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Décisions

CA Metz, 3e ch., 15 décembre 2011, n° 11-00862

METZ

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Stema style à l'enseigne Cuisinella (SARL)

Défendeur :

Davy C , Julie D.

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Haegel

Conseillers :

Mme Pury, M. Knoll

Avocats :

Mes R & M, B.

TI Thionville, du 1er juin 2010

1 juin 2010

EXPOSE DU LITIGE DEVANT LA COUR

Par acte d'huissier en date du 19 mai 2009, la SARL Stema Style, à l'enseigne Cuisinella, a assigné Monsieur Davy C. devant le Tribunal d'instance de Thionville aux fins de voir :

- condamner le défendeur à lui payer les sommes de 7 600 euro en principal outre 800 euro à titre de dommages et intérêts,

- condamner le défendeur à lui verser la somme de 900 euro au titre de l'article 700 du Code de procédure civile, outre les dépens,

- lui donner acte de ce qu'elle procédera à la livraison de la cuisine dans le délai de deux mois du complet règlement de ces sommes,

- ordonner l'exécution provisoire.

Elle a exposé au soutien de ses demandes, que le 12 juillet 2008, Monsieur Davy C. avait passé commande d'un ensemble de mobiliers et d'appareils ménagers destinés à l'aménagement d'une cuisine, mais n'avait donné aucune suite, invoquant une prétendue rétractation alors que le contrat est valablement formé dès la rencontre des volontés respectives des parties sur la marchandise et le prix.

Monsieur Davy C. concluant à l'irrecevabilité de la demande indiquant qu'il n'était pas le signataire du bon de commande, la SARL Stema Style à l'enseigne Cuisinella, par acte d'huissier en date du 16 décembre 2009, a assigné Madame Julie D. devant le Tribunal d'instance de Thionville aux fins de voir :

- condamner solidairement Monsieur Davy C. et Madame Julie D. à lui payer les sommes de 7 600 euro en principal outre 800 euro à titre de dommages et intérêts,

- joindre la présente instance avec celle engagée à l'encontre de M. C., condamner solidairement Monsieur Davy C. et Madame Julie D. à lui verser la somme de 900 euro au titre de l'article 700 du Code de procédure civile, outre les dépens,

- lui donner acte de ce qu'elle procédera à la livraison de la cuisine dans le délai de deux mois du complet règlement de ces sommes,

- ordonner l'exécution provisoire.

A l'audience du 13 janvier 2010, le Tribunal d'instance a ordonné la jonction des procédures

A cette audience, la SARL Stema Style à l'enseigne Cuisinella a maintenu ses demandes.

La Décision déférée

Par déclaration au greffe en date du 27 juillet 2010, la SARL Stema Style à l'enseigne Cuisinella a interjeté appel par ministère d'avocat, du jugement prononcé par le Tribunal d'instance de Thionville le 1er juin 2010, qui :

- Dit n'y avoir lieu de déclarer irrecevables les demandes dirigées à l'encontre de Monsieur Davy C. ;

- Prononce la nullité du contrat signé le 12 juillet 2008 entre la SARL Stema Style à l'enseigne Cuisinella et Monsieur Davy C. et Madame Julie D. ;

- Déboute la SARL Stema Style à l'enseigne Cuisinella de l'ensemble de ses demandes ;

- Condamne la SARL Stema Style à l'enseigne Cuisinella à payer à Monsieur Davy C. et Madame Julie D. la somme de 800 euro au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.

Dit n'y avoir lieu à exécution provisoire ;

- Condamne Stema Style à l'enseigne Cuisinella aux dépens.

LES DEBATS DEVANT LA COUR

Aux termes de ses conclusions justificatives d'appel déposées le 19 Novembre 2010, aux termes desquelles le présent arrêt se réfère expressément pour l'exposé de ses moyens, la SARL Stema Style à l'enseigne Cuisinella demande à la cour, de :

- Vu les articles L. 111-1, L. 121-18 et s., L. 311-15 du Code de la consommation;

- Vu les articles 1108 et 1126 du Code civil,

- Recevoir l'appel,

- Dire et juger qu'il n'existait aucun droit de rétractation au profit des intimés,

- Dire et juger qu'il n'existait aucune obligation à devis avant le bon de commande,

- Dire et juger que le contrat avait un objet certain,

- Dire et juger que la S.A.R.L. Stema Style à l'enseigne Cuisinella a satisfait aux exigences d'information relativement aux caractéristiques essentielles du bien vendu, telles qu'elles résultent de l'article L. 111-1 du Code de la consommation,

- Débouter Monsieur Davy C. et Madame Julie D. de l'ensemble de leurs demandes, fins et moyens,

- Condamner Monsieur Davy C. et Madame Julie D. solidairement à payer à la SARL Stema Style à l'enseigne Cuisinella les sommes suivantes :

- 7 600 euro à titre principal résultant du prix prévu au contrat,

- 900 euro au titre de l'article 700 du Code de procédure civile,

- 800 euro à titre de dommages et intérêts,

- Donner acte à la S.A.R.L. Stema Style à l'enseigne Cuisinella de ce qu'elle procédera à la livraison de la cuisine dans le délai de deux mois du complet règlement de la somme de 7 600 euro,

- Ordonner l'exécution provisoire du présent arrêt,

- Confirmer le jugement entrepris en ce que Monsieur Davy C. est partie au contrat et qu'il n'y a pas lieu à déclarer irrecevables les demandes et moyens dirigés à son encontre,

- Condamner Monsieur Davy C. et Madame Julie D. solidairement à payer à la S.A.R.L. Stema Style à l'enseigne Cuisinella la somme de 1 500 euro sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile pour les frais irrépétibles supportés à la présente instance,

- Les condamner aux entiers frais et dépens.

La SARL Stema Style, soutient à l'appui de ses prétentions, que :

- En ce qui concerne M. C., l'offre n'est soumise à aucun formalisme, de sorte qu'en fournissant le plan de la cuisine, et en accompagnant sa concubine, il était engagé en toute connaissance de cause ;

- Ce, d'autant qu'il a tenté de faire annuler le bon de commande en se prévalant d'un droit de rétractation qui ne s'impose en droit de la consommation que pour les ventes à distance ;

- Les consorts C.-D. ont argué de ce qu'ils n'avaient pas disposé d'un devis avant bon de commande ; pour autant l'exigence d'un devis n'est pas légalement obligatoire en matière d'installation de cuisine, de sorte que la Cour adoptera la motivation du premier juge sur ce point ;

- Elle s'est engagée à fournir et installer des meubles, dont les caractéristiques, les quantités et le prix étaient déterminés, le plan a été nécessairement communiqué au cuisiniste par les parties au contrat, et le plan coté d'implantation a reçu l'aval des clients, par signature apposée le 12 juillet 2008, jour du bon de commande, de sorte que la convention ainsi signée ne saurait être annulée pour absence d'objet ;

- Les consorts C.-D. ne peuvent non plus opposer à la société Cuisinella de n'avoir pas été pleinement informés des caractéristiques essentielles du bien proposé à la vente au regard de l'article L. 111-1 du Code de la consommation ;

- Contractuellement et légalement, la société Cuisinella n'avait d'autre obligation que de fournir des éléments d'information sur la cuisine et non sur les caractéristiques essentielles de la pièce où la cuisine devait être posée ;

- La société SARL Stema Cuisinella a donc parfaitement respecté les obligations d'information mises à sa charge, se limitant aux caractéristiques essentielles du bien, au regard de l'article L. 111-1 du Code de la consommation ;

- Les consorts C.-D. seront donc déboutés de l'ensemble de leurs moyens, fins et conclusions.

Au dernier état de leurs conclusions en date du 7 janvier 2011, aux termes desquelles ils forment appel incident, M. Davy C. et Mme Julie D. demandent à la cour, de :

- Confirmer dans toutes ses dispositions le jugement rendu par le Tribunal d'instance de Thionville le 1er juin 2010, hormis celles ayant déclaré recevable la demande formée contre M. C. ;

- s'agissant des demandes formées contre M. Davy C. :

Dire et juger la demande de la SARL Stema Style à l'enseigne "Cuisinella" irrecevable et mal fondée en tant que dirigée contre Monsieur C. ;

- à titre subsidiaire, prononcer la nullité de la vente conclue le 12 juillet 2008 ;

Débouter, par suite, la SARL Stema Style à l'enseigne " Cuisinella " de toutes ses demandes, fins et conclusions ;

- s'agissant des demandes dirigées contre Mlle Julie D. :

Prononcer la nullité de la vente conclue le 12 juillet 2008 ;

- par suite, débouter la SARL Stema Style de toutes ses demandes, fins et conclusions ;

- en outre, condamner la SARL Stema Style à l'enseigne "Cuisinella" à payer à Monsieur Davy C. et Mademoiselle Julie D. la somme de 2 000 euro au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ;

- La condamner aux entiers frais et dépens de la procédure.

Les consorts C.-D. exposent à l'appui de leurs prétentions, que :

- en ce qui concerne l'irrégularité de la demande à l'égard de M. C., certes, M. C. était présent lors de la signature du bon de commande par Mme D. mais il n'en est pas le signataire, et les courriers adressés par M. C. à la SARL Stema Style ne le rendent pas pour autant destinataire du contrat ;

- en ce qui concerne la demande en paiement et en nullité du contrat

* dans ses écritures justificatives d'appel, la SARL Stema Style soutient que l'établissement d'un devis n'est pas une obligation légale en matière d'installation de cuisine, alors que dans ses engagements stipulés au contrat, la société Cuisinella s'oblige à établir en magasin le devis détaillé selon la réglementation en vigueur ;

* en tout état de cause, en tant que professionnel, le cuisiniste est tenu à une obligation précontractuelle d'information, conformément aux dispositions de l'article L. 111-1 du Code de la Consommation ;

* il ne figure aucunement sur le plan de construction (pièce n° 4) de la SARL Stema Style, les mesures de la cuisine, cette pièce n'étant même pas identifiée sur le plan ;

* la SARL Stema Style à l'enseigne "Cuisinella" n'avait ni les plans, ni les mesures de la cuisine, lorsqu'elle a établi le bon de commande et le plan de côté de l'implantation et le plan visuel D 3, la déclaration d'ouverture de chantier et la demande de permis de construire étant intervenues postérieurement à la commande ;

les plans techniques que leur auraient adressés la SARL Stema Style ne comporte ni la date ni la signature du client, seule la signature du vendeur y figurant.

LA DECISION : MOTIFS DE L'ARRET

Attendu que la cour se réfère pour l'exposé des faits, de la procédure et de l'argumentation des parties en première instance, à la décision attaquée ;

1°) Sur le fond

Attendu que les parties sont en litige sur l'exécution d'un contrat de fourniture et pose d'une cuisine équipée modèle Star dans un immeuble situé (...), signé le 12 juillet 2008 ;

Sur la recevabilité de la demande à l'égard de M. C.

Attendu que bien que le bon de commande n'ait été signé que par Mme Julie D., il ressort clairement de l'ensemble des documents, versés aux débats, en particulier les plans de la construction de la maison dans laquelle l'implantation de la cuisine était prévue, ainsi que du plan de la cuisine en elle-même, qu'ils comportent le nom de M. Davy C. ;

Qu'il convient, en conséquence, de confirmer le jugement entrepris, en ce qu'il a déclaré les demandes recevables à l'encontre de M. Davy C. par des motifs que la cour adopte pour le surplus ;

Sur la demande en paiement et la demande en constatation de nullité du contrat

Attendu que la SARL Stema Style soutient à l'appui de son appel, qu'elle a rempli ses obligations d'information précontractuelle de l'acheteur mise à sa charge, qui consistent dans son information concernant les caractéristiques essentielles du bien, exposant qu'elle n'avait pas à fournir légalement de devis, en application des dispositions de l'article L. 111-1 du Code de la consommation, tandis que les consorts C.-D., contestent que le vendeur ait accompli cette obligation préalable d'information ;

Attendu qu'il ressort du bon de commande signé entre la SARL Stema Style et M. Davy C. et Mme Julie D., que le contrat porte sur la fourniture et l'installation d'une cuisine équipée dans un pavillon sis (...) pour le prix de 7 600 euro, appareils ménagers compris ;

Qu'en exécution de ce contrat, en application des dispositions combinées de l'article L. 111-1 du Code de la consommation et de l'article 1602 du Code civil, et du droit constant résultant notamment d'un arrêt de la Cour de Cassation du 1er décembre 2011, le vendeur-installateur professionnel est tenu de se renseigner sur les besoins de l'acheteur et de lui fournir toute information lui permettant d'apprécier l'adéquation du matériel proposé à l'utilisation qui en est prévue et d'informer celui-ci des contraintes de la chose vendue, de sorte que le vendeur doit adapter l'installation des meubles et du matériel livré aux locaux ou installations existants ;

Qu'en outre, il incombe au vendeur professionnel tenu d'une obligation de renseignement à l'égard de son client, de prouver qu'il a exécuté cette obligation ;

Attendu que la SARL Stema ne démontre pas avoir rempli son obligation d'information, précontractuelle à l'égard des acheteurs concernant l'adéquation du matériel proposé à son utilisation et les contraintes de la chose vendue, en l'espèce une cuisine équipée, qui doit comporter des cotes précises sur le plan d'un immeuble à construire, en ce sens que :

- le plan de la maison individuelle qu'elle verse aux débats, en pièce n° 4, ne comporte aucun schéma ni cotes précises d'une cuisine équipée ;

- les documents de la cuisine, en particulier le plan technique et les schémas électriques et de plomberie ne comportent pas la signature des acheteurs et ont été expédiés à ces derniers par la Société Stema le 15 juillet 2008 ;

Attendu qu'à l'appui de leur demande en nullité les consorts C.-D. invoquent un vice du consentement, indiquant qu'ils ont été amenés à contracter, faute de cette information précontractuelle, sans savoir si l'ensemble des meubles et appareils qu'ils souhaitaient mettre dans leur future cuisine étaient compatibles avec la taille de cette dernière, et plus généralement si leur projet était réalisable, compte-tenu du fait que le vendeur-installateur, la Société Stema ne fait pas figurer les cotes de cette cuisine, sur le plan de la maison pour laquelle ils indiquent avoir sollicité le permis de construire, évoquant ainsi une erreur sur les qualités substantielles de la cuisine, viciant leur consentement ;

Qu'en effet, en application de l'article 1110 du Code civil, l'erreur est une cause de nullité lorsqu'elle tombe sur la substance même de la chose qui en est l'objet, qui s'entend de ce qui a trait aux qualités substantielles, à savoir la nature du bien vendu, mais également, et plus spécialement l' agencement et l'utilisation de cette dernière, en considération desquelles les parties ont contracté ;

Attendu qu'il ressort de l'ensemble des éléments qui précèdent, qu'au moment de la signature du contrat, le 12 juillet 2008, M. Davy C. et Mme Julie D. n'avaient pas toutes les informations nécessaires concernant l'implantation de leur cuisine équipée, sur leur plan de leur maison d'habitation, le plan technique, et les schémas électriques ;

Que ce défaut d'information préalable sur l'installation de cette cuisine équipée dans leur maison à construire, comportant un plan côté de la situation de la cuisine, dans leur pièce de séjour, a entraîné chez les acquéreurs un vice du consentement consistant dans une erreur sur les qualités substantielles de la cuisine équipée vendue ;

Attendu qu'il convient, en conséquence, au vu de l'ensemble de ces considérations, de débouter la SARL Stema Style de l'ensemble de ses demandes, et de confirmer le jugement entrepris dans toutes ses dispositions ;

Qu'il convient de débouter M. Davy C. et Mme Julie D. de leurs autres demandes au fond ;

2°) Sur les mesures accessoires

Attendu qu'il paraît équitable de condamner la SARL Stema à payer à M. Davy C. et Mme Julie D. la somme de 1 000 euro au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ;

Attendu que la SARL Stema qui succombe, sera condamnée aux entiers dépens.

Par ces motifs : LA COUR, Statuant publiquement, par arrêt contradictoire, Déboute la SARL Stema Style exerçant à l'enseigne Cuisinella de toutes ses demandes ; Confirme le jugement entrepris dans toutes ses dispositions ; Déboute M. Davy C. et Mme Julie D. du surplus de leurs demandes ; Condamne la SARL Stema à payer à M. Davy C. et Mme Julie D. la somme de 1 000 euro au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ; Condamne la SARL Stema aux entiers dépens.