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Décisions

CA Grenoble, premier président, 11 janvier 2012, n° 11-02307

GRENOBLE

Ordonnance

PARTIES

Demandeur :

Perraud & Fils (Sté)

Défendeur :

Autorité de la concurrence

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Vignal

Avocats :

Mes Grimaud, Neveu

TGI Grenoble, JLD, du 15 avr. 2011

15 avril 2011

Par requête du 13 avril 2011 Mme Virginie Beaumeunier, rapporteure générale de l'Autorité de la concurrence, a saisi le juge des libertés et de la détention du Tribunal de grande instance de Grenoble pour être autorisée à faire procéder à des opérations de visites et de saisies dans les locaux de diverses sociétés de transport routier de voyageurs, et parmi elles, la société Jean-Perraud et fils (Perraud Voyages).

Par ordonnance du 15 avril 2011 le juge des libertés et de la détention du Tribunal de grande instance de Grenoble, a délivré l'autorisation sollicitée afin de rechercher la preuve des agissements qui entrent dans le champ des pratiques prohibées par les articles 420-1, points 2 et 4 du Code de commerce et 101-1 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne relevés dans le secteur du transport routier de personnes dans la région Rhône -Alpes, notamment dans le département de l'Isère, ainsi que toute manifestation de cette concertation prohibée.

La SARL Jean Perraud et Fils a interjeté appel de cette ordonnance par déclaration au greffe du Tribunal de grande instance de Grenoble du 9 mai 2011.

Elle demande l'annulation de l'ordonnance, la restitution des documents saisis et la condamnation de l'Autorité de la concurrence à lui payer la somme de 5 000 euro en application de l'article 475-1 du Code de procédure pénale.

Elle fait valoir

- que la requête est datée du 13 avril 2011 et l'ordonnance du 15 avril 2011; que le juge des libertés et de la détention n'a donc pas été en mesure de consacrer un temps suffisant à l'examen de la requête et des pièces ;

- que le juge s'est abstenu de qualifier en quoi la demande d'autorisation serait en elle-même fondée ; que les 43 paragraphes constituant la substance même de la motivation ne sont que la réitération pure et simple des paragraphes correspondants de la requête ; qu'il convient de s'interroger sur la question de savoir si le juge des libertés et de la détention ne s'est pas borné à apposer ses nom, date et signature sur un document préalablement élaboré à son intention :

- que le juge des libertés et de la détention, au détour d'une motivation qui ne lui était pas propre, a estimé pouvoir retenir que le recours aux opérations de visites et saisies constituait le seul objectifs à savoir la recherche de pratiques anticoncurrentielles et que cette opération ne paraissait pas disproportionnée au regard des objectifs à atteindre, alors qu'il est constant que ce juge n'a pas effectué le contrôle qui s'imposait

- que la demande doit comporter tous les éléments d'information de nature à justifier les visites et saisies ; que le dossier soumis à l'appréciation du juge des libertés et de la détention ne semble pas exhaustif ;

- que l'ordonnance n'est pas motivée ; que le juge se borne à réitérer les énoncés contenus dans la requête de l'Autorité de la concurrence sans caractériser les motifs ou faits propres sur lesquels il a pu fonder son appréciation; que l'ordonnance retient pour avérés des circonstances et faits qui ne sont en rien corroborés par les pièces du dossier ;

- que l'ordonnance, qui relève des "échanges", "agissements", "pratiques", "réunions" qu'elle qualifie de "concertées", ne caractérise en rien les dits faits qu'aucune pièce ne vient caractériser de quelque manière que ce soit l'existence même des pratiques alléguées ;

- que l'ordonnance retient comme un éléments laissant présager des pratiques anticoncurrentielles que les opérateurs économiques se seraient abstenus de concourir pour les lots pour lesquels ils n'étaient pas sortants, alors que cette circonstance ne saurait en elle-même permettre de présumer des pratiques illicites et que le juge s'est abstenu de rechercher si un tel constat ne résultait pas de l'intérêt des entreprises concernées ;

- qu'en retenant exclusivement la circonstance suivant laquelle les entreprises sortantes avaient pour l'essentiel mis en oeœuvre des stratégies défensives au regard des lots dont elles assuraient jusqu'alors l'exploitation, et en caractérisant, sur cette seule base, une présomption de pratiques frauduleuses, sans s'interroger sur la question de savoir si de telles stratégies ne résultaient pas en définitive de l'appréciation de l'intérêt primordial des sociétés en cause, l'ordonnance critiquée ne permet pas au juge d'appel d'exercer son contrôle ;

- que l'ordonnance, tout comme la requête, ne qualifient pas en quoi la SARL Jean Perraud et Fils pourrait être suspectée de s'être livrée à des pratiques anticoncurrentielles ; qu'elles se bornent à relever que la société était sortante et seule candidate pour 4 lots ; qu'elles relèvent en outre que la société n'aurait consenti aucun effort financier significatif s'agissant d'un lot de faible envergure financière, alors que de telles circonstances ne sauraient en elles-mêmes caractériser une quelconque présomption de pratiques anticoncurrentielles;

- que la requête et l'ordonnance retiennent, sans aucune preuve, que le réseau Réunir pourrait être le lieu de réunions et d'échanges entre entreprises ; qu'aucune pièce ne vient éclairer le juge tant sur la matérialité de réunions que sur leur objet, ou encore sur la participation effective de ses dirigeants ; que la simple juxtaposition de circonstances de fait avec des allégations au demeurant corroborées par aucune pièce, ne saurait valoir motivation suffisante ;

- que l'ordonnance se borne à mentionner à 3 reprises seulement la SARL Jean Perraud pour justifier les visites et saisies à intervenir, alors même qu'il résulte de la requête que l'enquête porte sur les marchés publics de transport du département de l'lsère pour les années 2009 et 2010 ; que la requête et l'ordonnance ne comportent la constatation d'aucun fait matériellement établi de nature à caractériser une présomption quelconque de pratiques anticoncurrentielles que la simple constatation que la société n'ait pas été confrontée à une offre concurrente sur 4 des 16 lots, qu'elle n'ait pas succombé aux pressions du conseil général dans le cadre des négociations portant sur le prix pour l'un des lots, ou encore qu'elle soit membre du réseau Réunir, ne constitue pas un ensemble d'éléments propres à constituer des indices ou à caractériser une quelconque pratique délictuelle.

L'Autorité de la concurrence conclut à la confirmation de l'ordonnance déférée.

Elle répond:

* sur le défaut de contrôle effectif par le juge des libertés et de la détention,

- que contrairement aux affirmations de la SARL Jean Perraud et Fils, la requête fait état d'informations postérieures à la saisine du conseil général; que l'Autorité de la concurrence a effectué des recherches ; que le juge des libertés et de la détention a statué au vu de l'ensemble des documents ; que le juge a souverainement caractérisé l'existence de présomptions de pratiques anticoncurrentielles justifiant sa décision ; que le juge doit seulement vérifier, par l'appréciation des éléments qui lui sont fournis, que la demande d'autorisation est fondée sur une ou des présomptions suffisantes de fraude ;

* sur le défaut de motivation de l'ordonnance,

- que l'ordonnance reprenne les éléments d'information contenus dans la requête n'est pas synonyme de défaut de motivation ;

- que selon la requérante, le défaut de motivation de l'ordonnance serait caractérisé en ce que l'ordonnance retient pour avérés des circonstances et des faits qui ne sont en rien corroborés par les pièces figurant au dossier qu'une telle affirmation est inexacte; que les éléments d'information des paragraphes numérotés 22 à 24 de la page 3 de l'ordonnance sont issus de l'annexe 6 à la requête, comme le précise d'ailleurs l'ordonnance elle-même ; qu'il en va de même du paragraphe numéroté 26 par la SARL Jean Perraud et Fils ;

- que la critique relative aux estimations administratives manque de logique, puisque ces estimations se sont réalisées pour certains lots, ce qui prouve que, précisément, elles étaient loin d'être particulièrement basses ou irréalistes; que les méthodes de calculs utilisées pour ces estimations administratives ont été les mêmes pour tous les lots ;

- que l'Autorité de la concurrence a fait référence à un indicateur plus exact que celui développé par l'appelante, à savoir, la moyenne des dépassements de l'estimation administrative, qui est de 41 % ; que l'ampleur de cet écart, s'il ne prouve rien en lui-même, montre indubitablement qu'il était raisonnable de s'interroger sur les raisons de ce dépassement ;

- que les estimations administratives n'étaient pas aussi basses et déconnectées de la réalité économique comme le prétend la SARL Jean Perraud et Fils, sinon elle se serait abstenue de soumissionner à la procédure négociée ou aurait maintenu ses premières exigences tarifaires ;

- que si l'appelante critique la possibilité de rééquilibrage des attributions entre les soumissionnaires, c'est vraisemblablement qu'elle veut ignorer que dans le cadre des marchés publics, il n'est pas rare de constater un jeu de compensations réciproques entre les mêmes sociétés, à la même époque, sur différents marchés individualisés ;

- que les pratiques prohibées suspectées pouvaient donner l'apparence d'une concurrence normale sur le marché mais étaient susceptibles de tromper le maître d'ouvrage ;

- que le réseau " Réunir " n'était pas suspecté de pratiques anticoncurrentielles, mais seulement d'être un lieu ou une structure susceptible de favoriser les échanges d'informations confidentielles entre entreprises, en particulier sur les prix et la répartition des réponses aux appels d'offres ;

- qu'il reviendra à l'instruction en cours de déterminer l'existence d'une réunion de concertation anticoncurrentielle au sein du réseau, la participation de l'appelant à une seule réunion à but anticoncurrentiel dans les locaux du réseau Réunir ou ailleurs, ou à un seul échange illicite d'information, par tout autre moyen, ayant pour objectif de faire obstacle au libre jeu de la concurrence dans le secteur considéré, suffirait à montrer son adhésion à l'entente présumée ;

- que le juge pouvait parfaitement retenir comme indice de pratiques anticoncurrentielles le fait que les entreprises ne soumissionnent que pour les lots qu'elles détiennent déjà ;

* sur l'absence de présomptions suffisantes à l'égard de la société Perraud,

- que toute discussion relative à la requête est inopérante dès lors que celle-ci ne constitue qu'une simple demande de l'Autorité de la concurrence qui ne pourrait recevoir aucune suite en l'absence de l'ordonnance d'autorisation ;

- qu'au stade des investigations, les mesures autorisées ont pour but de vérifier si dans un secteur économique les règles de la concurrence jouent pleinement ; qu'aucune accusation n'est portée à l'encontre de la société de mise en œuvre de comportements prohibés sur un marché pertinent; que c'est uniquement dans un second temps, lors de l'examen des pièces saisies, que des griefs circonscrits à un marché pertinent pourraient être, le cas échéant, formulés par le rapporteur en charge du dossier;

- qu'au stade de la demande d'autorisation le rôle du juge se limite à recueillir et analyser les faits utiles afin d'en extraire une ou des présomptions de pratiques anticoncurrentielles ce qu'il a fait en l'espèce en examinant de manière détaillée 17 pièces, dont la concordance, en fonction des agissements reprochés, lui a permis de suspecter les entreprises visées de pratiques prohibées ; que la mesure autorisée a pour unique objectif de vérifier que les comportements illicites soupçonnés existent ou non dans le secteur économique concerné ; que l'Autorité de la concurrence n'a pas à produire de preuves de pratiques anticoncurrentielles mais seulement des indices qui par leur addition, leur rapprochement, leur confrontation et leur combinaison aboutissent à une ou plusieurs simples présomptions de pratiques prohibées ;

- qu'en ce qui concerne la contestation des éléments d'information figurant dans la motivation de l'ordonnance d'autorisation, le fait d'analyser les indices un à un, comme le fait la requérante, notamment ceux là concernant, pour en tirer la conclusion que le juge n'avait rien dans le dossier lui permettant d'autoriser la visite n'a pas de sens ; que seul le résultat de l'analyse de l'ensemble des faits portés à la connaissance du magistrat est révélateur d'une ou plusieurs présomptions de pratiques anticoncurrentielles; que c'est l'ensemble des agissements de différentes entités dans un secteur considéré de l'économie qui importe ; que les agissements présumés de la société Jean Perraud et Fils sont examinés par le juge à la lumière des comportements des autres acteurs du secteur économique concerné car l'entente soupçonnée nécessite la mise au point de stratégies et tactiques communes, le plus souvent quasi identiques, par les auteurs suspectés ;

- qu'en l'espèce, le juge a satisfait à son obligation de contrôle en s'assurant de la qualité des personnes ayant demandé l'autorisation et du caractère suffisant des faits produits par l'Autorité de la concurrence ayant débouché, après description et analyse, sur des soupçons de comportements illicites dans le secteur du transport routier de personnes dans la région Rhône-Alpes, notamment dans le département de I'Isère

- que l'ordonnance montre qu'au terme d'une analyse particulièrement motivée, le magistrat a estimé que les divers documents versés à l'appui de la requête de l'Autorité de la concurrence permettaient de retenir des présomptions d'agissements concertés prohibés entre les entreprises ;

- qu'il est vainement prétendu qu'aucun des faits visés dans l'ordonnance n'est de nature à constituer un indice d'une implication personnelle de la requérante dans les pratiques prohibées présumées ; qu' il suffit que la société paraisse impliquée dans l'un des agissements frauduleux suspectés dont la preuve est recherchée pour que la mesure d'autorisation soit justifiée ; que deux indices semblaient mêler directement la SARL Jean Perraud et Fils aux pratiques prohibées présumées (la soumission sur 4 lots qu'elle remporte sans rencontrer la moindre velléité concurrentielle et ce, y compris pour le petit lot 13 où son offre dépasse de 18 % l'estimation administrative et son appartenance au réseau Réunir, réseau susceptible de constituer un mode ou lieu d'échange d'informations commerciales sensibles entre concurrents);

- que contrairement aux allégations de l'appelante, le juge a bien pris soin dans son ordonnance d'indiquer plusieurs éléments solides aboutissant à de simples présomptions de pratiques anticoncurrentielles.

La procédure a été régulièrement communiquée au ministère public le 5 octobre 2011.

Mme la procureure générale a conclu à La confirmation de l'ordonnance déférée.

SUR CE:

Attendu que par ordonnance du 15 avril 2011, le juge des libertés et de la détention du Tribunal de grande instance de Grenoble a autorisé l'Autorité de la concurrence à faire procéder à des visites et saisies dans les locaux de la société Jean Perraud et Fils, situés à Tullins, afin de rechercher la preuve des agissements qui entrent dans le champ des pratiques prohibées par les articles L. 420- 1, 2° et 4° du Code de commerce et 101-1 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne relevés dans le secteur du transport routier de personnes dans la région Rhône-Alpes, notamment dans le département de l'lsère, ainsi que toute manifestation de cette concertation prohibée :

- Sur les conditions d'examen de la requête par le juge des libertés et de la détention et sur l'élaboration de l'ordonnance :

Attendu que la requête établie par l'Autorité de la concurrence, datée du 13 avril 2011, a été présentée le jour même au juge des libertés et de la détention de Grenoble; que 17 pièces étaient annexées ; que le juge a statué deux jours après, par ordonnance datée du 5 avril 2011 ;

Attendu que l'article L. 450-4 du Code de commerce ne prévoit aucun délai entre la présentation de la requête et le prononcé de la décision d'autorisation ; que le bref délai entre la date de la requête et celle de l'ordonnance, le nombre (limité) de pièces à examiner, l'identité typographique entre la requête et l'ordonnance ne sauraient laisser présumer que le juge n'a pas été en mesure d'étudier les 17 pièces annexées, et de déduire de cette étude l'existence de pratiques anticoncurrentielles que l'adoption des motifs de la requérante ne permet pas de présumer que le juge ne s'est pas livré à l'examen complet du dossier qui lui a été soumis ;

Attendu que l'article L. 450-4 alinéa 1 du Code de commerce dispose que les agents des services d'instruction de l'Autorité de la concurrence ne peuvent procéder aux visites et saisies que dans le cadre d'enquêtes demandées par la Commission européenne, le ministre chargé de l'Economie ou le rapporteur général de l'Autorité de la concurrence, comme en l'espèce, sur autorisation judiciaire ; que cet article précise en son alinéa 2 que le juge des libertés et de la détention saisi d'une demande d'autorisation de procéder à des visites et saisies de documents en vue de rechercher la preuve de pratiques anticoncurrentielles, "doit vérifier que la demande d'autorisation qui lui est soumise est fondée" ;

Attendu qu'aucune autre obligation n'est mise à la charge du juge des libertés et de la détention ; qu'en l'espèce cependant, l'ordonnance mentionne que l'Autorité de la concurrence a été saisie le 1er avril 2010 par le conseil général de l'lsère (annexe 3) ;

Que le juge de l'autorisation n'a pas à rechercher, à ce stade de la procédure, si le président du conseil général avait été régulièrement habilité à saisir l'Autorité de la concurrence z que seule celle-ci pouvait vérifier la régularité de sa saisine par la collectivité territoriale, sous le contrôle de la Cour d'appel de Paris, en application de l'article L. 464-8 du Code de commerce, en cas de recours contre la décision au fond de l'Autorité de la concurrence:

- Sur les éléments d'information de nature à justifier la visite :

Attendu qu'à la suite de la saisine par le conseil général de l'Isère du 1er avril 2010, la rapporteure générale de l'Autorité de la concurrence, au vu de la "note de présentation et d'orientation de l'enquête" établie par un rapporteur, a prescrit le 23 mars 2011 au service d'instruction de cette autorité, d'effectuer une enquête portant sur le "secteur du transport routier de personnes dans la région Rhône-Alpes notamment dans le département de l'Isère" ;

Attendu que selon l'article L. 450-4 alinéa 2, la demande d'autorisation doit comporter tous les éléments d'information en possession du demandeur de nature à justifier la visite ;

Attendu que l'Autorité de la concurrence a annexé à la requête déposée le 13 avril 2011 auprès du juge des libertés et de la détention 17 pièces, notamment l'étude du 25 mars 2010 du conseil général de l'Isère sur La concurrence dans les marchés de transport public, le document de présentation du 1er juin 2010, les courriers du président du conseil général des 11 et 18 janvier 2010 (annexe 6), le procès-verbal d'enregistrement des candidatures et des offres lors de la commission d'appel d'offres du 16 décembre 2009 (annexe 8), le rapport de la commission (annexe 9), le courrier du cabinet d'avocats Matharan du 5 octobre 2010 (annexe 11), le rapport de la commission d'appel d'offres du 30 juin 2010 (annexe 12), le courrier de l'entreprise Berthelet du 29 janvier 2010 (annexe 14), les extraits du site internet du réseau "Réunir" (annexe 15), le courrier de la société Autocars Faure du 1er avril 2010 (annexe 16); que certaines de ces informations sont postérieures à la saisine par le conseil général de l'Isère ; qu'il ressort de cette énumération que l'Autorité de la concurrence a communiqué au juge des éléments recueillis postérieurement à la saisine par le conseil général ;

Attendu que le juge des libertés et de la détention a procédé à la description des pièces annexées et les a analysées ; qu'il ne résulte d'aucune mention de l'ordonnance que le juge se soit référé à des pièces qui n'auraient pas été annexées à la requête ;

- Sur le défaut de motivation :

Attendu que la circonstance que l'ordonnance pré-rédigée reprenne en tout ou partie les termes de la requête est sans incidence sur la régularité de la décision ; que les motifs et le dispositif de la décision critiquée sont réputés établis par le juge qui l'a rendue et l'a signée ;

Attendu que le juge des libertés et de la détention, au vu des éléments communiqués, a "constaté une situation de concurrence déficiente lors de ces consultations marquées à la fois, par des présomptions d'échanges d'informations entre soumissionnaires pour favoriser l'un d'eux sur les différents lots en limitant le nombre de soumission et/ou les possibilités de négociation, et par la possibilité d'envisager l'hypothèse d'un rééquilibrage des attributions entre eux sur d'autres marché du secteur du transport routier de personnes dans la région Rhône-Alpes, notamment dans le département de l'Isère" ;

Attendu que le juge s'est référé aux documents transmis par l'Autorité de la concurrence; qu'il a détaillé le contenu des annexes (du milieu de la page 3 jusqu'au début de la page 7 de l'ordonnance), par exemple, les documents concernant l'organisation du service public de transport de personnes dans le département de l'lsère, les moyens matériels et financiers consacrés au réseau "Transisère", les recherches pour diminuer les coûts, les efforts pour stimuler la concurrence entre les transporteurs contenus dans (annexe 6), l'avis d'appel d'offres, le tableau des réponses faisant apparaître les entreprises soumissionnaires et les offres concurrentes (lorsqu'il y en a), les prix proposés et les dépassements par rapport aux estimations administratives, le résultat de la commission d'appel d'offres, le résultat de la seconde procédure négociée (annexes 5, 8, 9, 10, 11, 12, 13) ;

Qu'il a procédé à l'analyse de l'ensemble des documents transmis (de la page 7 à la page 11 de l'ordonnance) ; qu'il a relevé, pour les lots 8, 11, 12 et 13, que la titulaire sortante (la société Perraud) était la seule à proposer une offre lors des deux tours de mise en compétition; que pour le lot 13, "de faible envergure financière", cette société n'a réalisé aucun effort significatif vis-à-vis de la collectivité publique avec une offre supérieure de 18 % à l'estimation administrative; que pour le lot 13, l'estimation administrative s'élevait à 345 120 euro et l'offre de la société Perraud, à 417 702 euro ; que la société Perraud a remporté 4 lots qu'elle détenait déjà, à la suite de la seconde consultation, une solution négociée avant été trouvée avec le conseil général de l'Isère ;

Que le juge a relevé en outre que pour les lots les plus intéressants financièrement, une entreprise, titulaire sortante sur 2 lots, et seule soumissionnaire a fait une offre sur chacun des lots supérieure de 71 % et de 139 % à l'estimation administrative; que pour le lot n° 2, une autre entreprise, titulaire sortante et seule soumissionnaire, a proposé une offre supérieure de 48 % à l'estimation administrative à 13 327 754 euro qu'il en était de même pour les lots 3, 4, 7 pour lesquels les offres d'autres entreprises de transport étaient supérieures de 40 %, 22 % et 20 % aux estimations administratives ;

Que le juge a estimé que les agissements présumés décrits ont eu des effets négatifs sur les prix de certains lots ; que ces prix étaient supérieurs aux estimations administratives alors que celles-ci, fixées en baisse par rapport aux prix des marchés précédents, ne sont pas irréalistes d'un point de vue économique puisque les entreprises qui ont remporté les lots ont fait des propositions proches de ces estimations ; qu'il a ajouté que le département avait été privé d'une partie de ses moyens de négociation comme en atteste le caractère limité des baisses consenties ;

Qu'il a relevé dans les documents transmis par le département à la commission d'appel d'offres que certains candidats (5 entreprises) ne parvenaient pas à justifier, ou justifiaient de manière ambiguë, ou refusaient de justifier certains coûts comme le montant des prix, la valeur des véhicules, l'ampleur des frais d'entretien et de structure, les coûts induits par la qualification des heures de travail des conducteurs (annexe 12) ;

Que le juge a ajouté que ces attitudes pourraient indiquer que les prix proposés ne sont pas orientés en fonction des coûts réellement supportes et se situeraient à des niveaux supra compétitifs consécutifs à une pratique anticoncurrentielle ; que les documents produits mettent en exergue l'absence totale de concurrence par les prix, et que les indices présentés aboutissent à une présomption paraissant conforter l'hypothèse d'une entente pour annihiler toute velléité de concurrence ;

Attendu que s'agissant du réseau "Réunir" auquel la société Perraud a appartenu, l'Autorité de la concurrence ne le suspecte pas de pratiques anticoncurrentielles ; que cette autorité a entendu communiquer au juge un indice supplémentaire concernant un groupement qui a pu favoriser un échange d'informations entre les entreprises participantes sur les prix et la répartition des réponses aux appels d'offres ;

Attendu que le juge pouvait retenir comme indices de pratiques anticoncurrentielles la circonstance que les entreprises ont soumissionné pour des lots qu'elles détenaient déjà ;

Attendu qu'au stade de la demande d'autorisation, le juge se limite à recueillir et analyser les faits utiles afin d'en extraire une ou des présomptions de pratiques anticoncurrentielles dans un secteur économique donné, en l'espèce, le secteur du transport routier de personnes dans la région Rhône-Alpes, notamment dans le département de l'Isère ; que ce sont les investigations autorisées qui, elles, ont pour objet la recherche de la preuve de pratiques anticoncurrentielles ;

Attendu certes que le nom de la société Perraud n'est évoqué qu'à trois reprises dans l'ordonnance, au sujet de sa soumission sur 4 lots qu'elle remporte, sans concurrence de la part des autres entreprises de transport, sur son appartenance au réseau "Réunir", et au sujet de l'absence d'effort financier vis-à-vis de la collectivité publique ; que cependant, c'est l'ensemble des agissements présumés des différentes entreprises de transport intervenant dans le secteur concerné que le juge a analysés et a pris en considération pour en déduire des présomptions de pratiques anticoncurrentielles par limitation de l'accès au marché et par répartition des marchés ;

Attendu que l'ordonnance du juge des libertés et de la détention de Grenoble, qui s'est référée en les analysant, aux éléments d'information soumis par l'Autorité de la concurrence, a justement apprécié l'existence de présomptions de pratiques anticoncurrentielles ; que les griefs d'insuffisance d'analyse des pièces, d'appréciation infondée d'indices, et de motivation insuffisante de l'ordonnance ne sont pas fondés ;

Que la demande d'annulation de l'ordonnance du juge des libertés et de la détention de Grenoble du 15 avril 2011 sera rejetée.

Par ces motifs : Nous, Jean-Pierre Vignal, conseiller délégué par le premier président de la Cour d'appel de Grenoble, statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort, Déboutons la société Jean Perraud et Fils (Perraud Voyages) de ses demandes. Laissons les dépens à la charge de la société Jean Perraud et fils.