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Décisions

CA Nancy, 2e ch. com., 28 mars 2012, n° 09/02908

NANCY

Arrêt

PARTIES

Demandeur :

Lilbuddy LLC (Sté)

Défendeur :

Viola Bonnot Secteur Automobile (SAS)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Cunin

Conseillers :

Mme Zecca-Bischoff, M. Bruneau

Avoués :

SCP Chardon & Navrez, SCP Leinster Wisniewski Mouton

Avocats :

Mes Sokol, Lischetti, Fouray

T. com. Epinal, du 3 nov. 2009

3 novembre 2009

Exposé du litige

La société Lilbuddy, dont le siège est aux Etats-Unis, fabrique un appareil de pose de pare-brise.

La SAS Viola Bonnot Secteur Automobile (VBSA) intervient dans le secteur des outils et produit pour la réparation des pare-brise.

Le 26 juillet 2003, les deux sociétés ont conclu un accord portant sur la commercialisation par la SAS VBSA, durant une durée de trois ans, d'un appareil permettant la pose d'un pare-brise par une seule personne sur le territoire de 11 pays européens.

L'accord a été rompu par la société Lilbuddy le 1er février 2007.

Estimant que cette résiliation était abusive et que la société Lilbuddy avait manqué à ses obligations contractuelles, la SAS VBSA a fait citer la société Lilbuddy devant le Tribunal de commerce d'Epinal aux fins de voir notamment condamner cette société à l'indemniser du préjudice subi du fait de cette résiliation à hauteur de 2 185 159,10 euro ; la Société Lilbuddy s'est opposée à la demande et a sollicité reconventionnellement de voir constater que la SAS VBSA avait commis des actes de parasitisme.

Par jugement du 3 novembre 2009, la juridiction a fait droit partiellement à la demande de la SAS VBSA à hauteur de 48 8427,59 euro, l'a autorisée à commercialiser les matériels restant en sa possession, et a rejeté les demandes présentées par la société Lilbuddy.

Cette dernière a interjeté appel de la décision.

Prétentions et moyens des parties

Aux termes de ses dernières conclusions déposées le 13 décembre 2011, la société Lilbuddy soutient en premier lieu que le contrat dont la SAS VBSA. revendique le bénéfice a été rédigé par elle-même en langue anglaise ; que cependant les parties sont en désaccord sur le sens, après traduction, de certains termes portant sur la nature des engagements réciproques issus de l'accord du 26 juillet 2003 ; qu'en conséquence, ces termes doivent être interprétés selon les dispositions des articles 1135 et 1156 à 1162 du Code civil, ainsi que les principes Unidroit, qui prévoient notamment qu'en cas d'ambiguïté, les clauses d'un contrat s'interprètent contre celui qui les a proposées ; qu'en réalité, il résulte tant du texte de cet accord que des discussions pré-contractuelles que l'application de l'accord conclu entre les parties prévoyant l'exclusivité de la vente du produit fabriqué par la société Lilbuddy était soumise à l'achat préalable par la SAS VBSA d'une quantité de 1 000 produits, et non comme le prétend cette dernière conférée pour la vente de cette quantité ; que, lors de la notification de la dénonciation de l'accord, la SAS VBSA. n'a pas contesté cette position ; que, par ailleurs, compte tenu de la nature de l'accord, la condition d'achat des matériels était une condition suspensive et non, comme le soutient la SAS VBSA une condition résolutoire, celle-ci étant prévue uniquement en cas d'inexécution par une partie de ses obligations et non pour la non-réalisation d'une condition de la validité du contrat ; qu'au demeurant, l'interprétation du contrat par la SAS VBSA quant à l'obligation d'achat antérieure à la conclusion de l'accord rendrait cette clause potestative, et par conséquence entraînerait la nullité du contrat, et donc les demandes sans objet, aucune exclusivité n'ayant ainsi été conférée ; que de plus la SAS VBSA ne démontre pas la contrepartie de l'exclusivité qu'elle revendique en ce que les investissements nécessaires à la commercialisation du produit en Europe ont été consentis par la société Lilbuddy ; qu'enfin, l'accord n'aurait pas pris effet en raison de ce que la SAS VBSA a vendu le matériel sous un autre nom, ce qui constitue une violation de l'obligation de bonne foi justifiant de la mise en jeu de la clause résolutoire.

En deuxième lieu, la société Lilbuddy soutient que la SAS VBSA ne démontre pas, comme l'a retenu le tribunal, en quoi elle aurait commis des actes de détournement de clientèle tel que le soutient la SAS VBSA.

En troisième lieu, la société Lilbuddy soutient que la SAS VBSA. ne démontre pas la réalité du préjudice qu'elle allègue dans la mesure où les frais engagés par celle-ci en vue de la conclusion de l'accord ne sont pas indemnisables, et que, le contrat n'étant pas entré en vigueur, aucun manque à gagner ne peut être réclamé ; qu'en tout état de cause, l'indemnisation ne pourrait porter que sur 163 produits, étant précisé que les frais de commercialisation ont été supportés par la société Lilbuddy, et que les investissements publicitaires consentis par la SAS VBSA ont continué à lui profiter après la dénonciation pour les produits qu'elle commercialise ; que de façon générale la société Lilbuddy n'a commis aucune faute.

En quatrième lieu, la société Lilbuddy soutient que la SAS VBSA s'est rendue coupable de parasitisme en commercialisant son produit sous un autre nom.

La société Lilbuddy demande donc de :

- confirmer le jugement du 3 novembre 2009 en ce qu'il déboute la société VBSA de ses demandes relatives à l'indemnisation de frais soi-disant engagés pour une étude d'adaptation dont elle n'apporte pas la preuve,

- confirmer le jugement du 3 novembre 2009 en ce qu'il déboute la société VBSA de ses demandes relatives à l'indemnisation d'un prétendu détournement de clientèle par la société Lilbuddy LLC et constater l'absence de tout détournement de clientèle par la société Lilbuddy LLC,

- infirmer le jugement du 3 novembre 2009 dans toutes ses autres dispositions et, statuant à nouveau,

- constater que l'accord exclusif de 6 juillet 2006 n'est jamais entré en vigueur par défaut de réalisation de la condition suspensive d'un achat initial de 1 000 unités de Lilbuddy PRO,

* à titre subsidiaire,

- constater la résolution de l'accord exclusif du 6 juillet 2006 par application de la clause résolutoire en raison du non-respect de ses obligations par VBSA,

* à titre infiniment subsidiaire, si l'interprétation de VBSA devait être retenue :

- constater le caractère potestatif de la contrepartie de l'exclusivité, à savoir les achats dits initiaux,

- dire et juger le contrat nul pour absence de contrepartie ; en tout état de cause,

- constater l'absence de faute commise par la société Lilbuddy LLC,

- constater l'absence de justification de ses demandes par VBSA et notamment :

- les frais relatifs au salon de Minneapolis en mai 2005

- les frais relatifs au salon de Las Vegas de novembre 2005

- les frais relatifs au salon de Las Vegas de octobre-novembre 2006

- les frais " pour visite " de Lilbuddy, en réalité de repas, en juillet et septembre 2006

- les frais relatifs au salon National Auto Glass Expo Tucson Arizona de mai 2006

- les frais relatifs au salon " belgique " de septembre 2006

- les frais relatifs au salon de dusseldorf d'octobre 2006

- les frais de publicité du produit Lilbuddy-PRO

- débouter la société VBSA de toutes ses demandes,

- dire et juger que la société Lilbuddy LLC est libre de vendre ses produits en Europe,

* à titre reconventionnel :

- constater que la société VBSA a manqué à son obligation de bonne foi,

- constater que la société VBSA a vendu le produit Lilbuddy PRO sous le nom d'ultra-pose et vend aujourd'hui un produit intitulé ultra-pose u directement inspiré de Lilbuddy PRO,

- dire et juger en conséquence que la société VBSA a fait œuvre de parasitisme envers la société Lilbuddy LLC ce qui constitue une faute qui a directement causé un trouble commercial constitutif de préjudice pour la société Lilbuddy LLC,

- condamner en conséquence VBSA au paiement de 50 000 euro à la société Lilbuddy LLC en réparation des préjudices subis tant matériel que moral,

- condamner la société VBSA au paiement de 10 100 euro au titre de l'article 700 du Code de procédure civile,

- dire que les condamnations à intervenir seront augmentées des intérêts au taux légal à compter de la date de l'assignation, soit le 23 août 2007,

- ordonner la capitalisation des intérêts et dire qu'ils porteront intérêts de plein droit dès qu'ils seront dus pour une année entière,

- condamner VBSA aux entiers dépens d'instance et d'appel, en disant que ces derniers pourront être recouvrés directement par la SCP chardon & navrez, avoués associés, conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile.

Aux termes de ses dernières conclusions du 25 novembre 2011, la SAS VBSA forme appel incident et demande de voir infirmer la décision entreprise.

Elle soutient en premier lieu que, nonobstant les discussions sur la qualité des traductions de l'accord passé entre les parties, celui-ci était parfaitement clair en ce qu'il prévoyait que l'exclusivité de la commercialisation du produit était accordée sous condition de l'achat par la société VBSA de 1 000 exemplaires en 3 années, et non à l'achat préalable de cette quantité ; que ce contrat a pris effet entre les parties le 6 juillet 2006, et que l'ensemble des conditions contractuelles ne permet aucun doute sur ce point ; que la résiliation unilatérale et sans raison sérieuse est donc fautive ; que par ailleurs l'exclusivité était consentie en contrepartie des investissements importants rendus nécessaires par l'adaptation du produit au marché européen ; que de plus le contrat a reçu exécution puisque la commercialisation a été effective sur le territoire concédé ; que l'attitude de la société Lilbuddy constitue donc une violation des dispositions de l'article L. 442-6 paragraphe 1-5° du Code de commerce, et qu'elle doit donc indemniser du préjudice subi.

En deuxième lieu, la SAS VBSA fait valoir qu'aucun fait de parasitisme ne peut lui être reproché dans la mesure où la société Lilbuddy ne démontre pas qu'elle aurait commercialisé un produit de même type, et que par ailleurs aucune clause du contrat n'interdisait de commercialiser en Europe le produit sous un nom différent de celui utilisé sur le continent américain ; qu'enfin, la société Lilbuddy ne peut reprocher à la SAS VBSA d'avoir continué à commercialiser les produits acquis alors que la résiliation était abusive.

En troisième lieu, la SAS VBSA soutient qu'elle a engagé des frais importants en vue de la commercialisation du produit en Europe, tant avant qu'après la signature du contrat et que ces frais devaient être amortis durant la durée de celui-ci ; qu'elle doit par ailleurs commercialiser le reliquat du stock et qu'il convient de faire interdiction à la société Lilbuddy de commercialiser son produit par l'intermédiaire des revendeurs liés à la SAS VBSA.

En quatrième lieu, la SAS VBSA soutient que le tribunal de commerce n'est pas compétent pour statuer sur une telle demande, qu'il l'a à juste titre rejeté et que la société Lilbuddy ne pouvait sur ce point que former contredit et non appel ; que par ailleurs la société Lilbuddy ne démontre pas le comportement parasitaire invoqué, le changement de nom du matériel correspondant à des critères sémantiques d'adaptation sur le marché européen ; que de plus le nom de la société Lilbuddy est gravé sur les coffrets et mallettes d'outillage, et que les clients ne pouvaient l'ignorer ; qu'enfin, le nom "Lilbuddy Pro" ne fait l'objet d'aucune protection au titre du droit des marques en dehors du territoire des Etats-Unis, et qu'il n'est pas démontré que le produit a fait l'objet d'un brevet européen.

La SAS VBSA demande donc de :

- dire et juger la Société Lilbuddy irrecevable et, en tout état de cause, infondée en son appel,

- la débouter de l'ensemble de ses demandes, fins et prétentions,

- et juger la Société VBSA (Viola Bonnot Secteur Automobile) recevable et bien fondée en son appel incident,

- en conséquence,

- infirmer le jugement rendu le 03 novembre 2009 par le Tribunal de Commerce d'Epinal en ce qu'il a limité le montant des dommages et intérêts alloués à la Société VBSA à la somme de 488 427,59 euro en principal, et,

- la débouter du surplus de ses demandes,

- en conséquence, statuant à nouveau,

- dire et juger que la société Lilbuddy a rompu abusivement le contrat de distribution exclusive signé le 6 juillet 2006 avec la société VBSA (Viola Bonnot Secteur Automobile) avant son échéance du 6 juillet 2009, engageant ainsi sa responsabilité contractuelle,

- dire et juger qu'en exploitant le fichier clients de la société VBSA (Viola Bonnot Secteur Automobile) pour proposer à la vente et vendre directement l'outil de dépose et de pose de pare-brise, objet du contrat du 6 juillet 2006, la société Lilbuddy n'a pas exécuté le contrat de bonne foi et a engagé sa responsabilité contractuelle,

- en conséquence,

- condamner la société Lilbuddy à payer une somme de 2 185 159,10 euro à titre de dommages et intérêts à la société VBSA (Viola Bonnot Secteur Automobile),

- interdire à la société Lilbuddy de proposer à la vente et de vendre l'outil de dépose et de pose de pare-brise, objet du contrat du 6 juillet 2006, aux distributeurs ou agents de la société VBSA dont la liste a été communiquée à Lilbuddy le 10 novembre 2006, à savoir :

- Danemark : Wibotec,

- Italie: Montenono,

- Hollande: Eurostock,

- Belgique: Eurostock, Royaume-Uni: Winbond, Pologne: un agent commercial.

sous astreinte de 1 000 euro par jour et par distributeur ou agent, à compter du prononcé du jugement à intervenir,

- condamner la société Lilbuddy à payer à la société VBSA (Viola Bonnot Secteur Automobile) la somme de 30 000 euro sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile,

- dire et juger que les condamnations à intervenir porteront intérêt au taux légal à compter de la date de l'assignation, soit le 23 août 2007,

- ordonner la capitalisation des intérêts et dire qu'ils porteront intérêts de plein droit dès qu'ils seront dus pour une année entière,

- confirmer pour le surplus le jugement entrepris,

- condamner la société Lilbuddy aux entiers frais et dépens de première instance et d'appel, lesquels seront directement recouvrés par la SCP Leinster Wisniewski Mouton, Avoués associés, conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 13 décembre 2011.

Motifs de la décision

- Sur la rupture du contrat :

Attendu que la SAS Viola Bonnot Secteur Automobile et la société de droit américain Lilbuddy ont conclu le 6 juillet 2006 un contrat intitulé "accord d'exclusivité portant sur la distribution dans certains pays européens d'équipements pour installation et enlèvement de pare-brise" ;

Que cet accord a été dénoncé par la société Lilbuddy le 31 janvier 2007 ;

Attendu que la société Lilbuddy soutient que le contrat contenait une condition suspensive d'achat préalable de 1 000 appareils que la SAS Viola Bonnot Secteur Automobile n'a pas rempli, et qu'en conséquence le contrat ne s'est pas formé ;

Que la SAS Viola Bonnot Secteur Automobile soutient que cette rupture est fautive en ce que l'obligation d'achat portait sur la durée du contrat, soit trois années, et non sur un achat préalable ;

Attendu en premier lieu que le contrat a été rédigé en langue anglaise ; que chaque partie a déposé un exemplaire, les deux textes présentant des différences ;

Qu'ainsi, sur le cadre de l'accord, l'exemplaire apporté par la SAS Viola Bonnot Secteur Automobile dispose que :

"Le présent contrat est un accord entre Lilbuddy...et VBSA, société à laquelle il sera ci- après fait référence sous le terme "le Distributeur". Tout contrat antérieur est nul et non avenu. Le présent contrat annulera tout autre contrat.

Sur l'exécution intégrale de l'accord, y compris des exigences en matière d'achats initiaux, Lilbuddy déclare le "Distributeur" comme étant le distributeur exclusif des produits et services indiqués dans le présent accord, sous réserve des conditions générales de l'accord, pour une durée de 3 ans débutant le 9 juillet 2006. L'accord est le suivant. La date de départ du contrat est le 9 juillet 2006, c'est-à-dire à partir du moment où Lilbuddy a pour la première fois reçu un acompte sur les premiers outils de la part de VBSA. Le présent contrat sera révisé le 9 juillet 2009, pour examen d'un nouveau contrat.

Sur exécution intégrale de l'accord, y compris des exigences en matière d'achats initiaux, Lilbuddy déclare le "Distributeur" comme étant le distributeur exclusif des produits et services indiqués dans le présent accord, sous réserve des conditions générales de l'accord, pour une durée de 3 ans débutant le 9 juillet 2006" ;

Que sur l'effet du contrat, cet exemplaire précise que 'la société VBSA a l'exclusivité des droits dès lors qu'elle achète 1 000 outils à Lilbuddy d'ici à juillet 2009" ;

Que le contrat apporté au dossier par la société Lilbuddy est ainsi rédigé :

"Ce contrat est un accord entre Lilbuddy...et VBSA, ci-après dénommé "le Distributeur". Tous contrats antérieurs sont nuls et non avenus. Ce contrat annulera tout contrat.

Une fois l'accord intégralement exécuté, y compris des exigences en matière d'achats initiaux, Lilbuddy déclare le "Distributeur" comme étant le distributeur exclusif des produits et services indiqués dans le présent accord, sous réserve des conditions générales de l'accord, pour une durée de 3 ans débutant le 9 juillet 2006. L'accord est le suivant. La date de départ du contrat est le 9 juillet 2006, c'est-à-dire à partir du moment où Lilbuddy a pour la première fois reçu un acompte sur les premiers outils de la part de VBSA. Le présent contrat sera révisé le 9 juillet 2009, pour examen d'un nouveau contrat.

Sur exécution intégrale de l'accord, y compris des exigences en matière d'achats initiaux, Lilbuddy déclare le "Distributeur" comme étant le distributeur exclusif des produits et services indiqués dans le présent accord, sous réserve des conditions générales de l'accord, pour une durée de 3 ans débutant le 9 juillet 2006" ;

Que sur l'effet du contrat, cet exemplaire précise que "la société VBSA aura des droits exclusifs tant qu'il achète 1 000 outils de Lilbuddy avant juillet 2009" ;

Attendu qu'à l'appui de sa demande, la société LilBuddy soutient que les parties ont, par courriel du 7 décembre 2005, conclu un accord aux termes duquel l'attribution de droits exclusifs de distribution à la SAS Viola Bonnot Secteur automobile est subordonné à l'acquisition préalable par celle-ci de 2 000 outils ;

Mais attendu d'une part que si la société Lilbuddy soutient que l''accord' sur un achat initial a été ramené de 2 000 à 1 000 outils, elle n'en justifie par aucun élément ;

Que d'autre part, la mention "la société VBSA a l'exclusivité des droits dès lors qu'elle achète 1 000 outils à Lilbuddy d'ici à juillet 2009" ou "la société VBSA aura des droits exclusifs tant qu'il achète 1 000 outils de Lilbuddy avant juillet 2009" ne peut avoir comme effet que de fixer un volume d'achat sur la période allant de juillet 2006 à juillet 2009 ;

Qu'en conséquence, et alors même que le contrat du 6 juillet 2006 prévoit que les accords pris antérieurement sont 'nuls et non avenus', la société Lilbuddy ne justifie pas de ce que la conclusion ce contrat était subordonnée à un achat préalable ;

Attendu que la société Lilbuddy soutient que le contrat est nul en ce que la clause prévoyant un volume d'achat pour la période de juillet 2006 à juillet 2009 serait potestative ;

Mais attendu que cette clause n'a pas pour effet de permettre à la SAS Viola Bonnot Secteur Automobile de se dégager arbitrairement et sans sanction de son engagement, mais fait au contraire peser sur elle une obligation d'achat minimale aux fins de pouvoir conserver le bénéfice des droits d'exclusivité qui lui étaient concédés ; qu'il y a donc lieu de rejeter ce moyen ;

Attendu par ailleurs que la société Lilbuddy soutient que l'accord d'exclusivité n'a pu produire d'effet en ce que la SAS Viola Bonnot Secteur Automobile aurait violé une clause contractuelle en vendant le produit sous un autre nom et que cette violation produit un effet résolutoire ;

Mais attendu que l'article 6° du contrat précise que "VBSA convient de ne pas vendre (ou "accepte de ne pas vendre") d'autres outils pour les pare-brises comparable à Lilbuddy Pro" ; que cette clause ne vise que l'interdiction de vendre un produit concurrent, sans interdire au distributeur de le vendre, sur le territoire dont l'exclusivité lui a été concédée, sous un autre nom ; que la société Lilbuddy ne démontre pas que l'utilisation d'autre nom différent pour commercialiser le produit sur la zone concédée constitue une attitude déloyale vis-à-vis de son co-contractant ;

Que ce moyen doit être rejeté ;

Attendu qu'il convient de constater que la société Lilbuddy a rompu abusivement l'accord de distribution du 6 juillet 2006 ;

Qu'il convient de confirmer le jugement entrepris sur ce point ;

- Sur la demande reconventionnelle présentée par la société Lilbuddy :

Attendu que la société Lilbuddy soutient que la SAS Viola Bonnot Secteur Automobile a commis des actes de parasitisme en continuant à vendre le produit sous un autre nom ;

Mais attendu que la société Lilbuddy ne justifie ni de droits protégés pour les pays du continent européen ni d'une commercialisation de son produit dans cette zone postérieurement à la rupture des relations commerciales ;

Qu'il y a donc lieu de rejeter la demande sur ce point ;

- Sur l'indemnisation du préjudice :

Attendu que la SAS Viola Bonnot Secteur Automobile demande de se voir indemniser du préjudice subi par la rupture du contrat au titre de la perte de ventes, mais aussi de frais annexes ;

Mais attendu que les frais réclamés auraient dû, en cas de fonctionnement normal du contrat, être intégrés dans les marges ; que le dommage subi par la SAS Viola Bonnot Secteur Automobile consiste donc dans la perte de cette marge ; que, sur ce point, le tribunal a fait une parfaite appréciation en retenant la somme de 417 000 euro ; que les intérêts produits par cette somme seront capitalisés ;

Attendu en revanche qu'aucune pièce du dossier ne démontre le détournement de clientèle allégué ; qu'il convient de confirmer la décision entreprise sur ce point ;

Attendu qu'aucun élément du dossier ne démontre que la société Lilbuddy a confié à un tiers l'exclusivité de la vente de ses produits dans la zone visée par le contrat qu'en conséquence, il y a lieu de confirmer la décision entreprise en ce qu'elle a autorisé la SAS Viola Bonnot Secteur Automobile à vendre les outils dont elle dispose encore ;

Attendu en revanche que, les relations entre les parties étant rompues, la société Lilbuddy a la possibilité de vendre ses produits dans la zone concernée par le contrat ; qu'il y a lieu de confirmer le jugement entrepris sur ce point ;

Attendu qu'il apparaît inéquitable de laisser à la charge de la SAS Viola Bonnot Secteur Automobile l'intégralité des frais par elle exposés et non compris dans les dépens ; qu'il y a lieu de faire droit à la demande selon les modalités indiquées au dispositif ;

Attendu enfin que la société Lilbuddy supportera les dépens d'appel, lesquels seront directement recouvrés par la SCP Chardon Navrez, Avoués associés, conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile.

Par ces motifs, LA COUR, statuant publiquement, par arrêt contradictoire et en dernier ressort, Infirme le jugement rendu par le Tribunal de commerce d'Epinal le 3 novembre 2009 en ce qu'il a fixé le montant des dommages et intérêts alloués à la SAS Viola Bonnot Secteur Automobile à la somme de quatre cent quatre-vingt-huit mille quatre cent vingt-sept euro et cinquante-neuf centimes (488 427,59 euro) ; Statuant à nouveau, condamne la société Lilbuddy LLC à payer à SAS Viola Bonnot Secteur Automobile la somme de quatre cent dix-sept mille euro (417 000 euro) avec intérêts au taux légal à compter du 23 octobre 2007 ; Ordonne la capitalisation des intérêts conformément aux dispositions de l'article 1154 du Code civil ; Confirme le jugement entrepris pour le surplus ; Rejette les autres demandes ; Condamne la société Lilbuddy LLC à payer à SAS Viola Bonnot Secteur Automobile la somme de trois mille cinq cents euro (3 500 euro) sur le fondement des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile ; Dit que la société Lilbuddy supportera les dépens d'appel, lesquels seront directement recouvrés par la SCP Chardon Navrez, Avoués associés, conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile.