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Décisions

CA Orléans, 31 janvier 2008, n° 07-02154

ORLÉANS

Arrêt

Infirmation

PARTIES

Demandeur :

Aubrais Distribution (SA)

Défendeur :

Consortium Européen de Publicité Professionnelle (SARL)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Remery

Conseillers :

Mme Magdeleine, M. Monge

Avoués :

SCP L.-L, SCP D.-D

Avocats :

S.-G.-M, SCP L

T. com. Orléans, du 20 Avril 2005

20 avril 2005

Exposé :

La présente décision fait suite à l'arrêt de ce siège prononcé le 16 mars 2006, auquel il y a lieu de se référer pour plus ample exposé des éléments de la cause.

Il suffira de rappeler ici que selon déclaration enregistrée au greffe le 20 mai 2005 la cour est saisie par la SA Aubrais Distribution, qui exploite à Fleury les Aubrais (Loiret) un magasin à grande surface à l'enseigne "Leclerc", d'un appel contre le jugement du Tribunal de commerce d'Orléans rendu le 20 avril 2005 qui l'a condamnée à payer à la SARL Consortium Européen de Publicité Professionnelle dite CEPP les sommes de 1 2313,43 euro et 3 493,22 euro pour prix de deux ordres d'insertion indiqués comme passés les 21 août et 3 septembre 1998 en vue de la parution de publicités dans deux revues ou ouvrages respectivement dénommés "Guide Individuel de l'Entreprise" et "Référence Qualité" ; que l'appelante avait demandé qu'il fût sursis à statuer dans l'attente du jugement pénal d'une affaire dans laquelle elle avait déposé plainte pour escroquerie, faux et usage de faux à l'encontre de monsieur F. dirigeant de CEPP du chef des bons de commande litigieux ; que par arrêt du 16 mars 2006 la cour a sursis à statuer jusqu'à décision définitive de la juridiction pénale sur le renvoi de monsieur F., dirigeant de CEPP devant le Tribunal correctionnel de Créteil pour escroquerie et tentative d'escroquerie au préjudice de la SA Aubrais Distribution en ordonnant le retrait administratif de l'instance ; et que l'affaire a fait l'objet d'une remise au rôle au vu du jugement du 3 juillet 2006 du Tribunal de Créteil qui a relaxé monsieur F. des fins de la poursuite et débouté Aubrais Distribution de sa constitution de partie civile.

Aux termes de ses dernières conclusions récapitulatives, signifiées et déposées le 21 novembre 2007, la SA Aubrais Distribution demande à titre principal à la cour d'ordonner une expertise en écriture en vue d'examiner les signatures imputées à son ancien dirigeant monsieur M. et de déterminer si elle émanent en effet de celui-ci, faisant valoir que le juge pénal a relaxé le prévenu en raison des insuffisances manifestes de l'instruction mais que monsieur M. a toujours affirmé n'avoir pas signé les bons à tirer, ce qui est d'autant plus crédible que les publications concernées ne présentaient aucun intérêt pour l'entreprise.

Indiquant que l'information judiciaire a permis de mettre en lumière les pratiques commerciales inadmissibles de CEPP dont le tribunal n'a d'ailleurs pas manqué d'indiquer qu'elles étaient contestables sur le plan civil et commercial, l'appelante conclut subsidiairement au rejet des prétentions adverses et à l'infirmation du jugement entrepris en arguant de la nullité de la convention invoquée à son encontre, soutenant d'une part sur le fondement des articles 1116, 1117, 1134 et 1135 du Code civil qu'elle a été victime d'une vente forcée assimilable à un dol, que personne ne peut déterminer les circonstances dans lesquelles le bon de commande aurait été signé et que le chiffrage de la réclamation est fantaisiste puisqu'après une première demande formulée à hauteur de 7 959,60 francs, CEPP en a présenté sans aucune explication une seconde pour 22.914 francs, et objectant d'autre part sur le fondement de l'article 20 de la loi du 29 janvier 1993 que la convention invoquée est irrégulière faute de signature d'un mandat écrit.

La société CEPP conclut dans ses écritures récapitulatives signifiées et déposées le 4 décembre 2007 à la confirmation de la décision entreprise et demande à la cour de lui allouer sur sa créance le bénéfice de la capitalisation des intérêts échus au-delà d'une année entière en répondant que la décision de relaxe aujourd'hui définitive prononcée par la juridiction pénale interdit à la juridiction civile de retenir une quelconque imitation de la signature du représentant légal d'Aubrais Distribution ou un vice du consentement par voie de manœuvres frauduleuses ; que la somme réclamée correspond aux deux factures impayées ; et que le moyen tiré de l' article 20 de la loi du 29 janvier 1993 est inopérant puisque CEPP, expressément désignée dans les bons de commande, est co-contractante et prestataire.

L'instruction a été clôturée par une ordonnance du 11 décembre 2007, ainsi que les avoués des parties en ont été avisés.

A l'issue des débats, le président d'audience a indiqué aux parties que l'arrêt serait rendu le 31 janvier 2008.

Motifs de la décision :

Attendu que poursuivi sous les préventions d'avoir escroqué ou tenté d'escroquer la société Aubrais Distribution en employant des manœuvres frauduleuses consistant à falsifier des bons de commande et d'avoir altéré frauduleusement la vérité d'un écrit au préjudice de ladite société en falsifiant des bons de commande, le dirigeant de la société CEPP a été relaxé des fins de la poursuite par décision aujourd'hui définitive du 3 juillet 2006 qui a également débouté la SA Aubrais Distribution de sa constitution de partie civile ;

Attendu dans ces conditions qu'il n'y a pas lieu de faire droit à la demande d'expertise en écriture formulée par la société Aubrais Distribution au motif que son dirigeant en fonction à l'époque considérée aurait toujours affirmé n'être pas le signataire des documents produits par la SARL CEPP, étant relevé d'une part qu'outre la signature contestée l'ordre d'insertion du 21 août 1998 et le bon de commande du 3 septembre 1998 produits par l'intimée supportent également le cachet de la SA Aubrais Distribution, que celle-ci n'argue pas d'altération ou de montage sans s'expliquer pour autant sur son apposition, et étant observé d'autre part que l'intimée produit aussi en original le bon à tirer exempt de toute altération ou trace de montage sur lequel cette même signature et ce même cachet apparaissent dans le cartouche réservé à l'annonceur ;

Attendu ensuite que l'appelante ne prouve pas avoir souscrit ces deux commandes litigieuses sous l'effet d'un dol, la référence qu'elle fait aux éléments recueillis durant l'information judiciaire sur les méthodes insistantes prétendument utilisées par les préposés de CEPP pour obtenir la souscription d'ordres de publicité ne suffisant pas à démontrer qu'elle aurait elle-même été personnellement victime des pratiques qu'elle fustige, ni d'ailleurs en tout état de cause qu'il se serait agi de procédés propres à vicier son consentement au sens des articles 1116 et 1117 du Code civil ou constitutifs d'une vente forcée;

Attendu en revanche que la société Aubrais Distribution est fondée à invoquer l'irrégularité des conventions litigieuses au regard de la loi du 29 janvier 1993 ;

Attendu en effet que ce texte légal dispose que tout achat d'espace publicitaire ou de prestation ayant pour objet l'édition ou la distribution d'imprimés publicitaires ne peut être réalisé par un intermédiaire que pour le compte d'un annonceur et dans le cadre d'un contrat écrit de mandat fixant les conditions de la rémunération du mandataire en détaillant s'il y a lieu les diverses prestations qui seront effectuées dans le cadre de ce contrat et le montant de leur rémunération respective, ainsi que les autres prestations rendues par l'intermédiaire en dehors du contrat de mandat et le montant global de leur rémunération ;

Que CEPP ne justifie pas de la souscription par Aubrais Distribution de mandats répondant à ces exigences légales ;

Et attendu que l'intimée ne peut utilement prétendre qu'un tel mandat n'aurait pas eu lieu d'être en l'affaire au motif qu'il n'existait aucun intermédiaire pour les deux opérations et qu'elle était elle-même le prestataire, alors que l'ordre d'insertion du 21 août 1998 et le bon de commande du 3 septembre 1998 énoncent le contraire, le premier, conclu entre Aubrais Distribution et CEPP, se référant expressément à un mandat dans le deuxième paragraphe de ses conditions générales où il était stipulé que "le mandant est en droit de refuser toute insertion publicitaire dont le caractère ou l'esprit n'entre pas dans le cadre de la publication", ce qui exprime nécessairement que CEPP n'était pas elle-même l'éditeur de la revue dans laquelle devait paraître l'encart publicitaire, et le second, conclu sans indication explicite du co-contractant d'Aubrais Distribution sur un formulaire à l'en-tête Référence Qualité" et mentionnant en pied de page "FDPP (Française de Diffusion et de Distribution Publicitaire) [...] "énonçant dans les conditions générales reproduites au recto que "la recherche publicitaire, l'édition, la mise en page sont confiées à un organisme privé, la SARL CEPP, au capital de 50 000 F, RCS Paris B 383 784 121 Code APE 744 A-Siret 383 784 121 00048, qui se réserve le droit de refuser ou de demander la modification des textes soumis en vue d'insertion qui ne correspondraient pas au caractère de la publication", formulation qui postule qu'Aubrais Distribution contractait non pas avec CEPP mais avec un intermédiaire ;

Attendu que les contrats invoqués ne satisfaisant pas aux exigences légales, ils ne peuvent fonder une demande en paiement ;

Que la société CEPP apparaît donc mal fondée en sa réclamation et doit en être déboutée, ce qui implique l'infirmation du jugement entrepris ;

Par ces motifs, LA COUR, statuant publiquement, par arrêt contradictoire et en dernier ressort : Infirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions et statuant à nouveau : Dit n'y avoir lieu à expertise en écriture, Déboute la SARL Consortium Européen de Publicité Professionnelle dite "CEPP" de tous ses chefs de prétentions, Condamne la société CEPP aux dépens de première instance et d'appel et à payer à la SA Aubrais Distribution une indemnité de procédure de 2 000 euro (deux mille euro) en application de l'article 700 du Code de procédure civile Accorde à la SCP L. & L., titulaire d'un office d'avoué, le droit à recouvrement direct reconnu par l'article 699 du nouveau Code de procédure civile.