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Décisions

CA Colmar, 1re ch. civ. A, 27 avril 2010, n° 08-04111

COLMAR

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Steiner (Gaec)

Défendeur :

Alsa Manutention (SARL), BNP Paribas Lease Group (SA)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président de chambre :

M. Hoffbeck

Conseillers :

MM. Cuenot, Allard

Avocats :

Mes Crovisier, Nicolas, Schneider, Welschinger

TGI Colmar, du 22 avr. 2008

22 avril 2008

Selon contrat de crédit-bail en date des 5 et 15 octobre 2004, la société BNP Paribas Lease Group a donné en location au Gaec Steiner, pour une durée de 48 mois, un chariot de manutention automoteur de marque Pramac, modèle LX 12/35, que lui avait vendu la société Alsa Manutention. L'engin a été livré le 7 octobre 2004 au crédit-preneur.

Reprochant au fournisseur d'avoir failli à son obligation de conseil et d'information en vendant un chariot élévateur inutilisable dans son hangar, le Gaec Steiner a, selon demande introductif d'instance déposée le 8 décembre 2006, attrait devant le tribunal de grande instance de Colmar la société Alsa Manutention et la société BNP Paribas Lease Group pour obtenir la résolution de la vente, la résolution du contrat de crédit-bail, la restitution des loyers perçus par l'organisme financier au titre du contrat de crédit-bail ainsi que la réparation de son préjudice.

La société Alsa Manutention s'est opposée à cette demande en contestant avoir commis la moindre faute. Pour sa part, la société BNP Paribas Lease Group a réclamé, dans l'hypothèse où la vente serait résolue, la condamnation de la société Alsa Manutention à lui restituer le prix de vente et la condamnation du Gaec Steiner à lui régler l'indemnité de résiliation.

Par jugement du 22 avril 2008, le Tribunal de grande instance de Colmar a :

- débouté le Gaec Steiner de sa demande,

- rejeté toutes conclusions plus amples ou contraires,

- condamné le Gaec Steiner aux dépens.

Les premiers juges ont principalement retenu :

- qu'aucun manquement à son obligation de renseignement ne pouvait être reproché au vendeur puisque la demanderesse avait la compétence pour apprécier la portée exacte des caractéristiques techniques du gerbeur et qu'elle n'avait donné aucun renseignement sur la configuration des lieux d'utilisation ;

- que le Gaec Steiner avait accepté sans réserves le matériel le 7 octobre 2004.

Par déclaration reçue le 12 août 2008, le Gaec Steiner a interjeté appel de cette décision en intimant les sociétés BNP Paribas Lease Group et Alsa Manutention.

Aux termes de ses conclusions récapitulatives déposées le 21 septembre 2009, le Gaec Steiner demande à la cour de :

- déclarer son appel recevable ;

- réformer la décision entreprise en toutes ses dispositions ;

- prononcer la nullité du contrat de vente ;

- subsidiairement, prononcer la résolution du contrat de vente ;

- en tout état de cause, prononcer la résiliation consécutive du contrat de crédit-bail ;

- remettre les parties en l'état antérieur à la conclusion du contrat de vente ;

- condamner solidairement les intimées à lui rembourser un montant de 10 280,11 euro augmenté des intérêts légaux à compter de l'arrêt à intervenir ;

- condamner les intimées aux dépens ainsi qu'au paiement de 3 000 euro en application de l'article 700 du Code de procédure civile.

Au soutien de son appel, il fait valoir en substance :

- que le matériel est inadapté aux besoins de l'appelant puisqu'il ne permet pas de "prendre la troisième palette" ;

- que les parties ayant commis une erreur sur les qualités substantielles de l'objet vendu, le contrat est nul sur le fondement de l'article 1304 du Code civil ;

- que les effets de la résiliation du contrat de crédit-bail consécutive à la nullité du contrat de vente remontent à la date de l'échange de consentements viciés, c'est-à-dire au jour de la conclusion de la vente ;

- que la société Alsa Manutention devra lui rembourser les loyers exposés au titre du contrat de crédit-bail ;

- qu'en tout état de cause, la société Alsa Manutention a failli à son devoir de conseil puisque le devis a été émis après visite par la société Alsa Manutention des locaux de l'appelant ;

- qu'il est fondé à réclamer à la société Alsa Manutention un montant de 4 000 euro à titre de dommages et intérêts.

Selon conclusions récapitulatives déposées le 9 novembre 2009, la société Alsa Manutention rétorque :

- que la demande en annulation du contrat de vente pour erreur sur les qualités substantielles est nouvelle ;

- que la présentation des faits par le Gaec Steiner est fantaisiste et la société Alsa Manutention ne s'est rendue dans les locaux de l'appelant que pour reprendre le matériel d'occasion ;

- que la vente a été conclue le 6 août 2004 ;

- que la réclamation du Gaec Steiner, qui porte sur une caractéristique visible de l'engin, est tardive et irrecevable en application de l'article 8 des conditions générales de vente de la concluante ;

- que l'engin litigieux ayant été mis en dépôt vente par le Gaec Steiner, il appartient à celui-ci de le reprendre.

En conséquence, elle prie la cour de :

- déclarer irrecevables les prétentions nouvelles du Gaec Steiner ;

- confirmer le jugement entrepris ;

- ordonner que la restitution du matériel intervienne aux frais et risques du Gaec Steiner;

- débouter le Gaec Steiner de ses demandes à l'encontre de la concluante ;

- débouter la société BNP Paribas Lease Group de ses demandes à l'encontre de la concluante ;

- condamner le Gaec Steiner à lui payer la somme de 3 000 euro au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ;

- condamner le Gaec Steiner aux dépens.

Selon conclusions remises le 26 octobre 2009, la société BNP Paribas Lease Group fait valoir :

- que la résolution de la vente n'entraînerait que la résiliation du crédit-bail ;

- qu'elle ne saurait être tenue au remboursement des loyers ;

- que l'option d'achat n'ayant pas été levée, elle est restée propriétaire du matériel.

Elle demande à la cour de :

- statuer ce que de droit sur la demande en résolution du contrat de vente ;

en cas d'annulation ou de résolution du contrat de vente,

- dire n'y avoir lieu à résiliation du crédit-bail ;

- débouter le Gaec Steiner de sa demande en condamnation de la concluante au remboursement de la somme de 10 280,11 euro ;

- ordonner la restitution du chariot élévateur à la société BNP Paribas Lease Group;

- en toute hypothèse, condamner la société Alsa Manutention ou le Gaec Steiner au paiement d'une somme de 3 000 euro au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ainsi qu'aux dépens d'appel et de première instance.

L'ordonnance de clôture est intervenue le 22 janvier 2010.

SUR CE, LA COUR

Vu les pièces et les écrits des parties auxquels il est renvoyé pour l'exposé du détail de leur argumentation,

Attendu que la recevabilité de l'appel n'est pas discutée ; qu'aucun élément du dossier ne démontrant qu'il aurait été tardivement exercé, l'appel qui a été interjeté suivant les formes légales sera déclaré recevable ;

Attendu qu'il est constant que le Gaec Steiner n'a pas pu utiliser le chariot élévateur litigieux pour manipuler les palettes les plus hautes de son entrepôt (3ème palette) en raison d'une poutre qui interdisait de lever totalement les fourches ;

Attendu que la demande en annulation du contrat de vente pour erreur n'est pas une prétention nouvelle au sens des articles 564 et 565 du Code de procédure civile dès lors que les premiers juges ont été saisis d'une demande en résolution de la vente, c'est-à-dire d'une demande tendant également à mettre à néant ce contrat ;

Attendu que l'aptitude à déplacer toutes les palettes d'un entrepôt pouvant être considérée comme une qualité essentielle d'un chariot élévateur, le Gaec Steiner a bien commis une erreur sur la substance de la chose vendue au sens de l'article 1110 du Code civil en commandant l'engin litigieux ; que cependant, son erreur n'est pas excusable ; que l'appelant utilisait régulièrement des machines de ce type dans le cadre de son activité professionnelle et avait, ainsi que l'ont souligné les premiers juges, toute la compétence pour apprécier les caractéristiques techniques d'un engin fort commun, notamment si le débattement du bras élévateur était compatible avec la configuration de son entrepôt ; qu'une telle erreur ne saurait fondée l'annulation de la vente ;

Attendu que le 6 août 2004, le Gaec Steiner a signé un bon de commande n° 2004/08/06 portant sur un gerbeur neuf de marque Pramac, modèle LX 12/35 version électrique, sur le stand de la société Alsa Manutention, lors de la foire aux vins de Colmar ; que ce bon de commande a également prévu la reprise par la société Alsa Manutention du chariot élévateur qu'utilisait le client pour un prix de 2 200 euro HT ; que ce bon constatait un accord ferme et définitif par lequel avaient été définis non seulement la chose vendue et son prix mais encore les modalités de paiement de ce prix ("par chèque sans escompte" à la livraison) ; que les premiers juges ont observé sans être démentis que le Gaec Steiner était "venu sur le stand avec une référence précise, après avoir consulté la concurrence" ; qu'il n'appartenait pas au fournisseur de s'assurer que le modèle précis, désiré par ce client professionnel, était manœuvrable dans son entrepôt et correspondait à ses besoins ;

Attendu qu'une modification du mode de financement de cet investissement, le Gaec Steiner ayant finalement opté pour un crédit-bail, explique l'établissement ultérieur d'un devis (devis n° AM000029/V du 15 septembre 2004 ) ; que cet atermoiement du client n'a pas eu pour effet de conférer au bon de commande n° 2004/08/06 les caractères d'une "offre précontractuelle" qui aurait fait peser sur le vendeur l'obligation de vérifier la pertinence du choix du Gaec Steiner jusqu'au 15 septembre 2004 ;

Attendu que c'est à juste titre que les premiers juges ont débouté le Gaec Steiner de sa demande en résolution fondée le manquement du vendeur à son devoir de conseil ;

Attendu qu'il est constant que le Gaec Steiner n'a pas levé l'option d'achat ; que le chariot élévateur est resté la propriété de l'organisme financier ; qu'en conséquence, le Gaec Steiner a, en vertu de l'article 9 des conditions générales du contrat de crédit-bail, l'obligation de restituer le matériel au crédit-bailleur, les frais de transport lui incombant ;

Attendu que le Gaec Steiner supportera les dépens et réglera une indemnité de 1.200 euro à chaque intimée ;

Par ces motifs : LA COUR, Déclare le Gaec Steiner recevable en son appel ; Confirme le jugement entrepris ; Ordonne au Gaec Steiner de restituer le chariot élévateur à la société BNP Paribas Lease Group ; Condamne le Gaec Steiner à payer à la société BNP Paribas Lease Group une somme de mille deux cents euro (1 200 euro) sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile : Condamne le Gaec Steiner à payer à la société Alsa Manutention une somme de mille deux cents euro (1 200 euro) sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile : Condamne le Gaec Steiner aux dépens d'appel.