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Décisions

CA Toulouse, 2e ch. sect. 2, 2 mai 2012, n° 10-03924

TOULOUSE

Arrêt

Infirmation

PARTIES

Demandeur :

New River (SARL)

Défendeur :

Naturactive Laboratoires Pierre Fabre (SARL)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Legras

Conseillers :

Mme Salmeron, M. Delmotte

Avocats :

SCP Nidecker Prieu Jeusset, SCP Château, SCP Bugis Peres Ballin Renier Alran, Me Morata

T. com. Castres, du 28 juin 2010

28 juin 2010

Exposé des faits :

La SARL New River a pour activité l'exploitation d'une agence de publicité et de communication. Elle a été approchée en octobre 2004 par la société Plantes et Médecine devenue Naturactive Laboratoires Pierre Fabre (ci-après société NLPF) qui entendait lui confier la réalisation d'une campagne de communication pour une ligne de produits dits "Soja+".

Un devis a été établi le 17 novembre 2004 en 5 points pour un montant HT de 19 508, 20 euro et validé par la société NLPF le 1er décembre 2004.

A la demande de la société NLPF, le devis a été modifié sur les points 3 et 4 du devis concernant la durée d'utilisation d'une mannequin ramenée à une journée et non plus deux et la durée de cession des droits d'utilisation portée à deux ans et non plus un an. Une facture a été établie le 17 janvier 2005 et validée par NLPF pour un montant de 5 218,44 euro HT et réglée le 3 mars 2005.

Le montant du devis initial était ramené à 14 988,20 euro HT auquel il fallait rajouter le montant de la facture du 17 janvier 2005 soit 5 218,44 euro HT.

La SARL New River est intervenue à plusieurs reprises pour que soit planifiée la prestation et qu'elle démarre dès avril 2005.

Par mail du 17 mars 2005, la société NPLF informait la SARL New River qu'elle mettait un terme à leur collaboration et demandait qu'on lui adresse la facture.

Par courrier du 31 mars 2005, la SARL New River faisait part de sa surprise et de son souci de préserver de futures relations commerciales et consentait, à titre exceptionnel et commercial, un avoir de 4 330 euro HT.

Le 25 avril 2005, la société NLPF contestait le montant de la facture.

Après moultes tentatives de règlement amiable, la SARL New River a fait assigner la société NLPF en paiement devant le Tribunal de commerce de Nanterre qui a jugé l'assignation nulle, la société Pierre Fabre Santé n'existant plus suite à une fusion absorption.

Une nouvelle assignation a été délivrée le 17 mars 2009 devant le Tribunal de commerce de Castres.

Par jugement du 28 juin 2010, le Tribunal de commerce de Castres a :

- fixé l'indemnisation due par la société Naturactive Laboratoires Pierre Fabre (NLPF) à la SARL New River à la somme de 5 820,22 euro TTC,

- ordonné la compensation de cette somme avec celle due au titre de l'article 700 du Code de procédure civile octroyée par le Tribunal de commerce de Nanterre pour 1 320,22 euro TTC,

- condamné en conséquence la société NLPF à payer à la SARL New River la somme de 4 499,44 euro TTC avec intérêts de droit à compter de l'assignation en date du 17 mars 2009,

- débouté les parties de leurs plus amples demandes,

- condamné la société NLPF aux dépens.

Par déclaration en date du 16 juillet 2010, la SARL New River a relevé appel du jugement.

L'ordonnance de clôture a été fixée au 13 février 2012.

Moyens des parties

Par conclusions notifiées le 12 novembre 2010 auxquelles il est fait expressément référence pour l'énoncé du détail de l'argumentation, la SARL New River demande de réformer le jugement, de condamner la société Naturactive Laboratoires Pierre Fabre à lui payer 14 988,20 euro hors taxes au titre du préjudice subi, 3 000 euro au titre de l'atteinte portée à son image et à sa crédibilité et 3 000 euro en application de l'article 700 du Code de procédure civile.

Sur le contenu des accords contractuels, il ne fait aucun doute du fait du règlement de la facture du 17 janvier 2005 effectué dès le 3 mars 2005 : devis initial était rapporté à 14 998,20 euro HT et il fallait rajouter la facture réglée le 5 mars soit 5 218,44 euro ; par conséquent, au total, la prestation valait 20 206,64 euro HT hors frais de déplacements.

Sur les circonstances de la rupture des relations, le tribunal a considéré que la rupture ayant été précédée d'une réunion le 17 mars 2005 au cours de laquelle certains accords ont été pris, la rupture n'est ni brutale ni abusive, alors que la réunion a été initiée par la SARL New River pour fixer le démarrage de la prestation et alors qu'elle avait normalement poursuivi l'accomplissement de sa mission sans pouvoir imaginer qu'il serait mis un terme à la relation ; le mail du 17 mars 2005 mentionne "je vous confirme que nous mettons un terme à notre collaboration (...)". Le caractère brutal de la rupture est établi à défaut d'information préalable et son caractère abusif également à défaut de motifs invoqués. La lettre du 31 mars 2005 adressée par la SARL New River établit qu'il n'y avait pas eu d'accord préalable ferme et que des conditions étaient posées. La société NLPF n'a répondu que le 25 avril pour contester le montant de la facture et revenir sur les termes de l'accord du 17 mars 2005.

Sur le préjudice, elle insiste sur les multiples tentatives de règlement préalable avant de se résoudre à assigner.

Elle demande le règlement de la somme prévue soit 14 988,20 euro. En outre, elle a subi une atteinte à son image puisqu'elle avait prévu de faire intervenir d'autres prestataires de services habituels dans ce type de programme publicitaire et ces derniers avaient déjà établi des devis, l'opération étant définitivement conclue. Enfin, elle s'était prévalue de cette collaboration avec le Groupe Fabre et de cette référence attractive pour la clientèle.

Par conclusions notifiées le 16 juin 2011 auxquelles il est fait expressément référence pour l'énoncé du détail de l'argumentation, la société Naturactive Laboratoires Pierre Fabre anciennement SARL Plantes et Médecines demande de confirmer le jugement et de lui allouer 1 500 euro en application de l'article 700 du Code de procédure civile.

Elle fait valoir que la rupture n'a pas été brutale ; il y a bien eu réunion avant le mail de confirmation et elle a toujours reconnu devoir indemniser son partenaire de cette rupture. L'accord n'a jamais pu intervenir du fait de l'exagération des demandes. En outre, elle a attendu 4 ans après l'assignation non aboutie devant le Tribunal de Nanterre.

Dans sa réponse du 25 avril 2005, elle ne conteste que la réclamation portant sur les droits d'utilisation des photos.

La SARL New River ne peut demander le règlement du devis initial dès lors que les prestations n'ont pas été accomplies et ce d'autant plus qu'elle a déjà réglé la facture du 17 janvier 2005 qui comprenait une cession de droits d'utilisation inutile puisque la campagne publicitaire s'est achevée pour 3 240 euro HT outre 559,03 euro HT d'honoraires.

Elle admet le remboursement des frais d'ores et déjà exposés soit au total 2 196,82 euro, le règlement de la rémunération de mise en œuvre au titre des photographies soit 1 000 euro HT ou 3 392,81 euro TTC.

Au titre des frais d'agence, elle conteste les chiffres demandés et ce d'autant plus qu'elle a déjà versé des sommes à ce titre ; la SARL New River ne peut donc obtenir que réparation d'une perte de chance mais n'apporte aucun élément pour calculer la marge brute.

Enfin, la SARL New River ne justifie pas avoir subi un préjudice en terme d'atteinte à son image.

Motifs de la décision :

- Sur la rupture brutale et abusive du contrat :

La SARL New River a fondé son action sur l'article 1134 du Code civil pour rupture brutale et abusive des relations contractuelles.

Le contrat portait sur des prestations de publicité et de communication à durée indéterminée.

La faculté de résiliation unilatérale ne constitue pas une prérogative discrétionnaire ; l'auteur de la rupture qui n'avertit pas son cocontractant quelque temps à l'avance afin de lui permettre de retrouver un partenaire rompt abusivement.

En l'espèce, la société NPLF reconnaît qu'elle a pris l'initiative de la rupture du contrat et le droit à indemnisation de la SARL New River qui en découle mais conteste le caractère abusif de cette rupture.

La cour relève que la rupture a été annoncée par la société NPLF, sans aucune information préalable à cette fin, lors de la réunion du 17 mars 2005 provoquée par la SARL New River qui voulait, selon elle, mettre en place le calendrier de progression des prestations à réaliser. La société NPLF a confirmé par mail du même jour son intention de mettre un terme à leur collaboration.

A défaut d'un quelconque délai de préavis ou de mise en demeure sur les manquements éventuellement reprochés avant de signifier la rupture à son partenaire, la rupture doit être qualifiée de brutale contrairement aux motifs des premiers juges. Le jugement sera donc infirmé.

- Sur les préjudices subis :

La partie lésée du fait de la rupture brutale des relations contractuelles peut demander la réparation de tous les préjudices liés directement à cette rupture brutale.

La SARL New River sollicite à bon droit la réparation du préjudice économique lié à la perte des recettes attendues de l'exécution du contrat et la réparation de l'atteinte à son image. Il convient d'examiner la réalité des préjudices allégués.

Sur les sommes dues au titre du contrat, elle était en droit de recevoir du premier devis du 17 novembre 2004 accepté et modifié, sur le point 4 "modèle femme 45/55 ans" par devis du 17 janvier 2005, la somme de 19 508,20 euro - (2 400 +2 120) + 5 218,44 euro = 20 206,64 euro HT.

Ce second devis a été accepté et réglé le 3 mars 2005.

La société NPLF fait valoir que ce second devis comprenait des cessions de droit liés aux photographies de la mannequin qui n'avaient plus de cause juridique dès lors que les photos ne devaient plus être réalisées ; le prix de cette cession de droits sur deux ans s'élevaient à 3 240 euro HT. La prestation à réaliser se limitait donc au total à 16 966,64 euro HT. Eu égard aux sommes déjà versées, la SARL New River pouvait encore escompter recevoir 11 748,20 euro de facturation.

Pour justifier du travail déjà effectué, la SARL New River produit diverses factures de sociétés d'imprimerie, de photogravures, de retouche de photo et de frais de déplacements ainsi que les premières ébauches de photos et documents publicitaires.

Tenant compte de l'ensemble de ces éléments, la cour estime à 6 000 euro le montant des dommages-intérêts dus à la SARL New River du chef du préjudice économique subi après règlement par la société NPLF du second devis de 5 218,44 euro.

Sur l'atteinte portée à son image du fait des engagements pris auprès de tiers pour exécuter les prestations commandées, la SARL New River ne produit aucun justificatif de nature à établir ce grief ; aucune pièce n'est produite de nature à étayer des plaintes de partenaires et à établir une quelconque baisse des carnets de commandes ou du chiffre d'affaires de la société. La SARL New River sera déboutée de sa demande de dommages-intérêts au titre de l'atteinte à son image.

Sur les demandes annexes :

La société NPLF qui succombe supportera la charge des dépens de première instance et d'appel.

Par ces motifs : LA COUR, - infirme le jugement, et, statuant à nouveau, - condamne la société Naturactive Laboratoires Pierre Fabre à verser à la SARL New River 6 000 euro de dommages-intérêts, - condamne la société Naturactive Laboratoires Pierre Fabre aux dépens de première instance et d'appel, - autorise la SCP Nidecker-Prieu-Jeusset, avocats, à recouvrer directement les dépens d'appel dont elle aurait fait l'avance sans avoir reçu provision conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile, Vu l'article 700 du Code de procédure civile, - condamne la société Naturactive Laboratoires Pierre Fabre à payer à la SARL New River la somme de 2 000 euro.