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Décisions

Cass. soc., 7 mars 2012, n° 10-10.954

COUR DE CASSATION

Arrêt

Cassation

PARTIES

Demandeur :

Virolle

Défendeur :

Global Gift (SARL)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Lacabarats

Rapporteur :

M. Flores

Avocats :

SCP Gatineau, Fattaccini, SCP Richard

Versailles, 11e ch., du 3 nov. 2009

3 novembre 2009

LA COUR : - Attendu, selon l'arrêt attaqué, que, le 7 novembre 2002, M. Virolle a été engagé par la société Global Gift en qualité de représentant exclusif auprès des professionnels de la petite distribution ; qu'un avenant du 7 janvier 2004 a prévu que le salarié exercerait ses fonctions en temps partagé avec la société Fotomania ; que par avenant du 1er avril 2004, le salarié est devenu VRP multicartes chargé de la vente de l'ensemble des produits proposés par Global Gift ; que contestant son licenciement intervenu le 30 mai 2006 pour faute grave, le salarié a saisi la juridiction prud'homale de diverses demandes ;

Sur le deuxième moyen : - Attendu que le salarié fait grief à l'arrêt de dire que le licenciement reposait sur une faute grave et de le débouter de ses demandes d'indemnités de rupture, alors, selon le moyen : 1°) que l'article L. 7313-6 du Code du travail dispose que "le contrat de travail du voyageur, représentant, placier peut, pour sa durée, prévoir l'interdiction pour ce dernier, de représenter des entreprises ou des produits déterminés" ; que la liberté du travail étant le principe, le contrat d'un voyageur représentant, placier ne saurait prévoir, durant la durée d'exécution de ce dernier, une interdiction excédant celle prévue par l'article L. 7313-6 du Code du travail ; qu'en l'espèce, il résulte des constatations de la cour d'appel que la société Global Gift invoquait la violation d'une clause interdisant au salarié non seulement de "vendre des produits concurrents et similaires à ceux de la société Global Gift" (article 4c), mais également de "s'intéresser directement ou indirectement à une entreprise concurrente" (article 7a) ; que cette dernière interdiction excédait celles recensées par l'article L. 7313-6 du Code du travail ; qu'en se fondant néanmoins, pour retenir la faute grave, sur la circonstance que les sociétés Global Gift et Derfi avaient des activités concurrentes, la cour d'appel a violé l'article L. 7313-6 du Code du travail, ensemble ses articles L. 1234-1, L. 1234-5, et L. 1231, L. 1121-1, et le principe fondamental de libre exercice d'une activité professionnelle ; 2°) que les restrictions à la liberté d'exercer une autre activité, en particulier s'agissant d'un VRP multicartes, s'entendent de manière restrictive ; que le contrat de M. Virolle précisait d'une part (article 4, b/) que "M. Virolle était chargé de la vente de l'ensemble des produits sans exception, proposé par Global Gift (articles de papeterie, de carteries, de boutiques pour le loisir créatif et magasin de cadeaux et jouets", d'autre part (article 4/c) que "M. Virolle s'engageait à ne pas vendre de produits concurrents et similaires à ceux de la société Global Gift" ; qu'il en résultait que le salarié ne pouvait vendre des cartes concurrentes et similaires ; qu'en affirmant que le contrat de M. Virolle lui aurait interdit de vendre, en général, des cartes, la cour d'appel a dénaturé ledit contrat en violation de l'article 1134 du Code civil ; 3°) que M. Virolle soutenait que durant son activité pour la société Global Gift, la société Derfi commercialisait des cartes postales, tandis que la société Global Gift ne disposait à son catalogue que de quelques cartes de Noël vendues exclusivement et en très faible quantité en période de fin d'année, ce qu'il offrait de prouver en se prévalant de son relevé de ventes 2004-2006 émanant de l'employeur, dont il résultait que seules cinquante ventes de cartes avaient été effectuées sur plus de deux mille ventes, qu'elles ne concernaient que des cartes de Noël, et étaient concentrées sur les mois d'octobre à décembre ; qu'en affirmant que M. Virolle aurait prétendu que la société Global Gift ne commercialisait aucune carte lorsqu'il y était en fonctions, et par motifs à les supposer adoptés, que M. Virolle n'aurait pas contesté avoir vendu des produits identiques à ceux de son employeur, la cour d'appel a dénaturé ses conclusions en violation des articles 4 et 5 du Code de procédure civile ; 4°) qu'en n'examinant pas les prétentions ainsi soutenues par le salarié, et nullement contestées par l'employeur, la cour d'appel a violé l'article 455 du Code de procédure civile ; 5°) que l'existence d'une faute du salarié s'apprécie durant la période pendant laquelle les faits fautifs se sont déroulés ; qu'en l'espèce la cour d'appel a constaté que le reproche d'une activité concurrente avait été formulé par l'employeur dès le 9 mai 2005 et que le salarié avait été licencié le 30 mai 2006 ; que pour établir l'activité concurrente qu'aurait eu M. Virolle, l'employeur se prévalait de documents non datés ou relatifs à l'année 2007 ; qu'en retenant qu'il résultait des catalogues des deux sociétés et des autres pièces du dossier que les sociétés Global Gift et Derfi auraient eu des activités concurrentes, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 7313-6 du Code du travail, ensemble ses articles L. 1234-1, L. 1234-5, et L. 1231, L. 1121-1 ; 6°) que l'employeur qui tolère pendant plusieurs mois les agissements de son salarié, ne saurait ensuite les sanctionner par un licenciement, et encore moins par un licenciement pour faute grave ; qu'en l'espèce, le salarié soutenait que son employeur savait de longue date qu'il travaillait pour des sociétés, dont l'employeur prétendait qu'elles étaient concurrentes ; que la cour d'appel a constaté que l'employeur avait reproché au salarié dès le 9 mai 2005, par un avertissement, de travailler pour des sociétés concurrentes d'une part, que le salarié aurait malgré tout persisté à vendre des produits concurrents et similaires d'autre part, que ce n'est qu'en mai 2006 que le salarié avait été convoqué à l'entretien préalable à son licenciement enfin ; qu'en se bornant à relever que l'employeur pouvait prendre en considération des faits antérieurs à deux mois dès lors qu'ils s'étaient poursuivis et que l'accord de l'employeur pour travailler pour des sociétés concurrentes n'était pas établi, sans rechercher comme elle y était invitée, si l'absence de sanction prise par l'employeur après l'avertissement du 9 mai 2005 n'était pas de nature à priver de cause réelle et sérieuse le licenciement initié un an plus tard, et à tout le moins à interdire à l'employeur d'invoquer la faute grave, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 1234-1, L. 1234-5, et L. 1231-1 du Code du travail ; 7°) que le principe d'égalité de traitement interdit à l'employeur de reprocher à un salarié des agissements qu'il accepte de la part d'autres salariés ; qu'en l'espèce, le salarié faisait valoir que des collègues travaillaient avec la société Derfi, sans qu'il le leur en soit fait reproche, et produisait leurs attestations en ce sens ; qu'en relevant qu'ils avaient été embauchés en 1996 à une époque où l'employeur ne commercialisait que des stickers, et non des cartes postales comme la société Derfi qu'ils représentaient déjà, et que les salariés auraient ainsi respecté leurs engagements contractuels, sans à aucun moment préciser d'où résultait, les contrats de travail n'ayant pas été produits par l'employeur, le contenu des relations contractuelles liant les salariés à la société Global Gift, la cour d'appel a violé l'article 455 du Code de procédure civile ;

Mais attendu qu'appréciant souverainement les éléments de fait et de preuve qui lui étaient soumis, la cour d'appel, qui a estimé que le VRP avait représenté des sociétés commercialisant des produits concurrents, a pu, sans encourir les griefs du moyen, décider que ces faits rendaient impossible le maintien du salarié dans l'entreprise et constituaient une faute grave ; que le moyen n'est pas fondé ;

Sur le troisième moyen : - Attendu que le salarié fait grief à l'arrêt de le débouter de sa demande d'indemnité spéciale de rupture, alors, selon le moyen, que l'employeur reconnaissait que le salarié lui avait adressé un courrier en date du 29 juin 2006, dont ce dernier se prévalait expressément dans ses écritures, et aux termes duquel il précisait répondre au courrier de son employeur du 20 juin 2006 relatif à la restitution du matériel de l'entreprise, avant de renoncer au bénéfice de l'indemnité de clientèle ; que l'employeur précisait en effet, dans l'énoncé des faits, que "par courrier du 29 juin 2006, M. Virolle répondait au courrier de son ancien employeur du 20 juin 2006" ; qu'en déboutant le salarié de sa demande au motif que le salarié ne justifiait pas de l'envoi à l'employeur de la lettre du 29 juin 2005, la cour d'appel a excédé les termes du litige en violation des articles 4 et 5 du Code de procédure civile ;

Mais attendu que l'employeur soutenant que le salarié ne justifiait pas avoir renoncé, au plus tard dans les trente jours suivant l'expiration de son contrat de travail, à l'indemnité de clientèle, la cour d'appel a décidé, sans méconnaître l'objet du litige, de débouter le salarié de sa demande d'indemnité spéciale de rupture ; que le moyen n'est pas fondé ;

Sur le quatrième moyen : - Attendu que le salarié fait grief à l'arrêt de le débouter de sa demande au titre de la contrepartie financière à la clause de non-concurrence, alors, selon le moyen : 1°) que la clause de non-concurrence figurant au contrat de M. Virolle était ainsi libellée : "M. Virolle s'engage formellement à ne pas travailler, sous quelle que forme que ce soit, pour une entreprise concurrente de la société, pendant les douze mois suivants la cessation de ses fonctions, quelle qu'en soit la cause ; cette obligation de non-concurrence est limitée au secteur et à la clientèle prévus aux articles 4 et 5 du contrat, et visités en dernier lieu par M. Virolle" ; que l'article 4 du contrat précisait que M. Virolle "doit visiter la clientèle existante et potentielle de la société, telle que cette clientèle sera définie et précisée" ; qu'il résultait de ces stipulations que si la clause interdisait de travailler pour le compte de sociétés concurrentes de l'employeur, elle limitait une telle interdiction aux seuls clients relevant d'une liste annoncée par le contrat, et ayant été "visités en dernier lieu" par M. Virolle ; qu'en retenant que M. Virolle aurait méconnu une telle clause dès lors "qu'il ne prétend pas avoir cessé ses activités pour le compte de la société Derfi postérieurement au licenciement et que ses secteurs d'activités dans cette société sont différents de ceux qu'il prospectait pour la société Global Gift", la cour d'appel a violé l'article 1134 du Code civil ; 2°) que la cassation à intervenir sur le licenciement reposant sur l'exercice d'activités concurrentes emportera cassation du chef du dispositif présentement critiqué, en application de l'article 624 du Code de procédure civile ; 3°) qu'il revient à l'employeur, qui se prétend délivré de l'obligation de payer la contrepartie pécuniaire de la clause de non-concurrence, de rapporter la preuve de la violation de cette clause par le salarié ; qu'en l'espèce, pour dire que M. Virolle aurait violé sa clause de non-concurrence, la cour d'appel a retenu que le salarié ne "prétendait pas avoir cessé ses activités pour le compte de la société Derfi postérieurement au licenciement et que ses secteurs d'activités dans cette société sont différents de ceux qu'il prospectait pour la société Global Gift" ; qu'en statuant ainsi la cour d'appel a violé l'article 1315 du Code civil ; 4°) qu'en retenant, par motifs éventuellement adoptés, qu'ayant "procédé à des actes de concurrence alors que son contrat était en vigueur, il est impossible d'envisager que M. Virolle respecte cet engagement dans la suite", la cour d'appel, qui a statué par un motif hypothétique, a derechef violé l'article 455 du Code de procédure civile ;

Mais attendu, d'abord, que le rejet du deuxième moyen, prive de portée la deuxième branche du moyen ;

Attendu, ensuite, qu'ayant constaté que le salarié avait conclu un contrat de travail avec une entreprise concurrente pendant l'exécution du contrat de travail et que celui-ci n'alléguait pas avoir cessé cette collaboration après la rupture de ce contrat, la cour d'appel a pu décider, sans inverser la charge de la preuve, que le salarié avait manqué à son obligation contractuelle de non-concurrence ; d'où il suit que le moyen, nouveau et irrecevable, comme étant mélangé de fait et de droit, en sa première branche, et qui critique des motifs surabondants en sa quatrième branche, n'est pas fondé pour le surplus ;

Mais, sur le premier moyen : - Vu les articles L. 1331-2, L. 7313-1 du Code du travail, ensemble l'article 5 de l'Accord national interprofessionnel du 3 octobre 1975 ; - Attendu qu'il résulte de la combinaison de ces textes que le représentant engagé à titre exclusif a droit à une ressource minimale forfaitaire ; que toute retenue pratiquée par l'employeur sur cette ressource minimale forfaitaire constitue une sanction pécuniaire illicite ;

Attendu que pour débouter le salarié de sa demande de rappel de salaire au titre du salaire minimum garanti pour la période du 7 novembre 2002 au 31 mars 2004, l'arrêt retient que l'employeur verse aux débats un courrier du 30 janvier 2003 adressé par le salarié qui indique que "mes obligations ne me permettent toujours pas d'avoir une activité régulière. Comme je vous l'ai dit, je ne souhaite pas de versement autre que le cumul des commissions quand celui-ci paraîtra suffisant" ; qu'il produit également un relevé de commissions de la société Fotomania pour la période du 1er novembre 2003 au 5 janvier 2004, faisant apparaître en faveur de M. Virolle un versement de 753,60 euro, ce qui implique que l'intéressé travaillait pour la société Fotomania avant la formalisation écrite du contrat de travail ; qu'il n'apparaît pas que M. Virolle a travaillé à temps plein pour le compte de la société Global Gift ;

Qu'en statuant comme elle l'a fait, alors qu'elle avait constaté, d'une part, que le salarié avait été engagé comme VRP exclusif jusqu'au 7 janvier 2004, date à laquelle il avait été engagé en qualité de VRP exclusif en temps partagé avec la société Fotomania, et, d'autre part, que le relevé de commissions versées par la société Fotomania ne portait que sur la période du 1er novembre 2003 au 5 janvier 2004, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations, a violé le texte susvisé ;

Par ces motifs : Casse et annule, mais seulement en ce qu'il a débouté le salarié de sa demande de rappel de salaire au titre du minimum garanti pour la période du 7 novembre 2002 au 31 mars 2004, l'arrêt rendu le 3 novembre 2009, entre les parties, par la Cour d'appel de Versailles ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la Cour d'appel de Paris.