine et l'environnement. La pratique décisionnelle considère de manière constante que "le secteur de la gestion des déchets banals comprend deux étapes, la collecte et le traitement" (2). La Commission européenne a également indiqué que "le tri de tels déchets, en vue notamment du recyclage et de la valorisation, s'effectue au niveau soit de la collecte (collecte sélective), soit au niveau du traitement" (3). Une segmentation supplémentaire a été retenue selon la nature des déchets en distinguant les déchets dangereux, les déchets non-dangereux et les déchets spécifiques (4). Enfin, la Commission a également identifié un marché spécifique comprenant la collecte et le traitement des chutes de ferrailles (5) éventuellement segmenté entre les chutes d'acier carbone et les chutes d'acier inoxydables. En l'espèce, les parties à l'opération sont simultanément présentes sur le marché de la collecte et le traitement de ferrailles.

8. S'agissant des marchés de la valorisation des déchets, la pratique décisionnelle envisage de les segmenter de manière analogue à ceux de la collecte. Il existerait donc autant de marchés de la valorisation de déchets que de type de matériau à valoriser (ferraille, verre, papiers et cartons, bois, etc.). Le ministre a ainsi examiné un marché de la valorisation des déchets métalliques (6) comprenant les métaux ferreux, les métaux non-ferreux et le métal issu de la déconstruction des véhicules hors d'usage. Les matériaux à recycler proviennent principalement des chutes neuves issues de la transformation de l'acier et des ferrailles de récupération. Une segmentation du marché de la valorisation des déchets métalliques par types de ferrailles n'a pas été jugée pertinente, compte tenu de la forte substituabilité de l'offre. En l'espèce, les parties à l'opération sont simultanément présentes sur le marché de la valorisation des déchets métalliques.

9. Par conséquent, les effets de l'opération seront examinés sur le marché de la collecte de ferrailles et sur le marché de la valorisation des déchets métalliques. La question de la délimitation exacte de ces marchés pouvant être laisse ouverte car les conclusions de l'analyse concurrentielle n'étant pas affectées quelles que soient les délimitations retenues.

B. LA DIMENSION GÉOGRAPHIQUE DES MARCHES DE LA GESTION DES DÉCHETS

10. En ce qui concerne la dimension géographique du marché de la collecte de ferrailles, la question de leur délimitation au niveau national ou local a été laissée ouverte par la pratique décisionnelle. Ainsi, la dimension nationale des marchés apparaît fondée si l'on tient compte du recours aux procédures d'appel d'offres de la part des collectivités et des industries au niveau national, mais les sites de collecte couvrent des rayons géographiques plus limités, de l'ordre de 100 à 150 km autour des sites selon la partie notifiante. A cet égard, la Commission européenne a indiqué qu'elle pourrait retenir des aires d'un rayon d'environ 200 kilomètres (7). En l'espèce, les parties à l'opération n'interviennent pas dans les mêmes zones géographiques, de sorte que l'opération n'entraîne pas de chevauchement d'activité au niveau local. Enfin, le marché de la valorisation des déchets métalliques a été examiné au niveau national.

11. Par conséquent, les effets de l'opération seront examinés sur les marchés nationaux de la collecte et de la valorisation de déchets métalliques, la question de la délimitation exacte pouvant être laissée ouverte car les conclusions de l'analyse seront inchangées quelles que soient les délimitations retenues.

III. Analyse concurrentielle

A. ANALYSE DES EFFETS HORIZONTAUX SUR LE MARCHÉ DE LA COLLECTE DE FERRAILLES

12. La partie notifiante estime le marché national de la collecte de ferrailles et autres métaux à 17 millions de tonnes en 2010. Avec 1,7 million de tonnes collectées, la part de GDE est d'environ 10 %. Massart, avec 0,3 million de tonnes collectées, représente environ 2 % du marché. A l'issue de l'opération, la nouvelle entité disposera donc d'une part de marché d'environ 12 % au niveau national. Elle fera ainsi face à la concurrence d'opérateurs tels que Dérichebourg, Bartin Véolia, Epur, Sepchat Legall et Recylux.

13. Par ailleurs, sur un marché de la collecte de ferrailles et autres métaux éventuellement segmenté en distinguant les chutes d'acier inoxydables (8) et les chutes d'acier carbone (9), l'opération n'entrainera qu'une addition de parts de marché limitée, respectivement de 0,5 % et 2,4 % dans chacun de ces segments. Ainsi, la nouvelle entité représentera 5,3 % des collectes des chutes d'acier inoxydables et 11,8 % des collectes de chutes d'acier carbone au niveau national à l'issue de l'opération.

14. Compte tenu de ce qui précède, l'opération n'est pas de nature à porter atteinte à la concurrence par le biais d'effets horizontaux sur le marché de la collecte de ferrailles et métaux ferreux.

B. ANALYSE DES EFFETS HORIZONTAUX SUR LE MARCHÉ DE LA VALORISATION DES DÉCHETS MÉTALLIQUES

15. La partie notifiante estime le marché national de la valorisation des déchets métalliques à 8,1 milliards d'euro en 2010 (10). Avec un chiffre d'affaires de 406 millions d'euro, la part de GDE est d'environ 5 %. Massart, avec 110 millions d'euro de chiffre d'affaires, représente environ 1,4 % du marché. A l'issue de l'opération, la nouvelle entité disposera donc d'une part de marché d'environ 6,4 % au niveau national. La nouvelle entité fera face à la concurrence de Dérichebourg (dont la part de marché est estimée à 16,9 %), ainsi que Bartin Véolia et Epur (2,2 % de part de marché individuelle), Sepchat Legall et Recylux (1,2 % de part de marché individuelle).

16. Compte tenu de ce qui précède, l'opération n'est pas de nature à porter atteinte à la concurrence par le biais d'effets horizontaux sur le marché de la valorisation des déchets métalliques.

DECIDE

Article unique : L'opération notifiée sous le numéro 11-226 est autorisée.

Notes :

1 L'article L. 541-1 du Code de l'environnement défini un déchet comme "tout résidu d'un processus de production, de transformation ou d'utilisation, toute substance, matériau, produit ou plus généralement tout bien meuble abandonné ou que son détenteur destine à l'abandon".

2 Voir les décisions du ministre C2007-168 / Lettre du ministre de l'économie, des finances et de l'emploi du 23 janvier 2008, aux conseils de la société Véolia Propreté SA, relative à une concentration dans le secteur de la gestion et traitement des déchets, ainsi que C2008-71 / Lettre du ministre de l'économie, de l'industrie et de l'emploi du 14 août 2008, au conseil de la société Sita France, relative à une concentration dans le secteur du traitement des déchets métalliques et du recyclage des métaux, et les décisions de la Commission européenne n° IV-M.916- Lyonnaise des Eaux / Suez du 5 juin 1997, n° IV-M.1059 - Suez Lyonnaise des Eaux / BFI du 19 décembre 1997 et n° COMP/M.4495 -Alfa Acciai / Cronimiet / Remonds / TSR Group du 6 février 2007.

3 Voir la décision de la Commission européenne n° IV/M.916 Lyonnaise des Eaux/Suez précitée.

4 Voir la décision C2007-168 précitée.

5 Décision n° COMP-M.4495 -Alfa Acciai / Cronimiet / Remonds / TSR Group précitée.

6 Voir les décisions C2007-168 et C2008-71 précitées.

7 Décision n° COMP-M.4495, précitée.

8 Marché estimé par la partie notifiante à 240 000 tonnes et 240 millions d'euro en 2011.

9 Marché estimé par la partie notifiante à environ 1,5 millions de tonnes et 450 millions d'euro en 2011.

10 Le marché de la valorisation des déchets métalliques et autres métaux se répartit entre le marché de la valorisation des déchets ferreux d'un montant de 3,32 milliards d'euro et le marché de la valorisation des déchets non-ferreux d'un montant de 4,8 milliards d'euro