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Décisions

CA Paris, Pôle 5 ch. 4, 28 mars 2012, n° 09/21483

PARIS

Arrêt

Infirmation partielle

PARTIES

Demandeur :

Sesam (SARL), Hervouet (ès qual.)

Défendeur :

Millet Industrie Atlantique (Sté), Groupe Millet International (SA)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Roche

Conseillers :

M. Vert, Mme Luc

Avocats :

Mes Fisselier, Menguy, Benaceur-Petit, Fromantin, Lesaicherre

T. com. Paris, du 24 sept. 2009

24 septembre 2009

LA COUR,

Vu le jugement du 24 septembre 2009 par lequel le Tribunal de Commerce de Paris a notamment :

- débouté la société Millet Industrie Atlantique de sa demande de péremption d'instance,

- débouté les sociétés Sesam, Millet Industrie Atlantique et Groupe Millet International de toutes leurs demandes,

- débouté M. Christian PIC de toutes ses demandes,

- condamné, in solidum, les sociétés Sesam, Millet Industrie Atlantique et Groupe Millet International à payer à Me Hervouet, es qualités de liquidateur de la société Sonarha, les sommes de 518 094,62 euro et de 16 045,92 euro, déboutant pour le surplus,

- dit les parties mal fondées dans leurs demandes plus amples ou contraires et les en déboute,

- ordonné l'exécution provisoire du présent jugement à charge pour Me François Hervouet, es qualités de liquidateur de la société Sonarha de fournir une caution bancaire couvrant, en cas d'exigibilité de leur remboursement éventuel, toutes les sommes versées en exécution du présent jugement, outre les intérêts éventuellement courus sur ces sommes,

- condamné, in solidum, les sociétés Sesam, Millet Industrie Atlantique et Groupe Millet International à payer à Me François Hervouet, es qualités de liquidateur de la société Sonarha, la somme de 20 000 euro par application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile,

- condamné, in solidum, les sociétés Sesam, Millet Industrie Atlantique et Groupe Millet International aux dépens ;

Vu l'appel interjeté par la société Sesam par déclaration du 20 octobre 2009 et enregistré au répertoire général de la Cour sous le numéro 09-21483 ;

Vu l'appel interjeté par les sociétés Sesam, Millet Industrie Atlantique et Groupe Millet International, et enregistré sous le numéro 09-21525 ;

Vu l'ordonnance du 17 mai 2011 par lequel le CME a prononcé la jonction des instances susvisées ;

Vu les conclusions de la société Sesam du 15 novembre 2011 ;

Vu les conclusions des sociétés Millet Industrie Atlantique et Groupe Millet International du 11 mai 2011 ;

Vu les conclusions de Me Hervouet, es qualités de liquidateur judiciaire à la liquidation de la société Sonarha;

Considérant qu'il résulte de l'instruction les faits suivants :

Par contrat en date du 10 décembre 1999, la société Sesam a concédé à la société unipersonnelle Sonarha le droit d'exploiter, selon les modalités et le savoir-faire Sesam, et sous cette enseigne, un magasin à Nantes.

Cette franchise conférait à la société Sonarha le droit d'utiliser les systèmes Sesam comprenant le savoir-faire, les méthodes mises au point par le franchiseur, la distribution des produits et services Sesam exclusivement aux particuliers pendant une durée de sept ans à compter de la date de la signature du contrat.

En même temps, ont été conclus, entre les parties, plusieurs autres contrats portant sur la location d'enseigne, la location de mobilier et de matériel de présentation et d'exposition ainsi que sur la location d'un logiciel spécifique.

Le droit d'entrée dans la franchise s'élevait à 100 000 F HT, outre 100 000 F HT supplémentaires pour l'assistance initiale devant être apportée par le franchiseur.

L'exploitation effective du magasin par la société Sonarha a commencé en avril 2000, sous l'enseigne La Porte à Coté.

Après quatorze mois d'exploitation, le chiffre d'affaires était faible, le droit d'entrée et la redevance pour l'assistance initiale n'étaient pas payés et le déficit s'élevait à 239 400 F HT.

A compter de mars 2001, la société Sonarha n'a plus payé de redevance au franchiseur.

Egalement dans l'impossibilité de payer son fournisseur, la société Millet Menuiserie, la société Sonarha n'a plus été livrée de ses commandes.

En octobre 2001, elle se trouvait en conséquence dans l'impossibilité de poursuivre son exploitation et a été contrainte de déposer son bilan.

Par jugement du 9 janvier 2002, le Tribunal de Commerce de Nantes a prononcé le redressement judiciaire de la société Sonarha, désignant Me Hervouet en qualité de représentant des créanciers.

Par jugement du 20 mars suivant, la liquidation judiciaire de la société Sonarha a été prononcée par le même Tribunal de commerce, lequel a désigné Me Hervouet en sa qualité de liquidateur.

Préalablement à sa mise en redressement, puis en liquidation judiciaire, la société Sonarha avait assigné la société Sesam par acte du 8 octobre 2001 en sollicitant notamment :

- le prononcé de la nullité du contrat de franchise conclu entre elle et la société Sesam pour dol,

- solidairement le prononcé de la résiliation du contrat de franchise pour inexécution contractuelle.

Me Hervouet, tout d'abord es qualités de représentant des créanciers, puis es qualités de liquidateur de la société Sonarha, est intervenu volontairement à la procédure pour reprendre celle-ci à son compte en avril 2002.

M. Pic, ancien gérant de la société Sonarha, est également intervenu volontairement à la procédure pour solliciter, à son profit, condamnation de la société Sesam à lui payer différentes sommes au titre des préjudices personnels subis.

Enfin, par acte du 29 avril 2002, la société Sonarha en liquidation, a assigné les sociétés Millet Industrie Atlantique et GMI en intervention forcée aux fins de solliciter leur condamnation à garantir la société Sesam de toutes les condamnations qui seraient prononcées contre elle.

C'est dans ces conditions qu'est intervenu le jugement susvisé présentement déféré.

Sur la péremption d'instance

Considérant que les sociétés Millet et GMI excipent, tout d'abord, de la péremption de l'instance ainsi engagée pour absence de diligences entre avril 2002 et février 2005, soit pendant plus de deux ans ;

Considérant, toutefois, que si le délai de péremption court à compter de la remise de l'assignation engageant l'instance au greffe du tribunal saisi, il sera rappelé que tout acte faisant partie de l'instance et la continuant, interrompt cette péremption ; que tel est, notamment, le cas des conclusions déposées par un avocat, des conclusions d'intervention volontaire ou de la lettre adressé par le conseil d'une partie au greffier du tribunal pour lui demander de faire ressortir l'affaire du rôle pour qu'elle soit appelée à l'audience ;

Considérant, en l'espèce, que l'assignation introductive a été délivrée à la société Sesam par la société Sonarha, encore in bonis, le 8 octobre 2001 ; qu'en avril 2002, Me Hervouet est intervenu à l'instance, es qualités de liquidateur de la société Sonarha, pour reprendre l'instance ; que le même mois, M. Pic est également intervenu à l'instance par conclusions d'intervention volontaire en date du 22 avril 2002, lesquelles ont été actées à l'audience de mise en état du 23 mai 2002 ; qu'enfin, le 29 avril 2002, la société Sonarha, en liquidation, a assigné en intervention forcée et en garantie, les sociétés Millet Menuiserie Atlantique et GMI ; que cette seconde procédure a été jointe à celle initiée contre la société Sesam à l'audience de mise en état du 20 juin 2002 ; que les dossiers ont fait l'objet de renvois successifs jusqu'à l'audience de mise en état du 13 novembre 2002 pour laquelle la société Millet Menuiserie Atlantique a déposé des conclusions ; que les conclusions du 13 novembre 2002 ont donc bien été déposées au greffe après la jonction des deux procédures intervenues en juin précédent et sont donc de nature à interrompre la péremption ; que les dossiers ont été, le même jour, renvoyés à l'audience de mise en état du 22 janvier 2003, lors de laquelle il a été demandé au tribunal de les renvoyer au rôle d'attente, compte tenu de l'expertise en cours ; que le renvoi à un rôle d'attente "du fait des parties" constitue bien lui aussi une diligence ; qu'en effet, dès lors que les décisions du juge ont pour origine la manifestation de volonté des parties, soulignant leur volonté de poursuivre l'instance et de la faire progresser, il s'agit d'actes interruptifs d'instance ; que le 25 octobre 2004, Me Hervouet, es qualités, a sollicité la sortie du rôle d'attente du dossier, demande reçue par le greffe du Tribunal de commerce de Paris le 27 octobre 2004 ; que le même jour, le conseil de Me Hervouet transmettait à ses confrères adverses la demande de sortie du rôle et les conclusions récapitulatives ; que, par la suite et par courrier du 9 novembre 2004, le greffe convoqué les parties à l'audience du 8 décembre 2004, date à laquelle la conclusions récapitulatives du 20 octobre 2004 ont été régularisées ; qu'ainsi, et antérieurement au 13 novembre 2004, plusieurs actes ont été accomplis par les demandeurs, constituant autant de diligences faisant partie de l'instance et la continuant, démontrant l'intention incontestable des intéressés de poursuivre la procédure engagée ; que c'est ainsi à bon droit que les Premiers Juges ont rejeté la demande aux fins de péremption d'instance susanalysée ;

Sur la recevabilité de la demande formée par Me Hervouet, es qualités de liquidateur à la liquidation judiciaire de la société Sonarha, à l'encontre des sociétés Millet Industrie Atlantique et Groupe Millet International

Considérant qu'aux termes de l'article 331 du Code de procédure civile : "un tiers peut être mis en cause aux fins de condamnation par toute partie qui est en droit d'agir contre lui à titre principal" ;

Considérant qu'invoquant à l'encontre des intéressées une complicité dans les manquements commis à l'encontre de la société Sonarha et in solidum avec la société Sesam, Me Hervouet, es qualités, doit être regardé comme recevable à agir à leur encontre ;

Sur la recevabilité du rapport d'expertise du 21 février 2004

Considérant que si l'article 16 alinéa 2 du Code de procédure civile énonce que le juge 'ne peut retenir, dans sa décision, les moyens, les explications et les documents invoqués ou produits par les parties, que celles-ci ont été à même d'en débattre contradictoirement' et si la société Sesam prétend que Me Hervouet, es qualités de liquidateur de la société Sonarha, ne saurait invoquer au soutien de ses prétentions le rapport d'expertise rendu le 21 février 2004 à la suite de l'arrêt de la Cour d'appel de Paris du 25 septembre 2002, au motif que ce rapport n'aurait pas été établi de manière contradictoire, il sera relevé que ledit rapport et ses annexes sont des documents qui ont été régulièrement versés aux débats, de même que l'ensemble des documents chiffrés émanant de la société Sonarha ; qu'ainsi , ils ont été soumis à la contradiction des parties ; qu'au surplus, il échet de souligner que la société Sesam produit aux débats un rapport critique de cette expertise, effectuée par M. Chapalain, intitulé "contre-expertise", qui l'a nécessairement éclairée sur les griefs qu'elle forme contre cette expertise et démontrant qu'elle a eu une connaissance obligée de ce document et effectué une analyse détaillée de celui-ci ;

Considérant, par suite, que le rapport expertal contesté ne saurait être écarté des débats ;

Au fond

Sur la demande aux fins de nullité du contrat de franchise

Considérant qu'aux termes de l'article 1116 du Code civil : "Le dol est une cause de nullité de la convention lorsque les manoeuvres pratiquées par l'une des parties sont telles, qu'il est évident que sans ces manoeuvres, l'autre partie n'aurait pas contracté.

Il ne se présume pas et doit être prouvé" ;

Considérant qu'il sera rappelé à cet effet que le dol est constitué par des manoeuvres ou des tromperies mais aussi par le silence gardé sur des circonstances ou des éléments, actes positifs ou négatifs destinés à amener le partenaire à contracter alors qu'il ne l'aurait pas fait s'il avait eu connaissance de la réalité ;

Considérant, en l'espèce, qu'alors que le contrat de franchise stipule : "La société Sesam est le fruit de l'expérience de la société Millet Menuiserie créée en 1946...", "Fort de l'expérience de ses magasins pilotes, le groupe Millet a décidé de franchiser son concept...", "Une expérience prolongée a permis la mise au point du système Sesam qui a été testé dans des magasins pilotes.", il sera, en premier lieu, observé que le "concept" spécifique de vente aux particuliers dont excipait la société Sesam appartenait en réalité à la société Groupe Millet International et non pas à elle-même ; que, de même, la société Sesam ne démontre pas être titulaire exclusive de sa marque et les franchisés ont dû, en réalité, ouvrir sous l'enseigne "La Porte à Côté" qui appartient à la seule société Groupe Millet International ;

Considérant, en deuxième lieu, que le franchiseur se doit d'être l'initiateur d'un réseau de franchise constitué de lui-même et des franchisés et dont il a vocation à assurer la pérennité; qu'alors qu'il se doit d'avoir mis au point et exploité avec succès un concept pendant une période raisonnable et dans au moins une unité pilote avant le lancement du réseau, il ressort de l'examen des pièces du dossier que la société Sesam ne justifie ni d'une exploitation bénéficiaire avant la création du réseau ni d'une expérimentation dans des sites situés hors de la région parisienne ; qu'en effet, la franchise considérée a été lancée à peine deux ans après la mise en place de la première unité pilote et moins d'un an après celle de la seconde ; qu'ainsi le savoir-faire, lequel se définit en matière de franchise comme un ensemble finalisé de connaissances pratiques, transmissibles, non immédiatement accessibles au public, non brevetées et conférant à celui qui le maîtrise un avantage concurrentiel, ne saurait, en l'occurrence, être regardé comme "éprouvé", c'est-à-dire, ayant été exploité pendant une période raisonnable ; que, par ailleurs, la lecture des comptes du résultat de la société Sesam et des comptes analytiques des boutiques pilotes révèle que, lors du lancement de la franchise en 1999, les deux unités pilotes étaient déficitaires et ce, malgré la remise de fin d'année qui leur avait été accordée et alors que, de l'aveu même des dirigeants de la société Millet, ces boutiques ne supportaient pas l'intégralité des charges de personnel préconisées ; que, par suite, en décembre 1999, la société Sesam ne disposait en réalité d'aucun savoir-faire exploité avec succès et susceptible de permettre aux franchisés d'être concurrentiels ; que l'intéressée ne pouvait donc, lors de la signature du contrat litigieux, se prévaloir d'aucune réussite commerciale attestée par un réseau structuré et d'une notoriété certaine ;

Considérant, en deuxième lieu, que si les dispositions de l'article L. 330-3 du Code du commerce ainsi que celles du décret n° 91-337 du 4 avril 1991 exigent que le document d'information précontractuelle comporte un certain nombre de renseignements comptables concernant les franchisés déjà existants et le franchiseur lui-même et, notamment, les rapports des deux derniers exercices de l'entreprise, la société Sesam ne justifie pas avoir transmis au candidat à la franchise les informations afférentes à ses comptes arrêtés au 31 décembre 1998 ; que lesdits comptes n'ont été rendus publics que dans le cours de l'expertise diligentée et n'ont jamais été préalablement communiqués ou publiés ;

Considérant que la société Sesam n'explique aucunement pourquoi elle n'a pas transmis au candidat à la franchise les informations sur ses comptes au 31 décembre 1998 ou en quoi elle en aurait été empêchée ; que l'intéressée a donc trompé sciemment la société Sonarha en lui remettant pas ses comptes au moment de la signature du document d'information précontractuelle, comptes qui étaient pourtant alors définitivement arrêtés et montraient déjà un résultat négatif de 3 763 674 F ; que ce résultat négatif ne se trouvait compensé que par l'abandon de créance consenti par la société Groupe Millet International à hauteur de 4 008 311 F pour le seul exercice 1998 (compte de résultat Sesam 1999) ; qu'à aucun moment, M. Pic n'a eu connaissance ni du fait que les comptes de cette société avaient été arrêtés ni de ce qu'ils démontraient un résultat négatif de plus de trois millions de francs ; que si l'intéressé avait un devoir de se renseigner, ce n'est qu'autant que ces informations étaient disponibles et accessibles ; qu'or, tel ne fut le cas ; que ce n'est qu'au moment de la convention nationale du mois d'avril 2001, et encore de manière très succincte, que les comptes de la société Sesam ont été présentés aux franchisés et à M. Pic alors que la situation de la société Sonarha était déjà compromise;

Considérant, de la même façon, qu'alors que le même document d'information devait fournir à la société Sonarha les documents comptables relatifs à une unité pilote, ceux produits à l'annexe 6 dudit document et afférents à la boutique située Cours de Vincennes à Paris ne résultent que d'approximations dès lors que cette unité de vente ne disposait pas de comptabilité propre, plusieurs pertes de charge étant intégralement ou partiellement assumées par la société Sesam ;

Considérant qu'à ce sujet, le rapport d'expertise précise : "Il ressort des estimations de l'expertise que, si les boutiques pilotes avaient été placées dans un contexte de charges de structure comparable à celui des franchisés, elles auraient été constamment déficitaires au cours de la période examinée" ; que les boutiques pilotes étaient toutes deux parisiennes et la transposition de leur expérience en province n'apparaît pas comme évidente d'autant que l'expert conclut, page 101 : "l'expertise est d'avis que la société Sesam n'a pas respecté le principe confirmé par le Code de déontologie de la Fédération Française de la Franchise selon lequel le concept de franchise doit être expérimenté avec succès avant le lancement du réseau..."; que par suite, la société Sesam ne peut exciper de la validité du consentement de la société Sonarha eu égard à la distorsion existant entre les chiffres du document d'information et la réalité économique concrète tant du franchiseur que des unités pilotes ; qu'il n'appartient de toute façon pas au futur franchisé qui n'est pas détenteur des éléments d'information pertinents de tenter préalablement à la conclusion du contrat d'obtenir celle-ci par des recherches locales aléatoires ;

Considérant, en troisième lieu, que le compte prévisionnel fourni à la société Sonarha a été établi par le cabinet Sofial, partenaire dans la franchise de la société Sesam, à partir des chiffres de l'un des magasins pilotes de Paris, chiffres supposés puisque ces derniers ne bénéficiaient, ainsi qu'il a été ci-dessus mentionné, d'aucune comptabilité analytique séparée, et non à partir de la moyenne des points de vente franchisés représentatifs pour le point de vente à créer ; que si la production d'un tel compte ne constitue pas une obligation légale ou réglementaire, sa remise oblige le franchiseur au respect, en la matière, d'une obligation des sincérité induite par la nécessaire bonne foi contractuelle ; qu'ainsi, en fournissant à la société Sonarha un prévisionnel manifestement erroné, basé sur des chiffres d'unités pilotes incorrects car n'exerçant pas elles-mêmes leur activité selon les préconisations du franchiseur, la société Sesam a, de ce chef également, commis un dol amenant son candidat à la franchise à signer un contrat dans la croyance erronée que celui-ci lui permettrait d'exploiter un concept éprouvé et expérimenté avec succès ;

Considérant qu'il ressort de qui précède qu'en fournissant à la société Sonarha des documents volontairement incomplets ou fallacieux, la société Sesam a empêché cette dernière de se prononcer en connaissance de cause et a vicié son consentement en lui faisant souscrire un contrat de franchise d'une durée de sept ans sans disposer d'un savoir-faire éprouvé et expérimenté avec succès ni même d'un véritable concept de franchise ; qu'il y a lieu, en conséquence, de prononcer la nullité du contrat pour dol de la part du franchiseur, lequel a occulté l'absence de cause objective de l'engagement du franchisé ;

Sur le préjudice subi par la société Sonarha et M. Pic

Considérant que la cour fait siens les motifs pertinents retenus par les Premiers Juges pour fixer à la somme de 518 094,62 euro le montant du préjudice subi par la société susvisée et mis à la charge de la société Sesam, lequel correspondant au montant de son passif définitivement admis, majoré du montant des honoraires du liquidateur, soit 16 045,92 euro;

Considérant que la cour adoptera également les motifs exposés pour débouter M. Pic de ses demandes présentées à titre personnel ;

Sur la demande de condamnation in solidum formée à l'encontre des sociétés Groupe Millet International et Millet Industrie Atlantique

Considérant que si Me Hervouet, es qualités, soutient que les sociétés Groupe Millet International et Millet Industrie Atlantique ont été "complices" des manquements du franchiseur et que celles-ci ont ainsi commis une faute de nature délictuelle ayant concouru au dommage subi par la société Sonarha en liquidation, justifiant de la sorte leur condamnation in solidum avec la société Sesam, il convient liminairement de souligner que la responsabilité des intéressées ne saurait être recherchée du seul fait de leur appartenance à un même groupe de sociétés, notion de nature simplement économique définissant un ensemble constitué par plusieurs sociétés ayant chacune leur existence juridique propre mais unies entre elles par des liens divers ; que la référence au "groupe Millet" est, en l'espèce, sans influence sur l'appréciation du présent litige et ne peut que se rapporter aux liens en capital et aux relations contractuelles entretenues par les sociétés Evolis et Millet avec leurs filiales ; qu'ainsi la circonstance que la société Sesam fût détenue à 100 % par la société Millet Industrie Atlantique ne préjuge en rien de son éventuelle fictivité et ne permet aucunement de la condamner à l'exécution des engagements de sa filiale sauf à méconnaître directement l'autonomie juridique et financière de chacune des personnes morales considérées ;

Considérant que le fait que le contrat de franchise en cause prévoit à la charge du franchisé une obligation de se fournir exclusivement auprès de la société Millet Industrie Atlantique est sans effet sur le contrat litigieux initial auquel cette dernière demeure une tierce partie ; que si la société Millet Industrie Atlantique a ainsi effectué des livraisons de produits et a poursuivi le recouvrement de ses créances, il ne saurait en être inféré aucune collusion ou complicité dans le dol ci-dessus analysé, lequel est imputable à la seule société Sesam ; qu'en effet, ledit dol est sans lien avec les obligations contractuelles de la société Millet Industrie Atlantique de fournisseur de menuiserie ; qu'il est, de même, d'avoir prétendument accepté l'utilisation de son nom et d'être apparu comme le promoteur de la franchise ;

Considérant, enfin et s'agissant de la société Groupe Millet International, que le seul fait pour celle-ci d'être titulaire de la marque "La Porte à Côté" utilisée par des franchisés, ne la rend pas davantage complice du dol spécifique reproché à la société Sesam ;

Considérant qu'il y a lieu, en conséquence, de confirmer le jugement en ce qu'il a débouté la société Millet Industrie Atlantique de sa demande de péremption d'instance, débouté la société Sesam et M. Pic de leurs demandes, et condamné la société Sesam à payer à Me Hervouet, es qualités de liquidateur à la liquidation judiciaire de la société Sonarha, les sommes de 518 094,62 euro et de 16 045,92 euro, de l'infirmer pour le surplus et, statuant à nouveau, de mettre hors de cause les sociétés Millet Industrie Atlantique et Groupe Millet International et de condamner la société Sesam aux entiers dépens de première instance et d'appel ;

Par ces motifs, LA COUR, Confirme le jugement en ce qu'il a débouté la société Millet Industrie Atlantique de sa demande de péremption d'instance, débouté la société Sesam et M. Pic de leurs demandes, et condamné la société Sesam à payer à Me Hervouet, es qualités de liquidateur à la liquidation judiciaire de la société Sonarha, les sommes de 518 094,62 euro et de 16 045,92 euro. L'infirme pour le surplus. Et statuant à nouveau, Met hors de cause les sociétés Millet Industrie Atlantique et Groupe Millet International. Condamne la société Sesam aux dépens de première instance et d'appel avec recouvrement dans les conditions de l'article 699 du Code de procédure civile, ceux exposés par les sociétés Millet Industrie Atlantique et Groupe Millet International étant en revanche à la charge de Me Hervouet, es qualités. Condamne la société Sesam à verser à Me Hervouet, es qualités, la somme de 5 000 euro au titre des frais hors dépens. Condamne Me Hervouet, es qualités, à verser aux sociétés Millet Industrie Atlantique et Groupe Millet International la somme de 3 000 euro au titre des frais hors dépens.