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Décisions

TUE, 2e ch., 21 mars 2012, n° T-115/06

TRIBUNAL DE L'UNION EUROPÉENNE

Arrêt

PARTIES

Demandeur :

Fiskeri og Havbruksnæringens Landsforening, Norske Sjømatbedrifters Landsforening, Salmar Farming AS, Hydroteck AS, Hallvard Lerøy AS, Lerøy Midnor AS

Défendeur :

Conseil de l'Union européenne, Commission européenne

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Forwood

Juges :

MM. Dehousse, Popescu (Rapporteur)

Avocats :

Mes Servais, Paulsen

TUE n° T-115/06

21 mars 2012

LE TRIBUNAL (deuxième chambre),

Antécédents du litige

1 La première requérante, la Fiskeri og Havbruksnæringens Landsforening (fédération norvégienne des poissons et fruits de mer, ci-après la "FHL"), et la deuxième requérante, la Norske Sjømatbedrifters Landsforening (association norvégienne des poissons et fruits de mer), sont des organisations constituées selon le droit norvégien et représentent les producteurs, les transformateurs et les exportateurs norvégiens de poissons et de fruits de mer. Selon ces organisations, elles représentent ensemble environ 85 % de la production et des ventes norvégiennes de saumon d'élevage originaire de Norvège. Elles défendent les intérêts de leurs membres, notamment dans les affaires de commerce international, et sont autorisées à les représenter en justice.

2 La troisième requérante, Salmar Farming AS, est un producteur de saumon appartenant à 100 % à Salmar AS, qui est le plus grand fabricant de filets de saumon de Norvège. La quatrième requérante, Hydroteck AS, est un éleveur de saumon, la cinquième requérante, Hallvard Lerøy AS, est un exportateur de saumon et la sixième requérante, Lerøy Midnor AS, est une société de production et de transformation du saumon d'élevage.

3 Le 6 mars 2004, la Commission des Communautés européennes a ouvert, conformément au règlement (CE) n° 3285-94 du Conseil, du 22 décembre 1994, relatif au régime commun applicable aux importations et abrogeant le règlement (CE) n° 518-94 (JO L 349, p. 53), et au règlement (CE) n° 519-94 du Conseil, du 7 mars 1994, relatif au régime commun applicable aux importations de certains pays tiers et abrogeant les règlements (CEE) n° 1765-82, (CEE) n° 1766-82 et (CEE) n° 3420-83 (JO L 67, p. 89), une enquête de sauvegarde concernant les importations de saumon d'élevage.

4 Le 8 septembre 2004, parallèlement à l'enquête de sauvegarde, une plainte concernant les importations de saumon d'élevage originaire de Norvège a été déposée par le European Salmon Producers Group (groupement des producteurs européens de saumon), au nom de producteurs représentant une proportion majeure de la production communautaire de saumon d'élevage.

5 À la suite de cette plainte, la Commission a ouvert une procédure antidumping, conformément au règlement (CE) n° 384-96 du Conseil, du 22 décembre 1995, relatif à la défense contre les importations qui font l'objet d'un dumping de la part de pays non membres de la Communauté européenne (JO 1996, L 56, p. 1), tel que modifié (ci-après le "règlement de base") [remplacé par le règlement (CE) n° 1225-2009 du Conseil, du 30 novembre 2009, relatif à la défense contre les importations qui font l'objet d'un dumping de la part de pays non membres de la Communauté européenne (JO L 343, p. 51, rectificatif JO 2010, L 22, p. 7)], et en particulier conformément à l'article 5 du règlement de base (devenu article 5 du règlement n° 1225-2009). L'avis d'ouverture de cette procédure a été publié au Journal officiel de l'Union européenne du 23 octobre 2004 (JO C 261, p. 8).

6 L'enquête relative au dumping et au préjudice en résultant a porté sur la période comprise entre le 1er octobre 2003 et le 30 septembre 2004 (ci-après la "période d'enquête"). L'examen des tendances aux fins de l'évaluation du préjudice a couvert la période allant du 1er janvier 2001 à la fin de la période d'enquête. La période retenue pour les conclusions relatives à la sous-cotation, à la sous-cotation des prix indicatifs et à l'élimination du préjudice coïncide avec la période d'enquête.

7 Le produit visé par l'enquête était le saumon d'élevage (autre que sauvage), en filet ou non, frais, réfrigéré ou congelé (ci-après le "produit concerné"). Cette définition excluait tout autre poisson d'élevage similaire tel que les grosses truites, dites "saumonées", les saumons issus de la biomasse (saumons vivants) ainsi que les saumons sauvages et tout autre type de saumons transformés tels que le saumon fumé.

8 Compte tenu du grand nombre de producteurs-exportateurs du produit concerné en Norvège et de producteurs du même produit dans l'Union, la Commission a indiqué qu'elle envisageait de recourir, aux fins de l'enquête, à la technique de l'échantillonnage. Dans le cadre de la détermination du dumping, la Commission a choisi, en application de l'article 17 du règlement de base (devenu article 17 du règlement n° 1225-2009), un échantillon de dix producteurs-exportateurs norvégiens pour les besoins de l'enquête. Pour ce qui est de la détermination du préjudice, l'échantillon de producteurs communautaires a été constitué sur la base du plus grand volume représentatif de production sur lequel l'enquête pouvait raisonnablement porter et a été finalement composé de cinq sociétés.

9 Le 8 mars 2005, la Commission a envoyé aux sociétés de l'échantillon des notes d'information portant sur les chiffres relatifs à leurs propres coûts de production. Par lettre du 11 avril 2005, la FHL a contesté la procédure appliquée par la Commission et les modifications apportées aux chiffres relatifs aux coûts de production.

10 Le 22 avril 2005, la Commission a adopté le règlement (CE) n° 628-2005, instituant un droit antidumping provisoire sur les importations de saumon d'élevage originaire de Norvège (JO L 104, p. 5, ci-après le "règlement provisoire"). Ces droits antidumping provisoires, qui se présentaient sous la forme de droits ad valorem compris entre 6,8 et 24,5 % de la valeur des produits importés, étaient applicables à partir du 27 avril 2005.

11 Le 30 juin 2005, la Commission a modifié, par le règlement (CE) n° 1010-2005, modifiant le règlement n° 628-2005 (JO L 170, p. 32), la forme des mesures provisoires, remplaçant les droits ad valorem par des prix minimaux à l'importation (ci-après les "PMI") pour les différentes présentations du saumon d'élevage et a prorogé de trois mois l'application des mesures provisoires.

12 Le 28 octobre 2005, la Commission a adressé aux sociétés de l'échantillon le document d'information finale détaillant les faits et les motifs pour lesquels elle proposait l'adoption des mesures antidumping définitives. Par lettre du 8 novembre 2005, les requérantes ont présenté leurs observations sur le document d'information finale et ont contesté les conclusions de la Commission, exposées dans ledit document d'information finale.

13 Le 22 décembre 2005, la Commission a envoyé au Conseil de l'Union européenne la proposition de règlement instituant un droit antidumping définitif et portant perception définitive du droit provisoire institué sur les importations de saumon d'élevage originaire de Norvège.

14 Le 17 janvier 2006, le Conseil a adopté le règlement (CE) n° 85-2006, instituant un droit antidumping définitif et portant perception définitive du droit provisoire institué sur les importations de saumon d'élevage originaire de Norvège (JO L 15, p. 1, ci-après le "règlement attaqué"). Le règlement attaqué a imposé des droits antidumping définitifs sur les importations concernées consistant en une combinaison de droits fixes et variables.

15 Par son article 1er, paragraphe 4, le règlement attaqué a ainsi institué un droit antidumping définitif dont le montant équivalait à la différence entre le PMI fixé au paragraphe 5 du même article et le prix net franco frontière communautaire avant dédouanement, si ce dernier était inférieur. Aucun droit ne devait être perçu si le prix net franco frontière communautaire était égal ou supérieur au PMI correspondant fixé à l'article 1er, paragraphe 5, du règlement attaqué. Selon l'article 1er, paragraphe 5, du règlement attaqué, s'il s'avérait, à la suite d'une vérification postérieure à l'importation, que le prix net franco frontière communautaire effectivement payé par le premier client indépendant dans l'Union (prix postérieur à l'importation) était inférieur au prix net franco frontière communautaire, avant dédouanement, tel que résultant de la déclaration en douane et que le prix postérieur à l'importation était inférieur au PMI, un droit antidumping fixe devait s'appliquer.

Procédure et conclusions des parties

16 Par requête déposée au greffe du Tribunal le 7 avril 2006, les requérantes ont introduit le présent recours.

17 Le 27 juillet 2006, la Commission a présenté une demande d'intervention au soutien des conclusions du Conseil. Par ordonnance du 6 septembre 2006, le président de la quatrième chambre du Tribunal a admis cette intervention. Par acte déposé au greffe du Tribunal le 5 octobre 2006, la Commission a informé le Tribunal qu'elle renonçait au dépôt d'un mémoire en intervention.

18 Le 22 février 2007, la présente affaire a été réattribuée à un nouveau juge rapporteur siégeant dans la première chambre. La composition des chambres du Tribunal ayant été modifiée, le juge rapporteur a ensuite été affecté à la cinquième chambre.

19 Le 15 avril 2009, les requérantes ont déposé, au greffe du Tribunal, un mémoire complémentaire, que le Tribunal (cinquième chambre) a versé au dossier, en vertu de l'article 64, paragraphe 4, de son règlement de procédure.

20 Par actes déposés au greffe du Tribunal les 14 et 15 octobre 2009, le Conseil et la Commission ont déposé leurs observations sur le mémoire complémentaire.

21 Le 8 février 2010, par mesure d'organisation de la procédure, le Tribunal (cinquième chambre) a demandé au Conseil de préciser les éléments l'ayant conduit à juger appropriée la période de trois ans visée au considérant 18 du règlement attaqué et utilisée pour le calcul des charges extraordinaires. Le Conseil a également été invité à communiquer au Tribunal tout document utile à cet égard. Par courrier du 11 mars 2010, le Conseil a répondu à la question posée, en communiquant également un rapport établi par un consultant externe.

22 La composition des chambres du Tribunal ayant été modifiée, le juge rapporteur a été affecté à la deuxième chambre, à laquelle la présente affaire a, par conséquent, été attribuée. En raison du renouvellement partiel du Tribunal, la présente affaire a ensuite été attribuée à un nouveau juge rapporteur siégeant dans la même chambre.

23 Sur rapport du juge rapporteur, le Tribunal (deuxième chambre) a décidé d'ouvrir la procédure orale. Les parties ont été entendues en leurs plaidoiries et en leurs réponses aux questions posées par le Tribunal lors de l'audience du 12 juillet 2011.

24 Les requérantes concluent à ce qu'il plaise au Tribunal :

- annuler le règlement attaqué ;

- condamner le Conseil aux dépens.

25 Le Conseil conclut à ce qu'il plaise au Tribunal :

- rejeter le recours ;

- condamner les requérantes aux dépens.

En droit

Sur la recevabilité du recours en tant qu'il vise à l'annulation du règlement attaqué dans son ensemble

26 Lors de l'audience, les parties ont débattu de la recevabilité du présent recours, en tant qu'il n'est pas limité à la demande de l'annulation des dispositions du règlement attaqué qui concerne les requérantes individuellement. À cet égard, il y a lieu de rappeler que l'article 230, quatrième alinéa, CE subordonne la recevabilité d'un recours en annulation formé par une personne physique ou morale à la condition que l'acte attaqué, même s'il a été pris sous l'apparence d'un règlement, la concerne directement et individuellement. Selon une jurisprudence bien établie, il y a lieu de préciser que la fin de non-recevoir déduite du critère qui subordonne la recevabilité d'un recours introduit par une personne physique ou morale contre une décision dont elle n'est pas le destinataire à la condition qu'elle soit directement et individuellement concernée par cette décision, fixé à l'article 230, quatrième alinéa, CE, est d'ordre public, de sorte que les juridictions de l'Union peuvent à tout moment soulever ladite fin de non-recevoir, même d'office (voir, en ce sens, arrêt de la Cour du 2 mai 2006, Regione Siciliana/Commission, C-417-04 P, Rec. p. I-3881, point 36). Il convient, dès lors, d'examiner d'office cette question de recevabilité.

27 Les règlements instituant un droit antidumping ont, de par leur nature et leur portée, un caractère normatif, en ce qu'ils s'appliquent à la généralité des opérateurs économiques. Toutefois, certaines dispositions de ces règlements peuvent concerner directement et individuellement des entreprises productrices et exportatrices qui peuvent démontrer qu'elles ont été identifiées dans les actes de la Commission ou du Conseil ou concernées par les enquêtes préparatoires ou encore des importateurs dont les prix de revente des marchandises en cause sont à la base de la construction du prix à l'exportation, en cas d'association entre l'exportateur et l'importateur (voir, en ce sens, arrêt de la Cour du 14 mars 1990, Gestetner Holdings/Conseil et Commission, C-156-87, Rec. p. I-781, points 17 et 18).

28 En outre, un règlement imposant des droits antidumping différents à une série de sociétés ne peut concerner individuellement l'une d'entre elles que par ses seules dispositions qui lui imposent un droit antidumping particulier et en fixent le montant, et non par celles qui imposent des droits antidumping à d'autres sociétés (arrêt Gestetner Holdings/Conseil et Commission, point 27 supra, point 12), sans préjudice toutefois pour les institutions de devoir respecter leurs obligations en vertu de l'article 233 CE en cas d'annulation pour des motifs affectant le calcul des droits antidumping imposés à ces autres sociétés.

29 Il s'ensuit que, s'agissant de la FHL et de la Norske Sjømatbedrifters Landsforening, le présent recours n'est recevable qu'en tant qu'il tend à l'annulation des dispositions du règlement attaqué qui instituent un droit antidumping définitif ou portent perception définitive du droit antidumping provisoire sur les importations de saumon d'élevage issu de la production provenant de leur seuls membres, légalement enregistrés au moment de l'introduction du présent recours, et qui déterminent les taux de ces droits. S'agissant de Salmar Farming, d'Hydroteck, d'Hallvard Lerøy et de Lerøy Midnor, le présent recours n'est recevable qu'en tant qu'il tend à l'annulation des dispositions du règlement attaqué qui instituent un droit antidumping définitif ou portent perception définitive du droit antidumping provisoire sur les importations de saumon d'élevage issu de leur production et déterminent les taux de ces droits.

30 En revanche, les requérantes n'ont pas qualité pour former un recours en annulation des dispositions du règlement attaqué qui concernent exclusivement d'autres sociétés. Le présent recours doit, dans cette mesure, être rejeté comme irrecevable.

Sur le fond

31 Au soutien du recours, les requérantes avancent quatre moyens, concernant respectivement :

- le premier, le choix de l'échantillon des producteurs-exportateurs norvégiens ;

- le deuxième, le calcul des PMI et des droits fixes ;

- le troisième, les PMI des filets de saumon, et

- le quatrième, l'évaluation du préjudice et du lien de causalité.

32 Dans le cadre du présent recours, le Tribunal estime opportun d'examiner d'abord le deuxième moyen, tiré de la violation de l'article 9, paragraphe 4, du règlement de base (devenu article 9, paragraphe 4, du règlement n° 1225-2009), en ce que les PMI et les droits fixes n'ont pas été fixés au niveau le plus bas.

33 Ce moyen se subdivise en deux branches. Premièrement, les requérantes font valoir, en substance, que les PMI et les droits fixes établis par le règlement attaqué n'ont pas été fixés au niveau le plus bas entre la marge de dumping et la marge de préjudice. Deuxièmement, le Conseil et la Commission (ci-après les "institutions") auraient utilisé, pour le calcul des PMI sans dumping, une modalité de conversion de la couronne norvégienne en euro fondée sur un taux de change moyen sur trois ans.

Sur la première branche du deuxième moyen, tirée de la violation de la règle du droit moindre prévue à l'article 9, paragraphe 4, du règlement de base

34 Les requérantes soutiennent que les institutions n'ont pas respecté la règle du droit moindre prévue à l'article 9, paragraphe 4, du règlement de base en vue d'établir les PMI et les droits fixes prévus à l'article 1er, paragraphe 5, du règlement attaqué. Ainsi, en vertu des considérants 127 à 136 du règlement attaqué, les institutions se seraient appuyées sur la marge moyenne pondérée de préjudice au lieu de la marge moyenne pondérée de dumping.

35 À cet égard, les requérantes invoquent notamment les considérants 127 et 136 du règlement attaqué, lesquels indiqueraient que le règlement attaqué se fonde, en application de l'article 9, paragraphe 4, du règlement de base, sur une marge moyenne pondérée de préjudice de 14,6 %. Par ailleurs, le règlement attaqué indiquerait, dans son considérant 32, une marge moyenne pondérée de dumping de 14,8 %, identique à celle figurant dans le document d'information finale, malgré le fait que les marges de dumping individuelles de trois des sociétés de l'échantillon, Pan Fish Norway AS, Hydroteck et Sinkaberg-Hansen AS, ont été réduites, respectivement, de 24,5 à 17,7 %, de 21 à 18 % et de 2,7 à 2,6 %. Du fait de la réduction de ces marges individuelles, les requérantes en tirent la conclusion que la marge moyenne pondérée de dumping aurait dû être inférieure à 14,8 %, voire à 14,6 %.

36 Dès lors, les PMI et les droits fixes auraient dû être établis, conformément à l'article 9, paragraphe 4, du règlement de base, sur la base de la marge moyenne pondérée de dumping et non sur la base de la marge moyenne pondérée de préjudice.

37 Le Conseil fait valoir, en substance, que, contrairement aux allégations des requérantes, les institutions auraient bien appliqué la règle du droit moindre en comparant le PMI non préjudiciable de 2,80 euro par kilogramme d'équivalent poisson entier aux PMI sans dumping reconstruits des exportateurs norvégiens retenus dans l'échantillon. Ces PMI sans dumping auraient été fondés sur la base des valeurs normales, ajustées pour obtenir un prix net franco frontière communautaire. Dans tous les cas, le PMI sans dumping reconstruit aurait été bien supérieur au PMI non préjudiciable de 2,80 euro.

38 De surcroît, le Conseil affirme que la réduction des marges de dumping individuelles de certains exportateurs, après l'information finale, et partant, la réduction de la marge moyenne pondérée de dumping, serait sans rapport avec l'application de la règle du droit moindre. En tout état de cause, la marge moyenne pondérée de dumping pour l'ensemble des exportateurs, y compris ceux n'ayant pas coopéré, aurait été de 18,4 % et ainsi nettement supérieure à la marge moyenne pondérée de préjudice. Ce serait, dès lors, à juste titre que les institutions auraient constaté, aux considérants 127 et 136 du règlement attaqué, que la marge moyenne pondérée de préjudice était inférieure à la marge moyenne pondérée de dumping.

39 Il convient de rappeler, tout d'abord, que l'article 9, paragraphe 4, du règlement de base consacre la règle du droit moindre, selon laquelle "[l]e montant du droit antidumping ne doit pas excéder la marge de dumping établie et devrait être inférieur à cette marge, si ce droit moindre suffit à éliminer le préjudice causé à l'industrie communautaire".

40 En premier lieu, force est de constater que le grief des requérantes, selon lequel les droits antidumping sous la forme de PMI, établis à l'article 1er, paragraphe 5, du règlement attaqué, sont erronés, étant donné qu'ils seraient fondés sur la marge moyenne pondérée de préjudice au lieu de la marge moyenne pondérée de dumping, repose sur une prémisse erronée s'agissant de la méthode utilisée par les institutions pour le calcul de ces droits antidumping. En effet, les institutions n'ont pas fondé le calcul des PMI sur une des deux marges, mais sur le résultat de la comparaison entre les PMI sans dumping et le PMI non préjudiciable.

41 Ainsi, le considérant 129 du règlement attaqué indique que, aux fins de l'application de la règle prévue à l'article 9, paragraphe 4, du règlement de base, les institutions ont établi un PMI sans dumping propre à chaque société, fondé sur la valeur normale du produit concerné et ajusté pour obtenir un prix net franco frontière. Ces prix ont ensuite été comparés au PMI non préjudiciable calculé pour l'industrie communautaire du produit similaire. Conformément au considérant 131 du règlement attaqué, pour calculer le PMI non préjudiciable, il a été considéré que toute mesure devrait permettre à l'industrie communautaire de couvrir ses coûts de production et de réaliser le bénéfice avant impôt qu'une industrie de ce type pourrait raisonnablement escompter dans ce secteur dans des conditions de concurrence normales, c'est-à-dire en l'absence d'importations faisant l'objet d'un dumping, sur la vente du produit similaire dans l'Union. Dans tous les cas, il s'est avéré que le PMI non préjudiciable était inférieur au PMI sans dumping.

42 Il en résulte que, pour ce qui est des droits antidumping sous la forme de PMI, la marge moyenne pondérée de préjudice de 14,6 %, invoquée par les requérantes, n'est pas à la base de l'application de la règle du droit moindre, prévue à l'article 9, paragraphe 4, du règlement de base. Cette conclusion est confirmée, de surcroît, par le considérant 133 du règlement attaqué, qui précise que les PMI ont été établis au niveau du PMI non préjudiciable et appliqués à toutes les importations de saumon norvégien. Il est ainsi indiqué que, dans la mesure où les importations de saumon norvégien effectuées à des prix égaux ou supérieurs au PMI non préjudiciable élimineront les effets du dumping préjudiciable, il convient d'appliquer ce prix minimal à toutes ces importations, à l'exception de celles en provenance d'une société pour laquelle une marge de dumping de minimis a été constatée.

43 Il s'ensuit que le grief des requérantes, selon lequel les institutions ont fondé les droits antidumping sous la forme de PMI sur la marge moyenne pondérée de préjudice, ce qui aurait eu une incidence sur lesdits droits, doit être rejeté.

44 En second lieu, en ce qui concerne les droits antidumping sous la forme de droits fixes, il convient de préciser que les institutions ont établi leur calcul à partir d'une comparaison entre la marge moyenne pondérée de dumping et la marge moyenne pondérée de préjudice.

45 Il convient de rappeler d'emblée que la "règle du droit moindre" a pour conséquence qu'un producteur auquel ont été imposés des droits antidumping ne saurait contester ceux-ci au motif que l'enquête a conclu à une marge de dumping surévaluée au cas où le taux desdits droits a été fixé au niveau de la marge de préjudice, lorsque ce dernier est inférieur aussi bien à la marge de dumping faussement retenue qu'à la marge de dumping réelle (voir, en ce sens, arrêt de la Cour du 5 octobre 1988, Brother Industries/Conseil, 250-85, Rec. p. 5683, point 24). En revanche, lorsqu'il est démontré qu'un calcul non entaché de l'erreur alléguée est susceptible de donner lieu à une marge de dumping inférieure à la marge de préjudice, le règlement attaqué ne peut qu'être annulé.

46 En l'espèce, les requérantes contestent la validité du calcul de la marge de dumping qui leur a été imputée et estiment que cette erreur a donné lieu à une violation de la règle du droit moindre. En particulier, les requérantes reprochent aux institutions de ne pas avoir tenu compte de la correction des marges de dumping individuelles établies pour trois sociétés, faisant partie de l'échantillon, ce qui aurait affecté la marge moyenne pondérée de dumping issue de celui-ci et imputée aux requérantes selon le considérant 38 du règlement provisoire, confirmé par le considérant 30 du règlement attaqué.

47 L'erreur spécifique alléguée est susceptible d'entraîner l'annulation du règlement attaqué, puisque la marge moyenne pondérée de dumping calculée selon les modalités invoquées par les requérantes pourrait être inférieure à la marge moyenne pondérée de préjudice établie par ledit règlement.

48 Cette conclusion est également valable au regard d'Hydroteck, requérante faisant partie de l'échantillon et s'étant, par conséquent, vu attribuer une marge de dumping individuelle, ainsi qu'au regard des sociétés faisant partie de l'échantillon et étant membres de la FHL ou de la Norske Sjømatbedrifters Landsforening. En effet, dès lors que les droits fixes ont été établis au niveau de la marge moyenne pondérée de préjudice pour toutes les sociétés concernées sans considération de leur appartenance à l'échantillon, une définition de la marge moyenne pondérée de dumping à un niveau inférieur à celui de la marge moyenne pondérée de préjudice affectera nécessairement le niveau desdits droits.

49 Il est ainsi indiqué au considérant 136 du règlement attaqué que, "[c]onformément à l'article 9, paragraphe 4, du règlement de base, le droit fixe a été calculé sur la base de la marge moyenne pondérée de préjudice, celle-ci s'étant avérée inférieure à la marge moyenne pondérée de dumping". Par conséquent, il convient de constater que, pour ce qui est du calcul des droits antidumping sous la forme de droits fixes, établis à l'article 1er, paragraphe 5, du règlement attaqué, les institutions se sont fondées en effet sur la marge moyenne pondérée de préjudice.

50 Selon le considérant 30 du règlement attaqué, confirmant le considérant 38 du règlement provisoire, la marge moyenne pondérée de dumping a été calculée sur la base des marges de dumping individuelles établies pour les sociétés retenues dans l'échantillon. La marge moyenne pondérée de dumping a été établie à 14,8 %, tandis que la marge moyenne pondérée de préjudice a été fixée à 14,6 %.

51 Dans ce contexte, il y a lieu de rappeler que, ainsi qu'il résulte des pièces du dossier, les marges individuelles des trois sociétés retenues dans l'échantillon, à savoir Pan Fish Norway, Hydroteck et Sinkaberg-Hansen, ont été révisées à la baisse, après l'information finale communiquée par la Commission, celles-ci ayant été réduites respectivement de 24,5 à 17,7 %, de 21,9 à 18,0 % et de 2,7 à 2,6 %.

52 La marge moyenne pondérée de dumping ayant été calculée à partir des marges de dumping individuelles des sociétés ayant fait partie de l'échantillon, il en découle que la marge en question devait être également ajustée à la baisse. Or, ainsi qu'il ressort du considérant 32 du règlement attaqué et comme le font valoir les requérantes, les institutions n'ont pas ajusté la marge moyenne pondérée de dumping à la suite de la réduction des marges individuelles des trois sociétés retenues dans l'échantillon, après l'information finale, en préservant la même marge moyenne pondérée de dumping de 14,8 %.

53 Par ailleurs, force est de constater que, d'une part, l'argument des requérantes concernant la nécessaire réduction de la marge moyenne pondérée de dumping (voir point 35 ci-dessus) n'a pas été contesté par le Conseil. Ce dernier n'a par ailleurs pas démontré que la réduction en question n'amènerait pas la marge moyenne pondérée de dumping à un niveau inférieur à celui de la marge moyenne pondérée de préjudice. D'autre part, eu égard aux circonstances de l'espèce, une réduction de la marge moyenne pondérée de dumping aurait fort probablement éliminé l'écart très faible entre ladite marge et la marge moyenne pondérée de préjudice et changé ainsi la base même du calcul des droits fixes.

54 Cette constatation n'est pas remise en cause par les arguments du Conseil, selon lesquels, d'une part, la réduction des marges de dumping individuelles de certains exportateurs, après l'information finale, et donc de la marge moyenne pondérée de dumping, serait sans rapport avec l'application de la règle du droit moindre et, d'autre part, la marge moyenne pondérée de dumping pour l'ensemble des exportateurs, y compris ceux qui n'ont pas coopéré, aurait été de 18,4 %.

55 Premièrement, ainsi qu'il est précisé au point 49 ci-dessus, il ressort clairement du considérant 136 du règlement attaqué, que les droits fixes ont été calculés, en application de l'article 9, paragraphe 4, du règlement de base, sur la base de la marge moyenne pondérée de préjudice qui se serait avérée inférieure à la marge moyenne pondérée de dumping. Or, la réduction des marges de dumping individuelles des trois sociétés en question devait également entraîner une réduction de la marge moyenne pondérée de dumping. Par conséquent, en application de la règle du droit moindre, les institutions auraient dû tenir compte de cette réduction pour ce qui est du calcul des droits fixes. Il en résulte que l'argument du Conseil selon lequel la réduction de la marge moyenne pondérée de dumping est sans rapport avec l'application de la règle du droit moindre doit être rejeté comme non fondé.

56 Deuxièmement, il y a lieu de relever que l'assertion du Conseil selon laquelle la marge moyenne pondérée de dumping pour l'ensemble des exportateurs, y compris ceux qui n'ont pas coopéré, était de 18,4 % n'est pas étayée. Le chiffre ainsi avancé ne ressort ni du règlement attaqué ni du règlement provisoire ou des pièces du dossier. Il s'ensuit que cette allégation du Conseil doit être rejetée.

57 Il résulte de ce qui précède que les droits fixes prévus par le règlement attaqué reposent sur une comparaison avec une marge moyenne pondérée de dumping surévaluée et, partant, sur une base erronée de calcul, ce qui a eu une incidence sur le calcul desdits droits.

58 Dès lors, il y a lieu de constater que les institutions ont violé l'article 9, paragraphe 4, du règlement de base, en ce qu'elles n'ont pas respecté la règle du droit moindre prévue audit article en imposant des droits fixes incompatibles avec cette règle.

59 Par ailleurs, compte tenu des conclusions établies aux points 57 et 58 ci-dessus, il convient de considérer comme étant dépourvus de pertinence les arguments de la Commission, soulevés lors de l'audience, selon lesquels les droits fixes avaient pour seul but d'éviter le contournement de l'application des PMI et, en tout état de cause, ils n'auraient pas été effectivement perçus.

60 Premièrement, il y a lieu de rejeter l'assertion de la Commission, selon laquelle, en réalité, les droits fixes n'auraient pas été perçus, comme étant non étayée. En outre, lors de l'audience, le Conseil a reconnu, à cet égard, qu'il n'était pas exclu que, "pendant un certain laps de temps", ces droits aient été versés.

61 Deuxièmement, il y a lieu de préciser que les droits fixes constituent un élément essentiel dans l'économie du règlement attaqué. Il est mentionné au point 9 du règlement attaqué, intitulé "Applicabilité du [PMI]", et en particulier au considérant 136, que "[c]ompte tenu de certaines indications de contournement du [PMI] depuis son institution le 1er juillet 2005 et des possibilités d'arrangements compensatoires dans ce secteur du marché, il est nécessaire d'introduire un double système de mesures". Force est de constater que ce double système repose donc sur les droits fixes pour garantir le respect effectif du PMI. Dans ce contexte, l'erreur commise par le Conseil s'agissant de la fixation des droits fixes affecte l'ensemble du règlement attaqué et, en particulier, l'applicabilité du PMI et, dès lors, cette erreur n'est pas marginale, contrairement à ce que soutient la Commission.

62 Au vu de l'ensemble des considérations qui précèdent, la première branche du deuxième moyen, tirée de la violation de la règle du droit moindre prévue à l'article 9, paragraphe 4, du règlement de base, doit être accueillie.

Sur la deuxième branche du deuxième moyen, tirée de la violation de l'article 9, paragraphe 4, du règlement de base, tenant à l'augmentation des PMI sans dumping par l'utilisation d'un taux de conversion sur trois ans

63 Les requérantes invoquent, en substance, une violation de l'article 9, paragraphe 4, du règlement de base, du fait que les institutions ont utilisé, pour le calcul des PMI sans dumping, une modalité de conversion de la couronne norvégienne en euro fondée sur un taux de change moyen sur trois ans et non sur le taux de change moyen pendant la période d'enquête. Selon les requérantes, l'utilisation du taux de change moyen sur trois ans a eu pour conséquence une augmentation des PMI sans dumping de 6,7 %. Par conséquent, la comparaison entre les PMI sans dumping et le PMI non préjudiciable serait erronée. Or, dans leurs réponses au questionnaire envoyé au stade de l'enquête par la Commission, ayant servi de base pour le calcul des coûts, les sociétés de l'échantillon auraient répondu sur la base du taux de change, indiqué dans ce questionnaire, fondé sur la période d'enquête. En outre, les requérantes contestent la période de trois ans correspondant au cycle moyen de production de saumon d'élevage retenue par les institutions et soutiennent, dans la réplique, que le temps moyen d'élevage pour un saumon atlantique moyen est de 32 mois en Norvège.

64 Selon le Conseil, afin de veiller au respect de la règle du droit moindre, les institutions ont établi, pour chaque exportateur, un PMI sans dumping reconstruit pour le comparer au PMI non préjudiciable. Ce serait dans le cadre de ce calcul des PMI sans dumping qu'elles auraient fixé les coûts de production en convertissant les couronnes norvégiennes en euro et qu'elles auraient utilisé à cette fin un taux de change moyen sur trois ans, conformément à l'approche fondée sur le cycle de production du saumon d'élevage. À cet égard, le Conseil soutient que de grandes entreprises composant l'industrie norvégienne du saumon, parmi lesquelles figurent Marine Harvest Norway AS et Fjord Seafood Norway AS, retenues dans l'échantillon de producteurs-exportateurs norvégiens, utilisent généralement une comptabilité de projet, correspondant au cycle moyen de production de saumon d'élevage. En vertu d'une telle comptabilité, les coûts seraient cumulés dans un compte d'attente pendant la période allant de la fertilisation et de l'éclosion jusqu'à l'abattage, soit généralement trois ans. Étant donné que plusieurs coûts importants inclus dans la valeur normale auraient été supportés pendant ce cycle de production de trois ans, la Commission aurait, à juste titre, appliqué un taux de change moyen sur trois ans. De plus, les requérantes ayant contesté dans la requête uniquement l'utilisation du taux moyen sur trois ans, par opposition au taux moyen au cours de la période d'enquête, le Conseil estime que l'allégation soulevée dans la réplique concernant la durée du cycle de production constitue un moyen nouveau et est, dès lors, irrecevable en vertu de l'article 48 du règlement de procédure.

65 À titre liminaire, il y a lieu de relever que, s'agissant du calcul des PMI sans dumping, le considérant 130 du règlement attaqué précise que les institutions ont appliqué un taux de change moyen sur trois ans pour la conversion en euro des coûts subis par l'industrie du saumon norvégienne. Il résulte du même considérant que la décision des institutions d'appliquer un taux de change moyen sur trois ans est liée au cycle moyen de production du saumon, qui, selon le règlement attaqué, serait de trois ans, et au fait que plusieurs coûts importants inclus dans la valeur normale seraient supportés pendant ce cycle de production.

66 Par ailleurs, il y a lieu de constater qu'une explication succincte de l'utilisation de ladite période de trois ans figure au considérant 18 du règlement attaqué, mais uniquement pour l'allocation des charges extraordinaires dans la construction de la valeur normale. Il est ainsi indiqué ce qui suit :

"[... L']étalement de ces charges sur une période donnée éliminerait toute incidence excessive du moment choisi par les sociétés pour les déclarer. Idéalement, toutes les charges extraordinaires déclarées pour un actif donné devraient être réparties sur la durée de vie utile de cet actif de manière à obtenir un coût annuel moyen. Il convient toutefois de faire remarquer qu'aucune des sociétés en cause n'a procédé à ce calcul. La Commission a donc décidé de retenir les charges extraordinaires déclarées par les sociétés de l'échantillon sur les trois derniers exercices, en se fondant sur les états financiers les plus récents disponibles, et d'en imputer un tiers à la production de saumon sur la période d'enquête, sur la base du chiffre d'affaires. Une période de trois ans a été jugée appropriée dans la mesure où il s'agit du temps moyen nécessaire pour élever un smolt en saumon prélevable."

67 Or, les indications données aux considérants 18 et 130 du règlement attaqué ne permettent pas de déterminer les coûts réellement pris en compte par les institutions en se fondant sur une période de trois ans et, notamment, si ceux-ci constituent en effet une base suffisante et objective de calcul pour la valeur normale, en justifiant ainsi, de manière cohérente, l'utilisation d'un taux de change moyen sur trois ans pour ce qui est du calcul des PMI sans dumping.

68 Il convient de rappeler, dans ce contexte, que le Tribunal a demandé au Conseil, dans le cadre des mesures d'organisation de la procédure, de préciser les facteurs qui l'avaient conduit à considérer que la période de trois ans, visée au considérant 18 du règlement attaqué et utilisée pour le calcul des charges extraordinaires, était appropriée.

69 Dans la réponse du 11 mars 2010 à la question du Tribunal, le Conseil a communiqué le rapport d'un consultant externe, en fournissant des informations supplémentaires en ce qui concerne la période de trois ans figurant au considérant 18 du règlement attaqué. Le Conseil a relevé que ce rapport avait été réalisé à la demande des producteurs représentés par la FHL. Selon le Conseil, ce rapport contient des observations générales relatives à la structure des coûts de l'industrie norvégienne du saumon, ainsi que des informations détaillées concernant les coûts des exportateurs norvégiens inclus dans l'échantillon.

70 Comme le confirme la page 2 du rapport du consultant externe, ce document a été établi au vu des divergences existant entre l'industrie norvégienne du saumon et la Commission concernant le calcul des coûts de production et l'ajustement de ces coûts pour chaque société, incluant les charges extraordinaires. Cette même page précise également que ce rapport vise à présenter une méthodologie susceptible d'être appliquée.

71 C'est ainsi que la page 19 du rapport du consultant externe suggère d'étaler les coûts de production sur une génération de saumons, tout en précisant que celle-ci dure 36 mois. Le rapport semble corroborer l'appréciation des institutions faite au considérant 18 du règlement attaqué selon laquelle l'élevage d'une génération de saumons, du smolt au saumon prélevable, s'étale sur une période de trois ans.

72 Toutefois, premièrement, il importe de souligner que les requérantes contestent, dans la réplique, même la durée du cycle de production du saumon d'élevage, en précisant que celle-ci est de 32 mois et non de 36. À cet égard, force est de constater que les institutions ont étroitement lié leur choix concernant la modalité de conversion de la couronne norvégienne en euro fondée sur un taux de change moyen sur trois ans à la durée du cycle de production du saumon d'élevage choisie par les institutions pour répartir certaines charges extraordinaires des sociétés de l'échantillon. Dès lors, une telle allégation des requérantes ne saurait être qualifiée de moyen nouveau et est donc recevable.

73 Deuxièmement, force est de constater que le rapport du consultant externe produit par le Conseil suggère l'utilisation de la période de 36 mois pour répartir les coûts de restructuration, en l'espèce s'agissant des charges extraordinaires de restructuration. Dès lors, la page 19 dudit rapport fait référence aux charges extraordinaires de restructuration et non aux charges extraordinaires en général.

74 Il est certain que l'inclusion et la répartition correcte de ces charges de restructuration dans les coûts de production finaux sont importantes, mais lesdites charges ne représentent qu'un élément dans la construction finale d'une valeur normale, au sens du règlement de base. Or, les institutions ont étendu l'utilisation de la période indiquée par le rapport du consultant externe à la répartition d'autres coûts.

75 À cet égard, le rapport du consultant externe ne peut pas être considéré comme étant une "autre base raisonnable", au sens de l'article 2, paragraphe 5, premier alinéa, du règlement de base (devenu article 2, paragraphe 5, premier alinéa, du règlement n° 1225-2009), pour ce qui est de la détermination et de l'ajustement des frais liés à la production et à la vente du saumon norvégien et sur lesquels se fonde le calcul de la valeur normale.

76 En outre, le rapport du consultant externe, tel qu'il a été déposé par le Conseil, ne confirme pas le fait que toutes les sociétés retenues dans l'échantillon ou, à tout le moins, les plus grands producteurs-exportateurs norvégiens de saumon, comme le soutient le Conseil, ont utilisé une comptabilité de projet pour établir les coûts de production pour le produit concerné.

77 Contrairement à ce que prétend le Conseil, il résulte de l'annexe R-2 de la lettre du 11 mars 2010, laquelle contient un tableau non confidentiel présentant les méthodes de comptabilisation des coûts appliqués par les sociétés norvégiennes dans leurs réponses au questionnaire envoyé au stade de l'enquête par la Commission, que seules quatre sociétés de l'échantillon y ont répondu en s'appuyant sur une comptabilité de projet et que, même dans ces cas, il ne ressort pas des pièces déposées qu'il s'agissait d'un projet sur trois ans.

78 Par conséquent, d'une part, le rapport du consultant externe ne justifie pas l'utilisation de la période de trois ans pour répartir toutes les charges extraordinaires ou d'autres coûts et, d'autre part, il ne confirme pas non plus le fait que les sociétés retenues dans l'échantillon ont systématiquement utilisé une comptabilité de projet sur trois ans pour établir les coûts de production pour le produit concerné. En outre, la période de trois ans, liée au cycle de production du saumon d'élevage pour justifier ainsi la répartition des coûts de production, est contestée par les requérantes. Il s'ensuit que, dans la mesure où la période de trois ans retenue par les institutions pour répartir les coûts en question n'est pas justifiée, le taux de conversion de trois ans choisi pour calculer les PMI sans dumping ne l'est pas non plus.

79 En tout état de cause, il convient de relever que, même si toutes les sociétés de l'échantillon avaient utilisé une comptabilité de projet sur trois ans, ce qui n'est pas le cas, les institutions auraient dû clairement indiquer la portée et la structure des coûts prises en compte dans le cadre d'une telle approche. Le considérant 130 du règlement attaqué se borne à indiquer que, "[d]ans la mesure où plusieurs coûts importants inclus dans la valeur normale sont supportés pendant ce cycle de production, la Commission considère que les taux moyens sur trois ans sont adaptés au calcul des [PMI] sans dumping". Partant, seuls certains coûts ont été inclus dans la valeur normale en suivant l'approche de la comptabilité de projet sur trois ans.

80 Il en résulte que les institutions ont utilisé le taux de conversion de trois ans malgré le fait que seule une partie des coûts résultant d'une moyenne sur ladite période a été incluse dans la valeur normale sur laquelle s'est fondé finalement le calcul des PMI sans dumping pour chaque société de l'échantillon.

81 Par ailleurs, comme il ressort du considérant 130 du règlement attaqué et des pièces déposées au dossier, les requérantes ont clairement contesté l'approche suivie par les institutions. Cette position a été notamment justifiée par le fait que les coûts de production à la base du calcul de la valeur normale ont été fondés sur des données se rapportant à la période d'enquête, ainsi communiquées par les sociétés norvégiennes de l'échantillon.

82 Force est de constater que, en se fondant principalement sur des données se rapportant à la période d'enquête, les institutions auraient dû utiliser un taux de change correspondant à cette même période, en préservant ainsi la cohérence de la méthode utilisée, en ce qui concerne le calcul des PMI sans dumping, par rapport aux données recueillies. En ne procédant pas de cette manière, les institutions ont fondé lesdits prix sur une base factuelle erronée, ce qui met en cause le niveau de ces prix, en ce sens, qu'il aurait dû être plus bas. À cet égard, il y a lieu de relever que le Conseil ne conteste pas l'argument des requérantes, selon lequel l'utilisation d'un taux de change moyen sur trois ans a eu comme conséquence l'augmentation des PMI sans dumping de 6,7 %, en se limitant seulement à justifier le bien-fondé de l'utilisation de ce taux de change.

83 Il convient de rappeler dans ce contexte que, selon les explications fournies aux considérants 129 et 133 du règlement attaqué, les institutions ont fondé les droits antidumping sous la forme de PMI sur une comparaison entre les PMI sans dumping et le PMI non préjudiciable. C'est ainsi que les institutions ont estimé, au considérant 131 du règlement attaqué que, dans tous les cas, le PMI non préjudiciable était inférieur aux PMI sans dumping, ce qui, par rapport aux dispositions de l'article 9, paragraphe 4, du règlement de base, justifiait la fixation des droits antidumping sous la forme de PMI au niveau du PMI non préjudiciable.

84 Or, en l'espèce, force est de constater que le fondement de la conclusion, selon laquelle le PMI non préjudiciable était, dans tous les cas, inférieur aux PMI sans dumping, est vicié, étant donné que les institutions se sont fondées sur une méthodologie inappropriée à cet égard, à savoir l'utilisation d'un taux de change moyen sur trois ans pour convertir en euro les coûts inclus dans la construction de la valeur normale.

85 Il résulte de l'ensemble des considérations qui précèdent que les institutions ont commis une erreur en utilisant un taux de change moyen sur trois ans pour convertir les coûts subis par l'industrie norvégienne du saumon, ce qui est susceptible d'affecter la comparaison entre les PMI sans dumping et le PMI non préjudiciable dans le cadre de l'application de la règle de droit moindre en vertu de l'article 9, paragraphe 4, du règlement de base. Dans ces conditions, la deuxième branche du deuxième moyen doit être accueillie.

86 Il s'ensuit que le règlement attaqué doit être annulé en tant qu'il concerne les requérantes, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens soulevés par celles-ci.

Sur les dépens

87 Aux termes de l'article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s'il est conclu en ce sens. Le Conseil ayant succombé en l'essentiel de ses conclusions, il y a lieu de le condamner aux dépens, conformément aux conclusions des requérantes.

88 Conformément à l'article 87, paragraphe 4, du règlement de procédure, la Commission supportera ses propres dépens.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (deuxième chambre)

déclare et arrête :

1) Le règlement (CE) n° 85-2006 du Conseil, du 17 janvier 2006, instituant un droit antidumping définitif et portant perception définitive du droit provisoire institué sur les importations de saumon d'élevage originaire de Norvège, est annulé en tant qu'il concerne la Fiskeri og Havbruksnæringens Landsforening, la Norske Sjømatbedrifters Landsforening, Salmar Farming AS, Hydroteck AS, Hallvard Lerøy AS et Lerøy Midnor AS.

2) Le recours est rejeté pour le surplus.

3) Le Conseil de l'Union européenne supportera ses propres dépens ainsi que ceux exposés par la Fiskeri og Havbruksnæringens Landsforening, la Norske Sjømatbedrifters Landsforening, Salmar Farming, Hydroteck, Hallvard Lerøy et Lerøy Midnor.

4) La Commission européenne supportera ses propres dépens.