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Décisions

CA Aix-en-Provence, 8e ch. B, 7 mai 2010, n° 07-19228

AIX-EN-PROVENCE

Arrêt

Infirmation

PARTIES

Demandeur :

Introini-Bernard

Défendeur :

IP Multimedia (SA)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Braizat

Conseillers :

Mmes Bourrel, Durand

Avoués :

SCP Primout-Faivre, SCP Boissonnet-Rousseau

Avocats :

Mes Quinchon, Palies

T. com. Salon-de-Provence, du 9 nov. 200…

9 novembre 2007

La société IP Multimédia, dénommée "Groupe Le Pelletier" jusqu'au 12 décembre 2005, est spécialisée dans la prestation de services et de conseils dans le multimédia, la communication, l'audiovisuel, la fourniture au public de services d'informations par l'intermédiaire du réseau de télématique, téléphonique et de presse, agence de publicité.

Le 5 octobre 2005, elle a conclu avec Mme Introini-Bernard, qui exerce la profession de voyante, un contrat de commercialisation de services de voyance.

Ce contrat a été résilié d'un commun accord le 31 décembre 2005.

Selon la société IP Multimédia, les relations professionnelles se seraient cependant poursuivies après la rupture. Mme Introini-Bernard lui aurait passé commande d'encarts publicitaires à insérer dans diverses revues, dont elle n'avait pas pu récupérer le coût qui lui avait été facturé par les régies publicitaires.

La société IP Multimédia a donc, le 14 mai 2007, assigné Mme Introini-Bernard devant le Tribunal de commerce de Salon-de-Provence, en paiement de la somme de 53 876,77 euro au titre de factures impayées pour les mois d'avril-mai-septembre-octobre et novembre 2006, celles des mois de juin-juillet et août 2006 ayant été réglées.

Par jugement du 9 novembre 2007, la juridiction consulaire a condamné Mme Introini-Bernard à payer à la société IP Multimédia les sommes de :

- 53 867,77 euro HT outre les intérêts au taux légal à compter du 27 novembre 2008 sur la somme de 25 119,42 euro HT,

- 2 500 euro en application de l'article 700 du CPC.

Elle a en outre rejeté les autres demandes des parties et condamné Mme Introini-Bernard aux dépens.

Mme Introini-Bernard a interjeté appel de cette décision le 27 novembre 2007.

Par arrêt du 8 février 2010, la Cour d'appel d'Aix-en-Provence a révoqué l'ordonnance de clôture du 6 octobre 2009, ordonné la réouverture des débats pour que les parties s'expliquent sur l'application en l'espèce de la loi du 29 janvier 1993 et renvoyé l'affaire et les parties à l'audience du 19 mars 2010.

Aux termes de ses dernières conclusions, déposées et notifiées le 3 mars 2010,

Mme Introini-Bernard demande à la cour de :

Vu l'article 1382 du Code civil,

Vu les dispositions de la loi du 29 janvier 1993, dite loi Sapin, notamment son article 20,

Vu les pièces produites,

Recevoir Mme Introini-Bernard en son appel,

Dire Mme Introini-Bernard bien fondée en son appel,

Infirmer en toutes ses dispositions le jugement du 9 mars 2007,

Et statuant à nouveau,

Vu les dispositions d'ordre public de la loi du 29 janvier 1993 dite loi Sapin,

Rappeler que l'article 20 de la loi Sapin, est une disposition d'ordre public,

Constater, dire et juger qu'IP Multimédia n'a pas fait signer à Mme Introini-Bernard de mandat écrit conformément à cette disposition d'ordre public de l'article 20 de la loi du 29 janvier 1993,

Constater, que la jurisprudence produite par IP Multimédia ne concerne en rien, ni la loi Sapin, ni les faits de l'espèce,

En conséquence,

Dire et juger qu'en application des dispositions impératives et d'ordre public de l'article 20 de la loi du 29 janvier 1993, la demande d'IP Multimédia n'est pas recevable ou en tout cas mal fondée,

A titre subsidiaire,

Constater, dire et juger qu'IP Multimédia et Mme Introini-Bernard ont mis fin à leurs relations contractuelles par la résiliation du contrat du 5 octobre 2006,

Constater, dire et juger que les échanges de mails et les pièces communiquées sur lesquels se fonde IP Multimédia sont insuffisants à caractériser une véritable reprise de leurs relations contractuelles,

A titre encore plus subsidiaire,

Constater, dire et juger que les publicités litigieuses ont bénéficié exclusivement à l'activité voyance d'IP Multimédia,

Constater que leur coût n'a, par conséquent, pas à être supporté par Mme Introini-Bernard,

Constater que les relations contractuelles entre IP Multimédia et Mme Introini-Bernard n'ont jamais mis à la charge de cette dernière le coût des publicités litigieuses,

En conséquence,

Réformer le jugement du 9 novembre 2007 en ce qu'il a condamné Mme Introini-Bernard à payer à la société IP Multimédia la somme de 53 867,42 euro plus 2 500 euro au titre de l'article 700 du CPC,

Débouter IP Multimédia de toutes ses demandes, fins et conclusions,

En tout état de cause et reconventionnellement,

Condamner IP Multimédia au paiement de 500 000 euro pour préjudice matériel,

Condamner IP Multimédia au paiement de 200 000 euro pour préjudice moral,

Condamner IP Multimédia au paiement de 100 000 euro pour procédure abusive,

Condamner IP Multimédia au paiement de 60 000 euro au titre de l'article 700 du CPC,

Condamner IP Multimédia au remboursement de tout ce qui a été versé en exécution du jugement de première instance,

Condamner IP Multimédia en tous les dépens d'instance et d'appel, ceux d'appel distraits.

Par ses dernières conclusions, notifiées et déposées le 5 mars 2010, la société IP Multimédia demande à la cour de :

Vu les dispositions des articles 1134, 1108, 1316-1, 1787 et 1382 du Code civil,

Vu les articles L. 110-3 et L. 123-9 du Code de commerce,

Vu les dispositions de l'article 559 du CPC,

Vu l'ensemble des pièces produites au soutien des présentes :

Juger qu'une relation contractuelle a bien existé entre avril 2006 et novembre 2006 entre la société IP Multimédia et Mme Introini-Bernard, ayant toutes deux la qualité de commerçantes, et que la société IP Multimédia justifie avoir exécuté les prestation commandées par les divers courriers électroniques de Mme Introini-Bernard, qui constituent une preuve par écrit aux termes de l'article 1316-1 du Code civil,

Confirmer le jugement en date du 9 novembre 2007 en ce qu'il a condamné Mme Introini-Bernard à payer à la concluante la somme de 53 876,77 euro HT outre les intérêts au taux légal à compter du 26 novembre 2006 sur la somme de 25 119,42 euro HT, outre la somme de 2 500 euro au titre de l'article 700 du CPC,

Constatant que la décision dont appel ne mentionne pas le montant TTC des sommes dues par Mme Introini-Bernard,

Dire et juger que la condamnation de Mme Introini-Bernard porte sur la somme de 53 876,77 euro HT, soit 64 436,61 euro TTC, outre les intérêts au taux légal à compter du 26 novembre 2006 sur la somme de 25 119,42 euro HT soit sur la somme de 30 042,82 euro TTC,

Le réformant et y ajoutant :

Condamner Mme Introini-Bernard à payer à la société IP Multimédia la somme de 15 000 euro à titre de dommages et intérêts en réparation de son préjudice,

Débouter Mme Introini-Bernard de l'ensemble de ses demandes,

La condamner à payer à la société IP Multimédia la somme de 10 000 euro sur le fondement de l'article 700 du CPC,

La condamner aux entiers dépens de première instance et d'appel.

MOTIFS DE LA DÉCISION :

Sur les demandes de la société IP Multimédia :

Attendu qu'il résulte des dispositions de la loi du 29 janvier 1993, dite "Loi Sapin" et notamment de son article 20 :

- que tout achat d'espace publicitaire ou de prestation ayant pour objet l'édition ou la distribution d'imprimés publicitaires ne peut être réalisé par un intermédiaire que pour le compte d'un annonceur et dans le cadre d'un contrat écrit de mandat,

- que le contrat doit préciser les conditions de rémunération du mandataire intermédiaire, en détaillant, s'il y a lieu, les diverses prestations qui seront effectuées dans le cadre de ce contrat de mandat, et le montant de leurs rémunérations respectives,

- que le contrat doit également faire mention des autres prestations rendues par l'intermédiaire en dehors du contrat de mandat et le montant global de leur rémunération ;

Que ces dispositions sont d'ordre public ;

Attendu qu'il est constant que la société IP Multimédia a acheté des encarts publicitaires auprès de plusieurs sociétés pour le compte de Mme Introini-Bernard et que le contrat écrit qui liait les parties a été résilié le 31 décembre 2005 ;

Attendu que la société IP Multimédia soutient qu'après cette date, Mme Introini-Bernard a souhaité poursuivre leur collaboration mais n'aurait pas voulu un nouveau contrat écrit pour jouir "d'une plus grande liberté" ;

Que la société IP Multimédia prétend qu'ainsi, elle aurait, courant 2006, acheté des espaces publicitaires pour Mme Introini-Bernard, et, en accord avec elle, avait fait l'avance des paiements aux requis, des insertions publicitaires ;

Que selon l'intimée, la preuve de ce contrat consensuel, résulterait des divers mails échangés et également du paiement, par Mme Introini-Bernard, des factures de juin, juillet et août 2006, concernant des prestations analogues à celles dont elle réclame aujourd'hui le paiement ;

Mais attendu que, non seulement les faits allégués ne sont pas démontrés, mais surtout, il n'est produit par la société IP Multimédia aucun document conforme aux dispositions susvisées de la loi du 29 janvier 1993 ;

Attendu que dès lors, Mme Introini-Bernard qui conteste avoir commandé les prestations objet des factures litigieuses, ne saurait être condamnée à les payer ;

Qu'en conséquence, le jugement entrepris sera infirmé en toutes ses dispositions et la société IP Multimédia sera déboutée de toutes ses demandes ;

Sur les demandes de Mme Introini-Bernard :

Attendu que Mme Introini-Bernard, qui prétend avoir subi un grave préjudice matériel et moral, ne prouve pas la réalité des agissements qu'elle dénonce, ni même à les supposer établis, leur relation avec la baisse de son chiffre d'affaires et son état de santé ;

Qu'elle sera donc déboutée de ses demandes de dommages et intérêts à ce titre ;

Attendu par ailleurs que l'intimée, qui ne démontre pas en quoi l'exercice par la société IP Multimédia de son droit d'ester en justice, a dégénéré en abus, sera également déboutée de sa demande de dommages et intérêts ;

Attendu que l'intimée réclame encore la restitution des sommes qu'elle a versées en exécution du jugement déféré qui était assorti de l'exécution provisoire ;

Mais attendu que le présent arrêt, infirmatif, emporte de plein droit restitution et constitue le titre exécutoire ouvrant droit à cette restitution ;

Qu'il n'y a donc pas lieu de statuer sur cette demande ;

Sur l'article 700 du CPC et les dépens :

Attendu que l'équité commande de faire application des dispositions de l'article 700 du CPC au profit de Mme Introini-Bernard ;

Attendu que la société IP Multimédia, partie perdante, sera condamnée aux dépens de première instance et d'appel ;

Par ces motifs : LA COUR, Statuant publiquement, contradictoirement, en matière commerciale et en dernier ressort. Infirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions. Statuant à nouveau : Déboute la SA IP Multimédia de toutes ses demandes. Déboute Mme Introini-Bernard de ses demandes de dommages et intérêts en réparation de son préjudice matériel et de son préjudice moral. La déboute encore de sa demande de dommages et intérêts pour appel abusif. Dit n'y avoir lieu à statuer sur la demande de restitution des sommes versées en vertu de l'exécution provisoire attachée au jugement déféré à la cour. Condamne la SA IP Multimédia à payer à Mme Introini-Bernard une somme de 3 000 euro en application de l'article 700 du CPC. Rejette toute autre demande. Condamne la SA IP Multimédia aux dépens de première instance et d'appel, ces derniers pouvant être recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du CPC.