Livv
Décisions

CA Pau, ch. corr., 22 mai 2008, n° 07-00657

PAU

Arrêt

Infirmation partielle

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Saint-Macary

Substitut :

général : M. Carbonell

Conseillers :

M. De Sequeira, Mme Robert

Avocats :

Mes Guilhemsang, Moriceau

T. corr. Bayonne, du 1er févr. 2007

1 février 2007

Rappel de la procédure :

Le Tribunal correctionnel de Bayonne a été saisi par une ordonnance de renvoi devant le Tribunal Correctionnel en vertu de l'article 179 du Code de procédure pénale.

Il est fait grief à D. Nicole épouse C. :

- d'avoir à Bayonne, courant 1994, 1995, 1996, 1997 et depuis temps non couvert par la prescription, été complice des délits d'abus de biens sociaux et de banqueroute par détournement d'actifs reprochés initialement à C. Jean-Louis, en l'aidant ou en l'assistant sciemment dans sa préparation ou sa consommation et ce notamment en créant et dirigeant une société, (C. et Associés devenue Communication et Action), qui a bénéficié de contrats dont les frais de démarchage ou de prospection ont été supportés par la Société Vent du Sud, en facturant des commissions dues par la clientèle à la Société Vent du Sud ;

- d'avoir, dans les mêmes circonstances de temps et de lieu, sciemment recelé, un fonds de commerce provenant d'un délit de banqueroute par détournement d'actif au préjudice de la SARL Vent du Sud, délit initialement reproché à C. Jean-Louis ;

- d'avoir, dans les mêmes circonstances de temps et de lieu, étant mandataire intermédiaire, omis de rédiger des contrats écrits ;

Faits prévus et réprimés par les articles L. 626, L. 626-2 (2°), L. 622-5 du Code du commerce, L. 241-3 (4°) du Code du commerce anciennement 425-4° et 431 de la loi du 24 juillet 1966 et 121-6, 121-7, 321-1, 321-3, 321-4, 321-9, 321-10 du Code pénal, 20 et 25 de la loi n° 93-122 du 29 janvier 1993, 121-6, 121-7, 321-1, 321-3, 321-4, 321-9, 321-10 du Code pénal.

Il est fait grief à E. Frédéric :

- d'avoir à Bayonne, courant 1994, 1995, 1996, 1997 et depuis temps non couvert par la prescription, été complice des délits d'abus de biens sociaux et de banqueroute par détournement d'actifs reprochés initialement à C. Jean-Louis, en l'aidant ou en l'assistant sciemment dans sa préparation ou sa consommation et ce notamment en créant et dirigeant une société, (C. et Associés devenue Communication et Action), qui a bénéficié de contrats dont les frais de démarchage ou de prospection ont été supportés par la Société Vent du Sud, en facturant des commissions dues par la clientèle à la Société Vent du Sud ;

- d'avoir, dans les mêmes circonstances de temps et de lieu, sciemment recelé, un fonds de commerce provenant d'un délit de banqueroute par détournement d'actif au préjudice de la SARL Vent du Sud, délit initialement reproché à C. Jean-Louis ;

- d'avoir, dans les mêmes circonstances de temps et de lieu, étant mandataire intermédiaire, omis de rédiger des contrats écrits ;

Faits prévus et réprimés par les articles L. 626, L. 626-2 (2°), L. 622-5 du Code du commerce, L. 241-3 (4°) du Code du commerce anciennement 425-4° et 431 de la loi du 24 juillet 1966 et 121-6, 121-7, 321-1, 321-3, 321-4, 321-9, 321-10 du Code pénal, 20 et 25 de la loi n° 93-122 du 29 janvier 1993 , 121-6, 121-7, 321-1, 321-3, 321-4, 321-9, 321-10 du Code pénal.

Le jugement :

Le Tribunal Correctionnel de Bayonne par jugement contradictoire, en date du 01 février 2007, a déclaré D. Nicole Marie épouse C.

coupable de complicité d'abus des biens ou du crédit d'une SARL par un gérant à des fins personnelles, courant 1994, 1995, 1996, 1997, à Bayonne (64), infraction prévue par les articles L. 241-3 4°, L. 241-9 du Code de commerce, 121-6, 121-7 du Code pénal et réprimée par l' article L. 241-3 du Code de commerce, 121-6, 121-7 du Code pénal,

coupable de complicité de banqueroute : détournement ou dissimulation de tout ou partie de l'actif, courant 1994, 1995, 1996, 1997, à Bayonne (64), infraction prévue par les articles L. 654-2 2°, L. 626-1 du Code de commerce, 121-6, 121-7 du Code pénal et réprimée par les articles L. 654-3 AL.1, L. 654-5, L. 654-6, L. 653-8 AL.1 du Code de commerce, 121-6, 121-7 du Code pénal,

coupable de recel de bien provenant d'un délit puni d'une peine n'excédant pas 5 ans d'emprisonnement, courant 1994, 1995, 1996, 1997, à Bayonne (64), infraction prévue par l' article 321-1 du Code pénal et réprimée par les articles 321-1 AL.3, 321-3, 321-9, 321-10 du Code pénal,

coupable d'omission par mandataire de rédiger des contrats écrits, courant 1994, 1995, 1996, 1997, à Bayonne (64), infraction prévue et réprimée par l'article 20 et 25 de la loi n° 93-122 du 29 janvier 1993,

et, en application de ces articles,

- l'a condamnée à la peine de 12 mois d'emprisonnement avec sursis.

a déclaré E. Frédéric François

coupable de complicité d'abus des biens ou du crédit d'une SARL par un gérant à des fins personnelles, courant 1994, 1995, 1996, 1997, à Bayonne (64), infraction prévue par les articles L. 241-3 4°, L. 241-9 du Code de commerce, 121-6, 121-7 du Code pénal et réprimée par l' article L. 241-3 du Code de commerce , 121-6, 121-7 du Code pénal,

coupable de complicité de banqueroute : détournement ou dissimulation de tout ou partie de l'actif, courant 1994, 1995, 1996, 1997, à Bayonne (64), infraction prévue par les articles L. 654-2 2°, L. 626-1 du Code de commerce, 121-6, 121-7 du Code pénal et réprimée par les articles L. 654-3 AL.1, L. 654-5, L. 654-6, L. 653-8 AL.1 du Code de commerce, 121-6, 121-7 du Code pénal,

coupable de recel de bien provenant d'un délit puni d'une peine n'excédant pas 5 ans d'emprisonnement, courant 1994, 1995, 1996, 1997, à Bayonne (64), infraction prévue par l'article 321-1 du Code pénal et réprimée par les articles 321-1 AL.3, 321-3, 321-9, 321-10 du Code pénal,

coupable d'omission par mandataire de rédiger des contrats écrits, courant 1994, 1995, 1996, 1997, à Bayonne (64), infraction prévue et réprimée par l'article 20 et 25 de la loi n° 93-122 du 29 janvier 1993 ,

et, en application de ces articles,

- l'a condamné à la peine de 12 mois d'emprisonnement avec sursis.

Et sur l'action civile :

- a reçu Monsieur D. Guy en sa constitution de partie civile,

- a déclaré Madame D. veuve C. et Monsieur E. responsables du préjudice subi par Monsieur D. Guy,

- a condamné solidairement Madame D. veuve C. et Monsieur E. à payer à Monsieur D. Guy la somme de 25 000 euro à titre de dommages-intérêts.

- a reçu Madame D.-B. Michèle en sa constitution de partie civile,

- a déclaré Madame D. veuve C. et Monsieur E. responsables du préjudice subi par Madame D.-B. Michèle,

- a condamné solidairement Madame D. veuve C. et Monsieur E. à payer à Madame D.-B. Michèle la somme de 15 000 euro à titre de dommages-intérêts.

- a reçu Maître G. Dominique ès qualités de mandataire liquidateur de la Société Vent du Sud en sa constitution de partie civile,

- a déclaré Madame D. veuve C. et Monsieur E. responsables du préjudice subi par Maître G. Dominique ès qualités de mandataire liquidateur de la Société Vent du Sud,

- a condamné solidairement Madame D. veuve C. et Monsieur E. à payer à Maître G. Dominique ès qualités de mandataire liquidateur de la Société Vent du Sud la somme de 150 000 euro à titre de dommages-intérêts.

- a condamné solidairement Madame D. veuve C. et Monsieur E. à payer aux parties civiles la somme totale de 2 000 euro au titre de l'article 475-1 du Code de Procédure Pénale.

Les appels :

Appel a été interjeté par :

- Monsieur E. Frédéric, le 06 Février 2007, son appel portant tant sur les dispositions pénales que civiles ;

- Madame D. Nicole épouse C., le 06 Février 2007, son appel portant tant sur les dispositions pénales que civiles ;

- M. le Procureur de la République, le 07 Février 2007, contre Madame C. Nicole et Monsieur E. Frédéric ;

- Maître Moriceau au nom de Maître G. Dominique, le 13 Février 2007, son appel étant limité aux dispositions civiles ;

- Maître Moriceau au nom de Madame D.-B. Michèle, le 13 Février 2007, son appel étant limité aux dispositions civiles ;

- Maître Moriceau au nom de Monsieur D. Guy, le 13 Février 2007, son appel étant limité aux dispositions civiles.

D. Nicole Marie épouse C., prévenue, a été assignée à la requête de Monsieur le Procureur Général, par acte en date du 11 décembre 2007 à domicile (LR non réclamée), d'avoir à comparaître devant la cour à l'audience publique du 22 janvier 2008 ;

E. Frédéric François, prévenu, a été assigné à la requête de Monsieur le Procureur Général, par acte en date du 11 décembre 2007 à Mairie (LR non réclamée), d'avoir à comparaître devant la cour à l'audience publique du 22 janvier 2008 ;

Maître G. Dominique, Mandataire judiciaire ès qualités de liquidateur de la Société Vent du Sud, partie civile, a été assigné à la requête de Monsieur le Procureur Général, par acte en date du 6 décembre 2007 à domicile (AR signé le 11 décembre 2007), d'avoir à comparaître devant la cour à l'audience publique du 22 janvier 2008 ;

D. Guy, partie civile, a été assigné à la requête de Monsieur le Procureur Général, par acte en date du 27 novembre 2007 à Mairie (AR signé le 3 décembre 2007), d'avoir à comparaître devant la cour à l'audience publique du 22 janvier 2008 ;

D.-B. Michèle, partie civile, a été assignée à la requête de Monsieur le Procureur Général, par acte en date du 7 décembre 2007 à sa personne, d'avoir à comparaître devant la cour à l'audience publique du 22 janvier 2008 ;

Déroulement des débats :

A l'audience publique du 22 janvier 2008, Monsieur le Président a constaté l'identité des prévenus,

Le Ministère Public soulève la loi d'amnistie concernant les faits antérieurs à 2002.

Maître Moriceau ne fait pas d'observations ;

Maître Guilhemsang et les prévenus ne font pas d'observations ;

Ont été entendus :

Monsieur le Président Saint-Macary en son rapport ;

C. Nicole en ses interrogatoire et moyens de défense ;

E. Frédéric en ses interrogatoire et moyens de défense ;

Monsieur Carbonell, Substitut Général, fait observer que les sur-commissions ne sont pas visées dans la prévention et doivent donc être écartées des débats ;

Maître Moriceau et la partie civile, M. D. Guy, sont entendus en leurs observations sur ce point ;

Maître Guilhemsang et les prévenus ne font pas d'observations ;

D. Guy est entendu en ses explications ;

Maître Moriceau, avocat des parties civiles, en sa plaidoirie et qui dépose son dossier et ses conclusions lesquelles ont été visées par le Président et le Greffier, mentionnées par ce dernier aux notes d'audience et jointes au dossier ;

Monsieur Carbonell, Substitut Général, en ses réquisitions ;

Maître Guilhemsang, avocat des prévenus, en sa plaidoirie et qui dépose son dossier et ses conclusions lesquelles ont été visées par le Président et le Greffier, mentionnées par ce dernier aux notes d'audience et jointes au dossier ;

C. Nicole et E. Frédéric ont eu la parole en dernier.

Puis la cour a mis l'affaire en délibéré et le Président a déclaré que l'arrêt serait prononcé le 20 mars 2008.

Advenu ce jour, le 20 mars 2008, le délibéré a été prorogé au 03 avril 2008. Advenu ce jour, le délibéré a été prorogé au 17 avril 2008. Advenu ce jour, le délibéré a été prorogé au 15 mai 2008. Advenu ce jour, le 15 mai 2008, le délibéré a été prorogé au 22 mai 2008.

Décision :

Faits et procédure :

Le 25 mars 1998, Maître G., mandataire judiciaire de la société Vent du Sud (VDS) placée en liquidation par le tribunal de commerce de Bayonne le 8 décembre 1997 dénonce au procureur de la République de Bayonne des détournements d'actifs qu'il impute à l'ancien gérant, Jean-Louis C..

Alors que l'enquête est en cours, Mr D. et Mme D., associés de VDS dénoncent à leur tour à ce magistrat, la situation de l'entreprise, plainte qu'ils complètent par lettre du 23 novembre 1999.

Le SRPJ, section financière, est saisi pour enquête.

La SARL VDS créée en 1979 par Michèle D.-B., Guy D. et Jean-Louis C., siège social [...], avait pour objet social, la publicité sous toutes ses formes ; Jean-Louis C. en est le gérant, jusqu'à son licenciement en octobre 1997.

A cette date, Guy D. le remplace et dépose rapidement le bilan. Le tribunal prononce la liquidation judiciaire le 08 décembre 1997. Le premier rapport du mandataire évalue le passif à un peu plus de 2 millions de francs.

Les tâches de chacun au sein de la société sont ainsi réparties : Jean-Louis C., le gérant, le domaine commercial, Mme D.-B. et M. D., la conception et la recherche de slogans et logos ; M. E. la recherche d'afficheurs, le secrétariat est assuré par Mme S..

Mme Nicole D. épouse C. n'occupe aucune fonction dans la société.

En octobre 1995 elle constitue, avec Frédéric E., qui est encore salarié de VDS, une SARL C. et Associés qui change ultérieurement de nom, devenant en août 1996 Communication & Action ou C&A : l'objet social est identique à celui de VDS.

Frédéric E. en assure la gérance, dévolue courant 1996 à Mme D. C. qui la cède à son époux en novembre 1997, au moment de son éviction et de son licenciement de Vent du Sud ; jusque-là, il n'avait aucune fonction ou prérogative dans C&A.

Licencié en décembre 1995 par Vent du Sud, Frédéric E. crée sa propre entreprise, Affibasque, émanation de C&A, du moins cette société lui confie-t-elle l'affichage, et perçoit elle alors des commissions d'agence de 10 %, jusqu'alors facturées à Vent du Sud par les afficheurs.

La situation financière de Vent du Sud va considérablement se dégrader sur la période 1993 à 1996 :

<Emplacement tableau>

Parallèlement, alors que non seulement les gens de C&A et Affichage traitent de plus en plus avec des clients jusque-là attachés à Vent du Sud, non sans quelques évidentes interventions de Jean-Louis C., C&A annonce pour son premier exercice un chiffre d'affaires net de 1 969 876 francs.

Au 31 décembre 1995, la société C. et Associés distribue un bénéfice de 459 600 francs aux deux associés, suivant un calcul manuscrit de Jean-Louis C..

La discorde s'installe alors ouvertement entre les associés de Vent du Sud : aux reproches adressés au gérant de n'avoir tenu aucune assemblée générale depuis des années, ni effectué de compte-rendu d'activité, Jean-Louis C., démis de ses fonctions, quitte la société pour prendre la gérance de C&A.

M. D. nouveau gérant, fait effectuer un rapide audit comptable, par M. L. qui dresse un état alarmant de la situation de la société, le passif important conduisant à une évidente cessation de paiements.

C'est ainsi qu'il dépose le bilan le 02 décembre 1997 et que la société est placée en liquidation judiciaire le 08 décembre 1997.

Le passif est provisoirement arrêté à 2 067 477 francs, l'actif réalisé seulement pour 280 000 francs.

Dans les semaines qui suivent, le mandataire puis deux associés alertent donc le Procureur de la République.

L'enquête du SRPJ stigmatise le travail de sape de Vent du Sud, de Jean-Louis C., qui entretient la confusion entre les deux sociétés, Vent du Sud dont il est le gérant, C&A gérée par son ex employé, puis son épouse, puis lui-même.

La confusion résulte de ce que le personnel, le matériel bureautique et informatique et les lignes téléphoniques sont les mêmes ; Jean-Louis C. dirige de fait C. et Associés puis C&A, donne des instructions écrites au gérant E., notamment au niveau de la facturation, renseigne les talons de chèques, prélève des acomptes sur les bénéfices de 1995 ainsi que des frais de déplacement.

Il fait passer la nouvelle entité comme un secteur d'activité de Vent du Sud, puis occulte totalement la société dont il est gérant auprès de la clientèle.

La société C&A "fait du business" sur la société Vent du Sud déclare-t-il, "je suis le patron de C&A sur le papier" précise Frédéric E..

De plus il met en place un système de rémunération de C&A sur les affaires réalisées par VDS au moyen de commissions, dites "surcoms" : lorsque Vent du Sud commande des espaces d'affichages soit à un afficheur, soit spécialement à Affibasque, C&A perçoit 10 % du montant des achats d'espaces.

Jusqu'à la création de C&A, ces commissions profitaient à Vent du Sud. Mme D. C. subordonne même le règlement des factures aux afficheurs, au paiement préalable de la commission de C&A.

De plus, un contrat, signé le 12 février 1996 par Jean-Louis C., stipule que si Affibasque venait à concurrencer une société Bayonne PUBLICITE (M. B.), celle-ci pourrait supprimer toutes les campagnes commandées par ...Vent du Sud.

Outre ces abus de biens ou de pouvoir, Jean-Louis C. n'a jamais cessé, malgré le dépérissement de Vent du Sud, de percevoir ses rémunérations, son compte courant demeurant débiteur, au moment du dépôt de bilan, de 129 694 francs.

L'activité ni définie ni déclarée de Mme D. C., l'absence de tenue des assemblées statutaires, le déménagement un dimanche matin d'archives et matériels de Vent du Sud par deux employés, dont Mme S., la passation d'une commande en 1996 avec le Conseil Régional d'Aquitaine, sur devis de Vent du Sud, ensuite facturée par C&A, des procédés similaires, commandes par Affibasque facturées à l'instigation de Frédéric E. à Vent du Sud, autant d'anomalies, relevées par l'enquête.

D'ultérieures vérifications vont confirmer la confusion entretenue par Jean-Louis C. entre les deux sociétés, et la facturation très fréquente par C&A de commandes faites par Vent du Sud, procédé estiment les enquêteurs, permettant à C&A, gérée par des proches du gérant de Vent du Sud, de percevoir des commissions jusque-là appréhendées par Vent du Sud.

Mis en examen, des chefs d'abus de biens sociaux, banqueroute et complicité, Jean-Louis C., Nicole D. et Frédéric E. protestent de leur bonne foi.

Il ne s'est jamais agi pour Jean-Louis C. de vouloir couler la société Vent du Sud mais au contraire, en substituant C&A à Vent du Sud de s'adapter aux circonstances du marché, à l'exigence de certains clients, dont les concurrents s'adressaient aussi à Vent du Sud, également de permettre la rémunération de Mme D., qui travaillait depuis plusieurs années pour la société, sans être embauchée, ce que refusaient les associés, ni rémunérée, alors qu'elle effectuait de nombreuses taches de rédaction ou de sondage.

Les commissions rogatoires ont cependant permis de mettre à jour de nombreux documents où Jean-Louis C., parfois son épouse, ou Frédéric E. présentaient C&A comme une émanation ou la suite de Vent du Sud ; et d'interroger les clients, dont la plupart n'avaient affaire qu'à Jean-Louis C. qui se présentait tout autant pour négocier les contrats pour Vent du Sud, que pour les solder et facturer pour C&A.

Il s'immisçait directement et personnellement dans la gestion de C&A.

Par ailleurs l'enquête mettait à jour un système de commission, de l'ordre de 10% du marché, facturé aux afficheurs par C&A, commission qui aurait dû revenir au concepteur et mandataire qu'était Vent du Sud, et qui lui revenait auparavant, pour les contrats passés avec les mêmes clients, la situation changeant lorsque ont été créées d'une part C&A qui s'est substituée à Vent du Sud d'autre part Affibasque, souvent choisie comme afficheur.

Ce système de commission, ou de "surcoms" ressort tant des déclarations de Jean-Louis C. qui y voit un 'échange de bons procédés' que de celles de Frédéric E., ou encore de Mme S., qui relate qu'elle établissait les factures, sur instructions de Jean-Louis C..

Et encore d'un courrier (24/06/1997) signé par Mme D. à un afficheur, signifiant que Vent du Sud ne paierait ses factures tant que les commissions dues à C&A ne le seraient pas.

Commissions parfois perçues au travers de factures prétendues pour des 'travaux de maquette sur panneaux de longue conservation' dont le coût correspond exactement à un décompte récapitulatif de "surcoms" établi, et reconnu comme tel, par Mme S..

Enfin, l'enquête fait ressortir que les moyens matériels et personnels, notamment de communication, étaient tout autant utilisés par C&A que par Vent du Sud qui en supportait le coût, en tout cas pour le matériel.

Jean-Louis C. est décédé en cours d'information.

Par ordonnance du 15 mai 2006, le Juge d'Instruction a renvoyé Nicole D. et Frédéric E. devant le tribunal correctionnel des chefs de complicité d'abus de biens sociaux et de banqueroute, recel de banqueroute et d'omission de rédiger des contrats écrits pour des mandataires intermédiaires dans des opérations de publicité.

Par jugement du tribunal correctionnel de Bayonne du 1er février 2007 les prévenus ont été reconnus coupables des faits reprochés et condamnés à 12 mois d'emprisonnement avec sursis ; au plan civil, les constitutions de parties civiles de Mme Michèle D.-B. et de Mr D. Guy, ainsi que celle de Maître G., en qualité de mandataire à la liquidation de la société Vent du Sud ont été reçues, les prévenus condamnés à verser 25.000 euro à Mr Guy D., 15 000 euro à Mme D.-B. et 150 000 euro à Maître G. ès qualités, outre une somme globale de 2000 euro au titre de l'article 475-1 du Code de procédure pénale.

Par déclarations des 06 et 07 février 2007, les prévenus puis le Ministère Public de manière incidente ont interjeté appel de la décision.

Les parties civiles ont à leur tour fait appel le 13 février 2007.

Renseignements :

Le casier judiciaire des prévenus ne comportaient à l'époque des faits mention d'aucune condamnation.

Sur quoi, la cour :

Les appels sont recevables et réguliers en la forme.

Au fond,

Sur l'action publique

Délit d'abus de biens sociaux :

Jean-Louis C. était le gérant de droit de Vent du Sud.

L'enquête de police puis l'information, nonobstant les abondantes pièces fournies par les parties civiles, démontrent qu'à partir de 1994, à la création, sinon dès avant la création de C. et Associés devenu plus tard C&A, tandis qu'il s'immisce dans la gestion de fait de la nouvelle structure, en droit dirigée par son ancien salarié Frédéric E., puis son épouse Mme D. Nicole épouse C., les affaires et la clientèle de Vent du Sud vont glisser vers celle-ci.

En entretenant la confusion entre les deux sociétés, dont l'objet social était le même, les capacités opérationnelles identiques, il va vider de sa substance l'activité de Vent du Sud, société qui se trouve fin 1997 très lourdement endettée, au point que le bilan est déposé peu après son éviction, par le nouveau gérant.

L'intervention de Jean-Louis C. dans la gestion de C&A est évidente et continue.

S'il en reprend la gérance, dans les jours suivants son éviction de Vent du Sud fin 2007, il avait auparavant perçu des frais de déplacement impliquant qu'il travaillait au profit de cette société ; écrivait des annotations sur les chéquiers de C&A, ou sur des factures de cette société à Affibasque à propos de commissions (01/1997) avait rayé l'entête Vent du Sud pour substituer celle de C&A (06/96) et avait lui-même procédé à la répartition des bénéfices entre son épouse et Frédéric E. pour l'exercice 1995.

Il a reconnu 'qu'il mettait le nez' dans les activités de C., ce qui lui paraissait normal dès lors qu'étaient concernés des clients communs, mais pas en être le gérant officieux.

Mme D. C. et Frédéric E. concèdent que Jean-Louis C. s'occupait des aspects administratifs et juridiques pour lesquels ils étaient totalement incompétents, Frédéric E. évoque sa propre gérance "sur le papier".

Au-delà de cette omniprésence dans la gestion de C. puis C&A, Jean-Louis C. a manifestement entretenu la confusion entre Vent du Sud et l'autre société. Il était l'interlocuteur des clients de Vent du Sud, devenus à leur insu ceux de C&A, dont la plupart indiquent qu'ils ignoraient les prérogatives, l'activité et les responsabilités de Mme D. C. dans la société C&A, dont elle était la gérante de droit.

S'il n'est pas douteux qu'un ou autre des clients de Vent du Sud a pu à l'occasion souhaiter, notamment parce que l'un de ses concurrents avait aussi confié sa publicité à cette société, qu'elle n'apparaisse plus, la très grande majorité des clients de Vent du Sud qui ont ensuite 'glissé' vers C&A, n'avaient pas été prévenus, ni tenu cas de la facturation des prestations commandées à Vent du Sud par C&A.

Aux interrogations soulevées, Jean-Louis C. voire Frédéric E. donnaient divers prétextes (budget trop élevé de Vent du Sud par exemple). Parfois, il s'est davantage découvert, écrivant à un client (le 30/11/1995) en précisant "les deux sociétés que je manage".

Les locaux et personnels communs, de même que les lignes de communication, la similitude de documents de présentation des deux entreprises, lesquels relevaient de l'initiative ou des choix de Jean-Louis C., gérant de droit de l'une, immiscé et très impliqué dans la conduite des affaires de l'autre entretenait encore d'avantage la confusion.

Cette situation, pour le moins équivoque, a permis de Jean-Louis C. de favoriser la société C&A au détriment de Vent du Sud, dont la santé financière, certes obérée dès 1993 par la perte d'un client important, n'a ensuite cessé de péricliter, jusqu'au dépôt de bilan effectué par le nouveau gérant, peu après l'éviction de Jean-Louis C..

Le détournement des affaires et de la clientèle en faveur de C&A, au détriment de Vent du Sud, s'est accentué alors que C.S devenu ensuite C&A, dès sa création, avec les mêmes intervenants, à partir de clients jusque-là de Vent du Sud, a connu un essor immédiat et considérable.

La position de Jean-Louis C. lui a permis d'orienter la clientèle de Vent du Sud vers C&A, et de faire profiter celle-ci de paiements et prestations jusque-là servis à Vent du Sud.

Les exemples sont nombreux et détaillés par l'enquête, sur des affaires réalisées à partir de 1995, et jusqu'au dépôt de bilan, qu'il s'agisse d'entreprises ou de collectivités publiques ou semi publiques.

Ces clients ignoraient le changement de co-contractant, du moins n'y prêtaient pas cas.

En revanche c'est C&A qui faisait et encaissait les profits sur des affaires proposées par devis de Vent du Sud.

Semblables opérations ont été faites dès la création de C.'S et poursuivies les années suivantes.

Entre autres, la SOREVI qui signe un devis initial en juin 1994 avec Vent du Sud (C.'S n'existe pas encore). Le directeur commercial ne connaît que Jean-Louis C., n'a jamais contracté avec C&A. La facture est établie pour 61 800 francs en novembre 1994, C&A n'a que quelques jours d'existence.

La semaine du Pays Basque contracte avec Vent du Sud, son responsable ne connaît que Jean-Louis C., l'étude réalisée est pourtant faite et facturée par C&A.

Vent du Sud obtient un marché avec la Mairie de SAINT J. DE LUZ en novembre 1995 ; le seul interlocuteur est Jean-Louis C. ; la facture est établie en 1996 au nom de C&A.

Le Casino de Saint Paul les Dax, Cesar Palace, commande des travaux à Vent du Sud à partir de 1995 ; le seul à intervenir est Jean-Louis C., les prestations sont pourtant facturées à partir de 1996 par C&A.

En 1996 le Conseil Régional d'aquitaine contracte avec Vent du Sud pour la création d'un guide TER Hiver 1996, prestation facturée par C&A.

Dans les semaines précédant le dépôt de bilan, la coopérative LUR BERRI contracte avec Vent du Sud, son interlocuteur exclusif est encore Jean-Louis C., les prestations seront plus tard encore facturées par C&A.

Le montant de ces contrats détournés n'a pas été chiffré par l'enquête policière ni par des investigations comptables.

Aucune convention ou document n'a été produit de la part de Jean-Louis C. ni de son épouse, ni de son employé, puis ex employé Frédéric E., dirigeants successifs de C&A pour justifier ces transferts.

Tout au plus Jean-Louis C. évoque-t-il des "échanges de bons procédés" en "aménagements commerciaux" ou encore la contrepartie de travaux effectués gratuitement auparavant, ou à ce moment-là par son épouse, ou par Frédéric E..

Néanmoins, malgré l'ampleur des investigations, et la durée de l'enquête policière puis judiciaire, aucun commencement de preuve n'a été apporté de ces activités gracieuses ; de plus, les dires du personnel de Vent du Sud-C&A, s'ils évoquent une présence fréquente sinon constante de Mme D. dans les locaux professionnels, ne sont guère explicites sur la réalité et la nature de ses activités ; d'autre part, Frédéric E. a continué à percevoir un salaire de Vent du Sud alors que ses activités étaient en principe orientées vers la gérance de C&A qu'il avait prise à partir de sa création jusqu'à celle d'Affibasque.

La cour remarque qu'en outre, des infractions avaient été relevées à l'endroit de Jean-Louis C. quant à la tenue des assemblées générales de Vent du Sud, et qu'il est manifeste, qu'en désaccord latent avec ses associés, il ne rendait guère compte de l'évolution de la situation de la société, et pas davantage du courant d'affaires développé avec C&A.

Ces détournements de clientèle, en tout cas d'affaires au profit de C&A, société dans laquelle, de fait, Jean-Louis C. avait manifestement des intérêts, constitue le délit d'abus de biens sociaux.

Egalement certaines décisions, en tout cas un accord signé le 12 février 1996 par lequel Affibasque s'engageait à ne pas démarcher les bailleurs d'une autre société locale d'affichage SARL Bayonne PUB, pendant 3 ans, renouvelable, dont la sanction était l'annulation par cette SARL "de toutes les vagues d'affichage signées avec l'agence Vent du Sud".

Accord dont l'intérêt pour Vent du Sud n'est pas justifié, alors qu'au contraire il entraînait sa garantie de sociétés tierces.

Autres accords désavantageux institués par Jean-Louis C. au préjudice de Vent du Sud, il ressort de l'enquête qu'à partir de 1996, un système de commissions, de 10 %, avait été institué sur toutes les affaires confiées par Vent du Sud à Affibasque.

Ce système est reconnu par Jean-Louis C. et Frédéric E., ressort de documents découverts en perquisition, notamment un décompte qualifié par Mme S., secrétaire des deux sociétés, de "décompte de surcoms".

Il consistait à faire verser à C&A par Affibasque une commission de 10 % sur les affaires pourtant confiées par Vent du Sud, commission qu'auparavant percevait Vent du Sud.

Jean-Louis C. invoque encore un échange de bons procédés commerciaux, dès lors que Vent du Sud bénéficiait, sans aucun frais, de l'activité de conceptrice rédactrice de son épouse et de celles de son média planneur Frédéric E..

Système de surcommissions admis par ce dernier, parfois déguisées sous forme de factures pour "travaux de moquettes sur panneaux de longue conservation", sinon par certains autres afficheurs.

Il s'agissait ici encore, au bénéfice de la confusion entretenue par Jean-Louis C. entre Vent du Sud et C&A, de priver la première de prestations au profit de la seconde.

L'ensemble de ces faits, qui appauvrissaient sans contrepartie réelle la société Vent du Sud gérée par Jean-Louis C. constituait des abus de biens sociaux.

Mme D. et Frédéric E., en acceptant la gérance de droit de C&A ont permis à Jean-Louis C. de commettre le délit d'abus de biens sociaux.

Si la première apparaît davantage comme un prête nom, son mari s'occupant en fait de C&A, Frédéric E. est plus impliqué dans la mesure où il a lui aussi favorisé la confusion entre les deux sociétés, présentant même C&A 'comme une filiale de Vent du Sud' et reconnu avoir accepté le système des surcoms, auquel la société dont il avait la gérance de droit, Affibasque, s'est volontiers prêtée.

Du reste la collusion entre les trois mis en examen est manifeste, et ressort non seulement de la situation personnelle des époux C. - D., mais encore de relations privilégiées du couple avec Frédéric E., qu'ils avaient hébergé gratuitement pendant plusieurs années auparavant, gratuité pourtant dite compensée par des versements à leur profit, dans le cadre du financement de la création d'Affibasque.

Les faits de complicité d'abus de biens sociaux retenus à l'encontre de Mme D. et de Frédéric E. sont donc établis.

Délit de recel d'abus de bien sociaux :

Les abus de biens sociaux ci-dessus imputés à Jean-Louis C., et la déclaration de culpabilité de Mme D. et Frédéric E. du chef de complicité de ces délits, résultent du détournement de contrats, et de la perception de prestations indues par C&A, au préjudice de la société Vent du Sud dont l'auteur principal était gérant de droit.

Ces détournements, contraires à l'intérêt de Vent du Sud, et qui semblent à l'origine de la déconfiture de cette société, ont permis le développement tout aussi soudain qu'important de C.'S devenue ensuite C&A.

Cette société créée en 1995 a tout de suite réalisé un important chiffre d'affaires, et pu distribuer des bénéfices à ses associés dès l'exercice.

L'enquête a amplement démontré que les activités et ressources de C&A provenaient de marchés conclus et initiés par Vent du Sud, facturés par C&A, ou de commissions prélevées sur les affaires conclues par Vent du Sud.

De la sorte le produit de la prétendue activité de C&A, en réalité des affaires et contrats négociés par Jean-Louis C., abusant de ses prérogatives de gérant de Vent du Sud, et en faisant ainsi profiter C&A, provenait bien de l'infraction commise au préjudice de Vent du Sud.

Mme D. et Frédéric E., complices des abus de biens sociaux ont ainsi été poursuivis aussi comme receleurs.

En droit, la qualité de complice de l'infraction n'exclut pas celle de receleur des choses prouvées par celle-ci.

En l'espèce, Mme D. et Frédéric E., actionnaires de C.'S - C&A ont partagé les bénéfices de la société, dès le premier exercice, alors qu'ils atteignaient déjà la somme de 459 600 francs.

Ils n'ignoraient pas la confusion entretenue entre Vent du Sud et C&A, ni que l'essentiel des ressources de la société provenait de contrats conclus par Jean-Louis C. au nom de Vent du Sud, et facturés au nom de la seconde société.

C'est donc à bon droit que le premier juge les a retenus dans les liens de la prévention de recel d'abus de confiance.

Délit de banqueroute :

La société Vent du Sud a fait l'objet, fin 1997 d'une procédure de redressement judiciaire.

Les faits matériels de détournement, tels que explicités ci-dessus, constituaient donc, à compter de la date de cessation des paiements le délit de banqueroute.

Le passif de la société était estimé, fin 1997 à quelques 2 millions de francs, la date de la cessation des paiements fixée au 28 novembre 2007.

Aucune investigation comptable approfondie n'a été effectuée qui permette de situer plus avant cette cessation des paiements : certes un rapport L., assez succinct, effectué fin 1997 à la demande de l'un des associés, Mr D. évoque un passif de cet ordre, et la cessation des paiements au moins à 1996 ; avis que partage l'expert-comptable de Vent du Sud ; l'expertise de Mr L., désigné par le tribunal de commerce de Bayonne, qui n'a investigué que sur les exercices 1994, 95 et 96 est sans utilité à cet égard.

Aucune autre donnée de l'enquête ne permet de fixer autrement cette date.

De la sorte, la cour ne peut retenir, comme date de cessation des paiements que celle fixée par le tribunal de commerce.

La cour constate que la quasi totalité des faits d'abus de biens sociaux ont été commis, en tout cas initiés, dès avant cette date.

Au point que, ainsi qu'il est requis, le délit de banqueroute n'apparaît pas constitué.

La cour infirmera le jugement déféré sur ce point.

Infraction à la législation sur les prestations de publicité :

Frédéric E. est poursuivi pour avoir, en tant que mandataire intermédiaire, omis de rédiger des contrats écrits.

La prévention porte sur les années 1994 à 1997.

L'article 20 de la loi du 29 janvier 1993 stipule que tout achat d'espace publicitaire ou de prestation ayant pour objet l'édition ou la distribution d'imprimés publicitaires ne peut être réalisé par un intermédiaire que pour le compte d'un annonceur et dans le cadre d'un contrat écrit de mandat.

L'article 25 1° a) sanctionne cette obligation d'une peine d'amende de 200 000 francs.

L'article 5 de la loi du 06 août 2002 portant amnistie prévoit l'amnistie des délits punis d'une seule peine d'amende.

La cour ne peut donc que constater l'amnistie de cette infraction.

Sur les peines :

Une peine d'emprisonnement de 8 mois à l'encontre de Frédéric E., de 6 mois à l'encontre de Mme D. apparaît proportionnée et justifiée.

Chacun des prévenus est éligible au sursis.

Compte tenu de la situation actuelle des prévenus, et de l'ancienneté des faits, une mesure de sursis simple assortira les peines prononcées.

Sur l'action civile

Mme Michèle D.-B. et Mr Guy D., associés de la société Vent du Sud, et Maître G. en qualité de mandataire liquidateur de cette société, se sont constitués parties civiles contre les prévenus.

Les constitutions de Mme Michèle D.-B. et Mr Guy D. sont faites à titre personnel, pour le préjudice subi en leur qualité d'associés de Vent du Sud.

Il est cependant de jurisprudence constante que le délit visé à la prévention, abus de bien social, ne peut occasionner un dommage personnel et direct qu'à la société elle-même et non pas à chaque associé.

Ces parties civiles ne sont ainsi pas fondées à voir réparer le préjudice subi du fait des abus de biens sociaux commis par Jean-Louis C. et ses complices Mme D. et Mr E..

Elles seront donc déboutées, la décision déférée infirmée sur ce point.

En revanche la constitution de partie civile de Maître G. est parfaitement recevable en qualité de mandataire liquidateur, habilité à représenter la société.

Aucune investigation comptable exhaustive ne figure au dossier en vue de chiffrer le préjudice. Celui-ci provient des clients et contrats détournés au préjudice de Vent du Sud, et des surcommissions indûment perçues.

La cour relève cependant, dans le rapport L., que pour la période de 94 à 96, pour 15 des plus importants clients de Vent du Sud, devenus "clients communs" avec C&A, cette société avait encaissé un chiffre d'affaires de 1 104 782 francs.

Et que dès cette époque, indépendamment des agissements frauduleux reprochés, Vent du Sud avait perdu d'autres gros clients.

De la sorte, la cour ne saurait fixer le dommage de la société à la somme sollicitée par Maître G., laquelle avoisine le passif déclaré.

En définitive, l'évaluation faite par le tribunal à 150 000 euro, soit la moitié du passif, paraît davantage correspondre au préjudice de la société Vent du Sud.

Cette disposition sera donc confirmée, la demande de la partie civile rejetée pour le surplus.

Il est équitable d'allouer à Maître G. tenant la complexité et la durée de la procédure, une somme de 1 500 euro au titre de l'article 475-1 du Code de procédure pénale.

Par ces motifs, LA COUR, après en avoir délibéré conformément à la loi ; Statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort, Reçoit les appels comme réguliers en la forme. Au fond, Sur l'action publique : Infirme partiellement la décision dont appel, Relaxe Mme D. et Mr E. du délit de banqueroute Constate que Mr E. bénéficie de l'amnistie pour le délit de prestation publicitaire par intermédiaire sans contrat écrit, Confirme la décision sur la déclaration de culpabilité des chefs de complicité d'abus de biens sociaux et de recel d'abus de biens sociaux, Emendant sur les peines, Condamne Frédéric E. à une peine de 8 mois d'emprisonnement et Mme D. à une peine de 6 mois d'emprisonnement, Dit qu'il sera cependant sursis à l'exécution de ces peines. Constate que l'avertissement prévu aux articles 132-29 et suivants du Code pénal n'a pas été donné aux condamnés, absents lors du prononcé de l'arrêt. Sur l'action civile : Reçoit en la forme les constitutions de parties civiles de Mme Michèle D.-B. et de Mr Guy D. ainsi que de Maître G., en qualité de mandataire à la liquidation de la société Vent du Sud, Infirme la décision dont appel sur les demandes de Mme Michèle D.-B. et de Mr Guy D., Déboute ces parties civiles de l'ensemble de leurs demandes, Confirme la décision en ce qu'elle a alloué à Maître G., en sa qualité de mandataire liquidateur de la société Vent du Sud, une somme de 150 000 euro de dommages et intérêts, Déboute Maître G. du surplus de sa demande principale. Condamne Mme D. et Frédéric E. solidairement à verser à Maître G., ès qualités une somme de 1.500 euro au titre de l'article 475-1 du Code de procédure pénale. La présente décision est assujettie à un droit fixe de procédure d'un montant de 120 euro dont est redevable chaque condamné ; Le tout par application du titre XI de la Loi du 4 janvier 1993, les articles 132-29 et suivants, 121-6, 121-7, 321-1, 321-1 AL.3, 321-3, 321-9, 321-10 du Code pénal, L. 241-3 4°, L. 241-9, L. 241-3 du Code de commerce, 20 et 25 de la loi n° 93-122 du 29 janvier 1993 , 475-1 du Code de procédure pénale. Le présent arrêt a été rendu en application de l'article 485 dernier alinéa du Code de procédure pénale et signé par Monsieur le Président Saint-Macary et par Monsieur Lasbiates, greffier, présents lors du prononcé.