CA Besançon, 2e ch. civ., 22 février 2012, n° 10-01977
BESANÇON
Arrêt
Infirmation
PARTIES
Demandeur :
Perrot
Défendeur :
Potager Bio Distribution (SARL)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président de chambre :
M. Sanvido
Conseillers :
M. Theurey-Parisot, Mme Boutruche
Avocats :
Mes Economou, Steinhausser, Hilbert-Thomasson, Hournon, SCP Dumont Pauthier
Faits et prétentions des parties
Vu le jugement du 25 juin 2010 aux termes duquel le Tribunal de grande instance de Lons-Le-Saunier a :
- dit qu'il n'existait aucune relation d'agent commercial entre la SARL Potager Bio Distribution et Christian Perrot,
- débouté ce dernier de sa demande en paiement des sommes de 9 091,17 euro TTC au titre de commissions, 2 123,07 euro au titre de frais et 17 234,44 euro au titre d'indemnité de rupture,
- condamné Christian Perrot aux dépens assortis d'une indemnité de procédure de 1 000 euro ;
Vu la déclaration d'appel déposée au greffe de la cour le 21 juillet 2010 par Christian Perrot ;
Vu les dernières conclusions des parties, du 16 juin 2011 (pour l'appelant), et 21 avril 2011 (pour la SARL Potager Bio Distribution, intimée), auxquelles il est expressément référé en application de l'article 455 du Code de procédure civile pour l'exposé de leurs prétentions respectives et de leurs moyens ;
Vu l'ordonnance de clôture du 1er septembre 2011 ;
Vu les pièces régulièrement produites ;
SUR CE
L'appel présenté dans les formes et délais légaux est recevable.
La SARL Potager Bio Distribution a été constituée le 10 mars 2006 entre Christian Perrot, agent commercial, Pierre et Jean Carmantrand (par ailleurs associés au sein du GAEC Manaore) ; elle avait pour objet l'achat et la vente de tous produits issus de l'agriculture et nécessaires à l'exploitation agricole ; chacun des consorts Carmantrand et Marciniak détenaient 100 parts sociales, et Christian Perrot en détenait 100 ; sur rapport spécial de la gérance assurée par Messieurs Carmantrand, l'assemblée générale extraordinaire du 21 décembre 2007 a décidé la dissolution de la société et désigné Pierre Carmantrand en qualité de liquidateur.
Christian Perrot soutient qu'il a œuvré pour le compte de la SARL Potager Bio Distribution en qualité d'agent commercial, en prospectant et négociant de manière à permettre à la société de réaliser des ventes, personnellement ou via le réseau de sous-agents commerciaux intervenant sous sa responsabilité et à ses frais.
Faisant observer que la SARL Potager Bio Distribution a reconnu le principe de sa créance de commission et le taux de celles-ci soit 15 %, Christian Perrot en déduit qu'il est en droit d'en obtenir paiement sans que sa co-contractante puisse lui imposer d'y renoncer en sa qualité d'associé, ainsi que de l'indemnité de rupture prévue par l'article L. 134-12 du Code de Commerce.
La SARL Potager Bio Distribution maintient que Christian Perrot a agi pour son compte comme associé intéressé à la réussite de l'entreprise, et que les commissions reconnues étaient celles d'un simple apporteur d'affaires, les conditions d'application du statut d'agent commercial n'étant pas réunies à défaut de preuve d'un mandat de représentation ou de négociation.
À titre subsidiaire, elle ajoute que le taux des commissions, et l'assiette de celles-ci sont fixés unilatéralement par Christian Perrot ; que la preuve d'un accord sur le remboursement de frais, exceptionnel en matière de mandat d'agent commercial, n'est pas rapportée ; que la rupture des relations n'a pas causé préjudice à l'intéressé, ayant été entraînée par la dissolution de la société à laquelle il ne s'est pas opposé, et qu'en tous cas le montant réclamé à ce titre est exorbitant.
Selon l'article L. 134-1 du Code de Commerce, "l'agent commercial est un mandataire qui, à titre de profession indépendante, sans être lié par contrat de louage de services, est chargé, de façon permanente, de négocier et, éventuellement, de conclure des contrats de vente, au nom et pour le compte de producteurs, d'industriels, de commerçants (...) ".
Il est vrai que l'application de ce statut ne dépend pas de la volonté des parties, de sorte que ni le fait que Christian Perrot exerce la profession d'agent commercial et se désigne comme tel dans ses courriers à la SARL Potager Bio Distribution, ni le fait que celle-ci s'adresse aussi à "Monsieur Perrot Christian agent commercial" (lettre du 26 avril 2007) ne sont des éléments de preuve de la qualité de l'appelant, dans ses relations avec l'intimée.
Mais les termes de la lettre susvisée, en revanche, accréditent la qualité d'agent commercial de Christian Perrot envers la SARL Potager Bio Distribution précisément : en effet, le gérant de la société, après avoir fait part à son interlocuteur des difficultés rencontrées par un des producteurs de plants de légumes que la société lui avait fait produire, lui demande "d'agir efficacement avant la fin de la semaine sur 3 points :
- rencontrer les centrales d'achat directement afin qu'elles incitent leurs magasins à prendre des plantes,
- se rendre directement dans les magasins,
- leur présenter un échantillonnage de plantes (...)"
et lui rappelle que "lors de notre réunion du 22 janvier 2007, nous vous avons fait part d'un nombre insuffisant de magasins pour écouler la production de la SCEA Paul, vous nous avez assuré que vous feriez le nécessaire pour accroître le nombre de points de vente (...)"
Il s'agit là d'un mandat de négociation, auquel Christian Perrot a donné suite, sa réponse du 27 avril 2007 comportant l'engagement d'appeler "l'ensemble des centrales d'achat et les magasins qui s'étaient engagés auprès de nous chaque semaine" et de "faire une nouvelle présentation à l'ensemble du secteur" par les représentants de Paris - étant observé que la SARL Potager Bio Distribution, qui affirme que Christian Perrot était seulement un apporteur d'affaires, n'a à aucun moment indiqué comment elle a commercialisé ses produits et en particulier qui employait le service commercial auquel fait référence l'appelant dans cette lettre.
Il est vain pour la SARL Potager Bio Distribution de discuter les commissions et les frais de déplacement réclamés par Christian Perrot, dès lors que ces créances ont fait l'objet, dans le rapport de la gérance en vue de l'assemblée générale extraordinaire du 21 décembre 2007, d'une présentation comme convention réglementée entre la société et l'un de ses associés.
Christian Perrot, au surplus, ne demande paiement que des montants ainsi chiffrés dans ce rapport, et si celui-ci prévoyait l'abandon de ces sommes l'assemblée des associés ne pouvait le lui imposer (étant observé que selon le procès-verbal chaque intéressé n'a pas pris part au vote sur la convention le concernant, ce qui signifie que Christian Perrot, bien que présent à cette assemblée, n'a pas accepté de renoncer à son dû ; et qu'en tout état de cause, selon l'article L. 223-19 du Code de commerce, une convention réglementée non approuvée produit néanmoins ses effets.
L'indemnité de cessation du contrat est due lorsque l'agent commercial subit un préjudice du fait de la perte des rémunérations acquises lors de l'activité développée dans l'intérêt du mandataire, et de la perte de la valeur économique du contrat ; elle n'est pas due lorsque l'agent est à l'origine de la rupture ; son montant est fixé en considération du préjudice sans que la référence à 2 ans de commissions, pour usuelle qu'elle soit, s'impose au juge.
En l'espèce les relations des parties n'ont pas duré 2 ans, le profit tiré par Christian Perrot a été très limité (8 617,22 euro HT) les résultats de l'activité ne permettaient pas sérieusement de considérer ce mandat comme cessible, et surtout Christian Perrot a voté la dissolution de la société qui entraînait nécessairement la rupture du mandat d'agent commercial - alors même que propriétaire du 1/3 des parts sociales, il pouvait bloquer cette décision.
Chacune des parties succombant partiellement, l'équité commande de laisser à chacune d'elle la charge de ses frais.
Par ces motifs : LA COUR, statuant publiquement, par arrêt contradictoire, après en avoir délibéré, Declare l'appel recevable, Infirme le jugement prononcé le 25 juin 2010 par le Tribunal de grande instance de Lons-Le-Saunier, Statuant à nouveau, Dit que Christian Perrot était lié à la SARL Potager Bio Distribution par un mandat d'agent commercial, Condamne la SARL Potager Bio Distribution à payer à Christian Perrot les sommes de neuf mille quatre-vingt-onze euro dix-sept centimes (9 091,17 euro TTC) à titre de commissions et deux mille cent vingt-trois euro sept centimes TTC (2 123,07 euro TTC) à titre de remboursement de frais avec intérêts au taux légal à compter du 23 janvier 2008, date de la mise en demeure, Déboute Christian Perrot de sa demande au titre de l'indemnité de rupture, Déboute les parties de leurs demandes au titre de l'article 700 du Code de procédure civile, Dit que chacune des parties supportera ses frais.